vendredi 23 janvier 2015

The Fall

Je n'ai pas l'impression qu'on ait beaucoup parlé de The Fall jusqu'à présent: allonzo. Très franchement, les séries policières à serial killer et figure féminine de proue, y'en a des masses: The Killing se distinguait un peu, pour l'ambiance glauquasse et la performance de Enos - quoi que parfois un peu trop gros-pull-et-cernes-sous-les yeux -, il y a eu aussi The Bridge, pas mauvais non plus pour la Krueger, et puis une triclée de truc british - dont on retient surtout Broadchurch, pas trop mal torché.

Le dispositif est presque toujours le même: l'enquête impossible, les pouvoirs locaux impuissants, l'outsider qui débarque, en général méga surdoué mais un peu cassé, les yeux dans le vague, les intuitions chelous planquées dans la manche, relativement asocial, silencieux, brisé: ça ressemble aussi à la formule de pas mal de grandes séries littéraires policières, dont l'énorme Nesbo et son personnage d'enquêteur alcoolo aux yeux de cocker.

L'outsider ultime étant une femme, il est intéressant de voir comment se positionne ce type de série: en général, on retrouve des femmes pas très girly ou bien franchement psychotiques, toujours dans l'idée de personnages qui n'arrivent pas forcément à entrer dans le cadre qui leur est imparti - genre si on veut être un détective trop badass, c'est impossible d'avoir une vie normale, ou le syndrome McNulty. Avec The Fall, un truc intéressant se produit: Gillian Anderson est une femme à  donf: attitude, fringues, gestuelle, sexualité; elle maîtrise les codes et n'est pas dans une situation de refus, de renoncement.

Il s'agit d'une féminité glacée, très froide et ultra obsessionnelle dans le soin du détail, mais pour une fois, on n'a pas l'impression d'être face à une gamine poussée trop vite qui ne tient pas sur des talons. L'idée n'est pas de rentrer dans une défense féministe du truc, mais ce positionnement fait une partie de l'originalité de la série, d'autant  plus qu'il s'agit bien ici de rapports de pouvoir entre le féminin et le masculin, que ce soit dans l'enquête ou son environnement.

L'intrigue est de son côté très bien foutue, avec un sentiment de lenteur et d'impuissance plutôt réaliste, un aspect anti-spectaculaire. Il y a bien des intrigues secondaires qu'on sait pas trop où elles vont parfois, probablement censées ancrer le tout dans un contexte spécifique - mouais...- mais ça ne gêne finalement pas le déroulement. Je regrette un peu la fin mais en même temps, pourquoi pas. C'est abrupt, mais au moins ça change.

mardi 20 janvier 2015

Ecran total

J'ai été voir Les Tueurs Fous sur une impulsion bizarre: le titre me disait bien, le réalisateur ne me disait rien et ça passait avant un film que j'allais voir, à ce prix là... Bon. Il s'agit donc de l'histoire de deux tueurs fous, dans un Bruxelles underground des 70's: milieu homo, petites frappes qui survivent en bouffant du chien en boîte et qui décarrent en vieille Volvo. L'idée est de montrer le côté sadique - ou en tout cas jouissif - des meurtres, avec une très longue scène de poursuite d'un pauv' type en solex  -dont on se demande bien comment il tient dessus d'ailleurs- et puis le côté aléatoire, un peu au hasard: un type qui passait par là, une meuf qui promène son chien. On ne sait d'ailleurs pas très bien pourquoi tout ça se met en branle: ça part d'une idée intéressante: un cliché façon trophée de chasse après un premier meurtre, puis finalement la trajectoire devient complètement erratique. Il y a quand même l'idée de toute puissance (après un premier meurtre pour ainsi dire confessé qui reste impuni) et puis d'errance. Tout ça est bien rendu, avec des acteurs bien malsains, filmé à la limite de la peau, sans intériorité ni musique, sans gros plans affectifs ou moments émotifs: un peu dur à encaisser parfois. Par la grâce de la Cinematek, la dernière bobine était récupérée d'une version doublée en anglais: faut pas hésiter à mettre des sous-titres dans ce cas-là, hein.

