mardi 27 février 2018

Netflix total

A la suite d’un cadeau bien intentionné, j’ai décidé de ne regarder que Netflix au mois de février. Première série de films, avec du bon et  du franchement comique.

Gerald’s game est un film tiré d’une bouquin de Stephen King dont j’avais entendu parler avant Netflix et que j’ai enfin pu voir vautrée dans mon canapé – je ne regarde Netflix que vautrée. Histoire plutôt banal d'un jeu SM qui tourne mal ? Pas vraiment, c’est surtout une histoire classique du couple en vacances dans une maison isolée, tellement isolée que quand Madame se retrouve coincée et menottée au grand lit, les choses peuvent assez vite mal tourner. Faut pas en raconter plus, ce serait dommage car ça reste un film pas mauvais du tout. On retrouve tout l’univers de King avec ses petites obsessions qui collent aux doigts – les blessures d’enfance, les mariages ratés, les couples heureux-mais-qui-n’en-sont pas, les monstres à moitié humains à moitiés brillants dans la nuit. Pour un huis-clos, c’est vraiment bien foutu – ça pourrait vite tourner court mais ça tient jusqu’au bout sans s’essouffler. Il y a franchement des trucs qui font bien flipper, un peu de gore pour pas dépareiller et puis une belle maison au bord d’un lac.

The ritual est également un gentil film assez bien foutu. Partis à l’aventure pour se remettre de la mort d’un de leur poteau, quatre amis rosbifs se tapent une rando en Norvège au milieu de nulle part histoire de prendre un peu l’air. Une pierre dans le chemin, une entorse au genou et bardaf, c’est le début de la fin. De raccourcis en maison abandonnée, nos amis font finir mal, très mal. Certaines choses sont des grands classiques – la nuit tous seuls dans les bois, les signes étranges sur les troncs, les ombres qui passent entre les arbres – d’autres un peu plus neuves – les néons entre les sapins, les hybrides cerf/alien – mais ça fout quand même bien les miquettes. Comme j’aime les grands pins et le vent qui souffle à leur sommet ; je fus bien aise. Comme de plus, j’aime beaucoup les maisons en bois et les tête de cerfs empaillées, mon sens esthétique fut comblé. La fin part un peu en couille notamment niveau monstre mais bon, on peut pas tout avoir.

The Cloverfield paradox est par contre un peu du n’importe quoi. Toujours dans la franchise Cloverfield, après le pas mal du tout Cloverfield Lane, on s’attendait à une suite plein d’apocalypse et de monstres chelous. Il nous a fallu tout le film pour capter qu’il s’agit d’une sequel – mon hypothèse à partir de la moitié du film. Ce qui est bien, c’est qu’on regarde un truc en rapport avec un autre truc sans savoir s’il vient avant ou après pendant tout le film. Peut-on du coup parler d’une prequel, d’une sequel ou d’une nimportequel ? On s’en fout. Parce qu’en plus d’être pas super clair, ce film n’a littéralement rien à voir avec Cloverfield mais alors du tout. Ça se passe dans l’espace, il n’y a pas de monstre, et c’est pas du tout l’apocalypse. Trop naze. Popur faire court, il s’agit d’une bande de scientifique qui s’envoient en l’air pour aller y faire un truc un peu expérimental qu’on sait pas si ça va marcher mais qui doit sauver la terre car ils sont leur dernier espoir. Encore une victoire de Canard. Le truc finit par marcher mais pas de bol, on dirait qu’ils ont foutu la merde au niveau espace-temps. Comme beaucoup de films qui jouent avec les notion de retour vers le futur/passé et de double temporel, c’est un peu fait n’importe comment, et prétexte à de belles scènes de sensiblerie bien dégoulinantes (mais pleines de bons conseils du style «  ne laisse pas tes enfants jouer avec des batteries » parce qu’il faut vraiment avoir été dans une autre vie pour assimiler la notion parentale assez simple de ne pas filer de Duracell à Bibi pour qu’il s’occupe dans la file au Delhaize). Voilà : assez kitsch, convenu, pas super surprenant, et rien à voir avec Cloverfield (enfin si, les 2 dernières seconde, yay) : meh.

