mardi 25 octobre 2016

Ecran total

Pas grand-chose de nouveau cette semaine, entre cow-boy du dimanche, cow-boy du mercredi après-midi et cow-boy du vendredi soir : tout le monde peut être un héros (juste pour un jour, une fois).

Cow-boy du dimanche, c’est dans Westworld, l’original. Comment en deux heures on liquide une série promise à moult saisons, c’est ça l’efficacité Bosch et c’est encore une victoire de Canard, à savoir Yul Brynner en cow-boy mutant qui promène sa vengeance de machine au crâne lisse, trop lisse. L'intrigue est sensiblement la même que celle de la série : une agence de vacances propose des séjours dans des mondes trop fun (époque médiévale, empire romain, cow-boy world). Trop fun, certes mais pas pour tout le monde – une preuve de plus que l’entertainment de masse est un truc fondamentalement patriarcal, tiens. Enfin bref. Comme prévu les robots se mettent à déconner et à tirer sur tout ce qui bouge, avec un méchant particulièrement vilain en la personne de Brynner qui fait tellement bien le robot qu’on se demande si l’URSS n’aurait pas eu une large longueur d’avance sur nous en termes d’intelligence artificielle. Il y a moins de considérations freudo-lacaniennes que dans la série (« mais quel est ce sujet qui se cache entre les plis, ciel mon phallus ») mais plus de pim pam poum et d’assassinats de sang froid (très froid). Pour pimenter le tout, les mondes collusionnent ce qui donne un chouette bordel de cow-boy dans des châteaux forts et d’orgies romaines avec des putes de saloon. Enfin, presque.

Les cows-boys du mercredi après-midi, ce sont les 7 (ou 8 ?) mioches du Wolfpack, documentaire hallucinant sur une bande de garçons élevés en huis-clos dans un appartement new-yorkais et qui connaissent le monde par la lorgnette ultime de notre ami cinéma (cinééééémaaa). De film en film et de salle en salle, ils lui ont donné leur existence. Bon pas vraiment. Il s’agit en fait d’une famille très nombreuse, composée quasi exclusivement de garçons à la longue chevelure Hare Krishna et au type mi-indien mi-chelou. Comment en sont-ils arrivés là ? Que font-ils de leurs journées ? Où en est leur virginité ?  A quoi ressemble un gaillard de 23 ans qui n’est jamais sorti de chez lui et qui ne connaît de la vie que Pulp Fiction et de l’amour que Blue Velvet ? Qu’est-ce qu’on mange ce soir, d’ailleurs ? Tant de questions auxquelles on n’aurait jamais imaginé avoir de réponse, et pourtant si ! Par la grâce des médias gonzos, on finit toujours par dénicher LA famille de cinglés qui fera l’affaire. Quelques plans mélancoliques, des cadrages un peu rapprochés, des scènes qui font peur (le bûcher d’Halloween au milieu du salon !), une dramatisation programmée (« tiens, et si je me réconciliais avec ma mère, perdue de vue depuis 50 ans ? Oups, une caméra ! ») et l’affaire est dans le sac. Au final, un truc fascinant mais pas non plus transcendant : on les voit rejouer leurs films préférés, parler de leur enfance pire que la nôtre et aller au cinéma pour la première fois (émotion !). On aimerait par contre savoir s’il est possible de louer ces jeunes garçons à l’heure pour animer des soirées de cinéphiles – mais ce n’est visiblement pas encore un produit téléachat.

J’ai beaucoup attendu Yoga Hosers, surtout après l’inénarrable Tusk mais je dois avouer que c’est un peu un truc de cows-boys du vendredi soir : une paire d’ados un peu concons mais vachement dégourdies combat le mal depuis derrière le comptoir d’un magasin de pompe à essence, en chouinant parce qu’elles ratent LA soirée qui aurait dû faire d’elles des femmes. Zutre. Il y a évidemment des choses intéressantes : l’addiction des jeunes filles pour un yoga d’un genre renouvelé, avec des postures vachement plus comiques que le pigeon royal ou que la demi-pince ; les gossbos du lycée qui s’avèrent être des infâmes satanistes plein de beuh, et surtout le méchant de ce film, consistant en une bande de « bradzis », pour « bradwurst » et « nazi » - un terme que l’on peut élégamment traduire par « knazis » ou encore par « zwanzis » - j’suis assez fière de moi. Ces petits hommes-saucisses maléfiques jaillissent de partout en criant « wunderbar » et aiment à remonter le rectum de leur victime. Miam. Qui est derrière ce complot ? Mystère! Il y a plein de références très cons mais assez jouissives à plein de trucs qu’on aime, dont une excellent citation du Children shouldn’t play with dead things, film de zombies trop souvent oublié dont on a d’ailleurs parlé ici (alors on est bien content de soi, didon). Pour le reste, c’est un peu « meh » comme on dit. Avec saumon mais sans cream cheese.