Welp est un film que j'attendais avec une impatience comparable à celle d'un élu NVa pour les prochains attentats terroristes.  Pour une fois, les petits jeunes qui se font massacrer dans les bois sont des scouts! Et en plus, des flamands! Rhaaaa! Slasher sans prétention au niveau de l'intrigue (y vont camper, puis y sont tous crevés) ni du point de vue des personnages (le gamin cas social qui voit de strucs chelous que personne croit, le mec difforme qui vit dans les caves d'une usine abandonnée, le chef scout à moitié facho, la bonne-mais-gentille-mais-qui-va-crever-quand-même, le flic trop con), ça reste un bon film, avec une deuxième partie un peu longuette parfois et des gros trous dans le scénario (en fait, un manque de constance dans le slashisme: "J'en vois des qui sont pas morts, là, au fond") mais quelques trouvailles très cool dans le gore (les fausses bagnoles! Dément!) ou du point de vue visuel (la cabane dans l'arbre, qu'on dirait du Arne Quinze mais en beau et visiblement plus solide) et puis bien sur, les deux ronny wallons qui font du quad dans les champs, élément essentiel de tout camp scout qui se respecte.

Circus of Horrors fait partie de mon cycle Freaks et je suis un peu déçue: ça se déploie autour d'un chirurgien esthétique raté qui se refait une vie en devenant directeur de cirque. Du coup, je rêvassais à des têtes d'opérations ratées transformées en attractions de cirque et j'en frissonnais d'avance dans ma culotte. Que ne fus-je pas toute désappointée! En fait, le type SOIGNE des nanas décavées à la gueule circonflexe pour les transformer en reines de beauté. Où donc est l'horror? C'est plutôt une histoire de pygmalion: une fois redevenue buenas, les gourgandines ont tendance à se trouver un riche type à épouser et essaient de mettre les voiles. C'est là que, HORREUR, un accident bien mal tombé les envoie à trépas. Bon, le titre est vraiment trompeur, on en conviendra. Le film n'est pas mauvais, plutôt classique dans la facture, avec un couple de frère et sœur sous la coupe du chirurgien pour une raison demeurée obscure - ils sont bêtes, c'est acquis, mais pourquoi sont-ils si méchants? 

Ayant découvert récemment la black wave (?) yougoslave, je m'y penche à petites doses et ai donc commencé par W.R.: Mysteries of the organism, un film qui a visiblement fait scandale et auquel il n'y a en fait pas grand chose à comprendre. Deux séquences en parallèle: une sorte de documentaire sur Wilhem Reich, psychanalyste réfugié aux USA dans les années 30, au destin sulfureux et aux contributions à la science douteuses (un accumulateur à énergie d'orgasme, un système de cloudbuster, ancêtre théorique des Chemtrails et l'invention de l'Orgone, aussi plausible que l'imminence d'un attentat sur la personne de Jan Jambon) et une autre séquence racontant les déboires d'une paire de petites yougo bien polissonnes qui s'envoient en l'air en envoyant chier Tito et qui finissent par séduire un pauvre patineur russe échappé d'un Holiday on Ice stalinien. D'où un scandale. Pas tellement sexuel, plutôt potache, les deux parties se répondent quant au fond: la révolution sexuelle comme révolution socialiste, le corps comme objet à libérer d'une société (capitaliste ou communiste) qui recadre, enferme, décide: enfin tout ça. 

Les Tueurs Fous, Szulzinger, 1972
Welp, Govaert, 2014
Circus of Horrors, Hayers, 1960
W.R.: Misterije Organizma, Makavejev, 1971

jeudi 15 janvier 2015

samedi 3 janvier 2015

Ecran total

Dans un effort de constance cinématographique, je suis à l'affût d'un bon petit thème de cycle qui mette de l'ordre dans ce bordel sidéral: j'ai donc essayé de me faire une liste de films de freaks afin de me préparer à la saison 4 de American Horror Story. Bon, mes ambitions étant souvent rattrapées par mon manque d'organisation, j'ai commencé l'une sans avoir fini l'autre, mais je suis du coup tombée sur quelques trucs intéressants dont:

- Carnival of Souls, visiblement film méga connu dont je n'avais jamais entendu parler et qui m'a bien plu. Au sortir d'un accident plutôt méchant, une petite organiste part refaire sa vie au milieu de nulle part (la bonne idée!) et se retrouve étrangement attirée par une foire abandonnée qui jouxte le lac près duquel elle s'est établie. Elle commence à être poursuivie d'une part par une présence spectrale hirsute et d'autre part, par un voisin super collant - qu'elle repousse avec un aplomb bien progressiste pour l'époque. Evidemment, le guignol n'apprécie pas trop et la traite de folle à la première crise d'hallucinations - bravo. Entre des épisodes où elle disparaît littéralement aux yeux du monde et des visions cauchemardesques de fête foraine pleine de gens morts, ça ressemble parfois fort à un bon vieil épisode psychotique. On peut d'ailleurs voir en sous-texte le rapport difficile et pas forcément jouasse d'une époque avec la maladie mentale - exclusion, rejet, catalogage. Bon, après, ça tourne un peu façon 6e sens, mais nous n'en dirons pas plus.

- Les nains aussi ont commencé petits, film déjà vu dans un état de stupeur alcoolique qui m'avait laissé peu de souvenirs - si ce n'est celui du générique de début et du nain au rire sardonique. Je suis bien aise de l'avoir revu parce que ça met en évidence un ressort du film de freak pas très joli-joli. Techniquement, le film ne raconte rien: des nains en maison de correction se rebellent et séquestrent leur directeur qui finit par se libérer pour gambader dans les cailloux et faire la morale à un arbre. Rien de bien substantiel en somme. Le seul ressort du film, c'est finalement les nains: leur taille anormale et une difformité qui va jusqu'au comportement- ils sont petits, laids, méchants et bêtes. La fascination pour l'anormal ne se pare ici d'aucune excuse ou d'aucun prétexte - contrairement à Freaks par exemple, qui se donne du mal pour justifier - là, ça semble assumer complètement le côté voyeur (les séquences autour des animaux sont plutôt parlantes: entre les poules qui se bouffent entre elles ou qui picorent des cadavres de souris, le singe crucifié et le chameau handicapé présenté en un plan interminable, on cherche visiblement le malaise). Fatalement, ça met un peu mal à l'aise, ce qui est probablement le but.

Le reste de mon errance m'a menée à finir 2014 en regardant Written on the Wind - encore un titre-mystère, même si poétique- qui raconte un amour impossible sur fond de puits de pétrole. C'est plutôt bien joué du point de vue de la morale: Lucy, petite secrétaire anonyme, tombe dans les bras d'un magnat du pétrole, Kyle, dont le meilleur ami, Mitch est secrètement amoureux de Lucy. Ça ressemble à un épisode d'Hartley Coeurs à Vif et ça continue comme ça. Fatalement, le Kyle est un peu le prototype du riche héritier dégénéré, porté sur la boisson et auquel l'amour donnera un bref répit mais aargh que les démons du passé reviendront hanter au premier problème. Mitch - Rock Hudson, créature mi-Stallone, mi-Presley déjà évoquée ici- est pour sa part un good farmboy, modeste et humble, qui se couperait la main plutôt que de trahir son poteau. Ajoutez à tout ça une sœur nymphomane, un père déçu et des relations familiales bien psychotiques et tout cela finit mal, très mal puis en fait bien: ceux qui doivent être ensemble le sont, l'empire pétrolier est sous bonne garde et sans tromperie, trahison ou violence, si ce n'est auto-infligée - chapeau! Bacall est bizarrement vieille dans ce film: traits tirés, belles cernes, elle dénote un peu physiquement avec le personnage de petite secrétaire innocente; décalage qui ne tombe finalement pas si mal.

Carnival of souls, Harvey, 1962
Auch Zwerge haben klein angefangen, Herzorg, 1970
Written on the wind, Sirk, 1956

vendredi 2 janvier 2015

Du sang, des boyaux, de la rate et du cerveau!

