mercredi 28 décembre 2016

Life is a beach

Pour passer le cap de l'hiver et des légendaires fêtes de fin d'année psychotiques, j'ai ma recette: je me barre aux Maldives pendant deux semaines et je jette mon téléphone par la fenêtre de mon jet. Bon, comme cette année je suis un peu short niveau portefeuille, j'ai fait the next best thing: j'ai regardé des films de plages pleins de soleils couchants, de filles découchées et de surfeurs éventrés.

Humanoid from the deep est aussi connu sous le titre, remarquable d’imagination de:


C'est donc un film dans lequel il y a... des monstres, bien vu. Une petite ville tranquille de la côté Atlantique (Pacifique?? enfin). En fond sonore: une corporation de gros méchants qui veut installer une usine de mise en boîte et instaurer la pêche industrielle, des scientifiques qui promettent de multiplier les saumons comme jésus les petits toast au foie gras et un conflit territorial ethnique entre des descendants d'Indiens et des blancs pas commodes. Tout ce bel équilibre bien cliché se voit pourtant troublé par d'étranges événements: des chiens meurent comme ça, sans prévenir et c'est pas beau à voir.... des adolescents en chaleur partis s'ébouriffer la virginité dans une grotte maritime disparaissent..... tout ça. On commence à douter d'un truc bizarre (et on voit de plus en plus de plans sous-marins avec des grosses mains-nageoires qui se frayent un chemin parmi les algues en plastique d'un aquarium subtropical, ce qui nous fait savoir à nous spectateur, que ça va chier (enfin, le temps que la créature sorte la tête de son cul et qu'elle évolue rapidos pour prendre l'avion jusqu'en Atlantique)). Comme souvent dans les patelins de province insignifiants, il se prépare un festival lié à une spécialité à la con - ici, le saumon évidemment. Un festival où les gens se déguisent en poissons et essayent de remonter le cours des rivières? Un festival sous forme de giga flashmob sur la salmon dance? Pas vraiment, c'est surtout une sorte de plaisir d'hiver fumés (pour le côté saumon). Toujours est-il que, pendant que tout le monde prépare sa plus jolie robe pour aller danser et raccommode ses préservatifs (au cas où...), l'équipe envoyée en reconnaissance a tout compris: des monstres! Mutants! Je n'en dirai pas plus pour ne pas gâcher le plaisir, mais c'est plutôt rigolo. Pour le soleil, on repassera, mais si comme moi vous aimez la Bretagne et ses marins amers, les plages grises de sable volcanique et les naissances contre-nature, vous êtes chez vous.

Santa's little helper
Psycho Beach Party est d'un autre genre, puisque c'est un film de surf: pas de saumon, plus de filles en zlip et de surf rock. Florence est une jeune un peu nerd qui n'a pas d'amie, sauf une clenche à lunettes  (qui ne deviendra hélas pas bonne à la fin). Parfois, Florence pète un peu un plomb et pense qu'elle est quelqu'un d'autre. Mais sinon, tout va bien. Elle décide un jour que le surf, c'est pas qu'un truc de mec, alors non, et qu'elle veut elle aussi faire la maligne et se prendre des grandes vagues dans la gueule avec une planche de trois mètres accrochée au pied (parce que c'est vraiment trop fun). Elle réussit à convaincre le roi du freeride de la plage, oui, celui qui vit dans une cabane au bord de l'eau et a un tatoo maori sur le cul. Tout cela pourrait n'être qu'une parodie d'un film de surf type 60's mais c'est aussi un slasher avec serial killer mystérieux et étudiant suédois en échange. C'est franchement drôle et plutôt réussi dans la parodie - surtout les montages de surfeurs sur la vague - et ça fait du bien de rigoler un peu avec le surf, ce sport de Satan. La chanson de générique aurait d'ailleurs bien convenu comme hymne de campagne à un certain DT.



Humanoid from the deep, Peeters, 1980
Psycho Beach Party, King, 2000

mardi 27 décembre 2016

Suburbia

Belgrade, 2012

Xiu Xiu - Falling 

Nous, rejetons des survivants, sommes restés nomades: nous ne savons pas cultiver la terre. Personne n'est de nulle part. Personne ne s'arrête. [...] Parfois, la ruine d'un satellite échoué sur une place nous sert d'abri, grotte transitoire où nous ne peignons rien. Notre temps est celui de la marche. Nous fuyons et avançons vers l'ouest, cherchant l'endroit où le soleil se noie.
Les états et empires du lotissement Grand Siècle, Fanny Taillandier,  2016


vendredi 23 décembre 2016

Ecran total

Y’a plein de trucs intéressants qui me passent entre les mains pour le moment mais très peu de temps pour en parler. Je me suis par exemple souvenue que je n’avais quasi rien vu d’Assayas, que j’aime pourtant beaucoup. Alors quoi ? Alors j’ai regardé. Quel bonheur !

D’abord, Sils Maria : histoire d’une actrice vieillissante qui se confronte à la jeunesse, à la mort et à ses rides dans la rencontre avec son rôle, la montagne, les nuages , tout ça. Bon dit comme ça c’est un peu bordélique mais voilà : Juliette Binoche est une actrice bien mure qui se voit proposer de reprendre le rôle de la vieille dans une pièce qu’elle a jouée il y a 20 ans ( et où elle tenait le rôle de la jeune (oui, c’est une histoire d’amour et de coucher pour réussir)). Perdue dans un cabance dans la montagne, hantée par le fantôme de l’écrivain, mort juste en début de film, elle répète ses lignes avec sa jeune assistante, la Kirsten Stewart qui depuis qu’elle a mis des grosses lunettes peut faire du cinéma d’auteur en rentrant les épaules – c’est chic. Les paysages idyliques, les crises de nerfs hystérique, la conscience du temps cyclique : tout ça est très hic. D’ailleurs, elles éclusent pas mal, les petiotes. C’est assez brillant dans l’incertitude entre rôle et vie réelle, dialogue joués et naturels - d’autant plus que tout est joué, même le joué-joué. Assayas nous montre donc sa grrrrosse mise en abyme et c’est même pas mal. Peut-être un peu de caricature dans le rôle de la jeune actrice aux dents longues un peu fuck the system : comme si un truc pareil pouvait encore exister aujourd’hui.

L’autre Assayas, c’est Demonlover, pitch intéressant – une entreprise rachète un studio de manga porno pour devenir le premier distributeur de porno en Europe (ou un truc du style) mais quelque chose de louche se trame, héhé. Au final, pourtant, c’est un peu flou : on se comprend pas bien qui trahit qui, et surtout pourquoi. En tout cas, la vengeance a l’air de faire méga mal.  Il y a tout un truc sur le sexe, le pouvoir, les gens super froids (qui ont toujours besoin d’une écharpe en open-space, pff) et le feu sous la glace de ces frigos ambulants (dans le fond, ils sont chauds comme des baraques à escargots). C’est aussi rigolo du point de vue thriller technologique : ça date un peu quand même, avec des sites web du darkweb qu’on peut y arriver avec un mdp style 123456, des ordis sous Windows 98’et des anims 3D toutes pourries. Bref.

Toujours dans la déviance sexuelle et la vengeance divine, c’est El Club, sympathique drame chilien sur des petits curés perdus au bord de la mer qui font pénitence pour leurs désirs bizarres. Une bande de tarés que l’abstinence a rendus fous paumés au milieu de nulle part, genre dans un endroit bien rural plein de gens super tolérants, en voilà une bonne idée. En fait, il ne sa passe pas grand-chose : ils se promènent sur la plage, entraînent  un lévrier et font leur prière. Arrive un nouveau curé, entraînant dans son sillage un jeune bourré qui a des œufs à peler avec l’église (enfin, qui s’est déjà fait peler les œufs en fait, mais on va rester polis) et qui se met à brailler, comme tout bon bourré, sous les fenêtres des curés à qui ça ne plaît pas trop. Pim, paf pouf, et voilà un cureton la cervelle éclaté sur le carrelage. Pas prop’. A partir de l’introduction de cet élément étranger et disruptif, les choses vont se mettre à partir un peu en couille (haha). Confessions à tous les étages, repentances et pénitence en folaïe, on en prend pour son grade religieux. Visuellement, c’est très beau, dominé par des couleurs clairs nimbées d’une lumière blanche de fin du monde puis évoluant petit à petit vers le noir, la nuit, les contrastes de l’ombre. Très contemplatif, silencieux. Ce qui fatigue un peu, ça et la musique avec violons dans tous les sens, cloches d’église en mode glas-de-la-mort et cette impression de climax qui n’en finit pas – genre 30 minute de climax, c’est trop.

Sils Maria, Assayas, 2014
Demolover, Assayas, 2002
El Club, Larrain, 2015

mercredi 21 décembre 2016

Perfidia

Ça fait un moment que je découvre James Ellroy et je n'en viens pas à bout: quand je crois avoir épuisé tout ce qu'il a fait d'intéressant, bim, j'en trouve un de derrière les fagots. J'ai lu récemment les premiers textes - la trilogie Lloyd Hopkins et A killer on the road: les Hopkins sont très bon, en tout cas au niveau du script, même si un peu répétitifs dans les thématiques (en même temps, c'est le même personnage, dans la même ville). Killer on the road m'a laissée un peu froide: c'est pas mal, mais encore un peu brouillon. Plus dans l'horreur mais pas encore avec la puissance de style qu'on trouve à partir du Black Dahlia et qui  prend sa vitesse de croisière dans Underworld America. 

C'est par là que j'ai commencé il y a une dizaine d'années et ça reste pour moi un truc assez magique: cette capacité à écrire comme une montée d'extas permanente, à faire suinter sur le papier des personnages complètement azimutés, aux sens partis en couilles aux quatre coins du cerveau, à les faire sentir physiquement à la lecture. Et puis à travailler aussi des images de plans en plans, des scènes de films dont on voit chaque négatif, découpées à la machette mais décrites en trois détails ultra rapides, précis comme un poing/t dans une photo ( la chambre claire, tout ça).

