lundi 25 avril 2016

Driving miss crazy

J'avoue avoir un peu tiqué sur une des thématiques de l'offscreen: à part le titre qu'il est drôle, est-ce que c'est pas un peu phallocrate, ça, de montrer tout plein de films avec des nanas qui deviennent hystériques? Parce qu'on n'a pas non plus le monopole, hein - même si on sait très bien que pour une vraie crise de folie, il faut avoir un utérus, mais bon. Cela dit, j'aime les gens tarés et la sélection est plutôt tentante, alors pourquoi pas, finalement.

J'ai donc commencé par Fatal Attraction, grosse lacune dans ma culture cinéma et que voilà comblée! Une histoire d'infidélité banale qu'on devrait plus souvent montrer à ceux qui se demandent si un petit coup, comme ça en passant, ça vaut la peine. Parce que non, en fait, on risque quand même toujours de tomber sur une frappée qui va finir par venir vous foutre des coups de couteau pendant que vous prenez votre bain. Ce pauvre Dan aurait donc mieux fait de garder son zlip quand il croisa la route d'Alex - ses cheveux, par exemple, auraient du lui mettre la puce à l'oreille (= coupe mouton sous crack tendance 80's). Alex est donc une hystérique dans les règles de l'art, passant du suicide aux cajoleries, des insultes aux câlins et qui fait même des playlists de menaces - pour écouter dans les longs trajets. Comme Dan, à l'instar de pas mal d'infidèles, n'a pas beaucoup de couilles, il attendra évidemment d'y être plus ou moins forcé ("heuuu chou, y'a une meuf avec un grrrand couteau dans la cuisine?") pour avouer une faute qui est bien vite pardonnée - alors qu'on aurait pu efficacement faire d'une pierre deux coups avec le couteau, mais bon. Glenn Close est méconnaissable - mais c'est surtout les cheveux - en dingue vraie de vraie, avec ses grrrrands yeux flippés et sa voix déjà très Damages. Douglas se dépatouille là-dedans un peu comme son personnage: écrasé par cette nana complètement barrée.

On pourrait techniquement prendre n'importe quel film d'Altman pour parler de folie féminine, mais pourquoi pas 3 Women (y'a le mot femme dans le titre en plus). On y parle surtout de deux femmes mais en fait aussi d'une troisième qui reste un personnage silencieux qu'on ne voit qu'en peinture - ou presque- mais qui fait la boucle finale. Les deux femmes, c'est Pinky (Spacek, pré-Carrie) et Millie, infirmières dans un truc pour vieux et colocataires à la relation plutôt chelou. Déjà elles sont toutes les deux un peu zarbis à la base: Pinky en mode jeune fille cherche appartement à coller sa nouvelle idole et Millie, qu'a plein d'amis mais seulement dans sa tête et qui a des dents..... grandes on va dire. Comment dégénère la relation, mystère, mais ça pète et Pinky devient alors la méchante badass du couple, tandis que cette pauvre Millie dort sur le canapé du salon et se fait piquer son mec. Tout ça finira par un accouchement (vrai et métaphorique, donc) bien sanglant qui permettra aux deux de se trouver une troisième acolyte pour parfaire ce triangle de cinglées. Je retrouve beaucoup de Short Cuts, en tout cas dans l'image et l'ambiance, un peu lourde et molle, immobile et angoissante. 

Trouble every day est un peu un film de vampire en fait, pas trop de folle, mais bon (sauf si c'est Vincent Gallo la folle). On y voit deux personnages en quête de truc à grailler, nommément des gens humains, mais qu'on peut manger qu'après avoir couché (enfin, on dirait). Oui, c'est dégueu, mais c'est pas de leur faute: y sont malades, on vous dit! Tout ça à cause d'un vague médecin qui a fait des expériences sur des trucs pas nets qui ont fini par faire des gens avec des envies pas normales dans la tête. Shane ( Gallo) se retrouve donc à courir Paris à la recherche d'une réponse, d'un pote ou au pire, d'une petite à becqueter alors que sa jeune ( et bonne) épouse est avachie dans son 4 étoiles. Pendant ce temps, Coré ( Dalle), se bouffe tout ce qui passe, du clampin en camion aux petits jeunes désœuvrés. Pas bien propre tout ça. C'est franchement super beau, très lent et doux, avec une atmosphère un peu feutrée qui grince un peu puis qui montre parfois dans des jolies saturations - sonores aussi. Gallo fait un peu peur, Béatrice a la dalle (facile!) enfin c'est bien quoi.

