mardi 30 décembre 2014

Ecran Total

On m'a mis Out of the furnace sous les yeux avec un argument assez simple - c'est un truc avec Bale. Comme j'en suis encore au stade très naïf où un acteur suffit à donner une crédibilité au film, j'ai regardé ça sans aucune idée de ce dont il s'agissait - sans ça, j'aurais sans doute hésité. Récit d'une vie merdique qui tourne toujours un peu plus mal, on pourrait penser que le film a été écrit par Davidson: un haut-fourneau, une ville industrielle en décrépitude, des combats de boxe clandestins et des vieux marines qui meurent sur leur canapé. Tout ça mené par une brochette d'acteurs de films indépendants pas piquée des vers - Casey Affleck, Harrelson (nouvellement adoubé depuis qu'il parle avec son menton), Whitaker et ce bon vieux Sam Shepard : c'est un peu le Ocean Eleven de Sundance quoi.
Le film est cela dit pas mal du tout: même si on passe par pas mal de clichés du genre, ça reste très beau du point de vue photographique, avec des belles usines abandonnées et des champs plein de vieille ferraille. 

The Rover est un autre film à grosses couilles, avec une histoire on ne peut plus simple: un type se fait voler sa voiture et décide de choper les gars qui lui ont fait le coup pour la récupérer. Sauf que. Ça se passe dans une Australie du futur (?) dans laquelle les chinois ont pris le pouvoir et dirigent des mines. Ordre social complètement foutoir, ravitaillement à base de vieilles boîtes de conserve, bouffage de clébards et fusil sur le siège passager: la chasse à la bagnole ne se fait pas sans éclaboussures au passage. Au final, ça donne un mix de Mad Max, The Road et Deliverance - pour le côté rednecks, freaks et compagnie. On trouve aussi Rob' Pattison qui teste ses cours d'Actors Studio et dont on comprend au départ mal l'intention: essaie-t-il d'imiter l'accent australien du futur? En fait, il joue un simple d'esprit - et s'en sort pas si mal au fond. Bon, faut être honnête, c'est pas mal foutu: les paysages, c'est beau, les dialogues, c'est brut et les nains explosés, c'est fun. 

Le titre de Cold in July continue de m'interroger: mais qu'est-ce donc qui est froid (en juillet)? Le temps? Les cadavres? Les marmottes dans leur terrier?  Mystère. En tout cas, c'est le troisième film bien burné de cette fournée: des bons vieux cow-boys en mission dans le Texas des années 80, des canons sciés à double barillet et des snuff en VHS: oh boy! Le scénar' est pour sa part bien surprenant: ça commence par un coup de fusil mal placé (un type flingue un voleur) et ça prend à partir de là des tournants qu'on a du mal à prévoir - et pour une fois, j'en dirais pas plus pour pas spoiler. On retrouve ce bon vieux Dexter qui malgré moustache texane et mulet peine à trouver une place dans la seconde partie du film (gros trou dans le scénario ici: que diable est-il parti foutre dans ce bordel?), Don Johnson qui a ressorti ses plus belles bottes et qui fait glisser le tout un cran vers le comique et ce bon vieux Sam Shepard, toujours sur les bons plans du genre. Ce film a beau avoir été recommandé par Cosmo, faut pas avoir peur: c'est finalement un bon petit film noir bien troussé de derrière les fagots.

Et j'ai conclu cette série avec Mud qui me semblait tout indiqué: redneck, arty ET avec Sam Shepard dedans. C'est un truc de fugitif finalement assez banal: des gamins rencontrent un type sur une île qui attend une gonzesse pour laquelle il a flingué un autre quidam dont la mort va bien sûr être vengée par une armée de bougres tout en tatouages et moustaches assorties. L'idée est de voir ça à hauteur d'yeux du gamin: 14 ans, toutes ses dents et des idées sur l'amour et la vie pleine d'amour et de petites fleurs (un peu étonnant vu le gourbi familial dans lequel il évolue). Alors entre le Mud (McConaughey qui n'a pas fini d'exploiter son stock d'accents du South profond) qui vit dans un bateau sur un arbre et une paire de gosses qui ont trop lu la bibliothèque rose, ça finit forcément par une série de décisions pas bien malignes. Parfois un peu énervant pour le côté ultra-naïf et candide-aux-grands-yeux du fiston (sérieux, à 14 ans faut s'appeler Proust pour être aussi neuneu), le film tient pourtant vraiment bien la route et rassure un peu après le flippant Take Shelter. Ça ressemble plus à Shotgun Stories dans l'ambiance générale: ultra-violente mais saisi par une photographie atmosphérique, douce, centrée autour de la lumière et de ses variations, et de l'eau - l'élément central de tout ça, peut-être aussi ce qui donne cette douceur somnolente au tout.

Out of the furnace, Cooper, 2013
The Rover, Michod, 2014
Cold in July, Mickle, 2014
Mud, Nichols, 2012

samedi 27 décembre 2014


Croatia, 2014

Tristesse Contemporaine- Daytime, Nightime

mercredi 24 décembre 2014

Ecran total

On n'a toujours pas très bien compris le principe de A field in England: en gros, des types sont dans un champ (en Angleterre) et cherchent un trésor. A la fin, y'en a qui meurent, puis ils reviennent au début et ils sont de nouveau vivants. Venant de Wheatley, on a vainement attendu un twist de malade qui transforme un film historico-ironique en truc de grand malade, mais non. Il y a bien une petite demi-heure de montage psychédélico-arty (encore là, déception: l'avertissement aux épileptiques de début de film laissait présager un truc bien violent visuellement). On sent un peu l'entourloupe: le scénar' est en fait un truc pondu par le petit neveu de Wheatley: c'est presque ça, c'est une oeuvre de sa meuf. Bon, il reste que c'est magnifiquement réalisé, toujours avec un ton fendard et des images démentes - un champ dans la brume, un champ au lever du jour, un champ au couchant, mais très beau, très atmosphérique. Il manque un peu d'action, dommage pour le filon sorcellerie, potentiellement bien parti pour être un méga trip mais finalement pas exploité à fond. Y'a des beaux costumes aussi.

J'ai lu The Getaway du génialissime Thompson il y a un moment - l'intrigue n'était donc pas trop fraîche mais je me souvenais globalement d'une histoire d'embrouilleur qui se fait embrouiller et le road trip de couple vers le Mexique. L'adaptation est pas mauvaise: on retrouve le côté cow-boys braqueurs en folie et les chassé-croisés entre différentes factions aux trousses d'un seul pauv' Steve McQueen et de sa gonzesse qui fait la moue constamment. Quelques séquences du début - le générique en prison par exemple - sont splendides, montées avec un rythme impec et une souplesse d'alternance vraiment épatante. L'aspect montage alterné se dilue un peu, mais persiste comme principe de fond entre les différents itinéraires empruntés par les amoureux, le braqueur amoché et leurs boss un peu vénères. J'ai halluciné en découvrant Al Lettieri qui a une gueule faite pour jouer un méchant thompsonien: sa présence transpire le malsain, le dégueu bien gras. La petite troupe qu'il trimballe, un vétérinaire soumis et sa femme aux gros poumons complètement mystifiée par tant de dégueulasserie donne un truc bien sale qui compense un peu le côté neuneu de la fin.

Still Life est un avant tout un film photographique. Profitant d'un des avantages largement sous-estimés de la Chine contemporaine, à savoir son industrialisation complètement sauvage qui crée des paysages post-apocalyptiques à foison, Zhangke déroule un scénario somme toute simple - des gens qui cherchent quelqu'un qu'ils ont perdu de vue - dans un cadre tellement dingue que ça en devient fantastique (ce qui explique les vaisseaux spatiaux). Le ressort, c'est le lieu: un barrage géant, construit sur le Yangtze et dont la construction a noyé des villes entières. On arrive en fait au milieu du développement du barrage, puisque l'eau devrait encore monter: du coup, entre ce qui a déjà été noyé (et les habitants déplacés un peu au pif) et ce qui va l'être, les barres d'immeubles qu'on démonte, réduit en pièces et les gens trimballant leur bordel vers d'autres contrées plus vertes (ou en tout cas, plus hautes) on est toujours à deux doigts de la fin du monde. Le tout est montré de façon très sobre, sans dramatisme ni chouinage existentiel: des longs plans immobiles, silencieux, des cadrages monstrueux de villes à moitiés démolies, des images complètement dingues d'une mégalomanie architecturale difficile à mesurer. Là-dedans, des petits bonhommes se baladent, au gré du fleuve, à la recherche d'un mari, d'une fille perdue de vue. On se doute bien que ça ne finira pas toujours bien, mais une certaine résignation calme règne des hommes impassibles comme le fleuve.