Alors Perfidia?
C'est le début d'un nouveau quartet et c'est une très bonne nouvelle, parce que le livre est carrément au niveau. Un peu moins jouissif textuellement que Underworld (mais qui est lui-même à un niveau de baise textuelle qu'il faut peut-être pas essayer de comparer) mais toujours aussi obsessif: les complots, les flics, les pourris, les nazis/KKK, les émeutes à gauche et à droite, la guerre quelque part, les Red en vadrouille, les unions jamais très loin. Une histoire qui part un peu partout, entre meurtres rituels, guerres de gangs et ambiance de guerre 40-45'; ça sent le coup fourré à plein nez à toutes les étapes et on a nous aussi des petites antennes qui tic tic tic se lèvent et captent des messages subliminaux, des trucs qui cliquent dans la tête pour se rendre compte que tout est lié, quelque part tout est décidé. A ne pas lire en plein crise maniaque, donc. 

Le truc un peu bonus, c'est de s'apercevoir qu'Ellroy a réutilisé des personnages d'autres romans qui se passent à L.A. (la plupart de ses bouquins en fait). Genre, des mecs sortis du premier quartet, de la trilogie Underworld et de la trilogie Hopkins, tout ça en un seul roman. Je n'ai pas vérifié livre à livre, mais il ne s'est pas (ou presque pas) planté: tous les personnages qu'il reprend sont cohérents au niveau temporel et au niveau des récits de fond. Là on a un peu envie de dire chapeau pépé, parce que putain, soit il a décidé comme ça, sur une zinne de refaire un roman, 10 ans avant tous les autres en recyclant des personnages, soit il avait tout manigancé depuis le début (mon hypothèse, vu comme le type est un maître du complot fourbe). 

Bref, ça met un peu de gaieté dans la vie tout ça, sachant qu'il y aura encore 3 monstres du genre dans les prochaines années à venir. De quoi nous consoler de 2016 ( l'année pas binaise).


Perfidia, James Ellroy, 2014

mardi 29 novembre 2016

Cow-boy total

En ce moment, ça fouette le cow-boy à tous les étages ( comme je l’avais bien flairé, entraînée que je suis à humer l’odeur du purin qui s’élève dans la plaine). Il y en a au cinéma, en musique et maintenant aussi en politique, c’est dire.

Young ones, ça fait un moment que je l’ai et que je persiste à le confondre avec The Loved ones, sorte de Carrie taré dans l’outback australien – j’en étais même venue à douter de l’existence de ce film. Mais non ! En faisant des recherches sur M. Shannon, le mec qu’a la gueule la plus flippante du monde, je me suis rendue compte qu’il avait bien joué dans ce thriller postapo avec aussi le joli Nicholas Hoult qui bouffait déjà du sable en prévision de Mad Max. Young ones raconte donc l’histoire d’un monde dans lequel il n’y a plus d’eau (ou presque) avec des gens qui vivent dans le désert et qui ont plein d’engins bizarres faits de bric et de broc (genre MM, quoi). Evidemment cet univers est impitoyable et dominé par des contrebandiers/puitiers (genre des mecs qui creusent des puits) avides de pouvoir et d’alcool. Dans tout ça, un petit fermier tente de survivre entre son fils neurasthénique et sa fille hystéro : il deale un peu, manigance vite faite et aimerait bien qu’on irriguât sa terre. C’est sans compter sur le mec de sa gamine, un petit jeunot aux dents longues et sans grande moralité, monté sur une moto du diable qu’il lance à toute allure sur les pistes (un peu comme MM quoi). Bon en gros, c’est un peu comme Mad Max, mais pas tout à fait : il y a une intrigue et même qu’elle est découpée en plusieurs chapitres, qui suivent le parcours des trois héros – le père, le fils, le gendre, chacun barbare et victime à sa façon. Finalement, l’aspect postapocalyptique joue peu – c’est surtout un prétexte pour se la jouer cuir et moustache dans le sable.

Des vrais cow-boys de vrais de vrais, c’est dans Hell or high water (traduit en français Comancheria, merci beaucoup) qui raconte une virée de braquages qui tourne mal. Deux frères cherchent à sauver le ranch familial du fin fond  du Texas bouffé par les dettes et les arriérés : comme l’un d’entre eux sort justement de taule, il se dit – bingo, braquons des banques ! La bonne idée ! Ils y vont donc, en pur mode desperados des plaines (genre pas super préparés, entre deux burgers, avec des chaussettes sur la tête). Evidemment, braquer des banques dans un état où tout le monde  a son flingue à la ceinture, c’est pas top malin. Mais bon. De l’autre côté du Texas, un pépé ranger, à deux semaines de la retraite, embarque avec un collègue mi-mexicos, mi-comanche pour trouver et faire la peau à ces connauds. A partir de là, c’est de la cowboyerie à tous les étages : deux jeunes gars en roue libre, un vieux sur le départ qui égrène ses blagues racistes et sa sagesse redneck de vieux flic avec un indien des plaines pour tout compagnon de voyage : c’est beau. Non, mais c’est vraiment beau, en fait. C’est beaucoup de bagnoles et de larges paysages, de bande-son « bwwoiiing » (Nick Cave à l’écriture quand même) et de questionnement existentiel sur les nouveaux apaches, les rois des plaines d’un espace qu’on se demande parfois s’il disparaîtra un jour (non, en fait).

Finalement, le cow-boy moderne, c’est Snowden, enfin adapté par Stone dans un film pas mal foutu. On y retrace l’histoire de ce pauvre Edouard, obligé de vivre en Russie jusqu’à la fin de ses jours parce qu’il a fait de la merde. En même temps, quand on voit le degré de sécurité des installations, il devait bien se douter qu’on allait pas lui taper dans le dos après. Bref. On voit l’aspect plus évolutif, la construction lente de la décision de tout balancer. Au départ pas super fan des libéraux et des anti-guerre, Doudou change pourtant : c’est grâce à l’amûûr, c’est sûr, mais aussi parce qu’il se rend compte que la lutte antiterrosisssse, c’est pas toujours super mimi. Hé oui, Ed, la vie, c’est pas rigolo ! Mais là où il se fâche tout rouge, c’est quand on lui pique son joli code qu’il avait écrit tout gentiment et qu’on en fait un instrument du diable. Ha oui mais non. Bref, le récit a peu d’importance et le film est assez classique pour un film politique de Stones : peu d’images d’archives cependant, mais toujours des moments très solennels, avec des roulements de tambour militaire en fond (= le héros est en train de vivre un moment décisif pour lui (= son cœur bat, comme le tambour) mais la nation tout entière aussi (=son tambour bat, comme le cœur quoi)). L’histoire et l’Histoire, tout ça. Enfin.

Young ones, Paltrow, 2014
Hell or high water, Mc Kenzie, 2016

Snowden, Stone, 2016

lundi 28 novembre 2016

Ecran total

Toujours n’importe quoi et n’importe comment : les trucs les plus chelous de la semaine.

Lights out, un film d’horreur genre maison hantée qu’on dirait pas comme ça mais qui fait bien peur en fait (à moi en tout cas). Le film s’ouvre sur une chouette scène de massacre sans tronçonneuse avec un monstre qui apparaît dans l’ombre et qui disparaît à la lumière. Creepy. Commence alors le film qui nous présente Rebecca, jeune cool un peu goth, se retrouvant à devoir gérer un petit frère un poil chiant parce qu’il ne dort pas bien, le pauv’ chou. Ceci dit, avec une mère qui passe une partie de la nuit à parler à son amie imaginaire et l’autre à hurler roulée en boule, y’a de quoi. Becky se rend alors chez sa daronne, bien décidée à lui faire prendre ses médocs. Mais c’est sans compter sur la présence maléfique qui rôde, ouuuh et dont Becky percera l’énigme en trois minutes et demie d’un montage didactique à crever (pour si vraiment t’as pas compris). C’est le côté un peu lourd : point de suspensme, au bout de 45’, l’histoire est pliée et on attend juste pour compter les cadavres à la fin. Par contre, ça fait un peu flipper : les trucs qui surgissent dans le noir, les ombres qui bougent dans le dos et tout ça, perso, j’ai gardé ma lampe de poche près de moi.

Aussi une histoire de lumière (dans le titre, pas dans la réalisation), c’est le The Neon Demon de Winding Refn ( qui a perdu des voyelles en quittant son fjord natal). Je n’avais pas aimé Only god forgives qui était une sorte de longue masturbation d’ado shooté aux clips MTV et à l’esthétique David LaChapelle alors pourquoi diable m’être lancée là-dedans. Parce que je suis comme ça, moi, d’une honnêteté intellectuelle à toute épreuve et un peu maso sur les bords. Pis j’aime bien regarder un film en éructant dessus, ça ravigote. The Neon demon donc. Sujet super révolutionnaire, l’histoire d’une petite fille pure qui est engloutie par la machine à fabriquer des clones du monde de la mode. Comme c’est original ! Jesse, donc, est une super trop meugnonne aux longues boucles blondes et au teint frais qui veut tenter sa chance dans la fashion. Elle fait tourner les têtes mais hélas, dans cette grande ville faite de blocs de béton glacés et d’intérieur gris, elle finira par se faire bouffer (littéralement, désolée pour le spoiler) par les gorgones sans pitié qui peuplent ces murs, mouahaha. Des plans lents, gris métallisé, baignés de néon bleus zet rouges, des acteurs placés comme des statues de cires qui débitent des textes écrit par un fonctionnaire de la Capac neurasthénique, de l’électro en nappes épaisses qui font un peu gerber à force : mais quel bonheur. Je me suis endormie 4 fois pendant la première heure (il faut dire que je sortais d’une bonne empoignade avec deux kilos de moules et qu’on était dimanche après-midi) puis j’ai encaissé les 40 minutes suivantes à renfort de café. Voilà, c’est super chiant, archi convenu, d’un niveau de clip vidéo pseudo arty, et d’une inanité difficile à comparer. Cela dit, ça atteint par là son but : parler du vide en en étant la définition la plus pure.

