mardi 20 février 2018

Grand écran total

En vrac et vus au cinéma des derniers temps (même pas en 3D).

The square – je pensais que c’était un film dramatique sur la boxe mais pas du tout. C’est une comédie grinçante postmoderne sur les travers de notre société hyperconnectée et obsédée par sa propre image. Comme c’est original. Je médis, mais en fait je me suis bien marrée. On suit un directeur de musée hyper successful et très très jeune cool qui roule en Tesla et qui perd son téléphone. Entre temps, il rencontre des journalistes hystériques, il perd des bouts d’œuvre d’art en les aspirant par mégarde et il se fout dans la merde grâce à une campagne de pub pensée par deux émanations directes de la génération qui bouffe de Tide pod. C’est fun. Il y a sans doute un milliard de niveaux de lecture à ce film mais il peut tout aussi bien se regarder comme un film à sketch, avec plein de petites piques sur le milieu de l’art, les jeunes urbains macronistes et la prétention en général. Ce qui est particulièrement drôle, c’est qu’il faut en être pour pouvoir en rire – seul un public partiellement immergé dans ce genre de milieu peut trouver ça amusant. Pas super révolutionnaire donc mais on comprend bien la palme d’or du coup – rire de mais entre soi, c’est tellement plus rigolo. Parfois un chouia long – mais peut-on vraiment dire qu’il y a un temps congru pour s’autocontempler ?

Ni juge ni soumise, vu en partie parce que The disaster artist ne passait plus, ne me laisse pas plus convaincue que ça. On ne va pas revenir sur l’histoire, dont on nous bassine un peu partout – documentaire filmé sur trois ans sur les coulisses de la justice belge une fois et monté à la striptease – et on peut dire qu’une partie du truc est réussie : c’est cocasse, très belge, finalement assez keumique. Mais. On se pose pas mal de questions sur le processus : filmé, rejoué, acteurs, pas acteurs. Certains personnages sont présentés comme « jouant leur propre rôles ». Dans le cadre d’un documentaire, pourquoi une telle mention ? Il y a un certain flou qui vient aussi du fait qu’on a du  mal à croire qu’une partie de ce qui se montre puisse se montrer (d’un point de vue légal entre autres). Sur le fond, c’est aussi un peu gênant parfois – gêne visiblement pas ressentie par les spectateurs hilares de l’UGC – le système judiciaire dans toute sa splendeur de rouleau-compresseur, de biais social et culturel, d’incompréhension de classe. On a beau l’humaniser dans un personnage sympathico-belge, avec des petites manies et une voiture meugnonne, c’est ça fait toujours autant froid dans le dos de voir. Le côté un peu zoo « regardez comme ces gens vivent bizarrement, c’est quand même fou » est peut-être un peu drôle mais ça peut aussi prendre une certaine forme de mépris un peu embarrassant venant de gens biens mis comme vous.

Et enfin, la claque visuelle tant attendue de ce début d’année, Laissez bronzer les cadavres, un film qu’il est super chouette didon. Un genre de western moderne avec des musique de Morricone et des visuels à la Jodo – c’est très coule. Tout commence par des artistes –encore eux – planqués dans une ruine avec des malfrats un peu tocards. S’ajoute à ça une mère célibataire en goguette et des flicards en cuir qui font squouic quand ils marchent. Ca va très vite, parfois à reculons d’ailleurs, ça fait du pingpong d’un plan à l’autre, très rapprochés les plans et c’est drôle aussi, ces duels de gros plans aux yeux sérieux et aux sourcils froncés. Pas vraiment moyen de s’emmerder, c’est sublime, avec des paysages et un décor géniaux, des petits brols qui décorent façon magazine lifestyle pour cadavres en putréfaction. Il y a aussi des petites fourmis, très informatives et meugnonnes et une débauche de paillettes, d’or liquide qui ne peut que nous faire frétiller de la culotte. Wouw !  

The square, Ostlund, 2017
Ni juge ni soumise, Hinant & Libon, 2017
Laissez bronzer les cadavres, Cattet & Forzani, 2017

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