mardi 23 février 2016

Lost in the woods

Peut-être parce que l'hiver finissant me donne des envies de fuite dans les bois et de batifoler dans les arbres avec des écureuils facétieux et des tueurs primesautiers, peut-être parce que mon côté scout rejaillit en temps de crise,  toujours est-il que je me suis dénichée un petit baluchon de films forestiers plein de malice et de tripes bios qui volent dans tous les sens que je vous raconte pas comment c'est trop de l'évasion à portée de main (coupée).

Preservation est plein d'acteurs-dont-la-tête-nous-dit-quelque-chose-mais-dans-quoi-il-a-joué-merde, enfin des acteurs de série quoi, mais qui font genre vrais acteurs, et qui nous font dire "ça rigole pas, ceci est un vrai film, pas une grosse blague destinée au public de Nanarland". Un sympathique trio (un couple et son beauf) se fait un petit weekend dans le parc national de leur enfance (aux frères donc) histoire de prendre un peu le temps de se retrouver - c'est à dire de régler le PTSD du frère qui dort dans sa voiture depuis son retour d'Irak, de permettre à l'autre de se rendre compte qu'il ferait bien de s'occuper de sa femme et de trouver un moyen pour celle-ci d'enfin oser avouer qu'elle est en cloque. Tu parles d'un weekend de détente! Bon, dans tout ça, arrivent des mystérieux prédateurs (houuu) furtifs et silencieux, sur des vélos de sales petits cons et qui ne communiquent visiblement que par textos - même quand ils sont genre à 50 cm l'un de l'autre. Ces types ont beau être à l'âge où on découvre seulement ses premiers poils, ils n'en sont pas moins pas méga lol et vont donner du fil à retordre à notre brave fifille - (attention spoiler) qui va tous nous les enterrer - parce qu'être enceinte, c'est connu, ça donne des envies de meurtres. C'est franchement pas mal foutu, niveau rythme, image, tortures sympas et très joli dans les couleurs, les teintes sableuses, les plans lents bordés d'une bande-son toute en douceur de vivre électronique dans les bois, à la fraîche. Huum, envie de grandes étendues et de fusil à pompe, tiens.

Toujours dans la forêt, mais dans un style plus classique, une livraison de ce cher Eli Roth qui s'est visiblement levé un matin en se disant "Putain, après les films de zombies, que ressusciter cette année? Les films de cannibale, bien sur!" Quelle idée de génie, tiens. The green inferno est donc un pur cannibalxploitation (?) digne de ce nom, avec des beaux contrastes rouge sang sur vert pétant (car oui, l'Amazonie est hyper vert, haha). Le prétexte est ici fort risible, à l'instar des nombreux petits plaisirs livrés par les Lenzi et autres macaronis sauce tomate des 80's: un groupe de jeunes activistes part dans la forêt pour stopper un chantier afin de protéger une pauv' population d'indigènes qui n'en demandait pas tant, mais qui va du coup faire un bon miam-miam 100% bio - l'écolo est souvent nourri au grain issu de l'agriculture organique. Ils pourraient d'ailleurs probablement faire certifier leurs techniques d'abattage par Ecocert en se donnant un peu la peine - franchement, c'est beau, c'est bio du début à la fin. Le film n'a (en tout cas j'espère) visiblement pas la prétention de faire "vrai" mais plutôt "genre" - avec des trucs un peu WTF. Bon, on l'a compris, le but de ce type de config', c'est de montrer comment les blancs, y sont pas gentils et puis, si les autres, ils les boulottent, ben c'est parce qu'y zont commencé d'abord. D'où une série de réactions bien débiles de gringos en terre inconnue (" trop beau ce guépard, c'est trop mon prochain tatouage") et de vague hésitation éthique entre  le Bien, le Mal, le Juste et  le Bon temps de cuisson. Il y a par contre un truc qui, avouons-le rend l'intrigue plutôt bancale: c'est ce personnage central qui est censé être le-leader-charismatique-que-tout-le-monde-suit mais-qui-se-révèle-être-un-enculé-en-fait. Alors bon Eli, le principe, c'est de faire un truc genre subtil  - "est-ce un enfoiré ou juste un mec intense? Un enculé ou un bel incompris rebelle?" - et de balancer petit à petit l'enculade une fois les mains dans les tripes de ses potes. Présenter un type qui est dès le départ ultra antipathique, complètement crétin, absolument ridicule et qui a en plus le charisme d'une huître géorgienne, ça rend très difficile pour nous, public, de comprendre mais putain POURQUOI toute cette bande de gentils-tout-plein le suit au fin fond d'une forêt qu'ils savent à peine situer sur une carte du monde pour sauver des indigènes qui sont même pas sur facebook? Hum, pourquoi? Bref. On n'a pas tout compris, mais on a bien aimé - surtout la thématique de fond, l'excision, amenée avec tact et délicatesse, comme il se doit. Eli est une femme comme les autres, yeah!

