mardi 12 août 2014

Na putu

To M.

Slovenija, 2014

lundi 11 août 2014

True Detective


Puisqu'on a certainement déjà tout dit à propos de cette série, je vais me joindre au concert des gens qui chouine leur mère sur cette série, sans vrai souci d'en dire quelque chose de mieux ou de plus malin. Trois choses seulement:

- le personnage de flic super freak, en général en tandem avec un type plutôt normal. Le frlic (frleak?) correspond à un type qu'on voit pas mal dans ces séries policières à ambiance grinçante un peu glauque: Linden dans The Killing, Cross dans The Bridge plus plein d'autres que je zappe. En général, le frlic est méga intelligent, possède une sorte d'intuition un poil zarbi, parle à ses mains et découvre des trucs que personne d'autre il peut les comprendre. Du coup, il est souvent tout seul, n'a pas vraiment de famille, s'habille comme un plouc et est pour ainsi dire légèrement autiste. Ici, on est en plein dedans, avec un petit truc en plus qui fait que. 

- le bayou et le Sud en général: déjà mentionné précédemment, le Sud fascine pour tout un tas de raisons: c'est un réservoirs à redneck et hillbillies en tout genre, c'est un peu le petit secret dégueu des USA, le truc qu'on range sous le tapis et qu'on préfère pas trop montrer aux visiteurs. Mais le bayou génère en plus une certaine fascination, qui joue à plein ici parce qu'il fonctionne à la marge à différents points de vue. Du point de vue géographique parce qu'il est aux confins d'une terre à moitié immergée, toujours à moitié en train de disparaître; du point de vue social, parce qu'il concentre une population plus ou moins livrée à elle-même (en tout cas dans l'image qu'on en donne) à la marge d'une société américaine au sourire bright; du point de vue anthropologique, parce qu'il semble concentrer et mêler des croyances de tous bords en un joyeux bordel vaudou pagano-chrétien de l'extrême. Ici, la marginalité est clairement le sujet: les longs plans aériens sur les swamps, les images immobiles de caravanes posées sur des cailloux au milieu de nulle part, les arbres à moitié crevés, des communautés en pure décomposition qui végètent sur le bord de routes abandonnées et une logique spirituelle à la limite même d'une spiritualité "moderne".



- Le personnage de Cohle enfin, écrit par un putain de Schopenauerien en pleine décompensation heidegérienne, qui fout un coup de mou à tous les personnages de flics cyniques jamais écrits. Beaucoup de gens sont étonnés par la prestation de McConaughey, mais ceux qui l'ont vu dans Joe connaissent déjà son bon vieil accent traînant qui pue le bourbon. Là où c'est radical ici, c'est qu'il ne plie jamais vraiment, sauf peut-être à la fin (moment moyennement validé par moi). Les personnages de grands cyniques ne sont en général supportés que pour deux raisons: ils font avancer les choses, parce que souvent les plus finauds et ils sont en fait humains (le fameux moment-où-on-comprend-qu'en-fait-il-a-trop-souffert-mais-dans-le-fond-il-aime-aussi-les-lolcats). Ici, ce moment arrive vraiment in extremis- est-ce que ce serait un petit manque de couilles au niveau de l'écriture? Je trouve que. Mais pour le reste, le personnage est écrit comme un pur cynique qui finalement dit un certain nombre de choses avec lequel on peut difficilement ne pas être d'accord. Ce qui est plutôt drôle, c'est que pour qu'un personnage pareil puisse exister à la télé aujourd'hui, il doive automatiquement être un type complètement barré, un peu comme si c'était inconcevable qu'une personne normale tienne ce genre de discours. Pour ma part, je suis assez d'accord avec ce qu'il dit, et je ne vois pas encore de trucs dans le ciel quand je réfléchis trop. Ça renvoie d'ailleurs à un truc qu'il dit lui-même sur le besoin d'intégrer une expérience à une narration rassurante (autour du deuxième ou troisième épisode). De là à dire qu'il y à auto-méta référence infratextuelle, bah on va laisser ça aux dérridéens bretons. Mais ça en dit quand même long sur l'aveuglement de l'époque actuelle à considérer les choses comme elles le sont et cette putain d'obligation du bonheur qui finira par rendre fou pas mal de gens.

Voilà trois bonnes raisons de regarder ça. Y'en a plein d'autres aussi et probablement une masses de commentaires plus intelligents à faire sur la métaphysique de Cohle, mais ça me semble suffisant.

samedi 2 août 2014

Southern Comfort

Je suis récemment tombée sur une série d’œuvres en rapport avec le Dirty South qui m'ont pas mal fait réfléchir quant aux raisons de cette fascination pour cet espace fait de vieux types chelous, de pick-up poussiéreux et de trailerparks. 

