vendredi 28 avril 2023

L'être et le néon

 Je suis tombée par hasard sur la dernière livraison de Nicolas Winding Refn (NWR, comme il a décidé de se brander lui-même pour des raisons évidentes de nom foireux) qui, ce petit coquin, est parti jouer sur Netflix après avoir truandé Amazon d'une coquette somme pour son particulier Too young to die old, polar mou au protagoniste poisson rouge. J'ai donc regardé Copenhague Cowboy avec circonspection, me rappelant des longues heures passées à contempler le vide de TYTDO qui était comment dire… un peu trop NWR pour moi (= une succession de plans vides que traverse un personnage hébété à l'expression vide entouré de néons fluos entrecoupés de scène de violence gore et muettes). Mais cette fois-ci, je trouve ça bien réussi!

 On reste dans la pègre et les ripou, chez les ultras riches et les vieux dégueus libidineux qu'on trouvait un peu partout dans TYTDO, mais cette fois-ci donc un joli triptyque épique plein de rebondissements porcins.

 Mia est une jeune pauvrette, à la mine menue et au cheveux triste, vendue comme porte-bonheur à une Madame serbe qui a besoin de chance. Pas de chance, à force de faire chier Mia, la Madame en question finit par ne plus en avoir de chance. Mia est donc expédiée au sous-sol avec les autres filles, harem glauque d'un pimp chanteur de turbo folk un peu flippant. La deuxième partie de de tryptique, c'est Madame Moor, une petite chinoise menue elle aussi qui tient un restaurant toujours vide où aime à dîner un boss de la mafia chinoise qui gère un business difficile à définir (en tout cas, pas l'horeca) mais qui a l'air de faire pas mal de victimes. Là aussi, une histoire de fille enlevée et de vassalité donne à Mia moult excuses pour s'interposer e faire quelques beaux mouvements de kung-fu.  Le dernier volet, qui entrecoupe le reste de l'histoire, se passe dans un château plutôt chic, peuplé d'un couple de vieux beaux au fils unique… particulier. Celui-ci, toujours tapi dans l'ombre, s'entrelace aux deux autres histoires sans jamais servir à grand-chose, si ce n'est donner prétexte à de belle scène de cochonnades (au sens propre comme figuré). Mia navigue entre ces différents cinglés, droite dans son training et peu impressionnée par tout ce bordel.

 C'est assez bien foutu et la déclinaison en trois arcs rend l'ensemble un peu moins lourd – il se passe de trucs quoi – par rapport à TYTDO qui semblait n'en jamais finir d'aller nulle part. La concentration de mecs bizarre au m2 reste assez effrayante et devrait nous avertir quant à l'opportunité d'aller vivre au Danemark, mais je m'égare.

Du point de vue visuel, on est quand même un peu toujours dans le même délire: des espace vides, des gros néons, des visages impassible, des explosage de têtes. Il y a des jolis combats, chorégraphiés comme il faut – je ne sais pas si l'élément chinois sert de prétexte au kungfu ou l'inverse, mais osef en fait – et on s'amuse donc beaucoup. Bande-son canon mais ça c'est toujours le cas et toujours les mêmes obsessions: la beauté, la jeunesse, l'exploitation des corps, la pègre; les poupées désincarnées dans des vitrines de couleurs qui brillent dans la ville morte, la nuit.

 Copenhague cowboy, NWR, 2023

jeudi 27 avril 2023

Vers l'infini et au-delà

 J'ai eu récemment l'insigne privilège de me rendre au BIFF, dans cette nouvelle contrée lointaine qu'est le plateau du Heyzel, sorte de décor post-apcolyptico-stalinien d'une autre époque qui est, à en croire la région Bruxellois, le futur de la ville. Hé bien c'est pas mal. C'est loin, me direz-vous, mais c'est tout près de chez moi donc je m'en fous pas mal. Entre autres films pas mauvais (Life for sale, n'importe quoi mais mignon comme tout) ou tout à fait mauvais (Saturn Bowling, une aventure de l'inspecteur Dumou avec un tueur en série charismatique comme un mollusque sans nom), j'ai eu la chance de voir Infinity Pool du fils Cronenberg.

Comme un graphiste post-moderne a fait le title shot du générique, on dirait que le film s'appelle Infinity Puul donc ça commence assez bien.