Last but not least, The forest, dont on a un peu parlé récemment en redécouvrant à quel point le Japon, parfois ça fait peur. Il y existe effectivement une forêt dans laquelle nos amis ponais aiment à se suicider - les arbres ont de bonnes branches latérales, il est facile de se dénicher une petite souche qui servira de chaise et en plus, un type vend des cordes à l'entrée, pratique. Plus sérieusement, c'est en fait un bois où traditionnellement on conduit ses petits vieux pour les perdre à l'automne de leur vie - un peu comme les chiens à l'approche de l'été. Ne soyons pas fourbes, nous aussi, on aimerait avoir autant de courage que ces braves nippons, un bon nettoyage des +80, voilà qui relancerait l'économie. En attendant, voyons ce que donne cette forêt, cadre d'un film qui se défend pas mal -finalement. Sarah se réveille une nuit avec la conscience nette que sa sœur jumelle est paumée dans une forêt en train de courir. Elle prend donc un avion pour le Japon et Bingo! Sa sista est bien perdue au fond d'une forêt pleine de pendus et d'écolières flippantes. Accompagnée d'un journaliste australien ( sera-t-il psychopathe? Ou juste complètement con? Suspense!) qui veut faire un scoop - on aimerait mieux avoir des nouvelles des Brangelina, mais bon - elle va partir à sa recherche avec sa bite et son couteau pour tout bagage. Tout ça avec des visions, des souvenirs d'enfance, des complexes qui se dénouent et des chutes dans des grands trous - Lacan est caché dans un coin, avec son grrros symbolisme à la main. Y'a un peu d'abus de vieux trucs moisis qui  apparaissent en faisant Bouh! et d'ombres qui fuient entre les arbres. Mais comme je suis un super bon client du "bouh", je vais dire allez quoi, on se fiche un petite trouille quand même. et on se voit bien retourner faire un petit tour de ce côté là, tiens.

Preservation, Denham, 2014
The green inferno, Roth, 2013
The forest, Zada, 2016

lundi 15 février 2016

Ecran total

J'essaye de varier les plaisirs, mais on ne se refait pas: un Humphrey, un Carpenter, une histoire d'écrivain au cinéma et un petit Dardenne goes to Sundance en prime. Fiou.

Humphrey, c'est dans Beat the Devil. J'avais pensé faire un cycle de films avec le mot Devil ou Satan dans le titre, mais il y en a trop - c'est l'oeuvre d'une vie. Du coup, je me retrouve avec pas mal de déchets plutôt sympathiques, dont celui-ci. C'est une histoire de types louches qui montent des embrouilles en attendant d'embarquer pour l'Afrique à l'assaut de mines d'uranium (et plus si affinités). Humphrey est Bill, grand brun ombrageux à la mine fatiguée, une femme dans chaque port et une arnaque dans chaque mallette. Ses associés ne valent pas mieux, mais ont en plus des putain de têtes patibulaires de mafieu français, de docteur nazi allemand ou de grand dadais à l'origine trouble. La-dessus débarque la Femme, sous la forme d'une petite blonde dont on a du mal à savoir si elle est con, sans aucune pitié ou tout simplement complètement folle. Comme elle joue l'innocente, elle est en plus super énervante et ne prend jamais la claque qu'elle mérite pourtant bien. Bref, cette hétaïre va, à force de mensonges crétins et de coups de foudre ridicules foutre un peu le bordel dans une affaire qui n'était déjà pas bien vaillante. C'est limite drôle, tellement c'est gros. Tout ça se termine par une traversée en bateau délirante, une incursion sur une plage algérienne absurde - et un happy-end digne d'une bonne screwball  (et tout ça dans la dernière demi-heure, n'en jetez plus!). C'est pas mauvais, mais un peu cryptique; d'où vient ce personnage de femme fatalo-ridicule? Et pourquoi?