Tout aussi arty, mais sans faire exprès, c’est Jaguar Force Thunderbolt, nanard super-culte dont je ne connaissais pas l’existence jusqu’à y a pas longtemps. Gloire à celui qui me le fit connaître. Il s’agit donc d’un film d’exploitation taïwanais avec des méchants, des gentils et des dialogues de fous. Le film est culte car il fait partie de ces chefs-d’œuvre du doublage : celui-ci a été fait directement par la société de production et est donc réalisé par des acteurs chinois qui parlent (un peu français).  C’est drôle. Comme en plus la version VHS (seule dispo à ce jour à ce qu’on dit) est tout simplement mal cadrée (il manque littéralement 5 centimètres à gauche et à droite), on passe deux heures devant un film qui pourrait avoir été écrit par Godard : des dialogues tout chelou, déclamés sur des tons blancs, entrecoupés de silence (pour correspondre aux mouvements faciaux du mandarin, malin !), des considérations existentielles écrites dans un français durassien, le tout sur des images où il manque souvent un personnage (à cause du problème de cadre) et qui sont soit surexposées (il fait tout blanc) soit complètement noires. Le hors-champs, la désincarnation, le mensonge des images, l’infidélité de la lumière : autant de thèmes qui nous excitent et qui réjouiront le patient spectateur de cet objet artistique exotique.

Lights out, Sanberg, 2016
The neon demon, Refn, 2016
Fei bao xing dong, Pan, 1981 

dimanche 27 novembre 2016

Preacher

                          
Je viens de finir après moult atermoiements, la première saison de Preacher, énième adaptation d'un roman graphique (?) en série, mais produit par Seth Rogen et Evan Goldberg. Comme souvent, je m'y suis mise sans avoir trop d'info sur le contenu - je savais juste que c'était un truc de redneck. C'est ça, mais en mieux.

Preacher raconte l'histoire de Jesse, de retour dans son patelin d'origine du bumfuck Texas pour reprendre l'église de son père (preacher avant lui). Mais Jesse n'est pas vraiment preacher, en fait. Non, il est plutôt ex-malfrat tendance cowboy, avec un ex aux trousses assoiffée de sang (pas le sien, hein). En plus de ça, il se prend une sorte de boule de feu lumineuse dans la gueule en plein sermon et se met à avoir des pouvoirs super chelou - il ouvre les yeux des gens dans le coma, il ramène des tycoon à Dieu et il simule des suicides pour faire peur; bref, il devient un peu Jésus. Comme si ça ne suffisait pas, atterrit dans un jardin un drôle de peye avec un teint blafard et un accent anglais (??) à couper au couteau, qui n'est autre qu'un vampire - d'où le teint livide. 

Mazafaka.
                                 
A partir de là, on se demande un peu comment tout ça va tourner: ça fait beaucoup de références pour un seul homme finalement. Mais en fait non: on se retrouve avec un truc entre True Blood, Banshee et Dogma: un peu redneck, un peu sanguinolent, un peu religieux-mais-pour-déconner. Il y a des courses-poursuites en pick-up sur les routes poussiéreuses, des mères de famille courageuses qui travaillent dans des dinner, des gros flics un peu mou du bide, des industriels de la viande impitoyables, une paire d'anges à grands chapeaux en mission sur terre, des suicides ratés (impressionnant!) et bien sur des cow-boys modernes à col romain. Le tout est entrecoupé de flashback (parfois pas super clairs si on suit pas), sur un son de guitare country, qui fait "boiiiiing" (genre Bwow) et toujours le désert, les plans en contre-plongé un peu comics, la sueur du Sud et des villes de bouseux qui suinte la graisse de porc et l'ennui vague. Yum.

lundi 21 novembre 2016

Ecran total

Ça fait un moment que je n’ai plus pris la plume, pourtant, que de bons films ces derniers temps – autant que de déconvenues, mais ce sera pour un prochain numéro. Ces trois premiers films n’ont pas grand-chose en commun mais quelque part en fait si : ils parlent de domination, de résistance et de fantasme du chevalier sauveur.

Nocturama est à cet égard bien étrange : film sur lequel on a pas mal bavé quand il est sorti : bah oui, il parlait de terrorisme dans un contexte pas franchement folichon mais surtout, il avait l’outrecuidance de parler de terrorisme politique, carrément ancré à gauche et qui pose un peu la question : alors quoi, sont sympas ou pas les terroros, huum ? Je m’en fus donc le voir avec circonspection, peur de me retrouver devant un énième film de gauchiste nostalgique d’Action Directe, mais je savais par dedans moi que Bonello était plus finaud. Et il l’est, de façon assez démentielle. Le film raconte donc un attentat, ou plutôt des attentats, coordonnés, minutieusement préparés et exécutés en plein Paris pour frapper au cœur de la société capitaliste (qui est trop méchante). Sous les cagoules, des petits jeunes plutôt mignons  et le teint frais, un peu banlieue mais avec le bac, bref, des gens comme vous zet moi. Tout est filmé quasi sans un mot, au rythme des rames de métro, des échanges de sac, des micro-actions qui convergent toutes vers un truc qu’on sent global et qui va faire mal. Arrive l’explosion finale et ces petiots se retrouvent tous autour d’un bon verre dans les galeries Lafayette une fois celles-ci fermées. Vous me direz, y’a mieux comme planque, mais bon. Et c’est là que le film devient vraiment intéressant : ces gamins, paumés dans un centre commercial de luxe et enfermés pour la nuit, que font-ils ? Ils parlent de Nietzsche ? Ils débattent sur la lutte des classes ? Ils écrivent des trucs révolutionnaires sur les manteaux du rayon fourrure ? Bah non. Ils essayent des baskets super chères, ils bouffent des gâteaux de chez Fauchon et ils mettent Rihanna à fond. Ça fait un peu chelou du coup : et quoi, la révolution sociale, alors ?  C’est là que c’est assez superbe : on se rend compte qu’à posteriori, on a peu d’info sur leurs raisons, motivations – en fait, quasiment aucune n’est énoncée comme telle. On peut juste supputer, supposer et surtout projeter ce qu’on pense être les raisons de leur colère. Mais est-ce que ce ne sont pas un peu les nôtres dans le fond ? Ça renvoie un peu au fantasme du gentil quadra installé dans sa vie qui s’imagine que les jeunes vont faire la révolution qu’il n’a pas eu les couilles de faire à leur âge  « wouaaa, trop forts les jeunes, trop bien les printemps des peuples, trop cool les indignés » alors que c’est surtout une révolution qui tourne à vide, on dirait qu’on sait pas trop pourquoi on la fait, on y croit mais est-ce qu’on comprend vraiment ou juste besoin d’un truc à faire le samedi soir ?

Autre film attendu longtemps, le récit de l’affaire Arche de Zoé fait par Lafosse dans Les chevaliers blancs. Lafosse n’est pas mauvais quand il s’agit de parler de fait divers et il le fait ici de nouveau avec pas mal de classe. L’histoire, on la rappelle vite fait : c’est cette association partie en Afrique sauver des orphelins et qu’on a chopé sur le tarmac d’un aéroport avec une centaine de gamins dont la plupart n’était absolument pas orphelins, gamins destinés à être adoptés par des familles en France qui avaient « contribué » à l’association à hauteur de 1000-2000 euros. Un truc qui pue un peu, quoi. Ici, c’est raconté de très près, comme d’habitude, sans trop de pathos, à travers le déroulé de l’action humanitaire, ses déboires, ses emmerdes. Il n’y a pas de jugement comme tel mais la charge est plutôt lourde : ça dresse un portrait assez flippant de la gentille âme charitable, de la bonne volonté du bon blanc et de l’eurocentrisme de base qui reste un obstacle assez énorme à une bonne compréhension. Images superbe, bande-son bien foutue – seul bémol, les acteurs, un peu mouais.


Enfin, Elle qui a aussi fait couler beaucoup d’encre de son côté : un film qui parle de viol, d’agression, de domination masculine et de comment on s’en sort ? Un thriller avec des personnages ambigus, étranges et tous plus tarés les uns que les autres ? Un film pour laisser Huppert faire joujou avec tous ses rôles de dominatrix froide et impassible ? Un peu des trois en fait. Pour résumer, c’est l’histoire d’une femme normale qui se fait agresser chez elle – genre violer. Comme elle est méga badass  (et un peu cintrée) elle ne porte pas plainte et déballe toute l’affaire à ses potes sur un air de « bon, tiens au fait, il m’est arrivé un truc, l’autre jour ». Du coup, on s’étonne : mais quoi, et les flics ? Et l’agresseur ? Et la vengeance dans tout ça ? Elle, elle s’en fout. Mais l’agresseur, lui, continue à la suivre, lui parler, l’approcher, la chercher. On n’en dira pas plus, sinon c’est péché, mais c’est effectivement un film excellent, qui tape sur un truc très intéressant à savoir la façon dont les autres pensent que vous devez vivre votre agression, comme si une fois que c’était fait, vous deveniez une sorte de cause publique. Ben en fait non, et chacun a le droit de vivre ses trucs dans son coin, de gérer comme il veut, de prendre le pouvoir où il le trouve. Le personnage d’Huppert est hyper bien foutu, un cliché de femme froide, indépendant et qui a besoin de personne mais qui est en fait bouffée de tous les côtés par une horde de gens (surtout des hommes d’ailleurs) complètement assistés qui non seulement la sucent jusqu’à la moelle mais à qui elle est censée faire croire qu’ils ont raison. Elle, elle se démerde comme elle peut et le film le raconte très bien. Après, espérer qu’il livre une morale ou une conclusion sur la question du viol, c’est prendre le problème à un niveau des fables de la Fontaine : on est d’accord que la vie est quand même un peu plus complexe, non ?

Nocturama, Bonello, 2016
Les chevaliers blancs, Lafosse, 2015
Elle, Verhoeven, 2016

mardi 25 octobre 2016

Ecran total

Pas grand-chose de nouveau cette semaine, entre cow-boy du dimanche, cow-boy du mercredi après-midi et cow-boy du vendredi soir : tout le monde peut être un héros (juste pour un jour, une fois).