On y suit James, écrivain ultra gaulé à la belle chemise qui prend des vacances en Croatie  sur une île ultra chelou où les riches sont confinés dans leur hôtel pendant que rôdent des autochtones sans foi ni loi prêts à tout pour en découdre (ils font du quad sur la plage et écrasent même le chapeau d'une dame, ça fait froid dans le dos). On se croirait dans le métro de Charleroi. Bref. James est accompagné de sa femme, dont je n'ai pas retenu le nom car je l'ai nommée dès le début Mérou-sans-frontière, vu la taille de ses lèvres (qui semblent augmenter au cours du film, d'où l'adjonctif 'sans-frontière'). James a écrit un livre et doit en écrire un deuxième. Sa femme ne doit rien faire du tout et est donc surtout là pour signer les factures. Tout est donc extrêmement jovial et sympathique, jusqu'à ce qu'ils fassent la connaissance de Mia Goth dont je ne me rappelle pas du nom et de son mec, Ratiches Suisses. Quoi de mieux que de rencontrer un couple en vacances! C'est sûr, on va bien s'amuser et faire les fous. Bon bref, les deux décident donc de partir faire un tour sur l'île, ha la bonne idée et pan, c'est l'accident.

 

S'ensuit une histoire ultra bizarre mixant clonage, privilège de classe et ultra-violence en bande. Je ne sais même pas comment décrire ce truc mais c'est dans l'ensemble bien foutu: il se passe toujours quelque chose (comme à Walibi ou aux galeries Lafayette) et chacun pourra y trouver son compte. Les images sont plutôt bien foutues, la bande-son un peu indus dépouillée fonctionne bien, et Alexander Skarsgard est comme à son habitude tout nu et couvert de sang, donc je dirait que c'est un win-win-win. Reste qu'il faut se taper Mia Goth et son accent british, mais bon, l'espoir qu'elle meure à la fin fait vivre!

 

Côté Cronenberg, on retrouve la papatte du fiston qu'on voyait déjà l'œuvre dans Possessor, pas chroniqué ici: des petites séquence hallucinatoires stroboscopiques, du cul gentiment décadent et des longs plans vides. On retrouve un peu de l'ambiance de Papa avec quelques anatomies douteuses et des explosages de têtes aux détails bien soignés (même si peu réalistes). Il y a aussi quelque chose en lui de Tenessee  J.G. Ballard, qui est un peu l'âme sœur littéraire de Cronenberg pour moi (Crash est sans doute une des meilleure adaptation de livre au cinéma): on pense beaucoup à Super Cannes pour le côté futur balnéaire et un peu à High Rise pour le côté lutte des classe.

 

Infinity Puul, Cronenberg, 2023

Super-Cannes, J.G. Ballard, 2000

High Rise, J.G.Ballard, 1975

mardi 30 août 2022

The Expanse

 Après avoir erré un certain temps sur mes divers comptes de TV on demand, j'ai fini par m'intéresser à ce beau morceau qu'est The Expanse.Sans vraiment savoir où je mettais les pieds, je m'y suis mise, sans grande conviction à la base.

Alors pour être honnête, le début n'est pas toujours super foufou. Plein d'explication sur plein de trucs avec beaucoup trop d'informations à retenir.. pffoui. Je préférais Selling sunset. Mais bon, au bout de 4 épisodes, j'ai enfin commencé à capter quelque chose, dans un unnivers finalement pas si compliqué.

Nous sommes en (vachement loin dans le futur, mais pas précisé), dasn le futur donc, et la Terre, Mars et le reste du système forment trois entités plus ou moins politiques, plus ou moins en guerre, plus ou moins exploitées les uns par les autres. Dans le tas, les Belter sont les moins bien lotis - les pauvres n'ont même pas de planètes et vivent dans des vaisseaux sans jamais voir la lumière du jour ou sentir le petit crachin bruxellois sur leur peau (un peu verdâtre). Les terriens sont pareils à eux-mêmes, un peu des gros enculés mais avec beaucoup de sentiments. Les martiens (qui ne sont, attention pas DU TOUT des martiens, mais bien des humains qui vivent sur Mars donc, mais genre depuis super longtemps grosse déception donc) sont aussi de beaux enculés en puissance sauf qu'ils n'ont pas d'atmosphère, les pauvres.  Et ne peuvent donc pas non plus sentir la douce brise pollué qui nous caresse le visage certains soir de smog, le long du canal. Fi, que ces gens sont misérables. 