The Fog fait donc suite au Mist qui m'avait fort bien plu. Ici, c'est inspiré d'une nouvelle de Poe, avec des belles citations en voix-off et un côté ambianceur-au-coin-du-feu. L'idée est toute simple: des lépreux assassinés par un curé sans vergogne reviennent se venger dans un grand brouillard étrangement fluo. D'abord interloqués, les locaux finissent par découvrir le pot aux roses et jeter en pâture celui à qui la faute revient - devinez qui! Comme c'est étalé sur deux nuits, il y a une progression qui permet de reprendre un peu son souffle - et de trouver des trucs bizarres sur la plage et dans des péniches échouées, mouhaha. L'élément brouillard est plutôt bien travaillé et sort d'une vision trop directe qui gâcherait un peu. Tout est fait d'ombres, d'ectoplasmes à chapeau et bras-crochets qui tanguent dans la brume. Que c'est beau! Il y a aussi des images hallucinantes de phare et de bout du monde, vraiment pas mal foutues.

Providence est un film qui répond enfin à cette question qui nous taraude: mais c'est comment qu'on écrit, donc? Hé bien c'est simple, en pitant du blanc dès le ptit dej'! On suit ici deux histoires en parallèles - l'écrivain écrivant (enfin, dans sa tête, il manie plus la bouteille que le bic) et l'histoire qu'il raconte. Comme il est un peu bourré sur la fin, les deux se mélangent - et nous aussi. L'histoire dans l'histoire est plutôt cool - c'est dommage que ce cher homme soit trop torché pour la finir - puisqu'il s'agit d'un genre de monde en phase de destruction style postapocalypse dans lequel les vieux attrapent des poils partout (enfin, se transforment en loups-garous disons). Un soldat ayant achevé l'un de ces vioques à poils, se retrouve jugé pour meurtre - alors qu'il essayait juste de rendre service, en fait. Là-dessus, il se tape la nana de l'avocat de la défense qui n'est pas bien content - alors qu'il essayait juste de rendre service, en fait. Le pauvre. S'ensuit un imbroglio amoureux pas bien drôle, ni très sexy qui se mixe progressivement à l'esprit gnôlé de l'écrivain pour finir dans un bordel réalité/fiction qui fait mal à la tête. Resnais aime bien parler d'Art, de fiction, de jeu, de comment ça commence et de où ça finit. Parfois c'est un peu lourd, mais là, ça va - il y a des loups-garous de temps en temps qui égayent un peu le tout.

Et enfin, une bonne histoire d'accidents de mine qui tourne mal: Little Accidents. Comme dans tout film d'auteur indépendant Sundancesque, il y a Chloe Sevigny, pareille à elle-même, il y a des questions sans réponse, des couples fatigués et du pardon dans l'air, mais pas que. A la suite d'un accident donc, qui emporte une dizaine de mineurs, on suit les histoires de quatre personnes - la mère de famille veuve, le rescapé, la femme du coron et le fils de mineur resté sans père. Bien sûr, comme dans tout drame social, rien n'est simple et chaque mouvement pour faire du bien à l'un tape sur un autre. C'est ballot, la vie quand même. Finalement, le film n'est pas mauvais - quelques grosses ficelles scénaristiques sans doute, quelques trucs un peu faciles au  niveau visuel et puis pas forcément vraisemblables parfois. Mais c'est fait avec une certaine candeur, une douceur dans les couleurs et les plans, une tentative d'éviter d'être trop moral, de se garder de juger. Et puis, ça se passe ailleurs qu'à Seraing, pour une fois et ça, ça nous fait des putain de vacances!

Beat the Devil, Huston, 1953
The Fog, Caprenter, 1980
Providence, Resnais, 1977
Little acciddents, Colangelo, 2014

samedi 13 février 2016

do { it (a,b);} while (!= death): amour et ordinateurs

Ça y est, vous y êtes, vous avez chopé le Graal de la femme moderne: un informaticien, un geek, un petit lunetteux chafouin trop chou que vous ramenez chez vous tel un trophée cybernétique. Prudence cependant: même si ça vous semble bizarre, ces êtres fragiles et sensibles ne sont pas tous les mêmes quand il s'agit de passer aux choses sérieuses et vous devez avoir en tête un certain nombre de choses avant de jeter votre culotte en l'air. 

De votre point de vue, l'informatique c'est un truc vaguement compliqué, écrit avec du code et qui fait marcher Facebook. Pour lui, c'est autre chose. La machine a longtemps été son confident vespéral et le langage grâce auquel il communique avec elle est donc capital dans la façon dont il se comportera dans les moments les plus intimes. On peut me dire que c'est un gros cliché, mais il suffit de passer une demi-heure à une conférence du Fosdem pour sentir le degré de puceauitude de l'assemblée. 