Cow-boy du dimanche, c’est dans Westworld, l’original. Comment en deux heures on liquide une série promise à moult saisons, c’est ça l’efficacité Bosch et c’est encore une victoire de Canard, à savoir Yul Brynner en cow-boy mutant qui promène sa vengeance de machine au crâne lisse, trop lisse. L'intrigue est sensiblement la même que celle de la série : une agence de vacances propose des séjours dans des mondes trop fun (époque médiévale, empire romain, cow-boy world). Trop fun, certes mais pas pour tout le monde – une preuve de plus que l’entertainment de masse est un truc fondamentalement patriarcal, tiens. Enfin bref. Comme prévu les robots se mettent à déconner et à tirer sur tout ce qui bouge, avec un méchant particulièrement vilain en la personne de Brynner qui fait tellement bien le robot qu’on se demande si l’URSS n’aurait pas eu une large longueur d’avance sur nous en termes d’intelligence artificielle. Il y a moins de considérations freudo-lacaniennes que dans la série (« mais quel est ce sujet qui se cache entre les plis, ciel mon phallus ») mais plus de pim pam poum et d’assassinats de sang froid (très froid). Pour pimenter le tout, les mondes collusionnent ce qui donne un chouette bordel de cow-boy dans des châteaux forts et d’orgies romaines avec des putes de saloon. Enfin, presque.

Les cows-boys du mercredi après-midi, ce sont les 7 (ou 8 ?) mioches du Wolfpack, documentaire hallucinant sur une bande de garçons élevés en huis-clos dans un appartement new-yorkais et qui connaissent le monde par la lorgnette ultime de notre ami cinéma (cinééééémaaa). De film en film et de salle en salle, ils lui ont donné leur existence. Bon pas vraiment. Il s’agit en fait d’une famille très nombreuse, composée quasi exclusivement de garçons à la longue chevelure Hare Krishna et au type mi-indien mi-chelou. Comment en sont-ils arrivés là ? Que font-ils de leurs journées ? Où en est leur virginité ?  A quoi ressemble un gaillard de 23 ans qui n’est jamais sorti de chez lui et qui ne connaît de la vie que Pulp Fiction et de l’amour que Blue Velvet ? Qu’est-ce qu’on mange ce soir, d’ailleurs ? Tant de questions auxquelles on n’aurait jamais imaginé avoir de réponse, et pourtant si ! Par la grâce des médias gonzos, on finit toujours par dénicher LA famille de cinglés qui fera l’affaire. Quelques plans mélancoliques, des cadrages un peu rapprochés, des scènes qui font peur (le bûcher d’Halloween au milieu du salon !), une dramatisation programmée (« tiens, et si je me réconciliais avec ma mère, perdue de vue depuis 50 ans ? Oups, une caméra ! ») et l’affaire est dans le sac. Au final, un truc fascinant mais pas non plus transcendant : on les voit rejouer leurs films préférés, parler de leur enfance pire que la nôtre et aller au cinéma pour la première fois (émotion !). On aimerait par contre savoir s’il est possible de louer ces jeunes garçons à l’heure pour animer des soirées de cinéphiles – mais ce n’est visiblement pas encore un produit téléachat.

J’ai beaucoup attendu Yoga Hosers, surtout après l’inénarrable Tusk mais je dois avouer que c’est un peu un truc de cows-boys du vendredi soir : une paire d’ados un peu concons mais vachement dégourdies combat le mal depuis derrière le comptoir d’un magasin de pompe à essence, en chouinant parce qu’elles ratent LA soirée qui aurait dû faire d’elles des femmes. Zutre. Il y a évidemment des choses intéressantes : l’addiction des jeunes filles pour un yoga d’un genre renouvelé, avec des postures vachement plus comiques que le pigeon royal ou que la demi-pince ; les gossbos du lycée qui s’avèrent être des infâmes satanistes plein de beuh, et surtout le méchant de ce film, consistant en une bande de « bradzis », pour « bradwurst » et « nazi » - un terme que l’on peut élégamment traduire par « knazis » ou encore par « zwanzis » - j’suis assez fière de moi. Ces petits hommes-saucisses maléfiques jaillissent de partout en criant « wunderbar » et aiment à remonter le rectum de leur victime. Miam. Qui est derrière ce complot ? Mystère! Il y a plein de références très cons mais assez jouissives à plein de trucs qu’on aime, dont une excellent citation du Children shouldn’t play with dead things, film de zombies trop souvent oublié dont on a d’ailleurs parlé ici (alors on est bien content de soi, didon). Pour le reste, c’est un peu « meh » comme on dit. Avec saumon mais sans cream cheese.

Auf Wiedersehen!

Westworld, Crichton, 1973
The Wolfpack, Moselle, 2015
Yoga Hosers, Smith, 2016

jeudi 20 octobre 2016

Driving miss crazy

Je  clôture enfin mon cycle sur les nanas cintrées au cinéma : il y aurait encore moult films à y ajouter mais on n’a pas toute la vie non plus.

Le Singapore Sling est un cocktail à base de gin, de cointreau et de jus d’ananas. Mais c’est aussi un film expérimental racontant un huis-clos erotico-slasher entre une mère et sa fille. Tous les deux sont donc a) difficile à avaler et b) assez rapidement soûlants. Concernant le cocktail, la solution est simple : virer les ingrédients inutiles et garder le gin. Pour le film, c’est autre chose : il n’y  pas grand-chose à garder, si ce n’est la référence à Preminger et on se contentera donc de regarder le film en accéléré (1.5 fois voire 2 fois plus vite) , un gros verre de gin à la main. Voire une bouteille. Dans ce film visiblement culte pour les fans de Nikos Nikolaidis -  que je ne connais ni ne juge ici – on découvre une mère et sa fille, enfermée dans une grande demeure remplie de déco mi-taxidermiste, mi-Louis XVI, avec des fanfreluches qui se mêlent aux peaux de bêtes et des candélabres qui luttent avec des cornes de cerfs. Intrigant. S’y trouvent aussi un certains nombres d’objets contondants zet phalliques qui seront nos guides dans cette épopée du plaisir féminin ( ??) entre inceste, nécrophilie,  abus de mâles en détresse et jeux de rôles hasardeux.  La référence à Laura d’Otto Preminger est un parti pris : une pauvre Laura assassinée, dont on tombe amoureux du portrait avant de succomber à une femme fatale qui lui ressemble et qui est elle (ou pas, suspensme !). Cette enquête mène un pauvre homme à la porte des deux gorgones qui le capturent fissa et en font leur nouveau joujou. La quête est entrecoupée de scène de jeux érotiques entre la mère et la fille (ou Laura, on ne sait pas trop), dont une scène de masturbation au kiwi qui ferait douter même les vegans qui aiment très fort les légumes. En accéléré, c’est supportable, et même parfois drôle. Sinon, on baille un peu et on reprendra un gin sec, s’il vous plaît bien.

Shock parle aussi de relation mère-fils, mais à un âge différent, et nous montre encore une fois qu’il vaudrait parfois mieux garder sa culotte quand on songe à procréer. On y voit une gentille famille recomposée s’installer en Italie, dans l’ancienne maison de Dora, la femme du couple, celle où elle a vu son feu mari et père de son petit Marco, mourir. Son nouveau mec est pilote et joue donc un peu les filles de l’air, haha. Il n’est pas souvent là, et qui dit grande maison isolée, femme seule et enfant HP, dit problème à l’horizon à base de malfaisance télépathique, de portes qui claquent et de zoom zinquiétants sur la figure du marmot diabolique. Car Marco est un peu chelou, genre autiste mais avec un monde intérieur qui fait peur. Entre ses mini figurines vaudou et ses paroles un peu blessantes (« j’t’aime pas  t’es pas ma mère »), on a bien envie de lui mettre une grosse fessée et au lit. Hélas, hélas et trois fois hélas : à une époque où les libres enfants de Summer Hill sont encore un gros fantasme dans les milieux pédagogiques, personne ne songe à corriger le chiard qui peut donc « développer son potentiel » (meurtrier) en toute liberté. Merci Céline Alvarez, en gros.

Singapore sling, Nikolaidis, 1990

Shock, Bava, 1977

mardi 11 octobre 2016

Ecran total

Cette semaine, un peu de flip à bas coût avec des lapins gothiques, des clowns psychotiques et un Edward Norton un poil excentrique.

J’ai toujours cru que j’avais déjà vu Donnie Darko, mais c’est parce que je le confonds avec Donnie Brasco – avouez qu’il y a de quoi. En fait, non et c’est donc chose faite. Ça raconte l’histoire d’un ado un peu mal dans sa peau (genre il est trop beau gosse mais c’est trop dur pour lui), un peu narcoleptique et somnambulesque, qui parle à un lapin imaginaire, Frank.  Donnie vit en suburbia, cauchemar américain de classe moyenne à maintes reprises épinglé dans la dernière décennie du 20e, et se fait chier dans sa maison impeccable aux rideaux Laura Ashley.  Convaincu d’une apocalypse imminente, il converse avec un lapin géant à masque de mort super flippant et échappe de peu à un réacteur d’avion tombé par erreur sur sa chambre. Après, c’est plutôt une tranche de vie classique : les cours d’anglais avec la prof trop cool mais qui se fait virer, la nouvelle dans sa classe qu’est trop mignonne et qui bingo s’assied à côté de lui, les fêtes d’Halloween qui dérapent et les séances chez le psy.  Le tout est noyé dans des visions lentes, des longues séquences musicales au ralenti un peu planantes, un sentiment de perte de réalité via des séquences vidéo un peu futuristes avec des grésillements (et tout) . Franchement, en termes de désespoir adolescent, Donnie peut repasser : ses darons sont plutôt cool et le laissent psychoter gentiment, sa meuf est meugnonne comme tout, ses potes sont toujours prêts à prendre leur vélo pour aller résoudre un mystère - il est peut-être bien un des marmots de Stranger Things, mais 10 ans plus tard – genre celui qui crache des glaires noirs. Ça ressemble donc plus à un trip ado qu’à une critique sociale, même si on sent le côté grinçant et glauque d’existences parfaites assorties au tapis de la salle de bain. Il y a des personnages, des moments tout droit sortis de l’univers de Lynch - beaucoup de plans de cage d’escalier, des profs toujours au bord de la crise psychotique, des adeptes de théories PNListo-fumeuses et des gazons bien taillés. C’est beau.