A field in England, Wheatley, 2014
The Getaway, Peckinpah, 1972
Still Life, Zhangke, 2006

samedi 13 décembre 2014

Ecran total

J'ai tellement aimé le crocodile redneck, que j'y suis retournée pour mater The Funhouse, un film qu'il est gaiii: comment finir réduit en bouillie alors qu'on était parti pour une soirée de gaudriole à la foire du Midi.  Alors en fait, "funhouse", c'est un peu un faux-ami: c'est plutôt d'une maison hantée qu'il s'agit. Nos amis les jeunes ( panel type un saumâtre, un rebelle/pompiste, une délurée, une chaudasse) vont se lancer un défi bien con: bah si on dormait dans eul'maison hantée? Hein? Après moult signes avant-coureurs pas vraiment encourageants (une vieille sorcière qui délire dans les chiottes, des forains au regard perçant/inquisiteur, des pervers pépères qui matent les strippers en douce et de la barbe-à-papa suspicieuse, ils mettent leur projet à exécution, et découvrent l'envers du décors fait de petits chariots tueurs, de ventilateurs-guillotines, et un monstre tellement vrai, que son masque sert à cacher sa vraie tête d'affreux. On retrouve un bon vieux thème: celui des freaks et de l'univers des forains, des mecs pas hyper nets, toujours un peu catins, souvent carrément maquereaux et nourris à la pomme d'amour. On a reconnu le monstre de Wrong Turn 1 à 6 qui aiguise ici son répertoire avec une grande scène du freak-qui-lui-aussi-veut-de-l'amour mais balance la sauce avant même d'avoir trempé son bout (bizarrement, c'est la pute qui passe pour une méchante ici).

The Salt of the Earth est le dernier projet de Wenders qui décidémment a la flemme d'écrire des scénarios pour le moment. Comme je ne connaissais pas Salgadao, c'était finalement une découverte. Il y a un aspect intéressant qui est la possibilité de filmer un photographe, problème qui est résolu de façon un peu simple pour moi: on parcourt en fait des séries de photos commentées par Salgadao et replacée dans le contexte de son parcours personnel. Ça fait donc beaucoup de photos, avec des commentaires pas toujours intéressants: peu ou pas de technique, il s'agit  surtout de raconter l'itinéraire de celui qui fait l'image. Connaissant les quelques séries de photos faites par Wenders, je ne m'attendais pas à ce qu'il s'agisse d'un photographe social, à ce que l'accent militant, humain soit mis à ce point. Finalement, c'est bien aussi mais le narratif peut avoir tendance à noyer le reste (le poids des mots, le choc des photos??).

Je regarde Calvaire à peu près une fois par an (en général autour de Noël, car c'est un bon film des familles) alors que ne fut pas ma joie quant je vis que du Weltz avait encore frappé! Et avec Laurent Lucas en plus! Joie de Nowel! Alléluia! C'était pas tout cru, parce qu'on se frotte à deux genres: celui du film de fait divers et celui des amants maléfiques. Le fait réel sur lequel c'est basé, on s'en fout un peu, il paraît qu'il y a une série d'adaptations, ça me fait une belle jambe: celui-ci en tout cas, c'était plutôt chouette! D'abord pour l'équilibre psychotique fragile qui se renverse imperceptiblement au cours du film - on ne sait plus trop qui est le plus dingue des deux - puis pour l'ambiance village anonyme qui évite le côté fin de race de Calvaire et donne un petit air champêtre digne d'un catalogue de tourisme de la Région Wallonne, la normalité étant toujours potentiellement beaucoup plus flippante que les débauches de créatures à tripes qui pendent, enfin pour le côté très behavioriste. On ne sait pas vraiment pourquoi et comment tout ça s'enchaîne dans la tête des protagonistes: qu'est-ce qui claque à un moment, comment ça se passe dans leur petits cerveaux malades: pas d'explications vraiment, surtout du côté de Gloria qui renverse le rapport de force et emmène le truc au-delà  de toute possibilité de retour. Alors, Girl Power? Ouais, genre.

The Funhouse, Hooper, 1981
The Salt of the Earth, Wenders, 2014
Alléluia, du Weltz, 2014

jeudi 11 décembre 2014

Europa

Ça faisait un moment que je cherchais le temps ( et le courage) de me faire la trilogie Europa en entier: je ne sais pas vraiment si j'aime von Trier, chaque film me laisse avec une impression différente. L'aubaine d'un ensemble est qu'il permet parfois une vue synoptique sur un style - bon bref, disons que j'ai compris des choses. Des choses bizarres mais quand même.

Des trois films, je pense que Epidemic reste mon préféré: d'abord, pour la réalisation un peu branloir, nonchalante, puis pour le côté bubons-qui-explosent et enfin parce qu'il assouvit un rêve d'enfance: couper un tube de Signal pour voir comment c'est dedans. En termes de démystification de l'auteur, ça se pose: pas de grande prise de tête mise-en-abymesque, un processus de création filmé comme une blague de potes sans chercher à faire de la phénoménologie appliquée avec une histoire dans l'histoire certes pas jouasse mais plutôt jolie dans le style post-apocalypse infectieuse. 

J'ai moins aimé The Element of Crime, un peu trop jaunâtre à mon goût. On retrouve l'aspect itinéraire d'un héros qui cherche à résoudre un truc, avec comme fil un récit qui finit par se confondre avec le réel et un état de crise en toile de fond. On est bien dans l'Europe, à moitié en vrac, avec des espaces-temps indécis, sautant de l'un à l'autre au sein d'un même plan, et une narration  à posteriori qui brouille les pistes. Les images d'eau et de noyés (le cheval qui ressemble à une vision hallucinée Nietzschéenne), les friches industrielles au bord du fleuve, les bâtiments hantés par le vide: visuellement c'est vraiment beau, mais la couleur fatigue un poil.

Europa est bizarrement le plus drôle: il a un petit côté kafkaien absurde - la scène de l'examen de contrôleur de train est énorme-  même si dans un contexte pas folichon. Il reprend et redéploie les deux films précédents - itinéraire sans vraiment de logique dicté par un narrateur/hypnotiseur qui est un mélange des deux entités extradiégétiques de Elements et Epidemic (entre l'interrogatoire et le scénariste), mêmes sauts d'un espace-temps à l'autre, mêmes noyés en apesanteur. Ça brasse aussi pas mal de thèmes - la perte de repères dans une Europe en pleine débandade. C'est aussi le plus noir, avec un thème peu abordé - que deviennent les méchants après une guerre? J'ai pensé à certaines ambiances de Berlin Alexanderplatz par moments. N/B impeccable, avec des inserts en couleur parfois déroutants mais finalement pas dégueu.

The Element of Crime, 1984
Epidemic, 1987
Europa, 1991

dimanche 23 novembre 2014

Ecran Total

Crimes of the future pourrait être une sorte de Minority Report avec des excroissances gluantes sur le torse, mais en fait non: c'est un truc que je n'ai pas bien pigé, une longue errance dans un complexe hospitalier (?) au son d'une voix off qu'on dirait déclamée par un finlandais dépressif. L'histoire d'une maladie qui tourne mal et tue toutes les femmes, avec des survivaants qui zonent de-ci, de-là, affligés par des trucs chelous (mal aux pieds, organes qui poussent, problème d'algorithmes de tri). Dans ce boxon immobile, un type cherche le responsable (son seigneur et maître) et tente d'aider les pauvres déboussolés à se remettre de la disparition du beau sexe, par une thérapie de choc qui consiste à trier des petites culottes dans différents sachets plastiques. On s'interroge sur l'efficacité du traitement, certes, mais on s'incline devant la possible utilité d'une telle pratique (la psychanalytrique?). Bref, tout ça est fort lent, parfois un peu vague et il ne nous reste qu'à inventer des petits jeux (noter tous les noms des instituts de recherche, tenter de définir le protocole d'hypnose du pied).

The Sacrament a au moins eu le mérite de m'apprendre quelque chose: le massacre de Jonestown (oui! LE Brian Jonestown Masacre!) est un truc réel, un méga suicide collectif qui a eu lieu dans les 70's quelque part dans entre la Guyane et le Venezuela. J'étais déjà tombée sur un reportage à ce sujet à la télévision croate - j'avais donc douté qu'un tel truc soit jamais arrivé. Hé bien oui: ici, on met en scène des reporters de Vice qui partent explorer une communauté new-age retranchée dans la forêt. Ça part plutôt bien, puis ça tourne au n'importe quoi: gourou en roue libre, chasse à l'homme dans les bois et suicide à base de granita. Pas cool. Avec un sujet pareil, ça aurait pu être un film gaiiii, mais c'est fait n'importe comment: le format faux-documentaire est une bonne idée, mais comme souvent, géré à la ouane (style des plans filmés par des caméras même quand le caméraman est en goguette dans les bois, des acteurs genre recalés du casting de Dawson, des moments d'intensité Actor's Studio du pauvre). Bon bref, c'est plutôt pourri - Gene Jones seul tire son épingle du jeu: qu'il est vilain, hou!