Plaie d'amour n'est point mortelle, ceci dit, et chaque développeur a ses avantages selon son langage de prédilection. Petite récap' pour vous y retrouver.

Il programme en C++
Accrochez-vous. Le C++ est un langage capable de puissance calculatoire complètement dingue, mais est super chiant au niveau du détail - voire un peu facho. Attendez-vous à devoir déclarer toutes vos options en début de séance (pilule/capote, sodomie/non, sado/maso etc) sinon, il ne compilera pas au niveau local par manque de scope. Une fois ces précautions prises - un peu fatiguant, car les prologues durent une plombe -, vous pouvez vous attendre à une explosion de puissance sexuelle. Prudence, cependant: plutôt radin au niveau allocation de la mémoire, il aura probablement réécrit très vite sur vos variables et ne vous rappellera sans doute pas.

Il se touche en PHP
Amant probablement très cool, robuste et ouvert. Le PHP est en effet un langage qui sert un peu à tout, permet de gérer des trucs dynamiques et prend les datatypes comme ils  viennent - pas besoin de préciser si vous êtes plus bises ou baffes, il l'interprétera sur le moment - souvent correctement d'ailleurs. Il a l'habitude de gérer des morceaux de programme en langages relativement divers et sera donc probablement ouvert à des expériences insolites - c'est un peu le cousin échangiste du tas.

Il développe en Java
Ha, en voilà un type bien! Solide, simple, direct, le java s'adapte un peu à tout et est plutôt tout terrain. Il ne fait pourtant pas forcément rêver et n'est pas un fan d'exotisme sexuel à tout va. Attendez-vous à quelques positions classiques, avec éventuellement un petit twist (vu les nombreuses extensions et langages associés, JSON, JS etc.): une amazone avec la jambe sur le côté, un missionnaire sans les mains. Rien de bien folichon, mais un système de mémoire qui le fera vous rappeler plus facilement.

Il fait du Perl.
Warning. Vous êtes tombée sur un tordu  - il est peut-être bien pervers narcissique. Ce langage est - censément - ultra puissant mais abominablement abscons, pas du tout intuitif et injustement compliqué. C'est probablement un poète raté devenu informaticien  par dépit et il vous le fera sentir. Si vous aimez la prise de tête, allez-y et préparez-vous à passer de longues heures de préparation tantrique, d'exercices respiratoires et de positions tordues dont personne n'a jamais entendu parler - le sauna suédois, la cravate arménienne. Ce sera peut-être l'extase absolue, cela dit. 

Il claviote en Python
Ne vous laissez pas tromper par le nom sans aucun rapport métaphorique à son engin. Un peu comme pour Java, mais en plus cool - il est open source - et avec un côté un peu hacker libre qui pourrait donner lieu à une partie de jambes en l'air un peu moins sage que son confrère. Attention par contre: il est un peu chiant sur les positions: un peu trop à gauche , un chouia trop à droite et paf, vous sortez du bloc d'une instruction - porte ouverte à un certain nombre de malentendus.

Il utilise Logo 
Trop mignon, c'est un père de famille - sauf s'il a l'air suspicieusement jeune, auquel cas, tirez-vous, c'est un mineur. Il programme des Legos avec ses enfants ou fait des expériences robotiques avec des tortues, il sera donc doux, pédagogue et vous guidera pas à pas dans l'exécution de votre étreinte. Il a par contre un énorme inconvénient qui s'appelle un enfant. Sauf s'il est prof et engagé dans le développement du constructivisme et de l'alphabétisation numérique - dans ce cas, épousez-le.

Il travaille en Basic (variante: cobol)
Rallumez la lumière et observez-le de plus près: cette calvitie naissante, ces rides au coin des yeux... Hé oui, Robert n'a pas 40 ans, il en a 60 et son vit est flasque comme un disque mou. Agitez-vous encore un peu pour faire bonne figure et laissez-le s'éteindre doucement puis fichez le camps en schmet. Vu la taille de sa mémoire vive, il vous aura oubliée au réveil et vous pourrez frimer devant vos copines - vous avez fait du sexe totalement vintage.