Notre histoire commence quand un type (Holden) entend un appel à l'aide. Comme souvent dans l'espace, c'est une très mauvaise idée d'y aller, alors il y va. Quelle mauvaise idée en fait! Le voilà pulvérisé mais vivant, avec deux trois bras cassés qu'il recueille tels des petits chatons galactiques et forme un nouvel équipage, que dis-je, une petit famille de l'espace qui va se mettre en quête de vérité! Très beau.

Tout cela les mène à moult découvertes, dont celle de la protomolécule, un composé hyper cool, au nom visiblement chié en dernière minutes par un stagiaire, et qui a l'air à la fois super puissant mais aussi super dangereux... Serait-ce une arme? Le future de l'humanité? Who knows, it's nebulose. 

Difficile d'en dire plus sans en dire trop, mais sachez que cette protopute va nous en faire voir des vertes et des pas mûres. 

Dans l'ensemble, le scénario se tient bien, surtout au niveau géopolitique (un délice à voir en ces temps troublés où l'Occident est en train de faire un gros caca sur la démocratie à l'Est). Les factions sont relativement crédibles, avece des méchants, des gentils, des couci-couça et toujours notre petite famille de l'espace qui fait durer l'histoire bien au-delà de ce qu'elle aurait pu être grâce à des décisions toujours plus connes les unes que les autres. La saison 4 est particulière bien partie avec l'hypothèses d'infinité de monde. Bon ça se plante un peu en cours de route, mais on peut pas tout faire visiblement.

Bien sûr certains trucs sont un peu neuneu (beaucoup même). Vers les dernières saisons, on a parfois des épisodes entiers qui alternent entre combats intergalactique incompréhensibles et longues discussions sur le sens de la vie. Bah. Parfois, les méchants ne sont pas bien finauds et ils empirent avec le temps. Mention spéciale au super-vilain de la saison 4, Murtry, qui n'a probablement jamais joué d'autre rôle que celui d'un officier nazi. Ici, il joue un officier un peu nazi sur les bords. Il est vraimeent très très méchant. Le dernier surper vilain, le commandat Marcos (lol) est pas piqué des vers non plus. son jeu dans la dernière saison est un peu à la limite du sketch mais bon. A ce stade, on a investi tant d'heures dans cette série à la con, trop tard pour lâcher.

Ceci nous a par contre donné une autre idée de série: the Expense. Un homme est son tableau Excel contre le monde. L'histoire de Jean-Pierre, plancton ordinaire qui se trouve face à une dépense imprévue. On voit alors ce homme lambda, un parmis nous si je peux dire, se débattre pendant toute une saison pour faire rentrer ce magnifique nouveau taille-haie dans son budget. Y arrivera-t-il? Pourra-t-il lui aussi battre l'inflation rampante? Comment ventiler sa nouvelle facture de chauffage? Le super vilain de la 4e saison, Super Pivot, vous étonnera dans cette aventure humaine qui rend hommage à ce pilier de l'informatique contemporaine qu'est le programme Excel.

samedi 25 juin 2022

Crimes of the future: et si le futur du passé, c'était le présent du futur?

 J'ai enfin réussi à voir Crimes of the future, le nouveau (?) film de ce cher Cronenberg. Après une errance d'un bon quart d'heure dans ce cinéma fantôme qu'est le Palace, je m'introduisis dans une salle immense aux grands rideaux rouges. Nous étions 6, un samedi soir, preuve que les subventions de la FWB portent leurs fruits en terme de dissémination culturelle! Mais revenons en aux faits: un peu interloquée par ce film, qui somme toute porte exactement le même titre qu'un des premier films de Crocro, je me demandais à quoi m'attendre. Les premiers retours critiques nous promettaient du Cronenberg Belle Epoque, à savoir du sang, des protubérances, de la rate et des outils chirugicaux chelous. 