Enfin, deux films chopés au Pink Screen du Nova:

- Forbidden Love, une histoire d'un genre de pulp bien particulier: le lesbian pulp. Sous forme de documentaire, on parle surtout ici des femmes qui ont vécu leur coming-out à une époque pas forcément jouasse - les 60's et 70's. Le courant pulp est utilisé comme point d'entrée dans l'esprit de l'époque, et finalement pas vraiment analysé; il sert aussi de toile de fond, avec des petits interludes joués (type roman-photo) plus drôles qu'autre chose. Le parti pris est chouette, il reste au niveau du narratif, des histoires et des anecdotes, sans chercher à se constituer comme revendication ou comme critique frontale: pas de jugement, pas de forçage.

- Out in the night est un autre documentaire autour d'un fait divers des années 2000 sur une bande de lesbiennes qui savatent un mec qui les avait provoqué. Comme on peut s'y attendre, le truc tourne plutôt mal pour les filles, d'autant plus qu'elles ont l'indélicatesse d'être noires. L'idée est de faire la lumière sur ce qui s'est passé et de réhabiliter ces filles, de donner une voix à leur côté des faits. Si c'est une intention louable, le film ne décolle jamais du niveau du fait divers et c'est un peu dommage: on se retrouve avec un truc limite Pierre Bellemaere, avec images de caméra de surveillance à l'appui, retrouvailles à la sortie de prison sur fond de violons et autres. Il y a un million de débats qui sont effleurés sans jamais aller un chouia plus loin, au profit de longs plans fixes sur une salle de tribunal (genre?): l'homosexualité dans les banlieues en est un, et pas des moindres. Après l'objectif est atteint: on sait ce qui s'est passé, on peut difficilement résister au point de vue défendu par le film, mais on manque un peu de perspectives.

Crimes of the future, Cronenberg, 1970
The Sacrament, West, 2013
Forbidden love: the unashamed stories of lesbian lives, Fernie & Weissman, 1992
Out in the night, Doroshwalther, 2014

dimanche 16 novembre 2014


Raphael Saadiq- Go to Hell

samedi 15 novembre 2014

Zbogom Andergraund!

                       



Zbogom Andergraund - Adieu, Underground est le titre d'un texte (et d'un livre récemment consacré à) de Saša Marković, connu aussi sous le pseudo Mikrob. Formé à l'école de la résistance au régime serbe des années 90, il fait partie de ceux qui ont fait la culture underground de cette décennie. Mais que devient le milieu underground quand ce par opposition à quoi il se définit cesse d'exister, le coopte, voire le rachète purement et simplement?

Rentrée à Bruxelles après une longue absence, je retrouve une ville que je peine à reconnaître. Que le centre-ville se soit transformé en gigantesque parc à thème pour touristes, que les galeries de la reine ne soit plus qu'un immense magasin de chocolat immondes, que Les Postiers soit devenu une banque, passe encore: finalement, on parle d'une microscopique partie de Bruxelles. 

Là où je suis plus marrie, c'est concernant le paysage culturel qui s'offre à moi: sans avoir été une grande activiste dans ce domaine, j'avais le souvenir d'une ville avec encore une certaine énergie alternative, des lieux pas complètement vendus, des zones encore non-balisées. Et là je me demande où the fuck est cette ville? En 6 ans, le Recyclart est passé de Poni Hoax à des après-midi kids, le Magasin 4 se retrouve le long du canal dans un putain de hangar, et la Batellerie est redevenue une école.

D'un autre côté, les institutions culturelles subsidiées se la jouent genre jeune cool en se rebaptisant à coup de langage SMS et en organisant des soirées electro dans des salles de velours capitonnées. Tout ce qui reste de culturel semble être destiné à un public unique, qui a entre 25 et 45 ans, plutôt arty, relativement friqué, à prétentions intellos sans en faire trop, à la recherche de sensations qui ont été testées pour lui, et souvent affublé de fausses lunettes de nerd. Que ce public ne représentent qu'un millionième de la société bruxelloise, on s'en balance royalement, c'est à lui qu'on cherche à faire plaisir, lui qu'on veut caresser dans le sens du poil de peur de le voir fuir cette ville nouvellement devenue "trop cool".

Ce qui me trouble un peu, c'est qu'une partie de la population bruxelloise semble adhérer complètement à ce switch vers une culture ultra polie, bien gentille, politiquement correcte et de façon globale, multiculturelo-boulechite. Bruxelles me fait penser à une vieille pute qui connaît un regain de gloire sur le tard et qui le prend pour elle sans se rendre compte qu'on la fourre plus souvent tout simplement parce qu'elle est moins chère, à peu près abandonnée par son mac et hyper accessible en train. 

Alors quoi, Zbogom Andergraund? Non pas encore. Dans mon malheur, je me suis trouvée quelques coins dans lesquels on peut encore voir une nana enceinte jusqu'aux yeux taper sur un tom basse en calant des accords (?) de piano avec ses pieds le regard complètement perché en altitude, un sosie de William Dafoe faire de la musique post-punk-cowboy et une foule bigarrée de gens qui dansent en patins, qui causent en javanais et tentent de survivre dans cette putain de capitale ultra ripolinée qu'est devenue Bruxelles. 

Zbogom Andergraund, Saša Marković Mikrob, Remont, 2013.

mercredi 12 novembre 2014

Cataract City

"You want to know how Cataract Falls came to be?" he said. "America swept all its shit north, Canada swept all its shit south, and the dregs of the dregs  washed up in a string of diddly-ass border towns, of which Cataract City is undoubtedly the diddliest.

Je m'étais déjà étendue sur The Fighter et Rust and Bones qui malgré l'adaptation génocidaire d'Audiard reste une putain de claque; Cataract City, dernier opus de Davidson est à la fois une reprise et  un dépliement des deux bouquins précédents. 

Dépliement, parce que plutôt long et avec un projet plus large: raconter une histoire d'amitié entre deux garçons  à  travers une série d'étapes marquantes et reprise, parce que tous les thèmes qui sont déjà dans Rust and Bones sont dedans.

Du point de vue de l'écriture, ça donne quelques chose de moins concis que dans les nouvelles, de plus posé et détaillé, moins nerveux - quelque chose qui pointait déjà dans The Fighter, mais dont le rythme était préservé par le format dyptique qui oscillait d'une histoire à l'autre. Ici, même si le point de vue temporel est pris à différents niveaux - récit à postériori/récit imbriqué - ça reste plutôt classique comme ligne narrative, avec parfois des épisodes un peu longuets - le trip dans les bois, limite fatiguant. Bizarrement, ça fonctionne en fait bien: on s'étonne un peu au début du découpage cinématographique ultra lent, travaillé à plein de niveaux sensoriels différents et d'une putain d'abondance de détails - mais c'est quand qu'y cogne didon? - mais une fois installé dans le rythme et surtout dans le cadre qui essaie de toucher à ce qui est immense et immobile dans l'air, en fait, ça se tient du point de vue fond/forme.

On suit donc l'évolution de deux marmots dans une ville du bout du monde, comme les aime Davidson: à la frontière, à la lisière même du monde civilisé, dans une ambiance redneck pulp avec dans le désordre: des courses de lévriers, des combats de chiens, des match de box illégaux, de la contrebande de clopes et des histoires de testostérone qui tournent mal. C'est un peu ça qui pêche pour moi: un côté surabondance de thématiques chères à Davidson (et au genre gracieusement par moi défini) qui fonctionnerait bien dans un recueil de nouvelles, mais qui fait un peu beaucoup pour un seul héros - genre, il leur arrive TOUT ce qu'il peut leur arriver de pourri dans ce coin du monde. Ça et quelques trucs un peu clichés ( les amis d'enfance devenus frères ennemis parce que des deux côtés de la loi, de ce style)

L'idée de base est plutôt ambitieuse: c'est à la fois le roman d'une ville, l'histoire d'une amitié et un genre de roman de formation (+ un recueil de nouvelles pulp qui revient hanter les interlignes, peut-être bien malgré l'auteur, preuve qu'on ne part jamais bien loin de là d'où on vient). Pour un projet avec une ambition pareille, ça reste lisible et même prenant. Pour ceux qui avaient aimé le côté uppercut des l'écriture des premiers textes, ça risque d'être un peu déroutant au début, mais qu'on ne s'inquiète pas: la première scène de fight arrive à mi-parcours et réchauffe les pages parfois ardues d'une bonne giclée de tripes, de plaies ouvertes cautérisées à vif et de cartilages défoncés. Comme un bon feu dans une cheminée un soir d'hiver, haaaaaa.