Que faire si: il est webdesigner, graphiste, business analyst. Cet homme vous ment, il n'est pas informaticien. Si il est community manager, fuyez. Il s'agit en fait d'un sociologue raté qui passe ses journées à traduire des articles du Démotivateur pour le compte facebook d'un site de vente par correspondance de culottes amincissantes. Pendant que vous avez le dos tourné, il poste des insta de vos fesses.

La semaine prochaine, nous répondrons à la questions suivante: NoSQL et sexfriends: vers la fin du relationnel en format binaire?

samedi 6 février 2016

Noir total

Je sais pas si c'est l'hiver mais, à l'instar de pas mal d'obsessionnels-compulsifs, je n'arrive plus à regarder les films autrement que par groupe de trois-du-même-genre. Bon, ceci dit, ça donne un côté réflechi à la démarche qui fait un peu frime. Ce coup-ci , c'est encore du néonoir - et il est temps que ça s'arrête.

Bloodwork est un film qui raconte à peu de choses près exactement la même chose que The Pledge: un flic à la retraite poursuit un tueur fou après avoir fait une promesse à la con à une jeune femme un peu hystérique. Il a mal au cœur, tout le monde en a marre de ses simagrées, il a du mal à courir plus de cinq minutes mais il récupère quand même une bonnasse dans l'affaire qui va devenir son officielle et vivre avec lui dans l'endroit chelou qu'il a choisit pour passer sa retraite - ici , un bateau. C'est d'ailleurs aussi un film d'acteur (Eastwood) sorti juste un an après The Pledge - probablement juste une coïncidence? En tout cas, il a du souffrir de la comparaison, parce qu'il est largement en dessous. Si le personnage de flic n'est pas mauvais (Clint himself), les personnages secondaires sont plutôt nazes - la bonne par exemple, où on ne sait pas si c'est le rôle qui est mal écrit ou simplement l'actrice qui joue comme une clenche - l'intrigue est un peu courue d'avance, cherche à faire du spectaculaire hollywoodien qui fait tache et a l'audace de nous proposer un happy-end complètement crétin. Clint n'est pas mauvais cela dit, bien décrépi comme il faut, il fait un peu pitié - voire rire. Peut-être l'intention de base en fait?

Frantic est un film qui fait franchement rire- je ne sais pas si c'était l'idée, mais bon. Dr Walker (Harrison Ford, sans son fouet et son chapeau) et sa femme vont en vacances à Paris. La femme disparaît,qui reste? Une valise qui n'est pas à elle et une gourmette sur le trottoir. Ici, de nouveau, la Loi ne sert à rien - pire encore, la Loi n'en a juste rien à foutre. La police française est présentée comme une bande d'ignares complètement incompétents, linguistiquement impotents et finalement plutôt inutiles. Walker va par contre se révéler super dégourdi et travailler en Solo (haha). Il croise au détour de son enquête une petite pute à gros sourcils - Emmanuelle Seigner, introduite ici par Polanski, qui s'est lui-même d'ailleurs aussi introduit à et dans elle quand il ne tripotait pas encore les petites filles en Californie - un peu con sur les bords mais charmante avec sa moue et son appart sous les toits. Il y a plein de clichés de films noirs détournés: des ratages un peu gag, des chutes du toit vaudevillesques - un côté un peu Pierre Richard qui fait du bien.

Toujours de Polanski, il y a l'immense Chinatown, jumeau maléfique de Frantic: magnifique, second degré mais d'un noir absolu jusqu'au bout sans aucune consolation. Gittes (Nicholson) est un privé minable, comme souvent dans les films et se voit confier une mission banale de surveillance de mari infidèle - qui s'avérera plus tordue que prévu, avec des embrouilles qui s'enchaînent et n'en finissent pas: corruption, reventes illégales, détournement aquatique et spéculations mafieuses, c'est tout un merdier qui lui tombe dessus. Dès le générique, on est dans du noir revu: typo vintage, générique entier au début, entrée dans le vif dans le quotidien pathétique d'un détective cynique et miteux. Dans la suite, plein de petites scènes qui reprennent le genre mais avec des effets comiques aussi un peu slapstick mais qui font plus pitié pour les héros que rire - genre je m'effondre en larme sur mon volant et déclenche par inadvertance le klaxon - et surtout, la présence de John Huston en vieux proprio véreux, incestueux, menteur et globalement evil. Il y a aussi l’immense Faye Dunaway, encore jeune de visage, mais filmée de suffisamment près pour qu'on voit les coutures qui commencent à tirer sur le lifting. La fin n'est pas loin, et c'est pas bien drôle.

