dimanche 10 avril 2016

Ecran total

Toujours n'importe quoi, n'importe comment, mais à bien y réfléchir, j'ai un peu suivi l'actualité dans mon choix: histoire de terrorisme, affaires de putes et évasion fiscale dans le grand Nord.

Made in France est un film qui en a un peu chié, rapport à ce qu'il parle d'un truc qui est devenu vrai après coup et qui gêne un peu tout le monde - pas de bol, parce que c'est pas mauvais du tout. Il s'agit de l'infiltration  d'un journaliste dans une cellule djihadiste parisienne qui tourne mal - en même temps, on s'attendait pas à faire du macramé avec ces types là. Mais bon. On ne doit pas en raconter plus, mais c'est par contre très bizarre de recevoir le film dans ce contexte: pas parce qu'il est "prophétique", mais parce qu'il risque d'être mal compris et pris pour ce qu'il n'est pas, un film d'analyse. Ici, c'est assez clairement un film policier, avec des criminels, des flics pas cool et un outsider innocent qui s'en prend plein la gueule. Il y a des gros raccourcis, des trucs un peu invraisemblables, et peu ou pas de travail sur le fond, les causes, les raisons - c'est un film de castagne, quoi. Mais c'est bizarre, parce qu'un peu malgré lui, on attend qu'il raconte un truc, qu'il explique quelque chose, ce qu'il ne fait pas vraiment - et ne semble pas avoir l'ambition de faire. Boukhrief est toujours aussi excellent, que ce soit à l'écriture ou à l'image, avec un style nerveux, sec mais pas hystéro, une espèce de précision de chirurgien, de concision dans les mots et les plans: franchement, c'est un des rares réalisateurs de polar français que je supporte et c'est dire.

Comme si on avait que ça à foutre, vla-t-il pas que la gauche en manque d'inspiration décide de pénaliser la prostitution - c'est sûr que ça va faire avancer les choses, tiens. Bref, du coup, j'ai maté L'Apollonide: souvenir de maison close par solidarité - et aussi parce que j'aime Bonello d'amour vrai et pur. Comme son titre l'indique, il s'agit d'une tranche de vie d'une maison close fin du siècle avec ses petites histoire, ses tracas quotidiens ( "Ha non monsieur, on est fermé"), ses petits bobos ("Mince, la syphillis"), enfin, la vie quoi. On suit les filles comme des éléments indépendants mais en même temps brassées dans un groupe aux formes mouvantes, un ensemble flou et délicat, une petite famille légèrement tordue menée par une patronne qui sent venir la fin et les coutures craquer petit à petit. C'est visuellement superbe, filmé avec une sorte de douceur, de tendresse dans les plans, une légèreté presque parfois. Pas de pathos, même si certains passages sont pas forcément meugnons - je sais pas, une ambiance globale qui épaissit le tout dans une torpeur humide qui sent l'alcôve. 

L'évasion, pour finir, grâce à ce cher Leo qui a obtenu son oscar à force de froncement de sourcils de constipé pendant pas loin de 2h30 dans The Revenant, un film sur les vacances à la neige. Bon, on va pas reraconter l'histoire - un type laissé pour mort après une fight avec un ours revient pour se venger, un peu comme Jason - l'intérêt est bien évidemment dans la fastidieuse performance de Di Carpaccio qui est, faut quand même le reconnaître, pas mauvaise. Le petit sillon entre les yeux qu'il travaille depuis des années - en fait, depuis qu'il roule pour Scorsese et qu'il est donc un acteur sérieux - est enfin exploité à sa juste mesure, puisqu'il tient lieu de dialogue - faut quand même le faire! Personnellement, j'ai trouvé ça un peu fatiguant, mais j'aime les hommes en peau de bête qui se roulent dans la neige, alors ça va. Il y a par contre un très beau travail atmosphérique dans l'image, beaucoup de plans fixes de paysages plutôt beaux (un petit abus sur le plan "arbres en contreplongé" qui est utilisé à peu près 50 fois sur le film, ça fait un peu Instamaniac) avec de la neige partout, des ciels gris/blancs et des zones de pierres, bois, roche en noir et brun qui se découpent dessus, c'est chouette. 

Made in France, Boukhrief, 2016
L'Apollonide: souvenir de maison close, Bonello, 2011
The revenant, Iñarritu, 2016 

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