Gerald's game, Flanagan, 2017
The ritual, Bruckner, 2017
Cloverfield paradox, Onah, 2017 

mardi 20 février 2018

Grand écran total

En vrac et vus au cinéma des derniers temps (même pas en 3D).

The square – je pensais que c’était un film dramatique sur la boxe mais pas du tout. C’est une comédie grinçante postmoderne sur les travers de notre société hyperconnectée et obsédée par sa propre image. Comme c’est original. Je médis, mais en fait je me suis bien marrée. On suit un directeur de musée hyper successful et très très jeune cool qui roule en Tesla et qui perd son téléphone. Entre temps, il rencontre des journalistes hystériques, il perd des bouts d’œuvre d’art en les aspirant par mégarde et il se fout dans la merde grâce à une campagne de pub pensée par deux émanations directes de la génération qui bouffe de Tide pod. C’est fun. Il y a sans doute un milliard de niveaux de lecture à ce film mais il peut tout aussi bien se regarder comme un film à sketch, avec plein de petites piques sur le milieu de l’art, les jeunes urbains macronistes et la prétention en général. Ce qui est particulièrement drôle, c’est qu’il faut en être pour pouvoir en rire – seul un public partiellement immergé dans ce genre de milieu peut trouver ça amusant. Pas super révolutionnaire donc mais on comprend bien la palme d’or du coup – rire de mais entre soi, c’est tellement plus rigolo. Parfois un chouia long – mais peut-on vraiment dire qu’il y a un temps congru pour s’autocontempler ?

Ni juge ni soumise, vu en partie parce que The disaster artist ne passait plus, ne me laisse pas plus convaincue que ça. On ne va pas revenir sur l’histoire, dont on nous bassine un peu partout – documentaire filmé sur trois ans sur les coulisses de la justice belge une fois et monté à la striptease – et on peut dire qu’une partie du truc est réussie : c’est cocasse, très belge, finalement assez keumique. Mais. On se pose pas mal de questions sur le processus : filmé, rejoué, acteurs, pas acteurs. Certains personnages sont présentés comme « jouant leur propre rôles ». Dans le cadre d’un documentaire, pourquoi une telle mention ? Il y a un certain flou qui vient aussi du fait qu’on a du  mal à croire qu’une partie de ce qui se montre puisse se montrer (d’un point de vue légal entre autres). Sur le fond, c’est aussi un peu gênant parfois – gêne visiblement pas ressentie par les spectateurs hilares de l’UGC – le système judiciaire dans toute sa splendeur de rouleau-compresseur, de biais social et culturel, d’incompréhension de classe. On a beau l’humaniser dans un personnage sympathico-belge, avec des petites manies et une voiture meugnonne, c’est ça fait toujours autant froid dans le dos de voir. Le côté un peu zoo « regardez comme ces gens vivent bizarrement, c’est quand même fou » est peut-être un peu drôle mais ça peut aussi prendre une certaine forme de mépris un peu embarrassant venant de gens biens mis comme vous.

Et enfin, la claque visuelle tant attendue de ce début d’année, Laissez bronzer les cadavres, un film qu’il est super chouette didon. Un genre de western moderne avec des musique de Morricone et des visuels à la Jodo – c’est très coule. Tout commence par des artistes –encore eux – planqués dans une ruine avec des malfrats un peu tocards. S’ajoute à ça une mère célibataire en goguette et des flicards en cuir qui font squouic quand ils marchent. Ca va très vite, parfois à reculons d’ailleurs, ça fait du pingpong d’un plan à l’autre, très rapprochés les plans et c’est drôle aussi, ces duels de gros plans aux yeux sérieux et aux sourcils froncés. Pas vraiment moyen de s’emmerder, c’est sublime, avec des paysages et un décor géniaux, des petits brols qui décorent façon magazine lifestyle pour cadavres en putréfaction. Il y a aussi des petites fourmis, très informatives et meugnonnes et une débauche de paillettes, d’or liquide qui ne peut que nous faire frétiller de la culotte. Wouw !  

The square, Ostlund, 2017
Ni juge ni soumise, Hinant & Libon, 2017
Laissez bronzer les cadavres, Cattet & Forzani, 2017

vendredi 16 février 2018

Ecran dodal

Encore en reste du mois de janvier: que des films en D. Un truc historique, un truc politique et un truc frigorifique.