Un prologue indéfinissable nous montre un enfant qui mange un poubelle. Etant moi-même le fier parent d'une progéniture d'environ deux ans, c'est une scène plutôt commune pour moi, mais passons. Ici, ça finit mal pour le moutard (on n'est visiblement pas fan de l'éducation bienveillante, mais ne jugeons pas). Spécial dédicace à la poubelle FINISS que j'ai reconnu parce que j'ai la même. C'est visbilement un accessoire tendance salle de bain de pauvre, merci les gars, c'est la crise pour tout le monde.

Ce prologue passé, on découvre ce bon vieux Viggo aka Tenser, déguisé en vieux gothique un brin japonais qui, acoompagné de l'horripilante Seydoux - Caprice, comme le fromage -, nous montre sa collection de jouets organico-mécaniques. On retrouve avec bonheur les joujoux délirants tendance Existenz ou Double Bangers: un lit avec des petits bras tout mignons qui chipotent le monsieur pendant son sommeil, une chaise pour bébé géant visiblement mal réglée et un ensemble de petits trucs indéfinissables pour regarder à l'intérieur de quelqu'un. 

Tout ceci parce que oui, nous sommes dans un futur dystopique dans lequel l'homme ne ressent plus de douleur ( même si Viggo passe son temps à chouiner qu'il a mal, mais bon) et puis l'évolution tout ça, fait que certaines personnes chanceuses se font pousser des organes dans tous les sens. Tenser fait partie de ces petits veinards et comme tout bon citoyen de la FWB, décide d'en faire une pratique artistique. Il s'exhibe donc avec son fromage (Caprice) sur les scènes de lieux culturels significatifs mais glauques (un peu comme le Palace, tout ça est très méta) au cours de performances où le seul but est de se faire enlever un organe, sous les yeux ébahis de quidams qui filment et instagramment à tout bout de champ.

On découvre aussi avec bonheur que la bureaucratie n'est pas morte dans ce futur improbable: la bureaucratie, la vraie, avec des petites souris de bureau qui sont enterrées dans des piles de dossier, des vieux classeurs dégueus et de stores sur les fenêtres (comme quoi, le futur ressemble aux chemisettes de Frank Robben). Dans ce petit bureau se trouve le registre national des organes, dont la fonction est explicite: enregistrer les nouveaux organes. Un peu comme l'urbanisme de corps humains: si tu construis quelque chose, il faut bien le déclarer. Le bureau est d'ailleurs consitué de deux fonctionnaires, ce qui semble tout à fait adéquat pour traiter tous les nouveaux organes d'une population - comme l'urbanisme de la ville de Bruxelles donc. Une des petites souris qui traquent l'erreur anatomique, c'est Mimi (non, c'est autre chose, mais je ne me souviens plus de son nom) ou Kristen Stewart qui joue la petite fonctionnaire effacée à merveille. Visiblement, elle n'a jamais rencontré un employé administratif de sa vie mais bon. Comme prévu, Mimi est un peu fan de Tenser et des ses beaux gros organes. 

But trouble is breeding my friend! Parce que oui, tout ce petit monde pourrait vivre en paix et il n'y aurait pas d'histoire, mais quid de la poubelle du prologue alors? Hé bien dans ce monde dystopique, il existe une faction de résistants (de terroristes? Ce n'est pas très clair) qui détient une vérité que le pouvoir veut cacher - on ne comprend d'ailleurs pas bien pourquoi, mais passons.

Je n'en dirais pas plus, car ce film est à voir! Il est encore au cinéma et avec un peu de chance vous serez seul (si vous allez au Palace en tout cas), conditions parfaites pour voir ce film dans une ambiance postapocalyptique. 

C'est effectivement du pur Cronenberg, un vrai retour aux films de l'organo-mécanique, des jolis objets plutôt bien branlés, une ambiance architecturale bien glauque et des visuels sexy-gore à l'ancienne. C'est par contre aussi beaucoup plus léché, arty voire poseur par rapport aux films des 80's qui étaient plus rythmés, gluants et délicieux. Il paraît que certaines personnes se sont barrées des projections presse: on aurait tort de penser que ce sont des gros sensibles. Ils se sont peut-être tout simplement un peu fait chier - comme moi- et sont sortis prendre l'air. La direction artistique (photo et BO) est vraiment réussie mais encore une fois, un peu tristoune, lisse. Chouette bande-son (Howard Shore) mais qui ressemble parfois trop à Woodkid pour être honnête. Un Papy Cronenberg donc.