dimanche 9 novembre 2014



Deerhunter- Dream Captain
Black Lips- Drive by Buddy
Dull Tools- Yonder is closer to the heart
Cloud Nothing- Now hear in
Perfect Pussy - Interference fits
St-Vincent- Psychopath
Best Coast- I don't know how
The War on Drugs- In reverse
Woods- Back to the stone
Timber Timbre- Grand Canyon
Tow Waits- Anywhere I lay my head
Sharon Jones- Stranger to my happiness
Hoagy Carmichael- Am I blue

vendredi 7 novembre 2014

Ecran total

Toujours à la recherche de l'ultime redneck survival, j'ai été conviée à voir Eaten alive (à ne pas confondre avec Eaten alive! dont on reparlera bientôt), un excellent Hooper qui nous montre un vieux texan déjanté et son crocodile pas très dandy pour le coup. C'est d'ailleurs la première fois que le synopsis d'IMDB me semble dire tout ce qu'il y a à dire: 
A psychotic redneck who owns a dilapidated hotel in rural East Texas kills various people who upset him or his business, and he feeds their bodies to a large crocodile that he keeps as a pet in the swamp beside his hotel.
Neville Brand qui est apparemment connu des amateurs de western est ici aussi une sorte de cowboy dont on chercherait encore à équilibrer le dosage médicamenteux - on ne comprend pas grand chose à sa diatribe ininterrompue, mais une chose est certaine, il aime pas beaucoup les gens. On a été scotché par la taille de ses dents - rêves fiévreux du mot "ratiches" s'ensuivant - et par le final plutôt cool: pour une fois, les nanas s'en tirent et seule la jambe de bois remplaçant une jambe déjà bouffée par ledit croco subsiste.

Toujours dans le style redneck, Straw Dogs est situé dans la campagne anglaise, mais pas moins pile dans le genre: dans une configuration "intello mou du genou VS bouseux ultra virils" avec une bonne au milieu, on voit Dustin Hoffman (franchement supportable) se transformer en Mc Gyver boucher domestique - et se rendre compte du kif après coup. Ouaih, tuer c'est frais! La première heure est un peu lente à certains égards, mais on peut pas non plus tailler dans le lard pendant une heure et demie sans interruption. Et cette mise en place reprend un certains nombre d'éléments qui font le genre: la rencontre initiale dans un bar, la convoitise de la femme du mou, la visite à l'Eglise, les intrusions discrètes mais finalement plutôt violentes: tout ça construit la dernière demi heure et donne d'ailleurs un côté plutôt surprenant (et bienvenu) à la débauche de tripes du final. Chose étrange: ici aussi,beaucoup de méga chicots chez les terreux: genre Darwin est pas passé par là.

The Brood est un film comme  je les aime: un peu de psychanayse délirante, des organes qui poussent sur les gens, et surtout des enfants maléfiques. Le principe est vraiment dément: une nouvelle thérapie révolutionnaire permet aux patients de donner une forme physique à leur haine - en général sous forme d'excroissances, de maladies et autre. Garantie "soma free", on peut se douter que ce genre de truc va mal tourner et donner des images pas miam. Entre un type qui se retrouve avec un cancer assorti d'un bon gros goitre protéiforme bien gore et une meuf qui  finit par donner naissance à des power ranger nains vengeurs 

trop badass les chiards.
qui tuent tout le monde, tout ça finit dans le sang et la douleur.  C'est une nouvelle façon de travailler le rapport entre organique et intellectuel qui me plait bien - ça change des machines en chair - et puis toute la pseudo-science et le discours autour de la thérapie psychoplasmique est vraiment géniale.

Eaten Alive, Hooper, 1977
Straw Dogs, Peckinpah, 1971
The Brood, Cronenberg, 1979

samedi 18 octobre 2014

Fins de mondes


Phase IV ressemble un peu au souvenir que j'ai d'Arachnophobia: surtout pour le coup de la tranchée remplie d'essence pour tenir les araignées à distance - truc qui ne fonctionne de nouveau pas, comme quoi. Ici, il s'agit de fourmis et pas d'araignées. Comme très souvent dans la mise en place de projets scientifiques, quelqu'un se dit quelque part qu'il serait utile d'étudier des fourmis parce qu'elles commencent à devenir hostiles. C'est plutôt vague, mais ça suffit visiblement à caler deux types sous un dôme en plexi en plein désert pour un temps indéterminé. 


On découvre alors que les fourmis, en plus d'être méga organisées, communiquent et se préparent à envahir la terre - comme on le soupçonnait depuis le début. La phase IV n'arrive jamais - c'est le soleil couchant incandescent du dernier plan qui fait dans la métaphore bien lourde et le crépuscule de la race humaine. Tout le film est plutôt concentré sur le mode deux-scientifiques-sont-sous-un-abri-en-plastique-dans-le-désert-sans-air-co, qui reste? Une petiote rescapée d'une opération fulmigination (?) vient apporter un peu de distraction - mais ne sert absolument à rien dans l'économie générale.  Pour le reste, c'est plutôt bien fait: beau vaisseau spatial/labo, 

quelques questions existentielles nietzschénnes light ("faut-il continuer au péril des êtres humains qui peuplent ces terres pour le bien de la science") et des fourmis qui finissent par faire des trous dans la peau: la classe!


The music room raconte la fin du monde à l'échelle micro: celle d'une vie humaine. Un propriétaire terrien (ou un suzerain, dans le genre) bengali dilapide sa fortune dans des concerts de musique privés qui sont certes un tentative de maintien des apparences, aussi une passion qui prend le dessus sur le reste. Comme beaucoup avant lui, son amour du bon son va le ruiner: bijoux de famille vendus, famille à la dérive jusqu'au coup final porté par le naufrage des siens.La fin de son monde est aussi la fin d'un monde, celui d'une certaine organisation de la société, d'un certain état des choses traditionnel - il finira par brûler ses dernières cartouches et filer à poney parcourir une terre à moitié désolée que d'autres arpentent à présent en voitures pétaradant. Les longues scènes de concert sont faites avec pas mal de goût, évitant le folklorique condescendant et le statisme, disséminant ça et là des gestes minuscules, des réactions qui font avancer l'histoire en fond.

Toujours dans la musqiue, Dong - The hole se passe lui après la fin du monde - ou presque. Dans une ville abandonnée par ses habitants en pleine épidémie de fièvre du cafard - littéralement: les malades touchés se mettent à avoir peur de la lumière et cherchent les coins sombres et humides - deux voisins se rencontrent par l'intermédiaire du trou dans le plafond qui relie leurs appartement. Pas vraiment d'histoire, pas de dialogues, un bruit de pluie constant limite irritant, l'humidité qui augmente, dans l'appartement du dessous et une femme qui finit par se terrer sous ses couvertures: tout ça n'est pas bien gai. C'est alors que pour une raison inexpliquée, des courtes séquences de cabaret sont intercalées: tout de paillettes vêtus, montés sur des talons vertigineux, les personnages investissent les coursives de leur bloc, les escaliers du marché couvert, les ascenseurs pour des reprises de Grace Chang, actrice/chanteuse chinoise des années 50. C'est ultra bien fait avec des jeux architecturaux géniaux, une ambiance karaoké apocalyptique démente et un final qu'il est trop chou.


 

Phase IV, Bass, 1974
The music room, Banerjee, 1958
Dong, Tsai, 1998.

dimanche 12 octobre 2014

Ecran total

Comment me suis-je retrouvée à regarder ce film, très bonne question: Gun Crazy semble pourtant être sur toutes les lèvres. Une histoire d'amour avec des flingues et un couple de braqueurs en cavale - rien de nouveau. Mais il y a un petit charme qui fait tout: notre gentil héros, dont il est dit depuis le début qu'il tue parfois, mais seulement des "choses", va se retrouver, après avoir été séduit par une hétaïre qui manipule la crosse aussi bien que Dolto un symbole phallique, marié sans vraiment avoir eu son mot à dire. Ici, notons la scène de  demande en mariage la plus romantique de l'histoire du cinéma: "heu dis chou, tu t'arrêteras bien au prochain bled pour qu'on trouve un officiel" " un officiel, mais pourquoi donc?" "Bah c'est quand même pas un barman qui va nous marier" "ah donc ça veut dire que..." "oui, je le veux" qui finit d'ailleurs dans un cadre dont toute femme comme il faut rêve:

                              

La classe. Mais c'est sans compter sur cette gourgandine, qui n'est pas qu'une bonne tireuse: elle est aussi méchante comme une teigne et va, avec ses beaux zet longs cils entraîner son cher et tendre toujours plus loin dans le crime, rhaaa - comme le dit le titre: deadly is the woman, mouahaha.