Auf Wiedersehen!

Westworld, Crichton, 1973
The Wolfpack, Moselle, 2015
Yoga Hosers, Smith, 2016

jeudi 20 octobre 2016

Driving miss crazy

Je  clôture enfin mon cycle sur les nanas cintrées au cinéma : il y aurait encore moult films à y ajouter mais on n’a pas toute la vie non plus.

Le Singapore Sling est un cocktail à base de gin, de cointreau et de jus d’ananas. Mais c’est aussi un film expérimental racontant un huis-clos erotico-slasher entre une mère et sa fille. Tous les deux sont donc a) difficile à avaler et b) assez rapidement soûlants. Concernant le cocktail, la solution est simple : virer les ingrédients inutiles et garder le gin. Pour le film, c’est autre chose : il n’y  pas grand-chose à garder, si ce n’est la référence à Preminger et on se contentera donc de regarder le film en accéléré (1.5 fois voire 2 fois plus vite) , un gros verre de gin à la main. Voire une bouteille. Dans ce film visiblement culte pour les fans de Nikos Nikolaidis -  que je ne connais ni ne juge ici – on découvre une mère et sa fille, enfermée dans une grande demeure remplie de déco mi-taxidermiste, mi-Louis XVI, avec des fanfreluches qui se mêlent aux peaux de bêtes et des candélabres qui luttent avec des cornes de cerfs. Intrigant. S’y trouvent aussi un certains nombres d’objets contondants zet phalliques qui seront nos guides dans cette épopée du plaisir féminin ( ??) entre inceste, nécrophilie,  abus de mâles en détresse et jeux de rôles hasardeux.  La référence à Laura d’Otto Preminger est un parti pris : une pauvre Laura assassinée, dont on tombe amoureux du portrait avant de succomber à une femme fatale qui lui ressemble et qui est elle (ou pas, suspensme !). Cette enquête mène un pauvre homme à la porte des deux gorgones qui le capturent fissa et en font leur nouveau joujou. La quête est entrecoupée de scène de jeux érotiques entre la mère et la fille (ou Laura, on ne sait pas trop), dont une scène de masturbation au kiwi qui ferait douter même les vegans qui aiment très fort les légumes. En accéléré, c’est supportable, et même parfois drôle. Sinon, on baille un peu et on reprendra un gin sec, s’il vous plaît bien.

Shock parle aussi de relation mère-fils, mais à un âge différent, et nous montre encore une fois qu’il vaudrait parfois mieux garder sa culotte quand on songe à procréer. On y voit une gentille famille recomposée s’installer en Italie, dans l’ancienne maison de Dora, la femme du couple, celle où elle a vu son feu mari et père de son petit Marco, mourir. Son nouveau mec est pilote et joue donc un peu les filles de l’air, haha. Il n’est pas souvent là, et qui dit grande maison isolée, femme seule et enfant HP, dit problème à l’horizon à base de malfaisance télépathique, de portes qui claquent et de zoom zinquiétants sur la figure du marmot diabolique. Car Marco est un peu chelou, genre autiste mais avec un monde intérieur qui fait peur. Entre ses mini figurines vaudou et ses paroles un peu blessantes (« j’t’aime pas  t’es pas ma mère »), on a bien envie de lui mettre une grosse fessée et au lit. Hélas, hélas et trois fois hélas : à une époque où les libres enfants de Summer Hill sont encore un gros fantasme dans les milieux pédagogiques, personne ne songe à corriger le chiard qui peut donc « développer son potentiel » (meurtrier) en toute liberté. Merci Céline Alvarez, en gros.