Fatal Attraction, Lyne, ,1987
3 Women, Altman, 1977
Trouble every day, Denis, 2001

mercredi 20 avril 2016

Witch total

Sans le faire exprès - enfin un  peu quand même - j'ai regardé à la suite trois trucs de vrais sorciers, hésitants entre religion hystérique et magie noire. Wé!

J'avais vu des extraits de The holy mountain en regardant le documentaire sur le Dune de Jodorowsky et ça m'avait pas mal intriguée, du coup, m'y voilà. On suit une quête ésotérique un peu chelou - un Jésus en short doit aller chercher des sages sur une montagne avec une bande d'autres types venus de planètes bizarres - avec trop de péripéties pour vraiment le résumer comme ça, mais ce n'est probablement pas l'intérêt principal du film. C'est surtout un immense trip visuel, d'un niveau assez hallucinant dans les images, très plastique et ultra-comics d'ailleurs, fait de plans cadrés comme des cases de bd avec parfois des questions lancinantes - "mais heuuuu et donc en fait?". Parce que parfois, on comprend pas grand chose et on se demande à partir de quand la môman à Jodo a commencé à sucrer son bibi au teushi. Voire plus si affinités. J'ai retenu pour ma part quelques scènes qu'elles sont bien: le nain/manchot/cul-de-jatte  qui devient poto avec Jesus, trop miiignon; la fabrique d'armes pour hippies violents, dont la magnifique guitare/rifle;
death metal
 la grotte en arc-en-ciel; et une reconstitution de la conquête mexicaine par des crapauds (qui explosent à la fin, wiiii!). Enfin, y'a au moins un demi-million de trucs à retenir- probablement à revoir, en fait. 

Après, et comme mue par un instinct que je ne veux pas vraiment m'expliquer (je me fais déjà suffisamment peur comme ça), je me suis souvenue que je n'avais jamais fini The Devils, un film à moitié taré de possession chez les Cathares - ou dans une secte un peu médiévale du genre - dont je n'avais jamais vu la fin. Ça raconte en gros une histoire de possession dans un couvent (et visiblement un événement historique) en pleine Contre-Réforme et intrigues politiques dans tous les sens, donc j'ai pas tout retenu, mais alors qu'est-ce que j'ai pris! C'est un truc assez hystérique du début à la fin, un peu baby-of-Maconesque, avec des gens tordus, des gens tout nus, des trucs tout vermoulus et des prêtres potes avec Satan. On y voit une petite troupe de nonnes devenir folles les unes après les autres, soi-disant sous la coupe d'un curé qui prend l'amour du Christ au sens plus littéral que métaphorique: alors, est-il bon, est-il méchant? Bonne question! C'est difficile à savoir, car si les sœurs sont clairement en pleine crise d'hystérie collective, le cureton n'a pas l'air bien clean. Sa moustache, par exemple, me semble louche. Il y a des belles scènes de folie générale, avec arrachage de soutane et gestes obscènes à base de grrrrros cierges, plus en bonus un exorcisme de groupe qui fait presque regretter cette époque, tiens. Au moins, y savaient s'amuser. 

Pour finir et un peu sans faire exprès, j'ai enfin vu Perdita Durango, un film avec des sorcières au guacamole, miam. Perdita a l'air un peu à la masse et à force de zoner comme ça à la frontière mexicaine, finit par rencontrer un type tout ce qu'il  y a de plus correct, sorcier de son état et petit truand entre deux transes vaudoues. Comme ils s'entendent bien et que tout le monde sait qu'un couple qui fonctionne est un couple qui fait des projets d'avenir, ils décident de kidnapper et de tuer une paire de petits amerlos mignons comme des cougnous en sucre. Les pauvres sont bien blondins et niais, mais vont, grâce à leurs ravisseurs psychotiques découvrir les joies du sexe, la vie sauvage et la bière chaude. Mieux que les scouts, didon! De la Iglesia aime visiblement bien les trucs de sorcellerie et ça a un peu la même énergie que Les sorcières de Zaggramundo (?), dernier en date (en tout cas dans mes papiers): c'est fun, complètement barré, souvent dans le second degré avec un raffinement du détail qui laisse admiratif - les mangas pornos en fond sonore par exemple. Bon, parfois un peu chelou dans le son - je crois que j'ai eu une version post-synchro en espagnol, donc pas bien compris le pourquoi du comment. Mouais.

The Holy Mountain, Jodorowsky, 1973
The devils, Russel, 1971
Perdita Durango, de la Iglesia, 1997

dimanche 10 avril 2016

Ecran total

Toujours n'importe quoi, n'importe comment, mais à bien y réfléchir, j'ai un peu suivi l'actualité dans mon choix: histoire de terrorisme, affaires de putes et évasion fiscale dans le grand Nord.

