jeudi 27 février 2014

mardi 25 février 2014

Ecran total

Dans ma quête du sens du Loup de Wall street, j'ai vu Casino. On retrouve évidemment plein de trucs communs avec Goodfellas, narration, image, plans, rapports de force; mais j'ai trouvé Casino plus intense, plus exagéré dans le forçage des passions - comme si elles étaient exacerbées par le confinement géographique. Il existe un intéressant texte de Tow Wolfe sur Vegas, qui résume bien le côté absurde et complètement dément du lieu qui commence par ces mots 
Hernia, hernia, hernia, hernia, hernia, hernia, hernia, hernia, hernia, hernia, hernia, hernia, hernia, HERNia; hernia, HERNia, hernia, hernia, hernia, hernia, HERNia, HERNia, HERNia; hernia, hernia, hernia, hernia, hernia, hernia, hernia, eight is the point, the point is eight; hernia, hernia, HERNia; hernia, hernia, hernia, hernia, all right, hernia, hernia, hernia, hernia, hard eight, hernia, hernia, hernia, HERNia, hernia, hernia, hernia, HERNia, hernia, hernia, hernia, HERNia, hernia, hernia, hernia, hernia
Bref, vous saisissez le truc. Des personnages parfois pas loin de la caricature nitzschéenne, de l'hubris, tout ça; avec un De Niro de marbre, qui voudrait bien qu'on arrête de niquer sa pelouse. Le personnage de Sharon Stone est vraiment fascinant, sorte de parangon de l'hystérie quand on pensait encore que c'était un truc causé par les ovaires, et le clin d'oeil à la Camille de Godard  est plutôt drôle parce que c'est d'une certaine façon tout à fait ça mais en même temps pas du tout, un peu comme un parc à thème Godard au milieu du Strip, donc.

Toujours dans le registre gangster, j'ai revu Wild at heart, dont j'avais lu le bouquin il y a un certain temps. J'avais oublié une grosse partie du film, puisque je me souvenais surtout de Willem Dafoe et de ses dents toutes pourrites. Ça m'a par contre confirmé un truc que je commence à ressentir en regardant des films de Lynch, c'est qu'ils sont plus dans une perspective de perception que de description, de compréhension. Une série de gros plans trop longs, insistants sur des personnages déformés, des expressions exagérées jusqu'à la grimace, la récurrence de Grace Zabriskie: et si ce n'était que des pures sensations reproduites plutôt qu'une tentative de faire comique, de critiquer, de créer un univers de double sens, triple signification et de déploiement de synecdoquique, huuum? Les fausses cartes au trésor que laissent les films, avec des indices - "Mais c'était un rêve fait par sa soeur dans lequel elle devient la mère du fils de son voisin nain, tu vois?" - grosses de théories à construire sont marrantes parce qu'elles dérangent l'exigence d'une certaine organisation, explication ou à défaut, d’une herméneutique auctoriale qui donnerait l'impression qu'au moins une personne "sait ce qu'il a voulu dire". Peut-être pas en fait. Dans un film positif et réellement bienveillant pour ses protagonistes comme Wild at Heart, c'est finalement l'adhésion à un certain lâcher prise qui permet peut-être de voir le film comme ce qu'il chercher à faire: pas forcément à dire, mais à donner à sentir.

The Elephant Man est également un film absolument civil et charitable vis à vis de ses spectateurs: bon, Merrick en prend un peu plein la gueule, mais rien de dérangeant n'affleure à la surface, et tout est bien qui finit bien - la mort donnant une réponse qui arrange bien tout le monde moralement parlant, puisqu'on voit quand même que poussée jusqu'à un certain point, la situation reste un peu gênante aux entournures. Le sous-texte industriel est visiblement là pour quelque chose mais quoi? Comme je me suis débarrassée de toute exigence de faire sens, je m'en moque pas mal, si ce n'est le contraste entre deux univers, entre le bruit, l'absence d'humanité, les machines broyant et dont le manque d'un plan global, le confinement à des plans partiels empêche à chaque fois de saisir la véritable fonction, les laissant à des bouts de mécanismes qui tournent à vide, sans visée -de sens, bien vu.

To have and have not est un film dont je ne retiendrai jamais le nom sans me gourer, mais fichtre. Je n'avais jamais vu Bacall dans un film, je suis donc bien aise de la découvrir avec Humphrey qui ne faillit pas à son côté gossbo à la coule  - y porte même sa casquette de marin de travers, trop chic. Le duo est ce qui fonctionne dans le film - bon ça et le texte de Hemingway, allez - et pas mal de leurs échanges de regards, de gestes, surtout la première rencontre sont vraiment hallucinants de tension, d'une sorte d'incandescence tranquille (qui est tout à fait la façon dont j'imaginais Bacall). J'ai bien aimé la référence, qui n'est probablement destinée qu'à moi, secrètement, c'est le nom du bar dans lequel se chantent des trucs pas bien catholiques:


Le bar du Zombie. Héhé.

