dimanche 23 novembre 2014

Ecran Total

Crimes of the future pourrait être une sorte de Minority Report avec des excroissances gluantes sur le torse, mais en fait non: c'est un truc que je n'ai pas bien pigé, une longue errance dans un complexe hospitalier (?) au son d'une voix off qu'on dirait déclamée par un finlandais dépressif. L'histoire d'une maladie qui tourne mal et tue toutes les femmes, avec des survivaants qui zonent de-ci, de-là, affligés par des trucs chelous (mal aux pieds, organes qui poussent, problème d'algorithmes de tri). Dans ce boxon immobile, un type cherche le responsable (son seigneur et maître) et tente d'aider les pauvres déboussolés à se remettre de la disparition du beau sexe, par une thérapie de choc qui consiste à trier des petites culottes dans différents sachets plastiques. On s'interroge sur l'efficacité du traitement, certes, mais on s'incline devant la possible utilité d'une telle pratique (la psychanalytrique?). Bref, tout ça est fort lent, parfois un peu vague et il ne nous reste qu'à inventer des petits jeux (noter tous les noms des instituts de recherche, tenter de définir le protocole d'hypnose du pied).

The Sacrament a au moins eu le mérite de m'apprendre quelque chose: le massacre de Jonestown (oui! LE Brian Jonestown Masacre!) est un truc réel, un méga suicide collectif qui a eu lieu dans les 70's quelque part dans entre la Guyane et le Venezuela. J'étais déjà tombée sur un reportage à ce sujet à la télévision croate - j'avais donc douté qu'un tel truc soit jamais arrivé. Hé bien oui: ici, on met en scène des reporters de Vice qui partent explorer une communauté new-age retranchée dans la forêt. Ça part plutôt bien, puis ça tourne au n'importe quoi: gourou en roue libre, chasse à l'homme dans les bois et suicide à base de granita. Pas cool. Avec un sujet pareil, ça aurait pu être un film gaiiii, mais c'est fait n'importe comment: le format faux-documentaire est une bonne idée, mais comme souvent, géré à la ouane (style des plans filmés par des caméras même quand le caméraman est en goguette dans les bois, des acteurs genre recalés du casting de Dawson, des moments d'intensité Actor's Studio du pauvre). Bon bref, c'est plutôt pourri - Gene Jones seul tire son épingle du jeu: qu'il est vilain, hou!

Enfin, deux films chopés au Pink Screen du Nova:

- Forbidden Love, une histoire d'un genre de pulp bien particulier: le lesbian pulp. Sous forme de documentaire, on parle surtout ici des femmes qui ont vécu leur coming-out à une époque pas forcément jouasse - les 60's et 70's. Le courant pulp est utilisé comme point d'entrée dans l'esprit de l'époque, et finalement pas vraiment analysé; il sert aussi de toile de fond, avec des petits interludes joués (type roman-photo) plus drôles qu'autre chose. Le parti pris est chouette, il reste au niveau du narratif, des histoires et des anecdotes, sans chercher à se constituer comme revendication ou comme critique frontale: pas de jugement, pas de forçage.

- Out in the night est un autre documentaire autour d'un fait divers des années 2000 sur une bande de lesbiennes qui savatent un mec qui les avait provoqué. Comme on peut s'y attendre, le truc tourne plutôt mal pour les filles, d'autant plus qu'elles ont l'indélicatesse d'être noires. L'idée est de faire la lumière sur ce qui s'est passé et de réhabiliter ces filles, de donner une voix à leur côté des faits. Si c'est une intention louable, le film ne décolle jamais du niveau du fait divers et c'est un peu dommage: on se retrouve avec un truc limite Pierre Bellemaere, avec images de caméra de surveillance à l'appui, retrouvailles à la sortie de prison sur fond de violons et autres. Il y a un million de débats qui sont effleurés sans jamais aller un chouia plus loin, au profit de longs plans fixes sur une salle de tribunal (genre?): l'homosexualité dans les banlieues en est un, et pas des moindres. Après l'objectif est atteint: on sait ce qui s'est passé, on peut difficilement résister au point de vue défendu par le film, mais on manque un peu de perspectives.

Crimes of the future, Cronenberg, 1970
The Sacrament, West, 2013
Forbidden love: the unashamed stories of lesbian lives, Fernie & Weissman, 1992
Out in the night, Doroshwalther, 2014

dimanche 16 novembre 2014


Raphael Saadiq- Go to Hell

samedi 15 novembre 2014

Zbogom Andergraund!

                       



Zbogom Andergraund - Adieu, Underground est le titre d'un texte (et d'un livre récemment consacré à) de Saša Marković, connu aussi sous le pseudo Mikrob. Formé à l'école de la résistance au régime serbe des années 90, il fait partie de ceux qui ont fait la culture underground de cette décennie. Mais que devient le milieu underground quand ce par opposition à quoi il se définit cesse d'exister, le coopte, voire le rachète purement et simplement?