Crimes of the future, Cronenberg, 2022



vendredi 18 décembre 2020

L'incroyable Monsieur bébé.

 En ces temps où l'on attend sous peu un baby-boom affolant des nombreux enfants conçus pendant le premier confinement (lol), petit tour d'horizon des meilleurs films d'horreur pour attendre bébé!

1er trimestre

Le fameux premier trimestre, qui peut être réduit à pas grand-chose si on reste dans l'ignorance (bénie) de sa grossesse pendant un mois ou deux, est la partie la plus étrange de la grossesse: on y est, mais pas vraiment, on ne peut rien dire, on s'endort partout sans raison et on mange pas vraiment plus mais des trucs chelous. Un peu comme l'héroïne de Swallow, qui justement, avale un peu tout et n'importe quoi.

Hunter est une jeune femme à l'air un peu paumée, voire taiseuse comme dirait ma mère. Mariée à un type qu'on pourra à loisir qualifier de connard, elle vit dans une villa ultra chicosse au bord d'un fleuve quelconque, entourée de beaux-parents méga-flippant et du vide intersidéral d'une femme au foyer. Pour se distraire un peu de sa grossesse, elle se met à bouffer des trucs qu'elle trouve: petit bout de métal, épingle à cheveux, bille… pas super tout ça. On finit par s'inquiéter pour la pauvre fille, qui visiblement n'en demande pas tant. A partir de l'histoire d'un manie bien réelle, le pica, qui touche certaine femmes enceintes, on plonge dans très joli film sur la famille névrotique, le couple et les rêves sans imagination d'une gentille fifille. C'est très joli, assez lent, très léché dans la photo qui est parfaite, symétrique et toute en harmonie de métaux glacés et de verre design. En espérant que toutes ces petites lames avalées finissent par percer l'abcès.


2e trimestre

Le deuxième trimestre est celui où on commence à sentir des mouvements, et où on pense très souvent et très fort à Alien. Je ne reviens pas sur la trilogie, mais j'ai eu la chance de voir The Covenant qui est à la hauteur de la daube que fut Prometheux: une merde gigantesque, avec un scénario improbable dont la débilité n'a d'égale que la laideur des alien, devenus des petites choses à papattes vicelardes sans âme. On préférera revoir l'original et pourquoi pas, visiter le musée Giger dans la charmante ville de Gruyère.


3e trimestre

Ca fait un bout de temps que j'ai vu A l'intérieur, mais je me rappelle assez précisément d'un plan qui m'avait marquée – il s'agit d'un gros plan de Nicaolas Duvauchelle qui se prend une flash-ball entre les deux yeux, le regard qui devient noir aussitôt. Bref. Dans cette sympathique comédie des familles, XX, enceinte jusqu'aux yeux, est seule à la maison et se la coule douce en attendant bébé gnangnangnan. Quand tout à coup sonne à sa porte XX une bien sympathique psychopathe qui veut lui piquer son charlot. Pas sympa ça (quoique…) L'horreur s'ensuit ( je me rappelle plus des détails, mais c'est assez graphique).


0 à 3 mois

J'ai attendu un peu avant d'oser regarder Servant - si vous êtes encore dans la phase où vous vous réveillez en panique la nuit parce que votre progéniture dort depuis plus de trois heures, attendez encore un peu. Mini série pondue par ce cher Night M Shymalamalan, ça raconte l'histoire pas du tout glauque d'un couple en deuil de son nouveau-né et dont la poupée 'reborn' - un poupon ultra réaliste destiné à aider le deuil à se faire, je ne sais pas dans quel univers de délire freudien quelqu'un pense que ça peut être une bonne idée, mais bon - se met à vivre à l'arrivée de la nouvelle nounou. Histoire délirante de déni complet, de couple enthousiasmant d'hystérie et de magie noire un peu religieuse sur les bords, c'est extrêmement réussi! Une mère complètement cinglée, jouée et dirigée superbement, une nounou flippante de mutisme, un père à peine en meilleur état et le tout dans une ambiance de demi-mots, traduits par des plans jamais complets, très cut, un montage assez chirurgical. On retrouve joliment cette thématique de précision médicale un peu légiste via l'activité de monsieur Papa, cuistot expérimental qui passe une partie des épisodes à trancher du lard, démotter des entrecôtes ou assommer des anguilles; le tout pendant que Maman (et tous les autres adultes qui passent par là) sirotent du jaja de luxe à tout heure du jour et de la nuit. En voilà une belle famille! Les épisodes déroulent une folie collective qui gagne un peu tout le monde, tout en donnant à voir les circonstances de la mort de l'enfant - parents sensibles s'abstenir. Vu le cliffhanger, il y aura une deuxième saison. Ou pas, ce qui serait bien énervant mais sans doute encore plus génial d'un point de vue narratif.