Dans une récente wikipisation de Craig Davidson, j'ai découvert qu'il avait écrit quelques bouquins sous le pseudo - évocateur!- de Patrick Lestewka. Le coup du pseudo m'a intriguée: c'était probablement de ces bouquins un peu crades, que les auteurs ont pas trop envie qu'ils soient trop associés à leur petite personne pour laquelle ils ont finalement des ambitions littéraires honnêtes. Comme une visite en scred' au Nord, je me suis donc procurée deux de ces opus, publiés chez Necro Publications (!). Je ne tire en passant pas mon chapeau à Necro: couvertures dégueus, mise en page immonde, on sent bien que c'est pas l'amour de l'art qui prime dans la conception du livre. Cela dit, leur catalogue est plein de trucs qui ont l'air plutôt fun (" The Drunken Exorcist", "Bride of the Impaler" ou l'intriguant "Lucifer's Lottery").

Je me suis donc attelée à la lecture de The Preserve et The Coliseum, un choix fait complètement au hasard - quoique j'aie hésité sur Mother Bitchfight. Même si il s'agit de livres de genre, on retrouve quand même quelques trucs de Davidson qui font des livres "officiels" ce qu'ils sont: du sang, des boyaux, de la rate et du cerveau savamment étalé sous les yeux du lecteur.

The Perserve est franchement pas mal fait: histoire d'une unité d'élite du Vietnam réunie 20 ans après par un individu mystérieux (un nain, évidemment) pour une mission tout aussi obscure - tuer des types échappés d'une prison supermax et qui zonent dans les bois z'alentour -; mission qui se révèle bientôt n'être pas celle qu'on pensait (*rires machiavéliques*). En fait, c'est une réserve pour monstres de tous bords - loups-garous, zombies, vampires et d'autres trucs qui traînent - dans laquelle nos amis jouent l'agréable rôle de gibier sur pattes - trop fun. Si ça tourne au massacre de façon un peu abrupte - genre l'explication hyper didactique qui arrive super vite-, la mise en place des personnages et du contexte est bien torchée - et on retrouve ce talent à dénicher et décrire des personnages complètement à la masse, alcoolo, braqueur, joueur compulsif ou producteur de films pornos, visiblement, le Nam n'a pas eu un effet trop épanouissant sur ces ptits gars. Du coup, le récit prend un chouette épaisseur dès le départ, qui repose un peu du massacre de la deuxième partie. Parce que c'est là qu'on retrouve un autre truc cher à Davidson: des scènes de violence assez hallucinantes, avec des détails bien gore et surtout vachement inventifs: un bébé zombie en rappel le long du visage d'un mec à qui il a gobé l’œil et qui pendouille au bout du nerf optique, un type qui se drape les épaules dans la dépouille d'un cadavre de Viet comme si c'était une hermine: miam! Bon, il y aurait bien un truc à dire sur le fin mot de l'histoire et sa morale toute chelou - le Chaos, la Guerre, la Présence du Mal sur terre, tout ça, mais c'est finalement minime.

The Coliseum est par contre un niveau en-dessous, malgré une proposition intéressante: à bout d'idées pour gérer la population carcérale, des illuminés décident de créer une prison sans gardiens, une sorte de réserve en fait, dans laquelle des prisonniers - évidemment les pires du monde- évoluent en vase clos sans surveillance. Loin d'être le récit merveilleux d'un peuple révolutionnaire qui prend en main son destin et fonde une société miraculeusement autogérée qui ferait bander Tito lui-même, c'est évidemment une véritable boucherie. On suit donc l'évolution d'un groupe de prisonniers, chacun dégueu dans son genre - une espèce de Jim Jones à la manque, une Beast, un cannibale canadien et un type qui sait pas trop ce qu'il fait là. Il y a le même effort pour créer des personnages tangibles - récits rétroactifs des crimes, jeu sur les personnalités différentes - mais ça tourne très vite au carnage général: pas beaucoup de répit, si ce n'est via quelques personnages du Coliseum (la prison donc) dont on présente les histoires individuelles - avec des trucs parfois franchement éprouvants à lire, dont une scène de torture à la ponceuse pas chiée. Le final qui comprend une créature hermaphrodite vivant dans la cave avec les fruits difformes de ses amours avec elle-même (fallait le trouver celui-là) est un peu too much: trop de tripes tue les tripes, à défaut parfois d'une intrigue un peu plus ambitieuse en termes de structure.

The Preserve, 2004
The Coliseum, 2011