Même si on aimerait bien l’aimer, c’est difficile de défendre 31,  petit nouveau de Rob Zombie, qui est, avouons-le, une belle daube. C’est dommage, on était toute chose à l’idée de retrouver les clowns maléfiques, les rednecks mythiques et les shoot-out de western de  The devil’s rejects, mais là, alors que tous les éléments y sont, ça tombe relativement à l’eau : c’est mou, lent, pas très inventif dans l’horreur, ça fait un peu recyclage mais d’une poubelle mal triée (genre avec des cartons et des canettes dans le même sac).  Tout avait pourtant bien commencé : 31 raconte l’histoire d’une bande forains ambulants qui se perd un soir d’Halloween au milieu de nulle part et se fait kidnapper par des gens riches et sadiques afin de participer à un jeu style « on lâche des clowns fanatiques avec des armes rudimentaires dans une usine abandonnée et vous devez survivre ». Cool ! Hélas, hélas, trois fois hélas ! C’est peut-être le huis-clos, c’est peut-être l’overdose de clowns, c’est sans doute l’omniprésence de Cherri Moon Zombie, épouse de, qui promène sa permanente décolorée et son ventre plat dans tous les cadres en essayant de faire l’actrice, c’est sans doute aussi les personnages de riches zet puissants sadiques ridicules – ils sont riches donc ils ont des costumes Louis XIV, sans doute une critique de biais à la monarchie de droit divin, sacré Rob ! Tout ça fait que ça ne prend pas vraiment : alors bien sûr, c’est divertissang (sic, haha) mais ça manque de cow-boy, diantre !

Enfin dans Primal Fear, on voit ce cher Dick-la-mimique aka Richard Gere, dans le rôle de Martin Vail, brillant avocat un peu pervers narcissique sur les bords (si on en croit le test trouvé dans 20ANS de décembre 1996), décide de voler au secours d’Aaron, pauv’ enfant de chœur de son état accusé du meurtre d’un archevêque. Le mobile de Marty n’est bien évidemment pas l’empathie pour son prochain mais bien la gloire judiciaire, la coke et les putes qui s’ensuivent. Sacré lui. Sauf que l’affaire est plus corsée qu’il n’y paraît à première vue : comme tout bon dignitaire ecclésiastique, notre pépé était régulièrement menacé de mort par des investisseurs immobiliers pas contents (normal…) et bien sûr trempé un peu beaucoup dans des histoires de mœurs pas nettes. Du coup, que faire, qui croire, où courir, où ne pas courir ? En plus vla-t-il pas qu’Aaron se révèle être à plusieurs dans sa tête : que de rebondissements – presque trop pour un seul homme et pour deux heures de film ! Je n’en dirai pas plus, mais sachez qu’on y voit le jeune Norton avant qu’il devienne célèbre dans son rôle d’antivirus (mouhahaha), et qu’il est vraiment cool : tantôt penaud, tantôt schizo, on le sent sur la pente Fight Club, déjà. Pour le reste : Dick fait ses tricks, son ex lui met des râteaux, on boit des whisky et voilà.

Donnie Darko, Kelly, 2001
31, Zombie, 2016

Primal Fear, Hoblit, 1996

vendredi 7 octobre 2016

2017, année du cowpster?

J’avais sans le vouloir eu du pif : les cow-boys c’est trop in cette année : entre les petites boots pointues chez Chanel, les chemises à carreaux,  la tendance burger à la viande cuite sur braises de chameau, les néo-westerns poussiéreux au cinéma et les folkeux dépressifs à cigarette molle, on a tous en nous quelque chose de Tennessee.  Ça tombe bien, les cow-boys, moi j’adore ça : y zont des jolies bottes, des beaux chevaux et ils vivent d’amour et de scalps frais. Un retour à la virilité 1.0 en quelque sorte – d’où le mot-valise concept du titre qui deviendra, j’en suis certaine, le hashtag trend de 2017.

HBO l’a bien compris : pour faire un switch en douceur et gérer la descente des fans de GOAT (qui ne savent même plus pourquoi ils regardent la série ( moi y compris), un peu comme un vieux couple qui baise par habitude), ils se lancent dans le western postmoderne. Oui, car western il y a mais avec des robots dedans. Un genre ultra codé + des problèmes super modernes+ des héroïnes avec des cheveux qui font des boucles = quasi la même recette que GOAT finalement, mais avec plus de poussière. 

En lisant le pitch de Westworld, on est toute chose : des cow-boys, des robots, de l’intelligence artificielle et un sentiment de perte de réalité : WOOAA.  Le pilote tient d’ailleurs ses promesses :  des bagarres de saloon, des mecs pas nets qui boivent des whisky sales, des cascades à cheval , le tout dans un contexte de questionnement existentiel du niveau du profil snapchat de Kimberley, 15 ans ("et si notre réalité était en fait un monde commandé par des gens supérieurs ? Et si je pensais que je vis mais en fait je vis pas vraiment et c’est quelqu’un qui me programme ?" (attention Kimberley, réfléchir ça va faire mal à ton lissage japonais)).

JJ Abrams est  derrière ce truc assez improbable – on sent revenir la vieille idée qu’il a peut-être eue  pendant Lost (et l’hypothèse que j’ai secrètement défendue pendant des années) : en fait, ils sont tous dans un parc à thème pour notre amusement – d’ailleurs c’est un peu vrai si on remplace parc à thème par HBO, mais bon. Il y a aussi Crichton, auteur de l’original Westworld (pas encore vu, mais hâte) qui est par ailleurs un homme bien perturbé par l’émergence des AI et par les parcs à thèmes , puisque c’est aussi le sujet de Coma, chroniqué ici et de Jurassic Park. Il doit être chouette à vivre ce monsieur.


Enfin bon : pour le moment tout va bien. Le premier épisode a donné lieu à des belles envolées foucaldiennes – les gens qui deviennent fous en fait y sont juste pas bien mis à jour, Michel n’aurait pas dit mieux – et à des  plans imprenables sur les steppes de l’Ouest. On aimerait bien plus de dragons, mais bon, on peut pas tout avoir non plus.

jeudi 29 septembre 2016

Cow-Boy Total

Grève aidant, j’ai enfin le temps de m’étendre sur quelques films vus récemment un peu tous dans le genre cow-boy 2.0.

Bone tomahawk est un vrai western : y’a des indiens, des cow-boys, du whisky et une femme en détresse mais il y a un ton, une atmosphère qui en fait quelque chose d’autre – on sait pas trop bien quoi.  L’intrigue est plutôt simple : des indiens tout vilains kidnappent des villageois tout sympas sans donner de raison vraiment – en fait une histoire de vengeance pas nette, mais bon. Le sheriff du coin, pas trop content, rameute une bande de types prêts à en découdre pour pister, tuer, sauver, venger ; enfin tout ça. Alors ça commence comme ça, mais ça devient vite un peu strange : les types en mission font parfois un peu bras cassés (un futur amputé, un vieux sur le déclin, un semi-psychopathe en  pleine décompensation œdipienne), et les indiens sont carrément des trucs flippants : y zont pas de chevaux, pas vraiment de plumes, pas de tipi et ne disent pas hugh. Non, ils ne disent rien et poussent des cris qui font peur (entre le chant des baleines et l’accouchement du pachyderme). Bigre ! On assiste d’ailleurs à quelques savoureuses scènes de découpage humain qu’il faudrait montrer plus souvent à nos amis végétariens : peut-être cela les convaincrait-ils de cesser de nous bourrer le mou avec ces histoire d’abattages rituels.  C’est un peu du néo-western, ou même du post si on veut, de par ce côté un peu penaud, pas bien fier, un peu trivial et terre à terre («  Embrasse –moi fougueusement mon amour que je croyais perdu ! » « Heu oui chouke, mais t’as un cartilage entre les dents, là, atta, voilà, a pu »), des cow-boys pas toujours héroïques, qui font les malins sans trop y croire : finalement, c’est drôle, c’est sanglant, c’est pleins de beaux paysages et de suspensme de folie – que demande le peuple, enfin (à part la fin de la semaine de 50 heures) ?

The mechanic est lui aussi un  film de mecs super burnés mais quand même avec de l’amûûr dans le fond.  Charles Bronson, le cow-boy moderne parangonique est le mechanic Bishop , un tueur à gage super classe qui dézingue des gens à la demande. Il vit dans une maison qui a vraisemblablement été décorée par l’architecte d’intérieur d’Elvis ( rien que la maison vaut de se taper le film en fait), avec un design super bizarre, des genre de cascades intérieures et des jardinets suspendus qu’on a du mal à trouver les chiottes. Extravagance d’autant plus bizarre que ce Bishop est la sobriété et l’austérité même : il ne lâche absolument aucun mot pendant les 20 premières minutes du film – même pas pour penser à voix haute ou se morigéner lui-même (« mais quel con, t’as oublié le détonateur dans le coffre, putain »). Quel sang-froid, quelle maîtrise, quel savoir-faire, quel homme de glace. Mais qui percera sa solitude de cowboy solitaire, huuum ? Hé bien ce n’est pas une jolie petite, mais un bien un gentil petit gars qui sous prétexte qu’il a plus de père (dézingué par le Bishop en question), va se mettre à coller aux basques du tueur en mode « apprends-moi tout, fais de moi ton disciple et donne-moi le numéro de ton décorateur, pliz ! ». Bishop exulte intérieurement, mais à l’extérieur il se contente de lever un sourcil (il le fait SUPER bien) et de dire «  OK petit, mais tu la fermes et tu t’achètes un costume ». C’est donc le début d’une merveilleuse amitié ( et plus si affinités selon moi). Mais peut-on vraiment faire confiance à un tueur ? Suspensme !

Enfin,  El abrazo del serpiente, aussi un film avec des indiens mais plus amazoniens ceux-ci. Double récit de la quête d’une plante magique dont j’ai oublié le nom, on y voit un botaniste flamand halluciné à l’attaque du fleuve vivre plein d’aventures rigolotes  avec en contrepoint le récit de la même quête, mais 40 ans plus tard, par un jeune photographe teuton tendance chemise à carreaux.  Les deux cheminements rencontreront cependant les mêmes écueils : secte de religieux rendus à moitié fous par ce qu’on pourrait appeler le syndrome Kurtz, tribus étranges prises dans des guerres  auxquelles on ne comprend rien, excès de bagage des pirogues et surcoûts entraînés par le dépassement du poids autorisé en cabine. La prochaine fois, ils prendront Air France.  A partir d’une idée finalement assez vieille – le récit initiatique du découvreur d’un monde oublié – l’approche par récits parallèles rend le film particulier et vachement beau, en fait.  Le choc culturel, les rencontres chelou, l’impassibilité du fleuve – tout est donné dans une lenteur, avec une certaine pesanteur qui échappe au new-age concon ou au film paternaliste. Impeccable N/B, économie de paroles et justesse du jeu : bah qu’c’est joli, tiens.