The Wicker Man parle aussi de gens cinglés, mais en plus vintage: le pauvre policier qui se retrouve à enquêter sur une disparition - qui n'en est pas vraiment une, spoiler - voit tout son précieux catéchisme foulé aux pieds par des hordes de hippies qui mangent des pommes et se déguisent en animaux à la pleine lune. On retrouve le bon vieux débat super catho VS païen où le païen est finalement le moins vilain (or is it?) et plein de vieux clichés sur les rites tribaux - danse à poil autour du feu, menhir à la Stonehenge, femmes super chaudasses dont le pouvoir d’ensorcellement traverse les murs (scène intéressante featuring la meuf à Rod Steward) et moralité sur le déclin de façon globale. Parfois un peu lent et certains se sont plaints du manque de meurtre. 

Une soirée Z consacrée aux films punk - voilà qui est bien trouvé. Le premier échantillon, Class of 1984 est plutôt réussi, même si au final pas très punk - c'est l'ordre établi qui gagne- et se sert surtout du prétexte pour confirmer que la Thatcher avait bien raison de fourrer tous ces dévergondés en prison. La situation de départ est intéressante: un lycée dans lequel toute forme d'autorité a disparu au profit d'une punkisation généralisée des élèves qui refusent de jouer en rythme dans l'orchestre et qui portent des jupes bien trop courtes. Entre un jeune prof idéaliste, qui croit changer les choses et rentre en conflit avec le noyau dur. A partir de là, ça pourrait tourner au psychodrame écrit par Bégueaudeau, heureusement, ça part bien en vrille. Entre un vieux qui finit par perdre la boule et donner cours un flingue à la main (mon rêve secret) avant de foncer sur les mioches en bagnole (encore mieux) et une dernière demi-heure en mode "rape and revenge", il y a suffisamment de sang et un happyend qui laisse présager le meilleur pour l'avenir de l'éducation américaine. 

Liquid Sky est visiblement un film culte: je vois bien pourquoi, mais reste qu'il faut une certaine dose de second degré/d'alcool  pour encaisser la chose. Le pitch est pourtant super sexy: des aliens qui se nourrissent d'une hormone produite par le métabolisme à la suite d'un fix d'héroïne se posent sur le toit de l'appart d'une lesbienne-mannequin en pleine crise de bowisation aigue. C'est bien vu, y a toujours plein de drogués chez elle. Mais subtils, les aliens ont capté que ladite substance est également produite lors de l'orgasme. Comme notre wannabe warhol se fait sauter par tout et n'importe quoi, ça tombe bien. C'est là que ça se corse, puisque chaque personne qui jouit dans un certain rayon des aliens est immédiatement absorbé et disparaît. La maligne comprend alors qu'il lui suffit de se faire sauter par ses pires ennemis pour les liquider fissa. Exposé comme ça, c'est un peu limite. Mais c'est sans compter sur l'ambiance performance 80's avec musique inspirée (Me and my rythm box), costumes à épaulettes géantes et maquillages délirants. Le statut culte n'est donc pas volé. On mentionnera aussi le génie du traducteur qui a traduit "alien" par "étranger" donnant un sens métaphorico-politique vachement complexe (et probablement sans aucun sens whatsoever). 

Gun Crazy, Lewis, 1950.
The wicker man, Hardy, 1973
Liquid Sky, Tsukerman, 1982
Class of 1984, Lester, 1982

samedi 11 octobre 2014

Redneck pulp

Ça fait un moment que je me plains de la mievreté de la littérature française: pas le début d'une idée, pas la moindre prise de risque stylistique et même pas une bonne scène d'énucléation pour racheter le tout. Faut dire que je ne m'y intéresse plus vraiment depuis un moment - tant qu'à se faire chier à relire le centième récit d'un quadra en déroute sexuelle perdu entre la rive gauche et le Marais, autant relire Proust. 

Un ensemble de livres vient d'ailleurs de me confirmer qu'il ne sert à rien de s'échiner et qu'il faut plutôt se tourner du côté des States pour assouvir ce genre de pulsion littéraire: un style, plutôt vague et uniquement par moi défini, qu'on pourrait désigner par le terme "redneck pulp" vient donner une grande mandale à la littérature avec des majuscules à fioritures de vieilles rombière. Pulp parce que ça ne cherche pas à faire des grandes épopées, des fresques melviliennes et que ça n'a pas la prétention méta-intellectuelle d'un Pynchon ou la débauche maniaco-dépréssive d'un Wallace, et puis redneck, parce que ça parle de cet immense territoire coincé entre New-York et Los Angeles qu'on appelle America ( je cite ici Ned Flanders). Il est difficile de classer ces trois recueils qui ne sont probablement que la partie émergée d'un iceberg d'histoires bourrées de pick-up rouillés et de labo de meth dans les champs: je les ai rangés du plus crade au plus clean, ça peut toujours servir.

C'est dans ma quête du southern gothic que je suis tombée sur Crimes in Southern Indiana, premier recueil de Frank Bill, qui tient aussi une house of grit. On voit le genre. La série de nouvelles tourne autour du même territoire - qui n'est d'ailleurs pas à proprement parler le Sud - mais qui est suffisamment paumé pour donner une idée du non-lieu qu'il représente sur la carte du monde. Le truc s'ouvre sur un deal qui tourne mal: dans le texte, ça donne un truc parfois limite compréhensible niveau vocabulaire, avec une vague idée de cerveau qui explose, de têtes arrachées et d'une espèce de nonchalance très Americana post-Malick ( en plus dégueu). Le reste est à l'avenant: chacun à sa façon et chacun avec son drame - l'alcoolo qui vend sa petite fille pour payer les médocs de sa femme, des types à la chasse au cerf explosés sur le bord de la route, des fantômes planqués dans les bois qui survivent à coup d'amphétes diluées dans le bourbon et une odeur d'eau de Javel dans l'air.  On pourrait penser que c'est répétitif: ça l'est: les histoires se recoupent, se font écho et finalement, c'est un peu toujours la même misère, les mêmes pick-up et la même matière grise étalée sur le pare-brise. Mais c'est un peu ça le principe: une collection de vies ratées exposées à cru sans chercher à faire joli et encore moins à faire sens. Du point de vue de la langue, ça grince, ça jargouine, ça bouffe ses mots et ça se déchire quelque part au niveau du cortex. Le lecteur avisé ne s'aventurera d'ailleurs pas sans une documentation à l'avenant à portée de main.

Knockemstiff est un degré en-dessous dans la crasse: un espace géographique limité à une seule ville - y'a même un plan!- peuplée de mi-consanguins, mi-tarés toujours en mode amphéte/bourbon/vieilles bagnoles poussiéreuses et dinner blafards à 4 heure du. Mais là, y'a des trucs plus drôles, des histoires parfois mignonnes, comme cette histoire d'amour complètement malentendue entre un ex-toxico et une fille qui planque des fish-stick dans son sac à main, ou celle du bodybuilder fou qui se suicide à coup de poses sur le bord de la route par moins 15. Plus dans un esprit "fuck it" et au-delà du bien, du mal et du taux limite d’alcoolémie, on a parfois un peu envie de gerber, mais tous ces types nous font plus rire que pitié, comme le héros de Bactine: " I found myself wishing I had a loved one who would die and leave me their barbiturates, but I couldn't think of anyone who'd ever loved me that much. My uncle had already already promised his to the mail lady". Genre miiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiignon ou quoi?

Enfin, Animal rights and Pornography, de Miller est peut-être le plus difficile à qualifier. Certes, il commence sur ces mots; 
In a large and ancient family farmhouse at the edge of civilization, the mother caught in a routine of cleaning and cooking, has long since become distant from the father, and he begins to fuck the only daughter. Eventually, the oldest son notes this and, half out of a sense of hunger and half out of a sens of wanting to possess and protect the girl, he begins to fuck her too. Taking part in a kind of silent power  struggle, the father begins to fuck the oldest son in his ass. They go around like that for some time. 
Alors oui, c'est du pulp, parce qu'un ensemble d'histoires à deux balles, de tranches de vies oubliées dans le bac à légume d'un frigo éteint pendant les vacances, et c'est peuplé de gens complètement ravagés, entre consanguins, bouffeurs de clebs, stripteaseuses, et de bébés qui s'appellent juste Bébé. Mais en même temps, il n'y a pas de critères géographiques qui jouent: c'est partout et nulle part en même temps. Pas d'ancrage dans l'espace ni dans le temps d'ailleurs. En fait, ce qui fait la qualité du livre, loin au-dessus des deux autres du point de vue style, c'est le côté ultra minimaliste, propre, immaculé, concis et précis comme un méga-silencieux sur un putain de flingue puissant. En toute délicatesse, Miller te raconte les pires histoires du monde, les trucs les plus atroces, que même quand ils commencent bien, tu sens le truc venir et tu te mets à chouiner à l'intérieur parce que t'aimerais bien que ça parte pas par-là putain mais au fond, c'est pour ça que c'est bon: au final, c'est là qu'on veut aller, même si c'est pas très avouable.  