Dunkirk est donc un film qui parle de Dunkerque, sa côte grise, ses cafés vides, ses soldats qui zonent sur la plage. J’ai fait l’effort parce que c’est Nolan et que j’avais bien aimé Interstellar (j’assume à mort). Donc. On est en 40’, par là, et des pauvre soldats sont coincés sur une plage à attendre qu’on les ramène à la maison. Sauf que. Les Teutons sont point cons et vont en profiter pour foutre un peu la merde, histoire de pas simplifier les choses. Dans cette histoire, on suit différents personnages, chacun concerné à sa façon, chacun prenant part au truc de son point de vue. Pas beaucoup de discussion ou de blabla, pas de voix off ou de légende, c’est presque une tranche de vie sans trop de chichi, avec parfois un peu de suspensme mais souvent plutôt une sorte de mollesse, de déroulé sans drama, sans climax, et sans effusion. Dans cette histoire, tout le monde fait un peu son boulot, sans rechigner, sans jouer au héros surtout. Au final, c’est plutôt beau, visuellement assez réussi, cohérent dans le côté « gens ordinaires », un peu un anti-film de guerre en somme. Pas chiant pour un sous mais parfois peut-être un peu longuet.

Toi aussi tu peux put your hands up for Detroit, film assez trash sur les émeutes raciales aux US en 1967. Dans pas mal de villes à ce moment-là, ça pète et Detroit en fait partie comme une autre. L’histoire s’articule ici autour d’un petit événement, presque un fait divers mais qui sert à englober toute une histoire assez douloureuse. A l’hôtel Algiers se trouvent une bande de potes un peu bourrés dont un ne trouve rien de mieux que de tirer avec un flingue à billes sur des flics qui passent par là. Mauvaise idée pour une petite blagounette, car c’est bientôt toute une escouade de flic de paratrooper, de state police qui débarquent pour mettre la main sur le malfrat. Séparation des pouvoirs claire – l’autorité est blanche, les interrogés sont noirs. Retenus pendant toute une nuit par des flics plutôt cinglés et remontés à cran par leurs petites histoires à eux,  il ne restera pas grand-chose des pauvres gars qui passaient par-là. Le film est long et pourtant tient super bien dans la longueur. Suffisamment de background pour comprendre et entrevoir les personnages avec un focus principal sur ces quelques heures qui ont dû durer un peu plus pour les protagonistes. On retrouve pêle-mêle des obsession de l’Amérique – la sécurité, les flingues, les flics, tout ça) le tout dans une mise en scène bien nerveuse sans en faire trop.

The Dyatlov pass incident est le troisième D de cette série. On parle ici d’un endroit en plein Sibérie, du genre vachement caillant, et sur lequel se rendent une bande de jeunes cool américains qui veulent percer le secret d’une expédition qui s’est perdue 20 ans avant. Quelle idée à la con me direz-vous, mais nos amis yankee ne reculent devant rien et certainement pas devant la connerie. Ils partent donc tout guillerettement et ont une chance de pétés parce qu’ils s’adressent à tout un tas de russes du fin fond de l’Oued qui parlent tous un anglais assez remarquable. Vachement pratique et surtout, tellement réaliste. Tous les éléments sont là pour un bon slasher : rencontre avec des gens inquiétants, gueule de bois à la gnôle locale, vieux fou planqué derrière sa vitre qui lance des messages chelous (en russe cette fois-ci, c’est ballot), variations sismiques et magnétiques dans la nuit et main coupé qui se balade. N’en dévoilons pas plus, ce serait dommage ! Dans l’ensemble, c’est plutôt pas mal. IL reste beaucoup, beaucoup de questions à la fin – mais c’est vraiment parce qu’on a envie e casser les couilles. Pour le reste, c’est pas mal fait, il y a des trucs qui font Bouh ! et des grottes hantées par des créatures blanchâtres – ew.

Dunkirk, Nolan, 2017
Detroit, Bigelow, 2017
The Dyatlov pass incident, 2013, Harlin

lundi 5 février 2018

Total love

Dans la joie et l’euphorie de l’approche de la St-Valentin, trois films qui parlent de cette chose gluante et découpable en petit morceaux qu’est l’amour.

