mercredi 5 décembre 2012

Ecran total

A la faveur d'un récent festival de film d'auteurs - sic - j'ai eu l'occasion de voir un certain nombre de films dont je n'espérais pour ainsi dire plus la projection. Pas mal de ceux-ci étant précédés d'une réputation, j'y ai été à l'aveugle - sans lire de critiques ou de synopsis. Intéressant.

J'ai ouvert avec Holy Motors, que j'ai trouvé... franceculturesque. L'idée de base est bonne, Denis Lavant est vraiment impressionnant et porte particulièrement bien la combinaison de ninja à paillettes. On m'en avait parlé comme d'un film à sketch - ce qui est certain, c'est que tout ne se vaut pas. Le lutin maléfique du Père Lachaise est fabuleux, le vieux qui agonise avec sa nièce est un peu gnééé?? ; le morceau de comédie musicale de Kylie est bof mais l'interlude accordéonnesque dans l'église est top - et oui, j'avoue, je n'avais PAS reconnu Cantat, contrairement à ce que j'ai prétendu à la sortie. Bon voilà. 

Pour ce qui est la mise en abyme, je sors d'en prendre puisque j'ai conclu mon périple avec Vous n'avez encore rien vu, durant lequel j'ai lutté avec acharnement contre le sommeil - comprenez: j'étais dans un état de fatigue absolu, mais je ne me suis pas endormie. Était ce bien? Intéressant en tout cas, et pour ceux qui ne connaissent pas leurs classiques - ou qui aiment moyen Anouilh - une bonne séance de rattrapage. Le film étant projeté dans des conditions dont on peut toujours douter, on s'est beaucoup demandé si l'effet VHS vielli était voulu ou simplement dû à un matériel pourri? Je penche pour la première solution. Comme bien observé par une compère, ces acteurs commencent un peu à se faire vieux - mais c'est probablement l'idée du film. Je me suis rendue compte que je n'avais jamais identifié Denis Polydalès. Encore maintenant, j'ai des doutes. 

Entre temps j'ai vu Pietà, de Kim Ki Duk, dont je n'avais jamais rien vu et qui a tout pour me séduire: usurier sans pitié, prolétaires sans ressources, cadavres d'animaux et semi-inceste derrière les fagots. Tout est toujours cadré très serré - du point de vue visuel, on ne voit pas beaucoup de plans d'ensemble sauf quand quelqu'un finit par se résoudre à se jeter de quelque hauteur, on est perplexe par rapport à la fonction des machines, qui ne sont toujours que partielles, l'appartement n'est qu'un ensemble décousu de petits morceaux ; mais du point de vue narratif, on n'a pas vraiment plus de vue englobante, les personnages sont surtout pris de l'extérieur, avec pas de voix off, de caméra subjective, comme des boîtes noires dont on n'attrape que les actions/réactions. Alors qu'est-ce que tout ça veut dire? Pris à cette hauteur, difficile de savoir.

J'ai également vu Post Tenebras Lux, très atmosphérique tranche de vie de deux babos new-age quelque part au Mexique. C'est beau mais on comprend pas toujours très bien la caméra subjective floutée sur les bords - eul'diab'? C'est probable. En tout cas, ça a à voir avec le bouquetin luminescent qui ouvre et ferme le film. Belle scène d'autodécapitation aussi.

Sur Paradies: Liebe et Paradies: Glaube , il faudra que je réfléchisse encore un peu, parce que je ne sais pas trop quoi dire, si ce n'est que c'est esthétiquement vraiment splendide et que ça me semble suivre ce que Seidl avait déjà fait avant et créer une oeuvre au sens propre. Bon, en fait, je kiffe juste ma race rapport à ce que je vois des liens entre les films, le fond et la forme et que j'en suis bien aise, oui-da. 

lundi 3 décembre 2012


Belgrade, 2012

Mark Lanegan - Creeping coastline of lights

Ecran total

Le hasard fait parfois bien les choses. Ainsi m'offrit-il cette semaine une série de films complètement hétéroclites qui se révélèrent pourtant avoir une affinité particulière - les personnages féminins y sont tous à moitié dingues. Comme c'est aujourd'hui la journée internationale de l'hystérie féminine, en voici un succédané.