Crimes in Southern Indiana, Frank Bill (2011)
Knockemstiff, Donald Ray Pollock (2009)
Animal rights and Pornography, J. Eric Miller ( 2004)

dimanche 28 septembre 2014

mardi 16 septembre 2014

Ecran total

Toujours en vrac et dans le désordre:

J'avais adoré Une ordure, que j'ai lu en français. L'adaptation rend justice à l'ambiance crado-écossaise de Welsh et au caractère de gros pourri de Bruce, une bonne ordure de flic aux dents longues et au nez tout poudré. Filmé comme une bonne blague mi-hallucinatoire, mi-clip de Blur, il manque quand même quelques éléments du bouquin qui étaient justement ceux que j'espérais secrètement voir à l'écran: le vers solitaire géant qui habite l'intestin de Bruce n'aurait-il pas pu être une grosse masse informe, entre le pudding radioactif et le phallus cronenbergien? Au lieu de ça, on des séquences bof avec un médecin fou et un vers sur du papier. Autre tic: les masques d'animaux. Genre, c'est en train de devenir un truc. Par contre, et même si j'ai relativement honte, j'ai eu un moment d'émoi quasi sexuel en réentendant ça. La dure vie des coursier DHL polonais.

Plus classieux niveau BO (Screamin Jay Hawkins!) mais moins fun dans l'ensemble est Stranger than paradise. Alors on a compris que c'est une sorte de non-film - y se passe rien, les gens vont et viennent sans jamais aller nulle part, à base de malentendus et de quiproquos qui ne finissent pas toujours bien - un aller simple pour Budapest par exemple, pour notre pauvre héros qu'a même pas pris sa petite laine. Un humour genre du coin des lèvres, une nonchalance bien 80's et des beaux chapeaux.

Boyhood est un concept plutôt qu'un film: l'idée de filmer sur une dizaine d'années les mêmes acteurs relève d'un certain tour de force et d'une conception du temps qui manque un peu aujourd'hui. C'est vraiment bien foutu et pas du tout longuet, vachement bien écrit et joliment joué. L'évolution est surprenante et le manque de scansions temporelles claires ( type " un an après", " six mois plus tard") rend les choses encore plus intéressante puisqu'on ne peut qu'évaluer à vue de nez combien de temps s'est écoulé entre deux séquences. Par contre, c'est plutôt moche du point de vue image - ça ressemble un peu à un film de famille, mais du coup, ça pourrait tout aussi bien fonctionner dans le genre anti-esthétique. La question à deux balles: Ethan Hawk a l'air d'être lié par un contrat bizarre à Linklater - genre pour les 15 prochaines années, ta vie m'appartient, hahaha. Alors, contrat juteux, obsession bizarre ou IOU sataniste? Mystère.

The Secret s'appelle en fait The Tall Man - pour qu'on soit sur de rien piger. Jessica Biel ne ressemble pas beaucoup à elle-même, sauf avec du sang barbouillé partout et les pantoufles dans la gadoue. Le scénario est intéressant, avec parfois un peu beaucoup de rebondissements complexes et fouillés à la fois - je fus confuse. L'ambiance générale entre Russel Banks et The Killing est impeccable, avec des types à casquettes et des pick-ups plein de chiens méchants. Northern comfort? Pour ce qui est du twist final - le business model présenté gagnerait à être examiné par le prochain gouvernement: quid d'une vaste action "Toi aussi, adopte un chômeur wallon!" à l'intention des familles flamandes tendance CDH en mal d'humanitaire?

Filth, Baird, 2013
Stranger than paradise, Jarmusch, 1985
Boyhood, Linklater,2014
The Tall Man, Laugier, 2012

mercredi 10 septembre 2014

Fin(s) de mondes

J’ai récemment entamé un cycle tiré des dernière journées cinématographiques dionysiennes (ha que j’aime cette appellation) autour du thème Fins de Mondes. Comme je ne regarde pas les films dans l’ordre, il y aura probablement un sens final qui m’échappera toujours, mais c’est inconsciemment le but. Ceux que j’ai déjà regardés m’ont cependant bien réjouie.

Dreams raconte 8 rêves de Kurosawa – on ne peut plus simple comme concept. Dans l’ensemble, ça tourne autour de l’idée d’une race humaine qui court à sa propre perte, d’une civilisation qui va finir paumée sur un volcan, perdue dans la montagne, abandonnée sur un rivage radioactif, mais quelques visions résistent et distillent une sorte de couleur plus douce. Une procession de mariage de renards entre aperçue dans la forêt par un petit garçon, un peintre errant dans les toiles de Van Gogh et une procession de funérailles avec des gens qui sautent bizarrement. Je ne suis pas trop convaincue par le visuel onirique de tout ceci qui reste très narratif et perd parfois la force de simultanéité des rêves dans leur état pré-narratif, enchevêtré. Mais ça ressemble plus à des contes en forme d’adieu, de testament peut-être.

Body snatchers demande à ce que je voie toutes les autres versions histoire de pouvoir faire un comparatif, mais j’ai vu celui de Ferrara et il me semble aussi bon qu’un autre. J’aime l’idée que les gens soient  peu à peu remplacés par des robots sans sentiments : dommage qu’on ne pose jamais la question de pourquoi c’est si dramatique. Ici, c’est encore plus beau, parce qu’on ne voit pas trop où ça va : qui veut prendre quoi en otage et pourquoi ? Il y a un côté gratuit plutôt drôle. L’idée qu’on puisse repérer les gentils à ce qu’ils sont tellement préoccupés par les autres qu’ils se font direct choper me fait bien rire : zont qu’a apprendre à encaisser un peu. When the goings get tough, the tough get going après tout.

The King of New-York est lui aussi vraiment réussi – dans la veine des types tout seuls maudits qui finissent en bouillie sur le trottoir. Autant Dafoe dans Go Go tales est super touchant, autant Keitel est atroce dans Bad Lieutenant, autant Glover est indéfinissable ici : il est smooth, mais alors délié et souple comme un crooner aux poumons de velours. J’ai évidemment tout de suite eu la nostalgie de ceci mais j’ai aussi été surprise par tout le contexte musicale de l’émergence du hip-hop et du travail sur l’ambiance coupes afro carrées, épaulettes démesurée et du Schooly D en fond sonore.

Et finalement, The Addiction, toujours du même,  une jolie histoire en N/B sur la dépendance mais aussi sur NY de ces années-là, des bas-fonds d’une ville qui semble avoir un peu disparu d’ailleurs, avec des back alley pleines de types en imper qui mordent le cou des jeunes thésardes en quête de nietzschéisme sanguinolent. L’idée que les vampires écrivent de meilleures thèses que les autres ne m’est pas inconnue et c’est une piste qu’il faudrait penser  à considérer avant toute autre. Beaucoup de gens qui chuchotent ici encore – plus les héros sont puissants, plus ils parlent bas. Ceux qui chouinent le font haut et fort par contre. Intéressant quoique cryptique.

Yume, Kurosawa, 1990.
Body Snatchers, Ferrara, 1993.
The King of New-York, Ferrara, 1990

The Addiction, Ferrara, 1995

mardi 9 septembre 2014

Ecran total

Sans vraiment de tentative de trouver un principe unifiant aux quelques films intéressant vus récemment et dans le désordre :

Freaks, bleuette intéressante de Browning,  qui n’est pas loin d’une comédie de remariage telle que la qualifie Cavell, mais dont l’intérêt est évidemment ailleurs que dans la narration. Une longue exergue en amont du film tente de justifier le choix du réalisateur de montrer l’univers de freaks de cirque (« y sont comme nous mais tout le monde l’est méchant avec eux ») mais plus elle dure, plus elle finit par créer un effet inverse : on s’attend alors à voir un truc franchement dégueulasse, des types avec des bras à la place des pieds et le tout dans une lumière digne et documentaliste. Hum. C’est sans compter que c’est produit par la Metro et que ça reste donc un bon film des familles. Les freaks sont bien sur pas bien jolis (on s’est posé la question de la viabilité de certains amputés, tellement rabotés qu’on se demande bien comment ça marche) mais restent dans l’ensemble plutôt sympas, souvent joviaux, et relativement débrouillards. La mise en scène d’une tromperie amoureuse sur le thème de la bonne qui se chope un nain pour récupérer son fric (genre inédit) ne fait pas oublier les longues séquences fascinées dénuées de tout projet artistique autre que de montrer comment un type sans bras ni jambes arrive à s’allumer une clope. On est bien évidemment impressionnés, mais alors pourquoi ce besoin d’invoquer l’injustice humaine faite aux bêtes de cirques quand elles sont finalement l’objet a du film ?  On parle aussi de ce film comme pré-lynchéen. Enfin, à cette allure là, Bosch l’est aussi, alors bon, hein.