Ichi the killer est comme son nom l’indique, l’histoire d’Ichi (sans Scratchy), un tueur solitaire un peu bizarre mais qui est en fait un grand amoureux incompris dans le fond. Au milieu d’une guerre de gang assez impigeable (des yakusas veulent tuer des yakusas qui pensent que les premiers ont tué leur chef et qui se mettent à tuer plein de gens pour se venger et pour le fun un peu aussi). Figures tutélaires de cette foire d’empoigne, un yakusa blondin au sourire modifié et aux petites habitudes amoureuses un peu chelou (on va dire). Il veut d’abord venger son boss, puis veut devenir son propre boss mais du coup doit se venger lui-même (ou un truc du style, je n’ai pas trop bien suivi). L’intérêt n’est de toute façon pas là : il s’agit d’un tueur mystérieux, Ichi, qui agit dans l’ombre et muni d’un super costume en néoprène assez cool et qui aime découper des choses – en mode master chef du couteau à poisson. On entend d’ailleurs plusieurs fois la référence au sashimi – c’est effectivement assez pointu (aha) et affûté (ohoh) comme humour. Ichi n’est cependant pas un vrai méchant, il est tout simplement amoureux. Amoureux d’un souvenir de viol, certes, ce qui peut sembler bizarre, mais qui sommes-nous pour juger ? Le film est franchement bizarre et ressemble parfois plus à une visite d’abattoir qu’à autre chose. On salue l’inventivité des découpes, la modernité de la tranche de cadavre revisité à la sauce fusion et la précision des entailles. Mais franchement, on ne pipe parfois pas grand-chose, si ce n’est que l’amour, ça fait mal mais parfois, le mal, ça fait du bien. C’est beau comme du Rousseau.

Toujours Takeshi Miike, il y a Audition, réputé assez gore mais finalement plus lent, moins sanglant et assez bien foutu. Il commence par une idée géniale. Shigearu, producteur de film, se cherche une meuf. Dur dur quand on a la quarantaine et un ado. Son ami bien intentionné a alors une idée géniale : pourquoi ne pas organiser une audition pour un film bidon et choisir ainsi sa future femme. Progressiste, non ? Tout se passe donc comme prévu, il se trouve une petit Asami, beauté étrange aux réflexions chelous sur la mort et la vie et au regard timide. Mais pas que. En dehors du fait qu’elle semble attendre son coup de fil toute la journée (pas super moderne ma chérie) et qu’elle ment comme un arracheur de dents, elle semble posséder un sac assez grand qui gigote dans son salon. Tiens tiens. L’histoire se construit lentement, sans qu’on sache trop où ça va, avec parfois des retours en arrière ou en avant, qui font qu’on se perd un peu dans l’histoire. Qu’est-ce qui a lieu, qu’est-ce qui tient du fantasme ? Adapté d’un bouquin de Murakami (Ryu, le trashosse des Bébés de la consigne automatique et de Bleu presque transparent) que je n’ai pas lu, ça rend assez bien le style du bonhomme – des jeunes gens modernes pris dans des trips complètement extrêmes avec des grands yeux tristes fixés sur des belles obsessions dégoulinantes de sang et d’amour (dans le fond).

Plus que d’amour, c’est surtout de désir dont il est question dans La region Salvaje film du génial Escalante qui avait déjà commis Heli, dont j’ai dû parler quelque part. C’est un peu une tranche de vie qui réunit différents personnages autour d’un truc venu d’ailleurs qui éveille, concrétise, catalyse leur désir dans une grand embrassade moite et gluante. C’est dommage d’en dire plus parce que le non-dit et la tension qu’il suppose est justement le centre du film – entre les désirs qui s’ignorent, les envies qu’on se cache et les découvertes qui nous déboussolent le ventre, tout se passe sans cris ni violence mais pas sans douleur. Tout est très atmosphérique, lent, pesant, immobile – presque tendre parfois, si ce n’était cette poigne qui enserre jusqu’à l’asphyxie ceux qui cherchent leur désir jusqu’au bout.

Ichi the killer, Miike, 2001
Audition, Miike, 1999
La region salvaje, Escalante, 2016