Bone tomahawk, Zahler, 2015
The mechanic, Winner, 1972
El abrazo del  serpiente, Guerra, 2015


vendredi 23 septembre 2016

Hôpital massacre.

La nouvelle saison de Scream Queens a commencé et on est bien content de retrouver ce bonbon rose pop qui nous change un peu d’AHS  (trop de Gaga) et de Glee (trop de Gaga aussi). Le thème de cette saison sera donc l’hôpital, les maladies bizarres et les monstres des marécages. Histoire de se mettre en train, quelques suggestions de films rouge sang sur blouse blanche à voir ou revoir.

Coma est sans doute le plus classe, avec Michaeeeeeel Douglas quand il ne ressemblait pas encore à un pépé qui se serait fait greffer un cul de fœtus de souris à la place du menton (on est d’accord que cette fossette ressemble à rien ?), Michaeeeel donc, qui était certes jeune, mais aussi un peu un connard : alors que Suzanne, sa meuf se joue la vie pour devenir médecin respecté, il lui parle de faire la vaisselle. Bravo. Mais là n’est pas le point car Suzanne découvre que des choses bizarres se passent dans cet hôpital : mais oui, des patients entrés pour des opérations somme toute simples ne se réveillent jamais. C’est vrai qu’un accident d’anesthésie pour un coton tige coincé dans l’oreille, c’est louche. Dans cette enquête, elle ne sera pas vraiment aidée: Maïkeul fait la gueule (pour le coup de la vaisselle), le directeur pense qu’elle a ses règles, enfin c’est un complot de crétins finis. Mais qui se cache derrière ces anesthésies foudroyantes ? Suspensme ! 

Terminal choice est fun dans son genre mais un cran en dessous – les experts auront reconnus le programme du B to Z Medical Mayhem, vu dans un état de stupeur avancé après une demi-journée aux urgences de St-Pierre, autant dire en condition optimale. Ici, on est plus dans le délire A.I. gone mad : des patients traités par un super système de folaïe, genre Google Car mais en médical, quimpent pourtant dans d’étranges circonstances – généralement dans des bains de sang conséquents. Alors quoi, c’est y que c’est la machine qui se détraque ? Comme on l’apprend assez rapidement en IT, quand quelque chose merde, c’est quasiment toujours une erreur humaine. Rien ne sert donc de dire que «  c’est le système qui plante », non , c’est vous, pauvres cons d’humains qui faites de la merde. Passons. Heureusement, une vaillante doctoresse (encore une femme, parce qu’y a qu’elles pour être assez chiantes pour mener des enquêtes à la con et puis, c’est connu, elles zont que ça à foutre en attendant que leur vernis sèche), le Dr Lang, va suivre une piste qui la mènera loin au cœur de l’horreur humaine et du cynisme médical, mouahahaha. Très belles images de super-ordinateur, qui rappellent un peu Class of 1999, tiens.

Hospital Massacre faisait partie d’un cycle Cannon prod jamais relaté ici mais oh combien instructif. On y raconte une histoire d’amour et de scalpel. Susan (encore une), se fait hospitaliser un soir de St-Valentin (belle manière de se défiler quoiqu’un peu extrême sans doute) pour un truc  mystérieux. Comme beaucoup de patientes hystériques, elle répète qu’elle va bien, qu’elle n’est pas folle et que les monsieurs ont arrêté de parler dans sa tête alors elle peut rentrer chez elle, merci, et se gaver de chocolats à la liqueur. Mais pas si vite. On ne trouve pas ses résultats. Son médecin disparaît du coup elle en a un autre. Puis un troisième – un peu comme à St-Pierre, tiens. Tout ça sent le coup fourré, un coup en forme de vieille vengeance du genre mûrie et méditée pendant 20 ans, comme en atteste l’incipit du film : gaffe, les filles, vos amoureux éconduits de bac à sable seront les clous de votre cercueil. Je sais, je spoile, en même temps, vu le niveau du film, il se spoile tout seul on va dire.

Ça fait un bail que j’ai vu Pathology, mais je m’en souviens comme d’un truc plutôt rigolo, un peu dans la veine « sexe+sang = cool) avec des jolies couleurs verdâtres et des néons blafards de morgue plutôt avenants. On retrouve ici une bande de jeunes étudiants en médecine un peu connards (ils sont à Harvard, ces petits cons) qui décident de faire joujou avec des cadavres. Cadavres ? Pas si sûr, j’en vois un qui bouge, là dans le fond. Ne s’embarrassant que peu de scrupules, ils tranchent, découpent, baisent et prennent de la drogue sans vergogne, ces fripons. Heureusement, comme tous les méchants, ils finiront par payer ! (ou pas, je ne me souviens pas de la fin en fait).

Il en reste quelques-uns qui me font de l’œil, dont  Les  insatisfaites poupées érotiques du Dr Hitchcock, erotico-slasher italien ( La besta uccide a sangue freddo en VO) connu sous une  chiée de titres différents un peu partout et Dr Giggles, qui mêle vengeance et docteur psychopathe.

Coma,  Crichton, 1978
Terminal choice, Larry, 1985
Hospital Massacre, Davidson, 1982

Pathology, Scholermann, 2008

mardi 20 septembre 2016

Ecran total

Toujours un peu au milieu de nulle part, petite selection de films barrés zetéroclites.

Toujours avec Michael Shannon et toujours un peu à l’Ouest – voire carrément dans le Sud profond,  Midnight Special est le petit dernier de Jeff Nichols qui décidément aime bien les marécages et les illuminés en bout de course.  Le petit Alton est un enfant un peu chelou : il dort le jour et porte des lunettes de piscine le reste du temps. Encore un surdoué qui veut faire le malin quoi. Mais alors pourquoi tout ce monde à ses trousses lorsque son père le kidnappe ? Entre une bande de mormons ( ?) tarés et un agent du FBI puceau suintant, peu de répit pour ce petiot qui doit en plus se coltiner les angoisses parentales à son sujet, tout ça parce qu’il fait de la lumière avec ses yeux. On  s’est souvent posé cette question à propos des enfants : viennent-ils d’un autre monde ? et si oui, comment les y renvoyer fissa ? Ce film n’y répond pas du tout – en fait, il ne répond pas à grand-chose, mince alors.  Nichols tente un truc un peu nouveau en allant vers le paranormal parfois un peu  wtf mais avec de beaux moments – très belle séquence un peu hallu d’univers parallèle à la fin – et quelque chose qui reste finalement assez humain.

Dans The witch aussi il est question d’une famille qui se fait jeter par des dingos de dieu : pas assez bien pour vivre avec le commun des mortels, ils s’établissent au bord d'une forêt au milieu de nulle part, tout reconnaissants à Dieu de leur avoir filé une telle aubaine ( = un bout de lopin pourri à côté d’un bois tout décati, merci bien). Mais c’est sans compter sur Satan qui est partout et qui va foutre la merde chez ces Ingalls d’un autre âge : les bébés disparaissent, les boucs deviennent trop badass et le doute s’immisce alors. On s’est tous aussi posé la question : les enfants sont-ils des envoyés de Satan ? Et si oui, comment les rendre à leur maître fissa ? Ici, par contre, nous avons des éléments de réponse : oui, les gamins sont maléfiques,  surtout les filles et quand elles ont leur règles. Dit comme ça, ça a l’air un peu machiste, mais en fait, c’est très bien fait (c’est moi qui raconte mal).  La lente évolution des rapports familiaux qui tournent en rond, la suspicion grandissante alimentée par une parano de croyant de base, l’isolement : tout ça finit par prendre forme dans une sorte de récit d’initiation assez beau (sur la fin surtout) et franchement pas dégueu. A voir avec sous-titres pour cause d’anglais biblique.

Je ne sais pas pourquoi, je pensais qu’Uma Thurman jouait dans U Turn ( probablement une collusion phonétique). Du coup, j’étais un peu déçue d’y découvrir  Jennifer Lopez dans ses jeunes années en bimbo r'n'b s’essayant à l’actrice. Elle fait bien la moue et bizarrement l’amour (ça finit parfois avec une hache). Dans un scénario qui ressemble un peu à une sorte de chute libre chez les rednecks, on retrouve une belle prochaine d’enculés : Sean Penn, Nick Nolte, Billy Bob Thornton, Jon Voight et j’en passe. Ils sont d’ailleurs tous aussi dézingués les uns que les autres. Lorsque Bobby (Penn) tombe en panne dans un patelin moisi in bumfuck Arizona, il se bile pas trop : voilà-t-il pas un garagiste avenant, quoique bercé trop près du mur quand il était petit, qui va lui répare sa titine pendant qu’il boit un coup au bistrot. Mais c’est sans compter sur un braquage à l’ancienne (avec vieille latino à fusil scié), une rencontre inopinée avec une chaudasse en pleine phase hystérique, et un créancier pas très compréhensif sur les délais. Comme dans toutes les villes de bouseux, tout le monde est cintré et ce pauv’ Bobby n’est pas non plus bien jouasse. C’est plus dans la lignée des Tueurs Nés que dans celle des films politiques de Stone : des effets visuels un peu clipesques, des caméras qui tournent dans tous les sens, plus dans le trip hallucination-le-soir-dans-un-désert-mexicain.  Puis il y a un côté drôle, caricatural mais aussi parfois juste absurde. Pas mal, même si un peu fatigant à la longue.

Midnight special, Nichols, 2016
The witch, Eggers, 2016

U Turn,  Stone, 1997

lundi 12 septembre 2016

Ecran total

C’est un peu une sélection au hasard cette semaine mais toujours avec des types rendus à moitié fous par la recherche de la vérité, l’absolution et surtout l’obsession de l’innocence.