The East raconte une histoire inconnue – est-elle bien crédible ?- celle d’une agent secrète privée qui traque des terroristes écologistes pour le compte de grandes sociétés américaines qui foutent du pétrole dans nos pâtes intégrales. Après moults squattages dans des maisons en cartons, des bains collectifs dans la rivière et des longue soirées tricotage de pull en poils de barbe rousse, elle finit bien sur par (spoiler alert) aimer ses ravisseurs (surtout le grand et poilu Skarsgard, qui décidément sait tout faire, y compris sauter ses nouvelles recrues dans les bois (sans les mains ! ouh !)). Bon, c’est un sujet inédit, plutôt pas mal branlé : pas vraiment d’envergure dans le questionnement moral sous-jacent, des images pas mal dans le genre univers industriel postapocalyptique VS la nature et les petits oiseaux et un rythme pas mal mené.

Je confonds Crash de Cronenberg avec au moins un million d’autres films, du coup j’ai encore du mal à croire que le film que j’ai vu est bien celui qui est le bon. Il y a bien des trucs familiers – le rapport organique/machine, les cicatrices équivoques, les morceaux de ferraille dans tous les sens et des acteurs qu’on dirait qu’on les connaît mais sans jamais savoir si c’est eux (ou leur jumeau canadien maléfique). Pour le reste, c’est plutôt étonnant : les clés du film sont données assez vite (le sexe/la mort/les bagnoles, le tout pris dans une certaine forme d’esthétisation fascinante créée par la société du spectacle) mais les scènes de cul durent étonnamment longtemps – genre constituent probablement 75% du film. A posteriori, ça fait plutôt sens, puisque l’accumulation et l’insistance vont vers une montée graduelle de la violence, mais ça peut interloquer au départ. Ça reste plutôt sexy cela dit – contrairement au reste de la filmo qui fait parfois un peu dégueu.

Freaks, Browning, 1932
The East, Batmanglij, 2013

Crash, Cronenberg, 1996.

mardi 12 août 2014

Na putu

To M.

Slovenija, 2014

lundi 11 août 2014

True Detective


Puisqu'on a certainement déjà tout dit à propos de cette série, je vais me joindre au concert des gens qui chouine leur mère sur cette série, sans vrai souci d'en dire quelque chose de mieux ou de plus malin. Trois choses seulement:

- le personnage de flic super freak, en général en tandem avec un type plutôt normal. Le frlic (frleak?) correspond à un type qu'on voit pas mal dans ces séries policières à ambiance grinçante un peu glauque: Linden dans The Killing, Cross dans The Bridge plus plein d'autres que je zappe. En général, le frlic est méga intelligent, possède une sorte d'intuition un poil zarbi, parle à ses mains et découvre des trucs que personne d'autre il peut les comprendre. Du coup, il est souvent tout seul, n'a pas vraiment de famille, s'habille comme un plouc et est pour ainsi dire légèrement autiste. Ici, on est en plein dedans, avec un petit truc en plus qui fait que. 

- le bayou et le Sud en général: déjà mentionné précédemment, le Sud fascine pour tout un tas de raisons: c'est un réservoirs à redneck et hillbillies en tout genre, c'est un peu le petit secret dégueu des USA, le truc qu'on range sous le tapis et qu'on préfère pas trop montrer aux visiteurs. Mais le bayou génère en plus une certaine fascination, qui joue à plein ici parce qu'il fonctionne à la marge à différents points de vue. Du point de vue géographique parce qu'il est aux confins d'une terre à moitié immergée, toujours à moitié en train de disparaître; du point de vue social, parce qu'il concentre une population plus ou moins livrée à elle-même (en tout cas dans l'image qu'on en donne) à la marge d'une société américaine au sourire bright; du point de vue anthropologique, parce qu'il semble concentrer et mêler des croyances de tous bords en un joyeux bordel vaudou pagano-chrétien de l'extrême. Ici, la marginalité est clairement le sujet: les longs plans aériens sur les swamps, les images immobiles de caravanes posées sur des cailloux au milieu de nulle part, les arbres à moitié crevés, des communautés en pure décomposition qui végètent sur le bord de routes abandonnées et une logique spirituelle à la limite même d'une spiritualité "moderne".



- Le personnage de Cohle enfin, écrit par un putain de Schopenauerien en pleine décompensation heidegérienne, qui fout un coup de mou à tous les personnages de flics cyniques jamais écrits. Beaucoup de gens sont étonnés par la prestation de McConaughey, mais ceux qui l'ont vu dans Joe connaissent déjà son bon vieil accent traînant qui pue le bourbon. Là où c'est radical ici, c'est qu'il ne plie jamais vraiment, sauf peut-être à la fin (moment moyennement validé par moi). Les personnages de grands cyniques ne sont en général supportés que pour deux raisons: ils font avancer les choses, parce que souvent les plus finauds et ils sont en fait humains (le fameux moment-où-on-comprend-qu'en-fait-il-a-trop-souffert-mais-dans-le-fond-il-aime-aussi-les-lolcats). Ici, ce moment arrive vraiment in extremis- est-ce que ce serait un petit manque de couilles au niveau de l'écriture? Je trouve que. Mais pour le reste, le personnage est écrit comme un pur cynique qui finalement dit un certain nombre de choses avec lequel on peut difficilement ne pas être d'accord. Ce qui est plutôt drôle, c'est que pour qu'un personnage pareil puisse exister à la télé aujourd'hui, il doive automatiquement être un type complètement barré, un peu comme si c'était inconcevable qu'une personne normale tienne ce genre de discours. Pour ma part, je suis assez d'accord avec ce qu'il dit, et je ne vois pas encore de trucs dans le ciel quand je réfléchis trop. Ça renvoie d'ailleurs à un truc qu'il dit lui-même sur le besoin d'intégrer une expérience à une narration rassurante (autour du deuxième ou troisième épisode). De là à dire qu'il y à auto-méta référence infratextuelle, bah on va laisser ça aux dérridéens bretons. Mais ça en dit quand même long sur l'aveuglement de l'époque actuelle à considérer les choses comme elles le sont et cette putain d'obligation du bonheur qui finira par rendre fou pas mal de gens.

Voilà trois bonnes raisons de regarder ça. Y'en a plein d'autres aussi et probablement une masses de commentaires plus intelligents à faire sur la métaphysique de Cohle, mais ça me semble suffisant.

samedi 2 août 2014

Southern Comfort

Je suis récemment tombée sur une série d’œuvres en rapport avec le Dirty South qui m'ont pas mal fait réfléchir quant aux raisons de cette fascination pour cet espace fait de vieux types chelous, de pick-up poussiéreux et de trailerparks. 

Il existe un terme qui se rapporte à ce genre: le Southern Gothic. Si ça caractérise un genre litéraire plutôt typé et daté, on pourrait étendre le terme et y attacher pas mal d'autres œuvres. Dison en gros qu'il s'agit d'un univers situé dans le Sud des USA, dans des milieux souvent plutôt ruraux ou peu urbanisé, peuplés des gens à la ramasse: difficile ici de déterminer ce qui relève du white-trash, du redneck et du hillbilly - je crois commencer à comprendre, mais ça fera l'objet d'un autre article. Ce qui est sur, c'est qu'ils sont tous pas bien malins, survivent aux franges d'une société à moitié livrée à elle-même - ce qui reflète plus ou moins bien la situation économico-sociale du Sud - ultraviolente et fonctionnant avec des codes pas loin du primitivisme. S'y mélangent un fatras de thématiques difficiles à démêler les unes des autres: racisme supposément atavique du Sud, influence de cultures paiennes/vaudoues, bonne vieille obsession américaine pour la religion en général, le tout pris dans une polarisation Nord/Sud qui fait de l'un le con de l'autre.