Experiment perilous est une variation maléfique du mythe de pygmalion: un vieux type se déniche une pov'orpheline qui court les champs de fleurs en jupons qu'il éduque jusqu'à ce qu'elle ressemble à quelque chose puis l'épouse. Hélas, elle est dérangée cette petite! Il la fait donc examine en schmett par un psychiatre qui finit par découvrir le pot aux roses jaunes - on la lui fait pas, il avait déjà vu Gaslight. Dramatiquement, on est entre escaliers dérobés, fuite de gaz et rencontres inopinées dans un train. 

Une autre femme qu'elle est bien soumise, c'est la pauvre Susan dans Sweet smell of success : entre un frère à moitié incestueux digne de Chuck Bass en terme de manipulation, son pote/clébard qui joue les petites mains et lui organise ses coups fourrés et un mec qui a le charisme d'un fil à linge, elle est bien mal barrée. Plus que l'ignominie morale de Burt Lancaster - en journaliste pourri - c'est la situation de cette pauvrette qui fait de la peine - toute gentille et tout qu'elle est. Le film est bien noir donc, filmé de nuit essentiellement, dans un New-York fait de clubs ds jazz, d'entrée d'immeubles et de bars hoppériens; heureusement, le jour se lève toujours à la fin et la petite file en douce sans laisser d'adresse. 

Dans Le genou de Claire, les femmes sont toutes à moitié hystériques, ce qui fait l'aubaine de Jérôme, trentenaire en déroute - un pléonasme? - qui décide de séduire une petite minette puis sa soeur pour retourner ensuite se marier  à une grande suédoise qui fait de l'humanitaire. En bon pervers pépère, ce cher Jérôme essaie de nous faire croire que ses tentatives ne sont qu'une façon de jouer le rôle que lui a accordé son ancienne - vraisemblablement fuck - friend Aurora, roumaine écrivaine de son état. On y croit moyennement et on s'indigne un peu quand Jérôme raconte d'un petit air satisfait comment il a brisé le coeur de Claire en lui balançant qu'il a vu son mec avec une autre. Tout ça pour se taper son genou. Mention spéciale à Luchini, qui devait avoir 14 ans à l'époque et qui est déjà.... lui-même.

Si le personnage de jeune femme fragile hystérique livrée sans merci à un prédateur tyrannique et pervers tout plein semble trouver un vrai consensus dans les films des années 40 et 50, le personnage de la mère n'est pas mieux loti. Si vous vous demandiez que devient la jeune beauté aux yeux clairs une fois libérée de son bourreau, c'est simple: elle se marie, fait des mômes et passe le reste de sa vie à les martyriser. Des personnages de mères manipulatrices, on en trouve à la pelle, mais le plus bel hommage à cette figure se trouve probablement dans Anguish, un film que j'ai vu doublé en espagnol pour une raison qui m'échappe. Ici, une mère plus castratrice que dans les pires cauchemars hitchcockiens hypnotise son fils et l'oblige à piquer les yeux des gens. Heureusement, cette intrigue est celle du film que les spectateurs qui sont, eux, dans le film, regardent.  Malheureusement, l'image possède ce pouvoir de rendre loco les gens qui a) passent trop de temps devant la télé et b) ont visiblement oublié de prendre leurs cachets. Tout ça finit très mal dans un maelstrom de références cinématographiques, d'allusions lacaniennes et de réflexions hamlétiennes - le mousetrap, la mise en abyme, l'hétérotopie et le pop-corn comme élément paradoxal - et la séance est interrompue dans un final digne d'une salle de cinéma serbe. Por favor.

Experiment perilous, Tourneur, 1944.
Sweet smell of success, Mc Kendrick, 1957
Le genou de Claire, Rohmer, 1970.
Anguish, Luna, 1987.