vendredi 2 janvier 2015

Du sang, des boyaux, de la rate et du cerveau!

Dans une récente wikipisation de Craig Davidson, j'ai découvert qu'il avait écrit quelques bouquins sous le pseudo - évocateur!- de Patrick Lestewka. Le coup du pseudo m'a intriguée: c'était probablement de ces bouquins un peu crades, que les auteurs ont pas trop envie qu'ils soient trop associés à leur petite personne pour laquelle ils ont finalement des ambitions littéraires honnêtes. Comme une visite en scred' au Nord, je me suis donc procurée deux de ces opus, publiés chez Necro Publications (!). Je ne tire en passant pas mon chapeau à Necro: couvertures dégueus, mise en page immonde, on sent bien que c'est pas l'amour de l'art qui prime dans la conception du livre. Cela dit, leur catalogue est plein de trucs qui ont l'air plutôt fun (" The Drunken Exorcist", "Bride of the Impaler" ou l'intriguant "Lucifer's Lottery").

Je me suis donc attelée à la lecture de The Preserve et The Coliseum, un choix fait complètement au hasard - quoique j'aie hésité sur Mother Bitchfight. Même si il s'agit de livres de genre, on retrouve quand même quelques trucs de Davidson qui font des livres "officiels" ce qu'ils sont: du sang, des boyaux, de la rate et du cerveau savamment étalé sous les yeux du lecteur.

The Perserve est franchement pas mal fait: histoire d'une unité d'élite du Vietnam réunie 20 ans après par un individu mystérieux (un nain, évidemment) pour une mission tout aussi obscure - tuer des types échappés d'une prison supermax et qui zonent dans les bois z'alentour -; mission qui se révèle bientôt n'être pas celle qu'on pensait (*rires machiavéliques*). En fait, c'est une réserve pour monstres de tous bords - loups-garous, zombies, vampires et d'autres trucs qui traînent - dans laquelle nos amis jouent l'agréable rôle de gibier sur pattes - trop fun. Si ça tourne au massacre de façon un peu abrupte - genre l'explication hyper didactique qui arrive super vite-, la mise en place des personnages et du contexte est bien torchée - et on retrouve ce talent à dénicher et décrire des personnages complètement à la masse, alcoolo, braqueur, joueur compulsif ou producteur de films pornos, visiblement, le Nam n'a pas eu un effet trop épanouissant sur ces ptits gars. Du coup, le récit prend un chouette épaisseur dès le départ, qui repose un peu du massacre de la deuxième partie. Parce que c'est là qu'on retrouve un autre truc cher à Davidson: des scènes de violence assez hallucinantes, avec des détails bien gore et surtout vachement inventifs: un bébé zombie en rappel le long du visage d'un mec à qui il a gobé l’œil et qui pendouille au bout du nerf optique, un type qui se drape les épaules dans la dépouille d'un cadavre de Viet comme si c'était une hermine: miam! Bon, il y aurait bien un truc à dire sur le fin mot de l'histoire et sa morale toute chelou - le Chaos, la Guerre, la Présence du Mal sur terre, tout ça, mais c'est finalement minime.

The Coliseum est par contre un niveau en-dessous, malgré une proposition intéressante: à bout d'idées pour gérer la population carcérale, des illuminés décident de créer une prison sans gardiens, une sorte de réserve en fait, dans laquelle des prisonniers - évidemment les pires du monde- évoluent en vase clos sans surveillance. Loin d'être le récit merveilleux d'un peuple révolutionnaire qui prend en main son destin et fonde une société miraculeusement autogérée qui ferait bander Tito lui-même, c'est évidemment une véritable boucherie. On suit donc l'évolution d'un groupe de prisonniers, chacun dégueu dans son genre - une espèce de Jim Jones à la manque, une Beast, un cannibale canadien et un type qui sait pas trop ce qu'il fait là. Il y a le même effort pour créer des personnages tangibles - récits rétroactifs des crimes, jeu sur les personnalités différentes - mais ça tourne très vite au carnage général: pas beaucoup de répit, si ce n'est via quelques personnages du Coliseum (la prison donc) dont on présente les histoires individuelles - avec des trucs parfois franchement éprouvants à lire, dont une scène de torture à la ponceuse pas chiée. Le final qui comprend une créature hermaphrodite vivant dans la cave avec les fruits difformes de ses amours avec elle-même (fallait le trouver celui-là) est un peu too much: trop de tripes tue les tripes, à défaut parfois d'une intrigue un peu plus ambitieuse en termes de structure.

The Preserve, 2004
The Coliseum, 2011

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