Singapore sling, Nikolaidis, 1990

Shock, Bava, 1977

mardi 11 octobre 2016

Ecran total

Cette semaine, un peu de flip à bas coût avec des lapins gothiques, des clowns psychotiques et un Edward Norton un poil excentrique.

J’ai toujours cru que j’avais déjà vu Donnie Darko, mais c’est parce que je le confonds avec Donnie Brasco – avouez qu’il y a de quoi. En fait, non et c’est donc chose faite. Ça raconte l’histoire d’un ado un peu mal dans sa peau (genre il est trop beau gosse mais c’est trop dur pour lui), un peu narcoleptique et somnambulesque, qui parle à un lapin imaginaire, Frank.  Donnie vit en suburbia, cauchemar américain de classe moyenne à maintes reprises épinglé dans la dernière décennie du 20e, et se fait chier dans sa maison impeccable aux rideaux Laura Ashley.  Convaincu d’une apocalypse imminente, il converse avec un lapin géant à masque de mort super flippant et échappe de peu à un réacteur d’avion tombé par erreur sur sa chambre. Après, c’est plutôt une tranche de vie classique : les cours d’anglais avec la prof trop cool mais qui se fait virer, la nouvelle dans sa classe qu’est trop mignonne et qui bingo s’assied à côté de lui, les fêtes d’Halloween qui dérapent et les séances chez le psy.  Le tout est noyé dans des visions lentes, des longues séquences musicales au ralenti un peu planantes, un sentiment de perte de réalité via des séquences vidéo un peu futuristes avec des grésillements (et tout) . Franchement, en termes de désespoir adolescent, Donnie peut repasser : ses darons sont plutôt cool et le laissent psychoter gentiment, sa meuf est meugnonne comme tout, ses potes sont toujours prêts à prendre leur vélo pour aller résoudre un mystère - il est peut-être bien un des marmots de Stranger Things, mais 10 ans plus tard – genre celui qui crache des glaires noirs. Ça ressemble donc plus à un trip ado qu’à une critique sociale, même si on sent le côté grinçant et glauque d’existences parfaites assorties au tapis de la salle de bain. Il y a des personnages, des moments tout droit sortis de l’univers de Lynch - beaucoup de plans de cage d’escalier, des profs toujours au bord de la crise psychotique, des adeptes de théories PNListo-fumeuses et des gazons bien taillés. C’est beau.

Même si on aimerait bien l’aimer, c’est difficile de défendre 31,  petit nouveau de Rob Zombie, qui est, avouons-le, une belle daube. C’est dommage, on était toute chose à l’idée de retrouver les clowns maléfiques, les rednecks mythiques et les shoot-out de western de  The devil’s rejects, mais là, alors que tous les éléments y sont, ça tombe relativement à l’eau : c’est mou, lent, pas très inventif dans l’horreur, ça fait un peu recyclage mais d’une poubelle mal triée (genre avec des cartons et des canettes dans le même sac).  Tout avait pourtant bien commencé : 31 raconte l’histoire d’une bande forains ambulants qui se perd un soir d’Halloween au milieu de nulle part et se fait kidnapper par des gens riches et sadiques afin de participer à un jeu style « on lâche des clowns fanatiques avec des armes rudimentaires dans une usine abandonnée et vous devez survivre ». Cool ! Hélas, hélas, trois fois hélas ! C’est peut-être le huis-clos, c’est peut-être l’overdose de clowns, c’est sans doute l’omniprésence de Cherri Moon Zombie, épouse de, qui promène sa permanente décolorée et son ventre plat dans tous les cadres en essayant de faire l’actrice, c’est sans doute aussi les personnages de riches zet puissants sadiques ridicules – ils sont riches donc ils ont des costumes Louis XIV, sans doute une critique de biais à la monarchie de droit divin, sacré Rob ! Tout ça fait que ça ne prend pas vraiment : alors bien sûr, c’est divertissang (sic, haha) mais ça manque de cow-boy, diantre !