Casino, Scorcese, 1995
Wild at heart, Lynch, 1990
The Elephant man, Lynch, 1980
To have and have not, Hawks, 1944

The Kandy-Kolored-Flake Streamline, Baby, Wolfe, 1965

mercredi 19 février 2014

White fire






Sarajevo, 2014

Angel Olsen - White fire

lundi 17 février 2014

Ecran total

Je ne savais pas en regardant Cesar deve morire que c'était un film "vrai", dans le sens où les acteurs sont non-pro et qu'il s'agit surtout d'une expérience dans une prison qui a été shootée et montée en film. Le tout donne un peu dans une veine documentaire, puisqu'il n'y a pas vraiment de ligne narrative (au début y savent pas la pièce, à la fin ils la jouent en gros), mais l'impact du film vient surtout de l'image et de multiples micro-questions qui sont posées en forme de remarques dans la marge (les réflexions des gardiens, les monologues intérieurs des prisonniers, les silences). 

L'espace carcéral est utilisé de façon hallucinante, photographié dans un noir et blanc très doux, qui bizarrement enlève le côté angoissant de l'enfermement - en dehors de la privation de liberté, l'idée d'être partout sous l'oeil des autres, d'être constamment en surnombre, empaquetés comme des sardines.

Le jeu entre le texte de Jules César et la situation des acteurs est facile (trahison, meurtre, prise de pouvoir) mais on évite la lecture métaphorique super lourde, et il reste surtout des courts instants d'hésitations entre les moments de jeu et les moments de vrai, hésitation qui est ce qui rend le théâtre réellement passionnant.

Je sais enfin, grâce à la traduction serbe, d'où vient le mot Barbouzes, c'est en fait ceux qu'ont une barbe ("un barbu, ça va, des barbouzes, bonjour les dégâts"). Le cirque autour de cette pauvre Mireille est plutôt drôle, entre coups bas d'espions à l'ancienne et invasion de chinois cachés dans les murs. C'était le premier film écrit par Audiard que je regarde et je m'attendais à quelque chose de plus rapide dans le ping-pong verbal, mais je suis encore toute chamboulée par mes frères Marx, alors tout ce qui n'est pas débité à une vitesse de névrosé en phase maniaque me semble mou. J'ai adoré l'américain, qui finit sur le bord d'une route et j'ai bien évidemment reconnu et salué la boutade du barbu (lequel? à ce stade-là, j'étais moi aussi plutôt confuse) qui pousse l'autre (lequel? etc.) par la porte ouverte du train: E pericoloso sporgersi. C'est en train de devenir a thing, je crois.

Le pacha m'a fait découvrir cette merveille qu'est le Requiem pour un con, étant un peu nulle en Gainsbourg. Sa courte apparition m'a d'ailleurs déconcertée, puisque je n'ai jamais de lui qu'une image de vieux tout mité: en fait, il fut jeune et plutôt chou. Le contraste avec la montagne placide qu'est Gabin lorsqu'il sort du studio est d'ailleurs visuellement très réussie. Gabin donc. Il fait partie d'un nombre de vieux qui, en vieillissant, voient leur bouche se rentrer en elle-même - elle se retrousse, se recroqueville, se rebique en elle-même plus qu'hier et moins que demain, avec pour effet principal une diction inimitable, qu'on dirait crachée du coin des lèvres (mais en sont-ce encore??) Bref, après les sourcils, je suis maintenant obsédée par les appendices buccaux des vieux acteurs (Sigmund, nous voici). L'utilisation de la rythmique du Requiem donne au film un chouette rythme un peu traînant, entêtant, plutôt moderne en fait. Point de vue dialogue, ça dépareille pas: avec plus de faconde que les Barbouzes ( mais je crois que c'est rapport à la particularité physique plus haut décrite). Il y a beaucoup de petits plans courts avec des détails insignifiants ou des clins d’œil, dont celui qui m'a marquée: celui de la main d'un type qui se fait dessouder couverte de ripolin jaune qu'il a attrapé dans sa chute. Pourquoi du Ripolin? Pourquoi jaune?  A la fin, ils ripolinent bien une voiture de la Poste, mais alors? La dernière rencontre dans l'usine abandonnée, est superbe, décor de fou et fin de vrai pourri mélancolique d'un monde de cow-boy/voleurs qui sent le sapin.

Cesar deve morire, Taviani, 2012
Les barbouzes, Lautner, 1964
Le pacha, Lautner, 1968


mardi 11 février 2014

Ecran total

Pour mon anniversaire, je me suis offert une séance de Marilyn et j'ai été voir The Misfits, un vrai film de fête quoi. Je n'avais pas lu le synopsis, mais je savais qu'il y avait une vague métaphore chevaline et que c'était un film où une partie du casting était elle-même dans un état pas loin de l'abattage assisté. Hé bien, c'est un film très bizarre, qui m'a laissé la sensation d'avoir regardé un truc un peu malsain, mais sans vraiment arriver à mettre le doigt dessus: le triangle (parallélépipède?) amoureux (oedipien?) qui se met en place, le Gable tout vieux et adipeux, la pauvre Marilyn n'a même pas l'air de jouer un rôle, la pseudo histoire de rejects qui trouvent le bonheur dans la montagne, l'atroce chasse au cheval de la fin. Un peu de tout ça probablement, même si du coup la sensation de malaise fonctionne bien par rapport au fond du film: on a un peu envie de tirer sur le projectionniste pour abréger les souffrances filmiques. 