Made in France est un film qui en a un peu chié, rapport à ce qu'il parle d'un truc qui est devenu vrai après coup et qui gêne un peu tout le monde - pas de bol, parce que c'est pas mauvais du tout. Il s'agit de l'infiltration  d'un journaliste dans une cellule djihadiste parisienne qui tourne mal - en même temps, on s'attendait pas à faire du macramé avec ces types là. Mais bon. On ne doit pas en raconter plus, mais c'est par contre très bizarre de recevoir le film dans ce contexte: pas parce qu'il est "prophétique", mais parce qu'il risque d'être mal compris et pris pour ce qu'il n'est pas, un film d'analyse. Ici, c'est assez clairement un film policier, avec des criminels, des flics pas cool et un outsider innocent qui s'en prend plein la gueule. Il y a des gros raccourcis, des trucs un peu invraisemblables, et peu ou pas de travail sur le fond, les causes, les raisons - c'est un film de castagne, quoi. Mais c'est bizarre, parce qu'un peu malgré lui, on attend qu'il raconte un truc, qu'il explique quelque chose, ce qu'il ne fait pas vraiment - et ne semble pas avoir l'ambition de faire. Boukhrief est toujours aussi excellent, que ce soit à l'écriture ou à l'image, avec un style nerveux, sec mais pas hystéro, une espèce de précision de chirurgien, de concision dans les mots et les plans: franchement, c'est un des rares réalisateurs de polar français que je supporte et c'est dire.

Comme si on avait que ça à foutre, vla-t-il pas que la gauche en manque d'inspiration décide de pénaliser la prostitution - c'est sûr que ça va faire avancer les choses, tiens. Bref, du coup, j'ai maté L'Apollonide: souvenir de maison close par solidarité - et aussi parce que j'aime Bonello d'amour vrai et pur. Comme son titre l'indique, il s'agit d'une tranche de vie d'une maison close fin du siècle avec ses petites histoire, ses tracas quotidiens ( "Ha non monsieur, on est fermé"), ses petits bobos ("Mince, la syphillis"), enfin, la vie quoi. On suit les filles comme des éléments indépendants mais en même temps brassées dans un groupe aux formes mouvantes, un ensemble flou et délicat, une petite famille légèrement tordue menée par une patronne qui sent venir la fin et les coutures craquer petit à petit. C'est visuellement superbe, filmé avec une sorte de douceur, de tendresse dans les plans, une légèreté presque parfois. Pas de pathos, même si certains passages sont pas forcément meugnons - je sais pas, une ambiance globale qui épaissit le tout dans une torpeur humide qui sent l'alcôve. 

L'évasion, pour finir, grâce à ce cher Leo qui a obtenu son oscar à force de froncement de sourcils de constipé pendant pas loin de 2h30 dans The Revenant, un film sur les vacances à la neige. Bon, on va pas reraconter l'histoire - un type laissé pour mort après une fight avec un ours revient pour se venger, un peu comme Jason - l'intérêt est bien évidemment dans la fastidieuse performance de Di Carpaccio qui est, faut quand même le reconnaître, pas mauvaise. Le petit sillon entre les yeux qu'il travaille depuis des années - en fait, depuis qu'il roule pour Scorsese et qu'il est donc un acteur sérieux - est enfin exploité à sa juste mesure, puisqu'il tient lieu de dialogue - faut quand même le faire! Personnellement, j'ai trouvé ça un peu fatiguant, mais j'aime les hommes en peau de bête qui se roulent dans la neige, alors ça va. Il y a par contre un très beau travail atmosphérique dans l'image, beaucoup de plans fixes de paysages plutôt beaux (un petit abus sur le plan "arbres en contreplongé" qui est utilisé à peu près 50 fois sur le film, ça fait un peu Instamaniac) avec de la neige partout, des ciels gris/blancs et des zones de pierres, bois, roche en noir et brun qui se découpent dessus, c'est chouette. 

Made in France, Boukhrief, 2016
L'Apollonide: souvenir de maison close, Bonello, 2011
The revenant, Iñarritu, 2016 

mercredi 6 avril 2016

L'émotion qui vous hante

Voilà, je m'y mets enfin - le cycle total ultime de la mort, à savoir le paquet de films cités par les quidams interrogés par les Cahiers pour leur numéro 700. On va pas se mentir, y'a pas grand chose de cohérent à l'affaire et la sélection est parfois carrément random, ce qui fait en partie sa beauté. Il y a surtout pas mal de classiques que je n'ai jamais eu l'occasion de voir, alors y'a plus qu'à.