Blood work, Eastwood, 2002
Frantic, Polanski, 1988
Chinatown, Polanski, 1974

vendredi 5 février 2016

Smart is sexy: draguer avec les philosophes.

Un des trucs qu'on découvre en prenant de l'âge, c'est qu'il est moins évident de choper avec le temps: si à 20 ans on se saute dessus les uns les autres en laissant nos hormones faire le travail, après 30 ans, la drague devient une activité, un truc travaillé, voire compliqué pour certains. Il n'est plus suffisant de s'enfiler trois shots et de mettre sa langue dans le premier gosier venu, non, une part pas insignifiante du processus de séduction est à présent dévolue à la conversation.

Ouille.

Mais si vous faites partie des bienheureux qui ont passé une partie de leur belle jeunesse enfermés dans une chambre de bonne serbe à essayer de comprendre l'analyse lacanienne de la topologie bourbakienne, votre temps est venu. Vous avez probablement laissé passer un nombre affolant de parties de jambes en l'air, mais vous vous êtes aussi évité pas mal de coups pouilleux. Et vous vous retrouvez aujourd'hui plein d'une connaissance totalement, inutile (une thèse à moitié écrite, un article dans une revue yougoslave surréaliste, une exposition conceptuelle à Skopje), absolument invalorisable sur le plan professionnel et finalement peu utilisable en ce qui concerne les problèmes de la vie - difficile de réparer une ampoule avec La philosophie des formes symboliques. Par contre, vous êtes carrément sur les starting-blocks en ce qui concerne la drague, puisque vous êtes capable de parler d'un tas de trucs intelligents avec un naturel qui désarmerait le plus fervent fan du Standard. 

Cependant, attention! Si on peut parler de n'importe quoi à n'importe qui (et vice-versa), il y a une certaine gradation à respecter en ce qui concerne les philosophes: vous êtes tentée, face à ce bel inconnu que vous venez de rencontrer, de vous lancer dans une critique en règle du Tractatus - malheureuse! Surtout pas! À chaque étape son penseur.

Stade 1: le philosophe light.
Pour commencer, toujours un truc un peu soft, type Rancière, ou Agamben par exemple. Perso, j'utilise beaucoup Žižek, qui fonctionne très bien: il permet de parler d'un nombre assez vaste de sujets - des attentats aux films de Lynch en passant par la philosophie Starbuck - , si vous êtes douée en imitation, vous pouvez faire des blagues sur sa prononciation rigolote et ça vous permet de faire votre pétasse slave en corrigeant la prononciation - on ne dit effectivement pas [zizek] comme [zizi], mais bien [jijek] comme [joujou]. Si comme moi vous affectionnez les architectes - qui sont un peu comme des artistes, mais avec des sous - rabattez-vous sur Augé: il y a du léger et du plus lourd, des concepts applicables à pas mal de choses et c'est un hit en terme de philosophie de l'urbanisme (= vous êtes moderne, urbaine mais pas bécasse. Compte double si votre architecte est flamand).

exemple: "Le piétonnier, en fait, si tu le vois du point de vue d'Augé c'est une tentative de se réapproprier la ville, on va dire, anthropologiquement, mais le problème, c'est que c'est fait avec une tendance patrimonialo-touristique qui annule complètement la démarche"

Stade 2: Foucault
Ne pas en parler, c'est péché. Foucault est un peu le Barack Obama de la philosophie: il est frais, tout le monde le kiffe, il fait pas sa pétasse et reste relativement accessible, et, tel un couteau suisse, il sert à tout et n'importe quoi. Avec un peu d'entraînement, vous pouvez le placer partout: société de surveillance, discipline scolaire, néo-libéralisme, origines politiques de l'Europe ou statuts juridiques des hermaphrodites au 18e siècle - il existe d'ailleurs probablement quelque part un livre de cuisine foucaldienne avec des pures recettes généalogiques.

exemple: "Mais tu sais qu'en fait, quand tu relis Foucault, l'individualisme moderne, c'est surtout parti d'une tentative de contrôler la population? C'est fou, non, quand on y pense, parce que le contrôle, aujourd'hui, on pense que c'est ce qui empêche l'épanouissement personnel, alors qu'en fait..."