Il existe un terme qui se rapporte à ce genre: le Southern Gothic. Si ça caractérise un genre litéraire plutôt typé et daté, on pourrait étendre le terme et y attacher pas mal d'autres œuvres. Dison en gros qu'il s'agit d'un univers situé dans le Sud des USA, dans des milieux souvent plutôt ruraux ou peu urbanisé, peuplés des gens à la ramasse: difficile ici de déterminer ce qui relève du white-trash, du redneck et du hillbilly - je crois commencer à comprendre, mais ça fera l'objet d'un autre article. Ce qui est sur, c'est qu'ils sont tous pas bien malins, survivent aux franges d'une société à moitié livrée à elle-même - ce qui reflète plus ou moins bien la situation économico-sociale du Sud - ultraviolente et fonctionnant avec des codes pas loin du primitivisme. S'y mélangent un fatras de thématiques difficiles à démêler les unes des autres: racisme supposément atavique du Sud, influence de cultures paiennes/vaudoues, bonne vieille obsession américaine pour la religion en général, le tout pris dans une polarisation Nord/Sud qui fait de l'un le con de l'autre.

Le film parangonique est probablement Deliverance. Redneck contre gens normaux, dans un univers naturel que ces derniers maîtrisent peu, consanguinisme et violence sexuelle, tout y est. De façon intéressante, on retrouve quelque chose de similaire à Southern Comfort, qui part du même principe (des soldats en exercices se frottent à des cajuns pas mignons qui les chassent dans un marécage tentaculaire): à chaque fois, le groupe de gentils incriminés n'est en fait pas tellement sympa. Ils l'ont u peu cherché quoi. On pourrait s'attendre à ce que les forces mises en présence soient diamétralement opposées (style un hipster de Portland se perd dans l'Alabama profonde), mais en fait non. Puisque je doute que ces deux films aient une quelconque ambition politico-éducative (style: "regardez-les avec leurs enfants à trois doigts nourris au moonshine, sont pö si méchants"), c'est intéressant à relever. 

Après il y a les films avec des gentils sauvages, comme Beast of the Southern Wild. On pourrait arguer que c'est un peu facile de transformer une région-cloaque abandonnée par la société en une sorte de phalanstère en cabanes de bois, mais c'est un des rares films que j'ai vu sur le Sud qui en donne une vision positive.

Il y a aussi des films à dimension sociale (on va dire), des tranches de vie qui tournent autour de personnages en général foutus depuis le début, qui tentent péniblement de s'en sortir. Faciles à reconnaître, ces films cumulent en général un certains nombres d'éléments: chemise de flanelle, chien méga violent, caravane/vieille ferme à moitié abandonnée, père absent/mère alcoolique, maisons de passe clandestine, gros DMC plein de vieilles flasques de bourbon et  fusil à canon scié sur le siège passager. Entre le cirque de freak et la chronique sociale, on a parfois un peu du mal à faire la part des choses. Winter's bone est un bon exemple de cette tendance, ou plus récemment vu, Joe, (un peu comme Killer Joe, mais dans une plus jolie caravane) avec un Nicolas Cage tout en barbe de cinéma d'auteur qui finit par balancer un vieux père alcoolique par-dessus eul'pont. Cela dit, on peut se poser ici la question de ce que recouvre ce genre: si Joe correspond bien à ce type de film sur l'Amérique profonde, violente et à moitié demeurée qu'on retrouve souvent dans le Southern Gothic, ça pourrait être n'importe quel redneck, de n'importe quelle godforsaken town du fin fond du Midwest. A cet égard, l'excellent recueil de nouvelles de Frank Bill, Crimes in Southern Indiana laisse rêveur face à son avalanche de bouseux qui cuisinent de la méthamphétamine dans leur jardin entre deux partie de chasse au raton. Pourtant, on est pas vraiment dans le Sud.

Parce que dans le Sud, il y a ces visions marécageuses, ces images d'une terre à moitié désolée, aux arbres pétrifiés dont les racine plongées dans la fange et les silhouettes fantomatiques donnent un air presque tarkosvkien au paysage. Le Sud, c'est pas du soleil sur ta peau et du vent dans tes cheveux: il y a une inertie dans l'air, une pesanteur de l'atmosphère, un ciel bas, humide, des tonalités  gris/brun et des étendues d'eau boueuse qui croupissent dans une attente immobile. True Detective quoi.