Le film parangonique est probablement Deliverance. Redneck contre gens normaux, dans un univers naturel que ces derniers maîtrisent peu, consanguinisme et violence sexuelle, tout y est. De façon intéressante, on retrouve quelque chose de similaire à Southern Comfort, qui part du même principe (des soldats en exercices se frottent à des cajuns pas mignons qui les chassent dans un marécage tentaculaire): à chaque fois, le groupe de gentils incriminés n'est en fait pas tellement sympa. Ils l'ont u peu cherché quoi. On pourrait s'attendre à ce que les forces mises en présence soient diamétralement opposées (style un hipster de Portland se perd dans l'Alabama profonde), mais en fait non. Puisque je doute que ces deux films aient une quelconque ambition politico-éducative (style: "regardez-les avec leurs enfants à trois doigts nourris au moonshine, sont pö si méchants"), c'est intéressant à relever. 

Après il y a les films avec des gentils sauvages, comme Beast of the Southern Wild. On pourrait arguer que c'est un peu facile de transformer une région-cloaque abandonnée par la société en une sorte de phalanstère en cabanes de bois, mais c'est un des rares films que j'ai vu sur le Sud qui en donne une vision positive.

Il y a aussi des films à dimension sociale (on va dire), des tranches de vie qui tournent autour de personnages en général foutus depuis le début, qui tentent péniblement de s'en sortir. Faciles à reconnaître, ces films cumulent en général un certains nombres d'éléments: chemise de flanelle, chien méga violent, caravane/vieille ferme à moitié abandonnée, père absent/mère alcoolique, maisons de passe clandestine, gros DMC plein de vieilles flasques de bourbon et  fusil à canon scié sur le siège passager. Entre le cirque de freak et la chronique sociale, on a parfois un peu du mal à faire la part des choses. Winter's bone est un bon exemple de cette tendance, ou plus récemment vu, Joe, (un peu comme Killer Joe, mais dans une plus jolie caravane) avec un Nicolas Cage tout en barbe de cinéma d'auteur qui finit par balancer un vieux père alcoolique par-dessus eul'pont. Cela dit, on peut se poser ici la question de ce que recouvre ce genre: si Joe correspond bien à ce type de film sur l'Amérique profonde, violente et à moitié demeurée qu'on retrouve souvent dans le Southern Gothic, ça pourrait être n'importe quel redneck, de n'importe quelle godforsaken town du fin fond du Midwest. A cet égard, l'excellent recueil de nouvelles de Frank Bill, Crimes in Southern Indiana laisse rêveur face à son avalanche de bouseux qui cuisinent de la méthamphétamine dans leur jardin entre deux partie de chasse au raton. Pourtant, on est pas vraiment dans le Sud.

Parce que dans le Sud, il y a ces visions marécageuses, ces images d'une terre à moitié désolée, aux arbres pétrifiés dont les racine plongées dans la fange et les silhouettes fantomatiques donnent un air presque tarkosvkien au paysage. Le Sud, c'est pas du soleil sur ta peau et du vent dans tes cheveux: il y a une inertie dans l'air, une pesanteur de l'atmosphère, un ciel bas, humide, des tonalités  gris/brun et des étendues d'eau boueuse qui croupissent dans une attente immobile. True Detective quoi.

mardi 15 juillet 2014

Ecran total

Quelques films à chapeaux de cowboy, tous dans des styles plutôt différents:

- Nashville est un film choral d'Altman qui tourne autour de la métropole musicale et de ses multiples visiteurs. On suit en parallèle une star de la country en pleine décompensation, qui rechigne sur son lit d’hôpital en voyant sa rivale triompher à sa place, un vieux chanteur tout en dents, une journaliste de la BBC qui se prend pour Louis Malle dans un dépôt de bus scolaires abandonnés, un jeune beau qui écrit des chansons pour une femme/toutes les femmes et surtout des wannabe chanteuses qui gravitent autour de tout ça en satellite un peu orbité, sur le bord de la route, embarquée en stripteaseuse malgré elle ou planquée dans les coulisses. Ça fait beaucoup, mais finalement, ça tient deux heures trente sans qu'on s'en aperçoive. Il y a beaucoup de musique, fatalement, qui donnent envie même si parfois un peu kitsch, beaucoup de bruits en même temps, un bordel parfois difficile à démêler. On retrouve plein d'images obsessionnelles d'une Amérique sur le déclin: des guirlandes, des flonflons, des majorettes à sourires brites.

- Walk Hard, c'est plutôt une blague, puisque c'est une parodie de biopic autour de Johnny Cash qui lui fait traverser plus ou moins toute l'histoire du rock'n'roll américain. Plein de gimmick qui reviennent, un certain nombre de têtes vues ailleurs - Wiig, en fiancée de 12 ans et Jack White en Elvis sous amphète- et des chansons.... finalement pas SI mauvaises. 

- Zabriskie Point est un film méta-américain. Sur fond de contestation étudiante des 70's, Antonioni met en scène un espace imaginaire américain ultra fantasmé, qui mêle des visions du sud profond, des images de l'Ouest sauvage et l'évocation du cauchemar urbain des mégalopoles.



Le film tente de répondre à la question " Comment devient-on révolutionnaire". La réponse est ici simple - il suffit de coucher avec un révolutionnaire. Si Marx y avait pensé, la révolution aurait probablement eu lieu plus tôt. Les deux longues séquences autour des événement centraux -le sexe et l'attentat- semblent en tout cas pointer dans cette direction via une démultiplication qui est étonnamment chiante pour le sexe et plutôt génialissime pour l'attentat, via des explosions en série qui envoient voler le contenu de réfrigérateurs pleins - on voit même un homard en apesanteur. Splendides images du désert, sorte de western moderne en mode Malick et surtout une bande-son carrément cool.


Nashville, Altman, 1975
Walk Hard, Kasdan, 2007
Zabriskie Point, Antonioni, 1970.


vendredi 20 juin 2014

Basement


Apparat- A bang in the void

jeudi 19 juin 2014

Only lovers left alive (2013)

Je n'ai commencé à apprécier Jarmusch que très récemment: j'avais vaguement vu ses derniers films sans y trouver rien de particulier, si ce n'est Bill Murray dans tous ses états. Only lovers left alive m'a vraiment scotchée - après la claque de Limits of control - et je commence à percevoir un peu mieux où ça se situe.

Jarmusch fait passer une bonne partie de son film dans sa bande-son. Sans non plus aller dans l'extrême d'une sorte de narration clipée ou dans de l'expérimental industrielo-psychotique, il y a une ambiance, une patte particulière des arrangements, des compo originales qui constituent des sortes de film en soi, qui vont plus loin qu'une simple bande-son. 

Ici, le personnage de musicien permet une démultiplication des zones de sons, des moments entièrement dédiés à la musique et à son déploiement. La série de plans "nature morte" d'instruments est hallucinante: des guitares dans tous les sens, des instruments bizarres et surtout, plein de petites machines dans des fouillis de cordons électriques, des samplers, des pédales à distorsion, des bandes et des disques qui tournent en phase avec des longs accords de guitare discordants. Il y a aussi tout un champ musical tourné vers l'Orient qui évite au passage l'ethno-folk condescendant néo-impérialiste de la world music en tapant dans le mille - puisque c'est Yasmine Hamdan qu'on entend, en concert à la fin mais dans le taxi vers Detroit au début aussi - via une des morceau du projet Arabology avec Mirwais. 



Il y a enfin plein de références directes ou indirectes à un univers musical finalement assez cohérent avec ce que fait Jarmusch: des photos de Neil Young, la maison de Jack White et une obsession pour la théorie de physique quantique "spooky action at a distance", titre du deuxième album de Lockett Pundt, de Deerhunter. Je sais pas si c'est fait exprès, mais quand même hein.



Enfin y'avait tout ça, puis des visions balzacienne des siècles amassés dans des objets en vrac un peu partout, des livres en bordel, The Infinite Jest à côté de Don Quichotte, la série des docteurs célèbre ( Caligari, Watson, Lovefool, Faust) et des blagues de comptoirs sur Marlowe/Shakespeare à la Woody Allen:

The most recent of these theories is to be found in a book I have just read that attempts to prove conclusively that the real author of Shakespeare's works was Christopher Marlowe. The book makes a very convincing case, and when I got through reading it I was not sure if Shakespeare was Marlowe or Marlowe was Shakespeare or what. I know this, I would not have cashed checks for either of them - and I like their work. 
Now, in trying to keep the above mentioned theory in perspective, my first question is: if Marlowe wrote Shakespeare's works, who wrote Marlowe's? The answer to this lies in the fact that Shakespeare was married to a woman named Anne Hathaway. This we know to be factual. However, under the new theory, it is actually Marlowe who was married to Anne Hathaway, a match which caused Shakespeare no end of grief, as they would not let him in the house.

mardi 17 juin 2014

She's scared to jump, but terrified to stay

Beograd 2013

Cold War Kids - Golden Gate jumpers