3 mois et plus

Après trois mois, c'est connu, votre michot est tiré d'affaire: il dort, boit, joue aux cartes et vous ne verrez pas le temps filer qu'il sera déjà en train de passer son permis. C'est ce qui arrive à deux couples, dans deux films sortis quasi en même temps mais pas du même calibre.

The room raconte l'histoire un peu neuneu d'un couple qui achète une maison dans laquelle une pièce permet d'exaucer tous les souhaits. Tarkosvky nous voici! Mais en fait non. A part pour le côté mou du genou, on en est loin. Bidule et Machin (j'ai sincèrement oublié leur nom et tellement peu d'affection pour ce film qu'il m'est déplaisant de vérifier sur wikipédia) vont donc formuler plein de voeux concons - du fric, de la  booze, des vêtements de créateur et des tableaux de van Gogh. Convenu. Puis évidemment, quelqu'un va vouloir un enfant - ben tiens. Débarque un poupon bien mignon qu'on voit grandir à vitesse prime, pour la bonne et simple raison qu'il vieillit à la seconde dès qu'on le sort de la maison. Zut alors! S'ensuit.... bah pas grand chose justement. Le gamin grandit. Ses parents vieillissent. Tout le monde aimerait bien déménager, mais ce n'est pas possible. Un bon film de confinement donc!

Vivarium raconte aussi une histoire de bébé tombé du ciel. Gemma et Tom, jeune couple mignon comme tout qui cherchent une maison (encore une) suivent un vendeur chelou qui tient à leur montrer un nouveau lotissement de pavillon de banlieue bien dégueu. Ils y vont un peu pour rire et visitent en ricanant sous cape une maison Thomas et Piron dans un ensemble vert immonde du plus mauvais goût. Au moment de reprendre la voiture, bah ça alors: comment qu'on sort d'ici? Tergiversations après tentatives de fuite n'y font rien et le charmant couple trouve un jour un minot dans une caisse hello fresh devant leur porte. Un post-it collé sur le front: démerdez-vous. J'en raconte déjà un peu trop, mais le reste est absolument génial. Photographiquement superbe, génialement écrit et joué, avec une fin du plus glauque effet: c'est vraiment un film dément. Soyons honnête: c'est un film qui nous a un peu traumatisés, et c'est surtout pour ça qu'on l'a aimé. Avec très peu de moyens et une histoire somme toute banale, sans effet de narration ou de twist de fou, on est scotchés et bien malaisés après l'avoir vu. A éviter si le premier confinement vous a laissé un petit goût de claustrophobie.


Swallow, 2019, Mirabella-Davis

Alien, 1979, Scott

Covenant, 2017, Scott

A l'intérieur, 2007, Bustillo

Servant, 2020, Shyamalan

The room, 2019, Volckman

Vivarium, 2020, Finnegan

samedi 17 octobre 2020

Today I feel kind. Damn kind.

 Comme pas mal d’entre nous, j’ai assisté à la pitoyable conférence de presse de hier soir sur la situation épidémique. Au-delà de ce baromètre ridicule qui ressemble à un bot sur Twitter - la mesure qu’on préfère étant celle qui demande une surface par personne qui rend impossible de « mettre » tous les belges sur le lopin de terre qu’est la Belgique, à savoir 10m2 par personne pour un pays où la densité moyenne est de 340 habitant par km2 -, au-delà de cette histoire de pourcents (« pas quelques pourcents, hein mais plusieurs pourcents disons »), ce que j’ai aimé le plus, ce sont tous ces Merci: Alexander et ses comparses vous disent merci, gentils citoyens, d’être bien obéissants et puis comme on est en fait relativement incapables de penser à autre chose, il va falloir encore prendre un peu sur vous! Parce que bon, avec un enseignement public saturés d’élèves depuis des années, des transports publics au bord de l’émeute un matin sur deux en heure de pointe, et des hôpitaux publics en lambeaux, c’est surtout les jeunes, les pauvres et l’Horeca qui devraient faire un putain d’effort.