Stade 3: le philosophe hard
Si votre proie rechigne encore, lancez-vous dans du solide. Deleuze par exemple, si vous êtes face à un cinéphile. Naïvement, il vous parlera de l'image-temps en ayant l'impression d'avoir compris un truc. Acquiescez. Puis parlez-lui de Différence et répétition. Au besoin, sortez votre Logique du sens. Finissez avec un extrait de l'abécédaire et le petiot est cuit.

exemple: "Ben tu vois, j'ai longtemps rien compris à Deleuze, c'était un peu freestyle pour moi, mais quand j'ai lu Différence, mais genre épiphanie! C'est un philosophe avec des bases, mais de fou en fait, tu vois, la relecture de Nietzsche, la structure de l'Événement, enfin tout ça quoi."

À utiliser avec précaution:
- Nietzsche: évitez si vous êtes un peu emo, un peu dark avec des marques de scarification sur les poignets (=  vous prenez le suicide philosophique trop au sérieux) À l'opposé, si vous êtes girly pop et que tout ce que vous connaissez de Nietzsche, c'est la citation qui a inspiré Kelly Clarkson, abstenez-vous également (= vous êtes une cagole ontologique à faux ongles). Sinon, impeccable (= vous êtes nihiliste, mais pas chiante)
- Castoriadis: toujours génial, surtout avec un mec de gauche (voire gauche de la gauche). Mais casse-gueule si vous confondez Platon et Aristote et que le seul mot grec que vous connaissez est "salakis-au-bon-lait-de-brebiss". 
- Merleau-Ponty: fascinant, mais un peu relou, sauf si vous lui parlez du paradoxe touché/touchant (= vous lui touchez la main, le bras, le chibre pour illustrer votre propos)

Stade 4: Lacan
À n'utiliser qu'en cas d'urgence absolue. À ce stade, il est normalement bientôt 3h du mat', vous entamez votre sixième Duvel et vous commencez à avoir faim. Vous avez l'impression de vous être égarée dans des discussions à n'en plus finir sur la réforme de l'orthographe et l'avenir du piétonnier. Lacan est indiqué dans ce cas-ci pour deux raisons: premièrement, vous êtes suffisamment torchée pour faire des phrases kilométriques qui ne se terminent jamais et auxquelles personne (y compris vous) ne comprend rien, mais qui ont l'air fulgurantes d'intelligence. Deuxièmement, ça vous permet de placer les mots "désir" "objet" et "sujet" à moult reprises et dans maintes locutions - ce qui devrait finir par faire tilt dans le subconscient de votre victime ( objet sujet désir = toi moi baiser). Technique utilisée et infaillible: au bout de 5', vous devriez être parvenue à vos fins. J'aime à penser que c'est cette débauche d'esprit qui finit par abattre la bête, mais on m'a un jour suggéré que c'était tout simplement parce que c'est tellement chiant que l’intéressé n'a qu'une chose en tête - vous faire taire (et quoi de plus efficace pour cela que de vous fourrer sa langue dans la bouche?).

exemple: " Non, parce que ce qui est fascinant, dans cette histoire, c'est toute l’ambiguïté structurale du désir qui est contenue dans l'expression "désir de l'Autre". Parce que c'est à la fois de l'Autre, mais aussi de l'Autre, dans le sens du génitif objectif. Tu vois?"

Que faire si: il vous parle (en bien) d'Onfray. Fuyez. Vous n'avez pas envie de vous réveiller à côté de cet individu, croyez-moi.

La semaine prochaine, nous nous pencherons sur le sujet épineux des vacances: que faire de votre deleuzien pendant l'été, avec notre sélection des meilleures garderies déconstructionnistes de la Côte.

mardi 2 février 2016

The King total

The mouth of madness m'avait plongée dans un nouvel abîme thématique: celui des adaptations de Stephen King au cinéma - méga-bon filon s'il en est. Y'a pas à chier, le vieux est productif - en fait, on dirait même qu'il écrit ses livres comme des films, ce qui est un peu le cas quand même, hein. Après, fastoche à mettre à l'écran, les scènes sont déjà découpées, les plans quasi définis et les coupures de pub au bon moment. Ceci dit sans mépris ni pour l'auteur - que j'adore, même si j'ai un peu chouiné sur le Doctor Sleep, moyen bof - ni pour les moult réalisateurs qui s'y sont attaqués - pas tous avec le même talent par contre.

J'ai un peu commencé par le top, donc ça va être simple!