M’étant récemment remise à Ellroy – la trilogie Hopkins, pas foudroyante du point de vue style mais assez géniale du point de vue trame – je fus bien aise de découvrir que Stone avait fait un film sur JFK et les nombreuses zones d’ombres qui constituent le fonds paranoïaco-complotiste de la trilogie Underworld America. JFK se centre sur le personnage du procureur Garrison, ce cher Harrison Ford*sans son fouet mais avec son chapeau, qui flaire qu’y a anguille sous roche. On suit alors toute l’enquête minutieuse faite afin de démonter la théorie du tireur unique – vachement peu crédible si on en croit Harrison/Garrison. C’est un peu étrange car ça ne sert finalement pas à grand-chose : tout le monde est un peu trempé dedans mais personne n’a vraiment tiré, enfin si, mais bon. On retrouve bien les point sur lesquels Ellroy brode dans son roman : Cuba, les syndicats, la mafia, Hoover, Nixon en fond, le Vietnam et les mouvements des civil  right ; tout est lié parfois via des alliances super chelous comme les USA en ont le secret. Stone prend le parti d’un récit relativement suivi, avec quelques images d’archives mais intercalées presque comme une réalité subliminale qui ferait irruption dans le film. Il aime toujours autant le roulement de tambour militaire (ratatata), calé un peu partout et parfois à la nimp on dirait ; et on retrouve également cet amour du climax émotionnel et visuel avec des zooms dramatiques, des montages épileptiques, enfin tout ce qui peut rendre un truc dans le réel plutôt chiant (4  clampins qui vérifient des alibis, interrogent des témoins et contemplent des blows up d’un film de 45 secondes) en truc carrément ouaouh quoi. Ça marche car malgré ses 3 bonnes heures, on s’est pas fait chier, dis donc !

Comment suis-je tombée sur Bringing out the dead en faisant des recherches sur JFK, mystère. Mais le titre était trop drôle (cfr cette scène géniale du Holy Grail) et puis j’aime les ambulanciers et leur dégaines de taxi blancs. Comme dans beaucoup de Scorsese, il y est question d’un homme qui perd pied  et qui s’enfonce dans une logique de défonce accélérée à laquelle on assiste comme à un accident au ralenti (en fermant un peu un œil mais en matant quand même). L’épave en devenir, c’est Frank, paramedic en burn-out imminent qu’on refuse de virer tant qu’il a pas vu son médecin conseil. Frank fait ce qu’on appelle le graveyard’s shift, terme intéressant qui veut dire service de nuit, pour un hôpital qui récupère tout ce que vomit la nuit new-yorkaise – tarés, clodos, alcolos, drogués, femmes de vie ou de mort, bébés en vadrouille, arrêts cardiaques et crises existentielles. Ça fait beaucoup pour un seul homme qui n’a en plus pas l’air d’avoir beaucoup de distractions en dehors du boulot, le pauvre, il n’a même pas Facebook. Du coup, il se met à voir des fantômes et à parler à des demi-morts, puis pour aller mieux, il ajoute un petit coup de benzédrine à son whisky matinal pis de xanax dans son bourbon vespéral. Mouais. Tout ça va mal finir, on le sent mais on rit, parce que c’est une dégringolade pas loin de la pantalonnade et que les cadavres, les vieux qui se chient dessus et les mecs en OD, tout ça, c’est finalement business as usual et Frank ne se prive pas de rigoler un coup quand l’occasion se présente. Le tout est montré dans une frénésie nocturne un peu sous crack, en alternance avec des moments très doux et contemplatifs, desservis de façon exemplaire par Nicholas Cage qui a eu, un jour, le secret de ces rôles de grands malades aux yeux tristes. Bande-son excellente, comme souvent chez Scorsese, et toujours la tentation du sauveur de la veuve et de l’orphelin, du protecteur de l’innocence urbaine et de la rédemption. Ach.

Toujours avec Cage et toujours dans la descente lente et inexorable vers un crash retentissant et sanglant, on a Bad Lieutenant, Port of call New-Orleans qui n’a donc rien à voir avec l’autre, même si on y voit un lieutenant de police s’enfoncer dans des magouilles de plus en plus ingérables au rythme de paris sportifs foireux sur des matchs de base-ball et d’arrestations arbitraires de petits culs fermes avec pipes à l’arrivée. Bon. D’après Herzog, ça n’a rien avoir avec le Ferrara, d’ailleurs il l’a même pas vu (bravo Werner, belle culture) et donc bah c’est une coïncidence on va dire, et finalement, c’est pas très important puisque le film tient tout seul. Il y a la touche d’Herzog, un peu absurde, avec des visuels hallucinatoires rigolos – très jungle entre les alligators, les iguanes et le reste – et une petite musique à la Dexter qu’on n’a pas bien compris par contre. Cage donne aussi un ton très différent  à l’ensemble avec son côté cocker, son regard de grande désespérée et sa quête de la pureté.

JFK, Stone, 1991
Bringing out the dead, Scorsese, 1999
Bad lieutenant, Port of call New Orleans, Herzog, 2009

*Edit: Oui en fait c'est Keviiiin Costner et pas Harrison Ford, lapsus révélateur qui fera plaisir à mon psy.

jeudi 11 août 2016

Ecran total

Un petit air de vacances enfin avec trois films genre un peu voyages, voyages plus loin que la vie et le temps. 

February est plutôt un voyage d'hiver les pieds dans la neige - un peu comme un mois d'août à Bruxelles quoi. On y voit Kat et Rose, pauvres petites d'un internat catho chic que leurs parents ne sont jamais venus chercher pour les vacances - haha - attendre en vain et se mettre à voir des trucs pas trop nets, dans le genre plutôt sanglant. Pendant ce temps, Joan se tire de ce qui semble être un HP pour venir chercher sa soeur restée à l'internat (Kat? Ou bien? enfin). Joan n'a pas l'air d'aller trop bien, même qu'on dirait qu'elle télépathise et envoie des messages mystiques à sa soeurette lui enjoignant de jouer avec des ciseaux. Ce résumé est un peu vague, voire flou mais le film l'est aussi d'abord. En fait, très peu linéaire (on suit les trois histoires l'une après l'autre mais avec un entrelacement temporel parfois pas très clair), pas toujours net sur ce qui est vrai ou pas (vision? pas vision? vison?) et pas beaucoup d'explications - du style "pendant ce temps, à Vera Cruz". Cela dit, c'est très beau, justement parce que c'est un peu lent et silencieux, étouffé. Finalement pas si gore que ça, par contre parfois un peu trop Actor's Studio ( "rhaa je souffre de cette vision qu'elle est en mouaaaah"). 

A l'autre extrémité des States, Southbound compile plusieurs récits autour d'un bout d'autoroute dans le désert: des voyageurs qui passent par là et qui ont rien demandé à personne - mais en fait si, parce que comme dans tous les bons films yankee, ceux qui sont punis hé ben y zont que ce qu'ils méritent, d'abord. Amen. Réalisé par le bunch qui avait fait VHS, sur le même principe (des récits entrelacés autour d'une course poursuite à LA, pas mal dans le genre), les récits sont relativement égaux, même si certaines intrigues sont plus sympas, notamment celle de la secte de mangeur de trucs chelous - scène bien lynchéenne avec les jumeaux à table. Ça reprend un ensemble de cliché du genre Deep South (redneck, pickups, chemises à carreaux et poussière entre les dents) du coup, c'est chouette mais ça fait pas non plus sauter en l'air. Les créatures qui flottent sont mimis cela dit.

Et j'ai enfin revu et terminé Kill Bill qui m'a laissée toute émuse mais un peu mouais quand même. C'est une histoire de vengeance, alors c'est chouette, mais c'est un peu fatigant quand même, surtout dans l'auto-citation. On dirait que Tarantino a attrapé la godardite: il se cite lui-même avec assez de verve (mais ne permet pas qu'un autre les lui serve, héhé) mais risque, à terme, de perdre une partie du public - ici, moi. Noyé dans la référence western - parfois prise par le prisme samourai - on trouve un joyeux bordel de films de kungfu, de blaxploitation et de dirty south. C'est chouette, surtout musicalement mais ça tire parfois en longueur. Je suppose qu'il s'est beaucoup amusé - on le sent en tout cas, dans le maniement de la pompe à sang et la surenchère de membres coupés - et parfois nous aussi. Parfois c'était aussi vachement long.  

February, Perkins, 2015
Southbound, Radio Silence, Bruckner, Benjamin et Horvath, 2015
Kill Bill, Tarantino, 2003

mercredi 10 août 2016

Driving miss crazy

Les choix des films de ce batch repose principalement sur la ressemblance au niveau du titre - ils riment mais pas tous, tant pis. 

Possession est un film qui laisse une impression étrange, un peu psychotique sur les bords, avec des mouvements de caméra parfois dans tous les sens pis des gros zoom qui font peur; mais c'est surtout une histoire d'amour en fait. Anna et Mark ont des petits soucis de couple: probablement parce qu'elle déserte le domicile conjugal pour se taper un type à la sexualité floue mais aux cols impeccables et qui fait franchement peur - il s'appelle Heinrich. Simple histoire d'infidélité mais accompagnée d'épisodes plutôt schizo où les époux rivalisent de superbe et d'imagination dans l'utilisation d'ustensiles - belle publicité pour le couteau électrique à rôti par exemple. Leur pauvre gamin n'a pas l'air d'en mener large dans tout ça et heureusement qu'il a une maîtresse trop chou - qui n'est autre que le sosie d'Anna et sera donc à la fois maîtresse et maîtresse, héhé. Pendant ce temps, Anna se fait niquer par un serpent géant qui finit englouti par une végétation rampante dans un appart de Berlin Ouest. Et tout ça. Il y a une belle scène de démence dans un couloir de métro qui fait très Prodigy sans musique. Pas mal. Sinon, c'est assez impressionnant au niveau du roulement d'yeux adjanien - la possession, quoi.