Demander aux citoyens d’être responsables, c’est bien gentil mais il faudrait voir à ce que tout le monde les prenne, ses responsabilités, parce que c’est pas l’Horeca, les pauvres, les jeunes qui ont mis le service public dans cette situation de crise permanente qui date de bien avant le Seum 19, le rendant incapable d’encaisser le moindre choc et certainement pas un choc de cette ampleur. 


Putain, ça fait des mois que je me plie, que j’acquiesce, que j’obéis, que je me lave les mains dans mon sommeil, que j’ai l’impression d’être l’ange de la mort à chaque fois que j’approche ma mère de trop près - qui a mis 3 mois à oser prendre son premier petit-fils dans ses bras tellement elle balise - mais là non, va te faire foutre, Alexander, toi et tes potes et tes mercis de merde, proférés sur ce ton condescendant de pater familias qui tapote gentiment la tête de sa bonne fifille qui a été bien sage à l’école. C’est fini de dire merci, il faudrait commence aussi à demander pardon.


Pardon d’avoir été une classe politique de merde depuis 30 ans, plus préoccupée à placer le fiston à un bon ministère  et à loller sur Twitter qu’à faire son taf; pardon d’avoir échoué à faire LE SEUL boulot qu’on est censés faire, à savoir organiser l’état, le service et la chose publique; pardon d’avoir mis tout le monde dans la merde avec nos errances ridicules de puceaux bavants devant un capitalisme néolibéral qui a commencé à s’autodigérer depuis une bonne vingtaine d’années déjà, tel un estomac ulcéreux qui n’a toujours pas compris qu’au final il en crèvera aussi; pardon d’avoir créé un Etat failli dont la seule marge d’action repose aujourd’hui sur sa police et ses amendes, et même elle n’a pas les moyens de cette politique.


Vivement l’apocalypse que ce vieux monde crève enfin.

                                           



mercredi 13 mai 2020

Das Grösse Ordinateür

C’est un pur hasard de calendrier, mais la diffusion combinée de deux séries pré-apocalyptiques qui parlent toutes deux d’un futur proche dominés par des AI maléfiques ne pouvait pas mieux tomber : que dire de Westworld III et DEVS donc ?

A première vue, ces séries ne racontent pas vraiment la même chose : DEVS est un thriller numérique autour d’un programme top ultra secret développé par un gourou new-age type Silicon Valley tandis que Westworld, déjà à sa troisième saison, prenait le chemin d’une révolte des robots échappés d’un parc à thème contre leurs créateurs.

On avait bien aimé Westworld, la saison 1 était super bien foutue, visuellement et scénaristiquement, les personnages impec, des super twist et un peu de réflexion çà et là. La base existait déjà (le film de 1973 avec l’inénarrable Yul Brynner). La deuxième saison nous avait laissés un peu confus : trop de fils narratifs, trop de niveaux temporels différents, des trucs qui se tenaient de moins en moins au niveau concept – ça commençait à ressemble à un cahier de charge à la GoT, à savoir une grosse bagarre par épisode + des répliques sentencieuses sur la vie, la mort, tout ça. Beaucoup de twist aussi, surtout sur le thème « En fait, c’était un robot tout du loooooong  mince alors ».