Il y a The Mist, adaptation d'une nouvelle bien classique: une ville, quelque part dans une région rurale quelconque, avec un camp militaire dans le coin, est en un coup envahie par un brouillard vachement épais avec des trucs dedans qui font sluuuurp et crooounch. Bouh. Pris à partir du point de vue d'un type normal comme il faut qui fait ses courses au supermarché du coin, on vit le développement d'une situation fantastique à partir d'un cadre ultra réaliste: se retrouvent enfermés dans l'enfer des surgelés et de la litière en promotion tout un petit échantillon d'humanité yankee de base, des types un peu redneck, des soldats en goguette, des citadins prétentieux en vacances et bien sûr, des tarés cathos en furie. Tout ce petit monde va donc s'organiser pour survivre face à un ennemi invisible et on va vite voir (original!) que l'enfer, en fait, c'est les autres. Bah ça. Bon, c'est un truc très kingien - l'interruption de l'anormal sous forme atmosphérique qui se transforme petit à petit en horreur de plus en plus précise, l'isolement dans un lieu clos où toute une petite société improvisée va se révéler être une belle bande de bâtards sous la pression. Je n'ai pas eu le texte en main, donc c'est difficile de juger, mais j'ai trouvé que ça entrait vite dans du visuel gore très concret - tiens, une grosse tentacule! oh, des moustiques géants! ça alors, des araignées mutantes! - alors qu'on aurait pu rester dans le brouillard, justement, un peu plus longtemps. C'est Fred Darabont qui signe ça, et dieu sait s'il aime travailler les dynamiques sociales post-apocalyptiques, du coup cet aspect là est très bien foutu. La dernière demi heure est aussi ultra-scotchante et très belle, avec des belles idées de monstres - le gros truc à mille pattes de la fin genre, mais WOW - un  morceau magnétique qui pique l'échine et une fin sublimissime de désespoir. Il faudrait voir The Fog pour voir c'est quoi cette histoire de brouillard, dans le fond. Et relire Lovecraft, sans doute.

J'avais l'impression d'avoir déjà vu Dead Zone, mais c'est à cause des Simpsons, comme d'hab. C'est un des rares Cronenberg qu'il me reste à voir et j'étais toute chose, mais en fait, je reste un peu sur ma faim: où sont les trucs organico-gluants qui poussent sur les gens? Les épidémies ontologiques? Les massacres à coup de gros Dasein? Bah pas trop ici, zut alors.L'histoire est simple: Johnny se fait un gros coup sur la tête en conduisant n'importe comment. Tellement gros qu'il reste 5 ans dans le coma et que sa copine se tire avec un concon républicain. Par contre, il est devenu médium dans l'entre-deux, et peut désormais voir le futur en touchant les gens (oh la technique de drague de fou!). Mais comme Johnny est trop coule, il ne l'utilise qu'à bon escient alors que ça le fait un peu chier son don - tout le monde veut savoir des trucs et passe son temps à lui tapoter les mimines, ce qui le rend un peu chafouin. On retrouve des obsessions des deux compères: le milieu médical qui fait un peu joujou avec les gens, l'idée de traitement spécial et le rapport corps/esprit pour Cronenberg; les visions fulgurantes, le sens "en plus" et la bizarre excitation sociale que ça soulève pour King. Alors, tout le monde est content? Moui. Y'a quand même Walken, ma tête de fraise préférée, alors ça va. 

J'ai fini avec Creepshow, petit film à sketch de ce cher Romero qui se fait un bon kif tendance comics ultra graphique et sans prétention ni prise de tête deleuzienne - pour changer, haha. Creepshow est donc une bande-dessinée jetée à la poubelle un soir de tempête et qui nous raconte des petites histoires, comme ça - on va pas toutes les résumer, tout est . J'ai bien aimé l'histoire du redneck qui trouve une comète dans son jardin - qui s'avère être une sorte d'entité extra terrestre ou un engrais superpuissant, va savoir. On y trouve une illustration de l'ultime hipster organique: la barbe bio

Posé!
Ça relance aussi la vieille querelle : à partir de quand c'est redneck/clodo et plus hispter. Abstrus.
Il y a aussi un chouette morceau sur un genre de Howard Hughes obsédé par les cafards qui a la malchance de vivre dans un vieil immeuble roumain. Très jolies scènes de cafards qui se répandent - même moi, j'ai couiné - et parfois un petit côté Fassbinder dans les décors.

Ach! Das jukebox!
L'idée de comics est travaillée à fond, dans les raccords entre scènes, les ellipses et les interludes, avec un chouette sens du détail, comme par exemple ce courrier des lecteurs, la creepy correpondence - trop chou, non?



The Mist, Darabont, 2007
Dead zone, Cronenberg, 1983
Creepshow, Romero, 1982