mercredi 21 décembre 2016

Perfidia

Ça fait un moment que je découvre James Ellroy et je n'en viens pas à bout: quand je crois avoir épuisé tout ce qu'il a fait d'intéressant, bim, j'en trouve un de derrière les fagots. J'ai lu récemment les premiers textes - la trilogie Lloyd Hopkins et A killer on the road: les Hopkins sont très bon, en tout cas au niveau du script, même si un peu répétitifs dans les thématiques (en même temps, c'est le même personnage, dans la même ville). Killer on the road m'a laissée un peu froide: c'est pas mal, mais encore un peu brouillon. Plus dans l'horreur mais pas encore avec la puissance de style qu'on trouve à partir du Black Dahlia et qui  prend sa vitesse de croisière dans Underworld America. 

C'est par là que j'ai commencé il y a une dizaine d'années et ça reste pour moi un truc assez magique: cette capacité à écrire comme une montée d'extas permanente, à faire suinter sur le papier des personnages complètement azimutés, aux sens partis en couilles aux quatre coins du cerveau, à les faire sentir physiquement à la lecture. Et puis à travailler aussi des images de plans en plans, des scènes de films dont on voit chaque négatif, découpées à la machette mais décrites en trois détails ultra rapides, précis comme un poing/t dans une photo ( la chambre claire, tout ça).

Alors Perfidia?
C'est le début d'un nouveau quartet et c'est une très bonne nouvelle, parce que le livre est carrément au niveau. Un peu moins jouissif textuellement que Underworld (mais qui est lui-même à un niveau de baise textuelle qu'il faut peut-être pas essayer de comparer) mais toujours aussi obsessif: les complots, les flics, les pourris, les nazis/KKK, les émeutes à gauche et à droite, la guerre quelque part, les Red en vadrouille, les unions jamais très loin. Une histoire qui part un peu partout, entre meurtres rituels, guerres de gangs et ambiance de guerre 40-45'; ça sent le coup fourré à plein nez à toutes les étapes et on a nous aussi des petites antennes qui tic tic tic se lèvent et captent des messages subliminaux, des trucs qui cliquent dans la tête pour se rendre compte que tout est lié, quelque part tout est décidé. A ne pas lire en plein crise maniaque, donc. 

Le truc un peu bonus, c'est de s'apercevoir qu'Ellroy a réutilisé des personnages d'autres romans qui se passent à L.A. (la plupart de ses bouquins en fait). Genre, des mecs sortis du premier quartet, de la trilogie Underworld et de la trilogie Hopkins, tout ça en un seul roman. Je n'ai pas vérifié livre à livre, mais il ne s'est pas (ou presque pas) planté: tous les personnages qu'il reprend sont cohérents au niveau temporel et au niveau des récits de fond. Là on a un peu envie de dire chapeau pépé, parce que putain, soit il a décidé comme ça, sur une zinne de refaire un roman, 10 ans avant tous les autres en recyclant des personnages, soit il avait tout manigancé depuis le début (mon hypothèse, vu comme le type est un maître du complot fourbe). 

Bref, ça met un peu de gaieté dans la vie tout ça, sachant qu'il y aura encore 3 monstres du genre dans les prochaines années à venir. De quoi nous consoler de 2016 ( l'année pas binaise).


Perfidia, James Ellroy, 2014

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