Enfin dans Primal Fear, on voit ce cher Dick-la-mimique aka Richard Gere, dans le rôle de Martin Vail, brillant avocat un peu pervers narcissique sur les bords (si on en croit le test trouvé dans 20ANS de décembre 1996), décide de voler au secours d’Aaron, pauv’ enfant de chœur de son état accusé du meurtre d’un archevêque. Le mobile de Marty n’est bien évidemment pas l’empathie pour son prochain mais bien la gloire judiciaire, la coke et les putes qui s’ensuivent. Sacré lui. Sauf que l’affaire est plus corsée qu’il n’y paraît à première vue : comme tout bon dignitaire ecclésiastique, notre pépé était régulièrement menacé de mort par des investisseurs immobiliers pas contents (normal…) et bien sûr trempé un peu beaucoup dans des histoires de mœurs pas nettes. Du coup, que faire, qui croire, où courir, où ne pas courir ? En plus vla-t-il pas qu’Aaron se révèle être à plusieurs dans sa tête : que de rebondissements – presque trop pour un seul homme et pour deux heures de film ! Je n’en dirai pas plus, mais sachez qu’on y voit le jeune Norton avant qu’il devienne célèbre dans son rôle d’antivirus (mouhahaha), et qu’il est vraiment cool : tantôt penaud, tantôt schizo, on le sent sur la pente Fight Club, déjà. Pour le reste : Dick fait ses tricks, son ex lui met des râteaux, on boit des whisky et voilà.

Donnie Darko, Kelly, 2001
31, Zombie, 2016

Primal Fear, Hoblit, 1996

vendredi 7 octobre 2016

2017, année du cowpster?

J’avais sans le vouloir eu du pif : les cow-boys c’est trop in cette année : entre les petites boots pointues chez Chanel, les chemises à carreaux,  la tendance burger à la viande cuite sur braises de chameau, les néo-westerns poussiéreux au cinéma et les folkeux dépressifs à cigarette molle, on a tous en nous quelque chose de Tennessee.  Ça tombe bien, les cow-boys, moi j’adore ça : y zont des jolies bottes, des beaux chevaux et ils vivent d’amour et de scalps frais. Un retour à la virilité 1.0 en quelque sorte – d’où le mot-valise concept du titre qui deviendra, j’en suis certaine, le hashtag trend de 2017.

HBO l’a bien compris : pour faire un switch en douceur et gérer la descente des fans de GOAT (qui ne savent même plus pourquoi ils regardent la série ( moi y compris), un peu comme un vieux couple qui baise par habitude), ils se lancent dans le western postmoderne. Oui, car western il y a mais avec des robots dedans. Un genre ultra codé + des problèmes super modernes+ des héroïnes avec des cheveux qui font des boucles = quasi la même recette que GOAT finalement, mais avec plus de poussière. 

En lisant le pitch de Westworld, on est toute chose : des cow-boys, des robots, de l’intelligence artificielle et un sentiment de perte de réalité : WOOAA.  Le pilote tient d’ailleurs ses promesses :  des bagarres de saloon, des mecs pas nets qui boivent des whisky sales, des cascades à cheval , le tout dans un contexte de questionnement existentiel du niveau du profil snapchat de Kimberley, 15 ans ("et si notre réalité était en fait un monde commandé par des gens supérieurs ? Et si je pensais que je vis mais en fait je vis pas vraiment et c’est quelqu’un qui me programme ?" (attention Kimberley, réfléchir ça va faire mal à ton lissage japonais)).

JJ Abrams est  derrière ce truc assez improbable – on sent revenir la vieille idée qu’il a peut-être eue  pendant Lost (et l’hypothèse que j’ai secrètement défendue pendant des années) : en fait, ils sont tous dans un parc à thème pour notre amusement – d’ailleurs c’est un peu vrai si on remplace parc à thème par HBO, mais bon. Il y a aussi Crichton, auteur de l’original Westworld (pas encore vu, mais hâte) qui est par ailleurs un homme bien perturbé par l’émergence des AI et par les parcs à thèmes , puisque c’est aussi le sujet de Coma, chroniqué ici et de Jurassic Park. Il doit être chouette à vivre ce monsieur.


Enfin bon : pour le moment tout va bien. Le premier épisode a donné lieu à des belles envolées foucaldiennes – les gens qui deviennent fous en fait y sont juste pas bien mis à jour, Michel n’aurait pas dit mieux – et à des  plans imprenables sur les steppes de l’Ouest. On aimerait bien plus de dragons, mais bon, on peut pas tout avoir non plus.