Le malaise de The Misfits aura cependant eu ceci de positif qu'il m'a rappelé que je n'avais toujours pas vu l'adaptation de They shoot horses, livre que m'avait mis entre les mains ma chère mère quand elle m'avait vu lire "Marche ou crève". J'avais une douzaine d'années, je ne me souviens donc pas vraiment du livre, mais c'est pas non plus du Pynchon, donc c'était qu'à moitié une surprise. Ce qui m'a surprise par contre, c'est la qualité de l'adaptation, et le fait que Jane Fonda sache faire autre chose que de la pub pour l'Oréal. L'ambiance de cirque de freak est transposée sans en faire trop, entre le spectaculaire et le zombiesque, la lenteur presqu'immobile des danseurs contrebalancées par des moments de derby proprement hallucinants du point de vue de l'image (jeu entre le premier et l'arrière-plan et les mouvements contradictoires, lumière d'interrogatoire, distorsions des visages). 


Quelques petites remarques sur le Réel et le spectacle çà et là, et parfois une métaphore animalière un peu lourde, et une fin un peu neuneu, mais c'est vraiment parce que je cherche un point négatif (en vrai j'ai surkiffé).

On m'a présenté All that heaven allows en me disant que c'était un des films remaké par Fassbinder, sans me dire lequel. En matant l'image du DVD, j'avais déjà devine (genre!) qu'il s'agissait d'Ali, parce que je suis trop forte. J'ai pendant tout le film hésité: Rock Hudson est-il plus Stallone ou plus Elvis? Ça dépend des plans: dans exactement 25 plans, il est Stallone, dans 32 il est plus Elvis, mais dans certains, il est Elvis de cheveux et Stallone de moue (et parfois vice-versa, horreur!). C'est dur de revenir d'un Fassbinder vers un film aussi conventionnel du point de vue cinématographique, idéologique et narratif, j'ai donc bien aimé, mais sans  plus. Les couleurs, métacolorisées de ta mère la instamapute,  les super chemises à carreaux et les vieux moulins à retaper dans la campagne: ce serait pas un film de hipster par hasard? Mouais, en fait, j'ai rien de très intelligent à dire dessus, c'est pour ça que je yak, yak, yak away, mais comme on me l'a fait remarquer: finalement, cette pauvre Jane Wyman se retrouve à choisir entre deux intégrismes: celui d'un univers bourgeois sclérosé par les apparences et celui d'un monde de bobos à la coule obsédés par l'idée que leur mode de vie est in fine le seul qui vaille. 

The Misfits, Huston, 1961
They shoot horses don't they, Pollack, 1969
All that heaven allows, Sirk, 1955


Animal scam

Lors d'un récent voyage à New-York ( genre!) j'ai vu une série d'affiches de ce style:


disséminées un peu partout, collées sur des bornes électriques, style film indy à teasing de malade où on allait savoir de quoi il en retourne ( Le next de quoi? Quand? Comment?Aaargh). Quelle ne fut pas ma déception quand je me suis rendue compte qu'il s'agissait en fait de l'affiche officielle du film (=toute chemo) et du titre (tout pourri). Je ne me laissai pas décontenancer pour autant, espérant vaguement que derrière le marketing de merde se cachait un joyau style "The Kill List", film dont je n'ai toujours pas réussi à comprendre la dernière demi-heure et dont les masques me hantent encore la nuit.

Bon bref, je l'ai enfin vu et là.... Quelle déception! Quelle déconvenue! Quel décontenancement! Quel film de merde! En fait de tuerie mystico-animalière dans la campagne anglaise, un simple slasher familial sans aucune inventivité ( sauf pour le blender à la fin), des acteurs tout cons, une héroïne super énervante (tellement qu'on voudrait bien pour une fois qu'elle crève la bouche ouverte), un mobile de crime tout moisi: bref, de la daube du début à la fin. 

Je l'ai regardé jusqu'au bout, espérant un twist de malade (mais pourquoi sont-ils si méchants?): putain, même ça c'est décevant! On aurait pu ici y mettre un peu du sien niveau scénario -secte de végétariens amis de animaux, expérience orwelienne qui a mal tourné dans les 60's qui est back with a vengeance, fans fou furieux de Wallace et Gromit en pleine décompensation psychotique - enfin n'importe quoi aurait été mieux que cette explication chiatique (spoiler alert, c'est pour les sous, ouuuh). En fait, pas d'explication aurait rendu les choses mille fois plus malsaines et flippantes. Le seul truc qu'ont compris les concepteurs de cette diarrhée filmique, c'est que les masques d'animaux en plastoc, ça fait peur. Et d'ailleurs, c'est quoi le truc you're next? Genre? De quoi? Qui? Moi?