Rentrée à Bruxelles après une longue absence, je retrouve une ville que je peine à reconnaître. Que le centre-ville se soit transformé en gigantesque parc à thème pour touristes, que les galeries de la reine ne soit plus qu'un immense magasin de chocolat immondes, que Les Postiers soit devenu une banque, passe encore: finalement, on parle d'une microscopique partie de Bruxelles. 

Là où je suis plus marrie, c'est concernant le paysage culturel qui s'offre à moi: sans avoir été une grande activiste dans ce domaine, j'avais le souvenir d'une ville avec encore une certaine énergie alternative, des lieux pas complètement vendus, des zones encore non-balisées. Et là je me demande où the fuck est cette ville? En 6 ans, le Recyclart est passé de Poni Hoax à des après-midi kids, le Magasin 4 se retrouve le long du canal dans un putain de hangar, et la Batellerie est redevenue une école.

D'un autre côté, les institutions culturelles subsidiées se la jouent genre jeune cool en se rebaptisant à coup de langage SMS et en organisant des soirées electro dans des salles de velours capitonnées. Tout ce qui reste de culturel semble être destiné à un public unique, qui a entre 25 et 45 ans, plutôt arty, relativement friqué, à prétentions intellos sans en faire trop, à la recherche de sensations qui ont été testées pour lui, et souvent affublé de fausses lunettes de nerd. Que ce public ne représentent qu'un millionième de la société bruxelloise, on s'en balance royalement, c'est à lui qu'on cherche à faire plaisir, lui qu'on veut caresser dans le sens du poil de peur de le voir fuir cette ville nouvellement devenue "trop cool".

Ce qui me trouble un peu, c'est qu'une partie de la population bruxelloise semble adhérer complètement à ce switch vers une culture ultra polie, bien gentille, politiquement correcte et de façon globale, multiculturelo-boulechite. Bruxelles me fait penser à une vieille pute qui connaît un regain de gloire sur le tard et qui le prend pour elle sans se rendre compte qu'on la fourre plus souvent tout simplement parce qu'elle est moins chère, à peu près abandonnée par son mac et hyper accessible en train. 

Alors quoi, Zbogom Andergraund? Non pas encore. Dans mon malheur, je me suis trouvée quelques coins dans lesquels on peut encore voir une nana enceinte jusqu'aux yeux taper sur un tom basse en calant des accords (?) de piano avec ses pieds le regard complètement perché en altitude, un sosie de William Dafoe faire de la musique post-punk-cowboy et une foule bigarrée de gens qui dansent en patins, qui causent en javanais et tentent de survivre dans cette putain de capitale ultra ripolinée qu'est devenue Bruxelles. 

Zbogom Andergraund, Saša Marković Mikrob, Remont, 2013.

mercredi 12 novembre 2014

Cataract City

"You want to know how Cataract Falls came to be?" he said. "America swept all its shit north, Canada swept all its shit south, and the dregs of the dregs  washed up in a string of diddly-ass border towns, of which Cataract City is undoubtedly the diddliest.

Je m'étais déjà étendue sur The Fighter et Rust and Bones qui malgré l'adaptation génocidaire d'Audiard reste une putain de claque; Cataract City, dernier opus de Davidson est à la fois une reprise et  un dépliement des deux bouquins précédents. 

Dépliement, parce que plutôt long et avec un projet plus large: raconter une histoire d'amitié entre deux garçons  à  travers une série d'étapes marquantes et reprise, parce que tous les thèmes qui sont déjà dans Rust and Bones sont dedans.

Du point de vue de l'écriture, ça donne quelques chose de moins concis que dans les nouvelles, de plus posé et détaillé, moins nerveux - quelque chose qui pointait déjà dans The Fighter, mais dont le rythme était préservé par le format dyptique qui oscillait d'une histoire à l'autre. Ici, même si le point de vue temporel est pris à différents niveaux - récit à postériori/récit imbriqué - ça reste plutôt classique comme ligne narrative, avec parfois des épisodes un peu longuets - le trip dans les bois, limite fatiguant. Bizarrement, ça fonctionne en fait bien: on s'étonne un peu au début du découpage cinématographique ultra lent, travaillé à plein de niveaux sensoriels différents et d'une putain d'abondance de détails - mais c'est quand qu'y cogne didon? - mais une fois installé dans le rythme et surtout dans le cadre qui essaie de toucher à ce qui est immense et immobile dans l'air, en fait, ça se tient du point de vue fond/forme.