Répulsion est du coup l'inverse exacte de ceci: la pauvre Carol toute pure et meugnonne (Deneuve) sombre dans la folie à cause de l'amant de sa sœur, qu'est un peu dégueu quand même - il laisse sa brosse à dents dans mon verre, heurk. Lorsque sa sœur part en vacances et laisse  Carol toute seule, celle-ci, plutôt que d'organiser une méga-teuf et d'inviter tous ses poteaux, décide de rester enfermée avec pour toute compagnie un lapin faisandé, un violeur imaginaire et des bras qui sortent du mur (et du lit, hiiii). Au final, elle range plus rien et tout ça finit par ressembler à un squat ce qui inquiétera l'un ou l'autre mâle mal intentionné (qu'elle croit). Bref, tout ça finit très mal mais donne un film ultra réjouissant qui joue de nouveau avec l'espace claustro d'un appartement abandonné qui fait parfois penser au Locataire, des murs qui se rapprochent, un plafond toujours trop bas, des couloirs qui rallongent, des pièces qui semblent interminables enfin toute une organicité intérieure d'un espace qui engloutit la raison de son habitant. Deneuve est impressionnante et elle roule moins des yeux que l'Adjani, ce qui est appréciable. 

J'aurais aimé avoir un troisième film en -ion (genre Fatal Attraction) mais j'ai dû me contenter de Der Fan, fable moderne sur le fanatisme des adolescentes et le cynisme des popstars. Comme on s'en doute, il y est question de Simone, une fan trop mais trop fan de R., star new-wave dépressive à crever et trop flemmard pour répondre à ses lettres éplorées (à Simone). Celle-ci va donc finir par prendre son baluchon pour allez voir le R. en chair et en os et là, suspensme, c'est la rencontre! Que va-t-il se passer? L'amour naîtra-t-il, inopiné? Des enfants seront-ils conçus, immaculés? Je n'en dirais pas plus mais attendez-vous à de belles séquences d'amour dévorant. On remarque d'ailleurs toujours le même amour des teutons pour le couteau à rôti électrique. C'est Bosch, c'est bien.

Possession, Zulawski, 1981
Répulsion, Polanski, 1965
Der fan, Schmidt, 1982

mercredi 27 juillet 2016

Ecran total

Toujours dans le désordre et n'importe quoi: des méchants à masques d'animaux, des losers en chemises à carreaux et de l’œdipe au sirop d'érable. 

Déçue par le 1 mais exciteeeey par le 2, je me demandais ce que donnerait le troisième volet de The purge, surtout vu la note sur laquelle se terminait le 2 - un groupe révolutionnaire armé emmené par Michael "Omar" Williams. Le résultat est plutôt mitigé. Groupe révolutionnaire il y a, mais Omar disparu et le lien avec le volet précédent est un peu foireux: on retrouve certains personnages en plus vieux mais ils pourraient tout aussi bien être des nouveaux que ça changerait pas grand chose. Le thème, c'est les élections (parce que nous aussi, on fait du cinéma politique, merde à la fin) avec cette candidate trop cool qui veut changer le système mais par des moyens légaux, svp. Le problème, c'est que pendant 12h, la loi fait dodo, alors bon. On s'est d'ailleurs posés la question de la viabilité d'un tel système dans le fond: si tous les ans, pendant 12h tu laisses tout le monde faire n'importe quoi, je pense surtout que les gens iraient piller les magasins et chourrer des écrans plats, mais je doute qu'ils se fassent chier à buter quelqu'un au passage. Pis bonjour l'impact économique - quand il suffit de fermer le métro à 19h pendant trois semaines pour couler tout le centre-ville, on se dit que bon, ça semble pas si glorieux ce truc de purge. Bon bref: tentative d'assassinat, débat sur la violence nécessaire des révolutions, et la traditionnelle scène un peu dreamy/weird à base de masque de clowns à la Rob Zombie et de scie sauteuse. Pas mauvais, mais un peu neuneu au niveau de la conclusion. On rentre gentiment chez soi, au final.

LLewyn Davis est aussi un grand neuneu, à la paupière tombante et au menton mou, qui promène son veston en velours côtelé et sa mélancolie d'artiste raté dans yet another loser movie des frères Coen- Inside Llewyn Davis. A la recherche de la gloire folk, Llewyn dort sur le canapé de ses potes, nique leur femme et perd leur chat. Bravo. Heureusement, il y a Findus, sous la forme d'un trajet blablacar jusque Chicago avec un artiste (Goodman, immense) qu'on sait pas trop ce qu'y fout à part se baver dessus quand y dort et son chauffeur laconico-slammeur. Ce trajet ne changera cependant rien, ni à sa vie (à Llewyn), ni à son oeuvre et il va même abandonner son chaton, pourtant la seule chose trop miiiiignonne de sa triste vie. C'est un peu un anti voyage initiatique, du coup, comme pour beaucoup de film des Coen (des anti-films avec des anti-héros, des anti-auteurs et des vrai branleurs). C'est pas mal, mais il y a beaucoup de folk, ce qui pose un peu problème à certains d'entre nous - en même temps, on peut en profiter pour aller pisser. Alors bon.

C'est le seul Villeneuve que je n'avais pas encore vu mais finalement pas le plus trash. Incendies raconte une histoire de famille compliquée sous forme d'enquête menée par des jumeaux à la recherche de leurs père et frère, une histoire bordélique dans les confins d'un pays bouffé par le désert et les conflits divers - ici des chrétiens contre des musulmans mais parfois pas tout à fait en fait - avec des personnages égarés par la guerre, la poussière et le boxon ambulant. On ne va pas s’appesantir sur les coordonnées œdipiennes (l'abandon, le désert, la reconnaissance, le pied percé) parce que tout peut être lu sans cet arrière-fond et garde une consistance quand même. Toujours un élément aquatique qui revient baigner l'histoire par intervalles, une révélation à la piscine municipale; toujours des plans en contraste de ces grands ensembles bétonnés gris, architecture de masse contre le sable cramé du désert et puis ces personnages officiels qui encadrent, accompagnent cette recherche avec un œil un peu froid, clinique qui contraste avec le truc intérieur très physique, violent, des protagonistes. 

The purge: election year, De Monaco, 2016
Inside Llewyn Davis, Coen, 2013
Incendies, Villeneuve, 2010

mardi 19 juillet 2016

Driving miss crazy

Ma petite pause de juin m'avait éloignée de mes préoccupations ataviques, à savoir les fous dans tous leurs états - au cinéma, dans des saunas ou sur les marches de l'opéra. Toujours dans l'excellente sélection du Nova, j'ai pris au hasard trois trucs plutôt random mais chacun divertissant à sa façon.

Leave her to heaven nous raconte l'histoire d'une dingue assez douce finalement mais dont les yeux métalliques cachent le machiavélisme, mouahaha. Helen, petite jeune à l'air avenant, rencontre Richard, écrivain de son état, dans un train - elle fait un peu groupie, puisqu'elle est JUSTEMENT en train de lire son livre (coïncidence? Mouais.) En deux temps trois mouvements, les voilà mariés et en route pour une maison de campagne au bord d'un lac dans le Vermont comme tout écrivain qui se respecte. Hélas, la madame est un peu bizarre quand même, dans le genre possessive de l'extrême. Des gens se mettent à se noyer comme ça sans raison, y'a de l'arsenic dans le sucre, enfin, il se passe des choses étranges. La fin est plutôt surprenante, un peu dans l'idée de Gone Girl mais en plus radical du coup assez étonnant pour un film de l'époque - c'est du noir à certains égards (récit à posteriori fait par un témoin, femme fatale, grand dadais tout mou et soumis) mais aussi un film de famille, enfin, pas mauvais du tout. 

Toujours dans du film de folie qui tourne au policier, A lizard in a woman's skin est un beau giallo plein de couleurs qui claquent et des seins qui font bouncy-bouncy (faut avouer que ça tétonne en diable). La jeune Carol fait des rêves récurrents dans lesquels elle fait des câlins avec la catin d'à côté, une blonde à l'air pervers qui fait des orgies toutes les nuits. Comme Carol a un bon psy, il lui explique que ces rêves ne sont que des réalisations de désirs inconscients gnagnagna et qu'elle est coincée dans une vie de petite bourge qui aimerait aussi bien voir le loup etc. Mais, quand la perverse en question est assassinée tout pareil que dans le rêve de Carol, ça commence à sentir le roussi psychanalytique. Le Méchand Docteur Lacan a-t-il tout manigancé? Suspensme!  L'ensemble  est très beau, entre couleurs psyché et architecture carrée, avec toujours des scènes de poursuites dans des grands bâtiments abandonnés vaguement religieux, des grandes orgues qui se mettent en route n'importe quand et des animaux bien utilisés: les chiens éventrés, les chauves-souris obsédées par les cheveux, enfin tout ça.

May est probablement le plus bizarre et déroutant et raconte avant tout une histoire d'amour (qui finit mal, on s'en doute). La pauvre May, assistante dans une clinique vétérinaire de son état, tombe raide love d'un grand échalas qu'elle croise parfois dans la rue (how random is that?). Comme elle porte des lunettes, il faut évidemment qu'elle commence par les enlever (comme ça, elle est moins moche et comme elle voit rien, l'empafé zaussi, haha). Devenue méga-bonne par la grâce des lentilles de contact (le plus grand mythe américain après la moumoute de Trump), elle peut enfin faire la connaissance d'Adam qui a de belles mains mais est un peu concon quand même. Hélas! May ne sait pas s'y prendre et pas de Carrie Bradshaw pour la conseiller! Elle va donc tout faire merder mais elle a un super secret: elle coud trrrès bien. Et elle a une super grande glacière. C'est plutôt drôle, ça pourrait presque être un teenage movie gone wrong en fait, mais ça reste encore trop dans une esthétique gore pour être de l'ironie frontale - un peu trop de freaks, en fait. J'ai un peu pensé à Cry Baby, d'ailleurs, le sang en plus. Angela Bettis, excellente dans le rôle-titre, est d'ailleurs visiblement habituée à être la meuf-chelou-à-cheveux-filasses-qui-tue-tout-le-monde-à-la-fin: elle est Carrie, elle est dans The Woman, et elle est dans une chiée d'autres trucs du genre.

Leave her to heaven, Stahl,1945
A lizard in a woman's skin, Fulci, 1971 
May, McKee, 2002