La Strada pour commencer, qui raconte encore une histoire de cirque et de clown triste, avec ce baroque un peu mélancolique sur les bords qu'est ben joli. Donc: la petite Gelsomina ( ça s'invente pas) se retrouve un peu par hasard, un peu parce que sa mère l'a refourguée au veuf de sa première fille, à faire la route avec un forain ambulant pas commode qui casse des chaînes avec son torse hénaurme. Dormir dans un camion, se laver dans des éviers et jouer de la trompette sur la place publique, c'est la vie de rêve du spectacle vivant, mais en fait non: le forain est méchant comme un pou, parfois soul comme un cochon et sa conversation pas bien brillante. La petiote promène sa bouille de Pierrot qui chouine jusqu'à ce qu'elle tombe sur un autre forain, plus chamarré et funambule de son état qu'elle en ferait bien son quatre heures. Du coup: jalousie, bagarre, pim, paf et tout ça finit très mal. Alors Fellini, ça me fait un peu chier en général donc mouais mais: c'est très beau, surtout dans cette figure de petite fille (?) atterrie sur Terre on ne sait trop comment, ses yeux qui lui mangent le visage et son sourire d'un autre univers. C'est un parangon d'innocence sacrifiée et assassinée, une sorte de parabole déambulatoire - enfin, un truc complexe, quoi. Mais joli!

On a parlé de Cool Hand Luke récemment, parce que quelqu'un est mort qui avait fait un truc dedans (j'ai trop la flemme de chercher qui et quoi) mais donc, tiens le voilà! C'est un film foucaldien à mort sur la prison comment c'est trop méchant et tout ça, mais pas que. Luke est un petit rigolo qui se fait arrêter pour avoir déboulonné des têtes de parcmètres - plutôt joli à voir, il aurait pu le faire passer pour une performance, eût-ce été dans d'autres circonstances, mais bon voilà: il finit en zonzon, dans une colonie de taulards qui coupent de l'herbe le long de la route. Pas top, mais au moins on voit du paysage, me direz-vous. Cette petite bande est dirigé par l'homme sans yeux, un contremaître méga méchant planqué derrière des Aviators à reflets d'argent. Gloup. Heureusement, Luke qui porte bien son nom, reste cool et joue au GO pour ses potos au mitard: concours de bouffage d'oeuf, course à l'asphaltage de route et évasion fiscale, heu non, finale. Parce que Luke parvient à se barrer non pas une mais deux fois. Et à se refaire choper à chaque coup. Alors à la deuxième, l'homme-sans-yeux décide d'en faire son affaire et commence le matage de ce pauv' Luke. Succombera-t-il ou restera, tel Diego, libre dans sa tête? Suspense! C'est vraiment pas mal fait comme truc léger et doux dans un premier temps avec une gravité qui vient tellement subrepticement qu'elle surprend quand on se rend compte de son étau. Newman traverse le film avec sa petite moue goguenarde assez démentielle pour le rôle. Et puis le méchant est vraiment, ben méchant quoi.

Ordet,  enfin. Alors le pitch est pas ultra sexy: des danois, des filles à marier et des chichis religieux, heu voilà. Une petite famille de fermiers cherche à marier son gamin avec la fille du tailleur, mais pas de bol, celui-ci ne veut pas d'une chienne d'hérétique dans sa troupe et renvoie les amoureux aux calendes grecques et maudit en passant le père qui refuse de voir la lumière, avec cette intelligence typique des croyants bien fanatiques: " Toi mon pepère, j'espère que tu vas bien en chier dans la vie pour comprendre comment Dieu c'est de la balle". Moui. C'est un peu un argument qui s'autodétruit, mais bon. Du coup, bah la famille du fermier va évidemment en chier, mais va-t-elle trouver Dieu (enfin, le bon?) Suspense! Et twist final de fou, d'ailleurs. C'est vraiment très beau, mais très, très, trèèèèèèèès lent. Il y'a une scène de chirurgie dans laquelle on voit un médecin être en mode "putain il faut la sauver" mais avec une lenteur qu'on croirait voir un ado plein de shit essayer de faire ses lacets sans glousser. Bon, ça fait partie de la dramaturgie Dreyer, donc on ne dira rien. Il y a cette figure christique du deuxième fils, rendu fou mystique par la lecture de Kierkegaard - c'est presque drôle, en fait - mais très beau, évanescent et hiératique comme une sculpture italienne, et puis dans la lenteur, un silence qui insiste et qui souffle entre les planches. 

La strada, Fellini, 1954
Cool hand Luke, Rosenberg, 1967
Ordet, Dreyer, 1955