On suit donc l'évolution de deux marmots dans une ville du bout du monde, comme les aime Davidson: à la frontière, à la lisière même du monde civilisé, dans une ambiance redneck pulp avec dans le désordre: des courses de lévriers, des combats de chiens, des match de box illégaux, de la contrebande de clopes et des histoires de testostérone qui tournent mal. C'est un peu ça qui pêche pour moi: un côté surabondance de thématiques chères à Davidson (et au genre gracieusement par moi défini) qui fonctionnerait bien dans un recueil de nouvelles, mais qui fait un peu beaucoup pour un seul héros - genre, il leur arrive TOUT ce qu'il peut leur arriver de pourri dans ce coin du monde. Ça et quelques trucs un peu clichés ( les amis d'enfance devenus frères ennemis parce que des deux côtés de la loi, de ce style)

L'idée de base est plutôt ambitieuse: c'est à la fois le roman d'une ville, l'histoire d'une amitié et un genre de roman de formation (+ un recueil de nouvelles pulp qui revient hanter les interlignes, peut-être bien malgré l'auteur, preuve qu'on ne part jamais bien loin de là d'où on vient). Pour un projet avec une ambition pareille, ça reste lisible et même prenant. Pour ceux qui avaient aimé le côté uppercut des l'écriture des premiers textes, ça risque d'être un peu déroutant au début, mais qu'on ne s'inquiète pas: la première scène de fight arrive à mi-parcours et réchauffe les pages parfois ardues d'une bonne giclée de tripes, de plaies ouvertes cautérisées à vif et de cartilages défoncés. Comme un bon feu dans une cheminée un soir d'hiver, haaaaaa.

dimanche 9 novembre 2014



Deerhunter- Dream Captain
Black Lips- Drive by Buddy
Dull Tools- Yonder is closer to the heart
Cloud Nothing- Now hear in
Perfect Pussy - Interference fits
St-Vincent- Psychopath
Best Coast- I don't know how
The War on Drugs- In reverse
Woods- Back to the stone
Timber Timbre- Grand Canyon
Tow Waits- Anywhere I lay my head
Sharon Jones- Stranger to my happiness
Hoagy Carmichael- Am I blue

vendredi 7 novembre 2014

Ecran total

Toujours à la recherche de l'ultime redneck survival, j'ai été conviée à voir Eaten alive (à ne pas confondre avec Eaten alive! dont on reparlera bientôt), un excellent Hooper qui nous montre un vieux texan déjanté et son crocodile pas très dandy pour le coup. C'est d'ailleurs la première fois que le synopsis d'IMDB me semble dire tout ce qu'il y a à dire: 
A psychotic redneck who owns a dilapidated hotel in rural East Texas kills various people who upset him or his business, and he feeds their bodies to a large crocodile that he keeps as a pet in the swamp beside his hotel.
Neville Brand qui est apparemment connu des amateurs de western est ici aussi une sorte de cowboy dont on chercherait encore à équilibrer le dosage médicamenteux - on ne comprend pas grand chose à sa diatribe ininterrompue, mais une chose est certaine, il aime pas beaucoup les gens. On a été scotché par la taille de ses dents - rêves fiévreux du mot "ratiches" s'ensuivant - et par le final plutôt cool: pour une fois, les nanas s'en tirent et seule la jambe de bois remplaçant une jambe déjà bouffée par ledit croco subsiste.

Toujours dans le style redneck, Straw Dogs est situé dans la campagne anglaise, mais pas moins pile dans le genre: dans une configuration "intello mou du genou VS bouseux ultra virils" avec une bonne au milieu, on voit Dustin Hoffman (franchement supportable) se transformer en Mc Gyver boucher domestique - et se rendre compte du kif après coup. Ouaih, tuer c'est frais! La première heure est un peu lente à certains égards, mais on peut pas non plus tailler dans le lard pendant une heure et demie sans interruption. Et cette mise en place reprend un certains nombre d'éléments qui font le genre: la rencontre initiale dans un bar, la convoitise de la femme du mou, la visite à l'Eglise, les intrusions discrètes mais finalement plutôt violentes: tout ça construit la dernière demi heure et donne d'ailleurs un côté plutôt surprenant (et bienvenu) à la débauche de tripes du final. Chose étrange: ici aussi,beaucoup de méga chicots chez les terreux: genre Darwin est pas passé par là.

The Brood est un film comme  je les aime: un peu de psychanayse délirante, des organes qui poussent sur les gens, et surtout des enfants maléfiques. Le principe est vraiment dément: une nouvelle thérapie révolutionnaire permet aux patients de donner une forme physique à leur haine - en général sous forme d'excroissances, de maladies et autre. Garantie "soma free", on peut se douter que ce genre de truc va mal tourner et donner des images pas miam. Entre un type qui se retrouve avec un cancer assorti d'un bon gros goitre protéiforme bien gore et une meuf qui  finit par donner naissance à des power ranger nains vengeurs 

trop badass les chiards.
qui tuent tout le monde, tout ça finit dans le sang et la douleur.  C'est une nouvelle façon de travailler le rapport entre organique et intellectuel qui me plait bien - ça change des machines en chair - et puis toute la pseudo-science et le discours autour de la thérapie psychoplasmique est vraiment géniale.

Eaten Alive, Hooper, 1977
Straw Dogs, Peckinpah, 1971
The Brood, Cronenberg, 1979