samedi 25 juin 2022

Crimes of the future: et si le futur du passé, c'était le présent du futur?

 J'ai enfin réussi à voir Crimes of the future, le nouveau (?) film de ce cher Cronenberg. Après une errance d'un bon quart d'heure dans ce cinéma fantôme qu'est le Palace, je m'introduisis dans une salle immense aux grands rideaux rouges. Nous étions 6, un samedi soir, preuve que les subventions de la FWB portent leurs fruits en terme de dissémination culturelle! Mais revenons en aux faits: un peu interloquée par ce film, qui somme toute porte exactement le même titre qu'un des premier films de Crocro, je me demandais à quoi m'attendre. Les premiers retours critiques nous promettaient du Cronenberg Belle Epoque, à savoir du sang, des protubérances, de la rate et des outils chirugicaux chelous. 

Un prologue indéfinissable nous montre un enfant qui mange un poubelle. Etant moi-même le fier parent d'une progéniture d'environ deux ans, c'est une scène plutôt commune pour moi, mais passons. Ici, ça finit mal pour le moutard (on n'est visiblement pas fan de l'éducation bienveillante, mais ne jugeons pas). Spécial dédicace à la poubelle FINISS que j'ai reconnu parce que j'ai la même. C'est visbilement un accessoire tendance salle de bain de pauvre, merci les gars, c'est la crise pour tout le monde.

Ce prologue passé, on découvre ce bon vieux Viggo aka Tenser, déguisé en vieux gothique un brin japonais qui, acoompagné de l'horripilante Seydoux - Caprice, comme le fromage -, nous montre sa collection de jouets organico-mécaniques. On retrouve avec bonheur les joujoux délirants tendance Existenz ou Double Bangers: un lit avec des petits bras tout mignons qui chipotent le monsieur pendant son sommeil, une chaise pour bébé géant visiblement mal réglée et un ensemble de petits trucs indéfinissables pour regarder à l'intérieur de quelqu'un. 

Tout ceci parce que oui, nous sommes dans un futur dystopique dans lequel l'homme ne ressent plus de douleur ( même si Viggo passe son temps à chouiner qu'il a mal, mais bon) et puis l'évolution tout ça, fait que certaines personnes chanceuses se font pousser des organes dans tous les sens. Tenser fait partie de ces petits veinards et comme tout bon citoyen de la FWB, décide d'en faire une pratique artistique. Il s'exhibe donc avec son fromage (Caprice) sur les scènes de lieux culturels significatifs mais glauques (un peu comme le Palace, tout ça est très méta) au cours de performances où le seul but est de se faire enlever un organe, sous les yeux ébahis de quidams qui filment et instagramment à tout bout de champ.

On découvre aussi avec bonheur que la bureaucratie n'est pas morte dans ce futur improbable: la bureaucratie, la vraie, avec des petites souris de bureau qui sont enterrées dans des piles de dossier, des vieux classeurs dégueus et de stores sur les fenêtres (comme quoi, le futur ressemble aux chemisettes de Frank Robben). Dans ce petit bureau se trouve le registre national des organes, dont la fonction est explicite: enregistrer les nouveaux organes. Un peu comme l'urbanisme de corps humains: si tu construis quelque chose, il faut bien le déclarer. Le bureau est d'ailleurs consitué de deux fonctionnaires, ce qui semble tout à fait adéquat pour traiter tous les nouveaux organes d'une population - comme l'urbanisme de la ville de Bruxelles donc. Une des petites souris qui traquent l'erreur anatomique, c'est Mimi (non, c'est autre chose, mais je ne me souviens plus de son nom) ou Kristen Stewart qui joue la petite fonctionnaire effacée à merveille. Visiblement, elle n'a jamais rencontré un employé administratif de sa vie mais bon. Comme prévu, Mimi est un peu fan de Tenser et des ses beaux gros organes. 

But trouble is breeding my friend! Parce que oui, tout ce petit monde pourrait vivre en paix et il n'y aurait pas d'histoire, mais quid de la poubelle du prologue alors? Hé bien dans ce monde dystopique, il existe une faction de résistants (de terroristes? Ce n'est pas très clair) qui détient une vérité que le pouvoir veut cacher - on ne comprend d'ailleurs pas bien pourquoi, mais passons.

Je n'en dirais pas plus, car ce film est à voir! Il est encore au cinéma et avec un peu de chance vous serez seul (si vous allez au Palace en tout cas), conditions parfaites pour voir ce film dans une ambiance postapocalyptique. 

C'est effectivement du pur Cronenberg, un vrai retour aux films de l'organo-mécanique, des jolis objets plutôt bien branlés, une ambiance architecturale bien glauque et des visuels sexy-gore à l'ancienne. C'est par contre aussi beaucoup plus léché, arty voire poseur par rapport aux films des 80's qui étaient plus rythmés, gluants et délicieux. Il paraît que certaines personnes se sont barrées des projections presse: on aurait tort de penser que ce sont des gros sensibles. Ils se sont peut-être tout simplement un peu fait chier - comme moi- et sont sortis prendre l'air. La direction artistique (photo et BO) est vraiment réussie mais encore une fois, un peu tristoune, lisse. Chouette bande-son (Howard Shore) mais qui ressemble parfois trop à Woodkid pour être honnête. Un Papy Cronenberg donc.

Crimes of the future, Cronenberg, 2022