La saison 3 fait la même chose mais en mille fois pire : les robots sont toujours de robots mais presque des méta-robots parce qu’en plus la réalité dans laquelle ils évoluent est elle aussi une simulation d’un laboratoire dans lequel on fait des robots. Woua. Les super-robots sont donc sortis dans le monde réel (mais est-il vraiment réel ? Mystère !) pour on ne sait pas trop quoi faire – reprendre le contrôle du monde ? Vivre libre comme des bons robots ? Buter tous les humains ? – ce qui est certain c’est qu’ils sont vénères. A partir de là, le truc part en sucette narrative à une vitesse comparable à la propagation d’un virus à R = 10 pour finir par ressembler à un croisement entre Fast’n’Furious et Transformer avec pour thématique de fond Das Grösse Ordinatëur qui contrôle notre destin et quoi alors, sommes-nous encore libres, que diable ! Tout ça par l’intermédiaire d’un CEO ténébreux zet machiavélique qui apparaît via des hologrammes car il est avant tout français et qu’est tellement méchant qu’il a enfermé son frère, le gentil Jean-Mi (Jean-Mi, on t’aime !). Les deux héroïnes principales, sont féminines, pink washing oblige, mais ne sont au final qu’une seule et même personne. Ou pas. Je n’ai plus essayé de comprendre. Enfin bref, elles se battent au sabre non pas une mais deux fois (une bagarre par épisode), c’est joli, ça fait mauvais film de kung-fu et l’occasion pour des réalisateurs sans doute poussés par l’idéal féministe de mettre deux nanas en justaucorps tellement moulant qu’elles doivent avoir du mal à respirer à l’honneur. Clap clap. Je n’essaie même pas de relever les trous du scénario, à partir de l’épisode 4, il devient clair qu’on n’en a plus rien à foutre, et que tout est surtout prétexte à faire des courses en bagnoles volantes, en moto intelligente, et à sortir des gros flingues bien phalliques.

DEVS de son côté est à l’exact opposé du spectre cinématographique : hyper lent, contemplatif à mourir, avec un visuel très chiadé, une action parfois inexistante – y a un épisode dont la seule action = une discussion autour d’une table de salle à manger – et des personnages dans un anticlimax constant. L’intrigue est relativement simple : Sergei, développeur trop cool est invité à bosser sur un projet hyper top secret pour un gourou de la tech – joué par Nick ‘Ron Swanson’ Offerman, il faut un petit moment pour s’y faire. Le soir de son premier jour, paf, plus de Sergei. Sa copine, qui bosse pour la même compagnie, décide d’en savoir plus. Et à la fin elle en sait plus. C’est tout. Le projet top secret en question est bien évidemment en rapport avec la construction d’une super AI de fou qui devrait permettre de reconstituer un univers parallèle avec les mêmes coordonnées que le nôtre (et donc dans lequel toutes les actions à venir sont déjà déterminées). De nouveau, on se questionne sur notre libre arbitre, qui sommes-nous si tout est décidé, pourquoi vivre et tout ça. L’angle est un peu plus intello que Westworld puisqu’on se bagarre sur les mérites respectifs de la théorie de l’infinité de mondes possibles et le déterminisme absolu. D’ailleurs, on peut se demander pourquoi un type qui veut reconstituer un monde parallèle pour réparer le monde réel (dans lequel il a perdu sa fille et sa femme) refuse absolument que ce monde simulé diffère du réel. Parce que du coup, bah, il va quand même avoir perdu sa femme et sa fille, non ? Enfin. Tout ça me passe au-dessus de la tête, car comme dans beaucoup de séries sur la tech, on essaie surtout de vous montrer que tout ça est trop compliqué pour vous de comprendre. Bref.

Ce qui est commun au final dans ces deux productions, c’est cette idée qu’il existe et ce dans un futur relativement proche, la possibilité qu’une méga AI soit tellement évoluée au niveau algorithmique, présente au niveau surveillance, et puissante au niveau processing de données, qu’elle soit capable de prédire l’avenir. Nos comportements, nos réactions, les événements fortuits, le cours de la bourse et la date de péremption du gouda. C’est assez génial que ces deux projets soient diffusés à un moment relativement apocalyptique causé par un truc aussi con qu’un virus et l’incapacité assez générale à y faire face – qui aurait, dans ce cas précis, consisté à faire preuve d’un minimum de prévoyance. On a tout vu venir mais rien prévu en gros. Mais par contre, tremblez peuples de demain, car des super AI vont contrôler votre destin. Quand on constate qu’une épidémie va être gérée par des états modernes grâce à des « systèmes » de « tracking » qui sont en gros des fichiers excel remplis par des agents via google doc, je crois qu’on peut dormir tranquille : le libre arbitre et la libre connerie ont encore de beaux jours devant eux ! 

Westworld, Nolan, 2019

DEVS, Garland, 2019