jeudi 11 décembre 2014

Europa

Ça faisait un moment que je cherchais le temps ( et le courage) de me faire la trilogie Europa en entier: je ne sais pas vraiment si j'aime von Trier, chaque film me laisse avec une impression différente. L'aubaine d'un ensemble est qu'il permet parfois une vue synoptique sur un style - bon bref, disons que j'ai compris des choses. Des choses bizarres mais quand même.

Des trois films, je pense que Epidemic reste mon préféré: d'abord, pour la réalisation un peu branloir, nonchalante, puis pour le côté bubons-qui-explosent et enfin parce qu'il assouvit un rêve d'enfance: couper un tube de Signal pour voir comment c'est dedans. En termes de démystification de l'auteur, ça se pose: pas de grande prise de tête mise-en-abymesque, un processus de création filmé comme une blague de potes sans chercher à faire de la phénoménologie appliquée avec une histoire dans l'histoire certes pas jouasse mais plutôt jolie dans le style post-apocalypse infectieuse. 

J'ai moins aimé The Element of Crime, un peu trop jaunâtre à mon goût. On retrouve l'aspect itinéraire d'un héros qui cherche à résoudre un truc, avec comme fil un récit qui finit par se confondre avec le réel et un état de crise en toile de fond. On est bien dans l'Europe, à moitié en vrac, avec des espaces-temps indécis, sautant de l'un à l'autre au sein d'un même plan, et une narration  à posteriori qui brouille les pistes. Les images d'eau et de noyés (le cheval qui ressemble à une vision hallucinée Nietzschéenne), les friches industrielles au bord du fleuve, les bâtiments hantés par le vide: visuellement c'est vraiment beau, mais la couleur fatigue un poil.

Europa est bizarrement le plus drôle: il a un petit côté kafkaien absurde - la scène de l'examen de contrôleur de train est énorme-  même si dans un contexte pas folichon. Il reprend et redéploie les deux films précédents - itinéraire sans vraiment de logique dicté par un narrateur/hypnotiseur qui est un mélange des deux entités extradiégétiques de Elements et Epidemic (entre l'interrogatoire et le scénariste), mêmes sauts d'un espace-temps à l'autre, mêmes noyés en apesanteur. Ça brasse aussi pas mal de thèmes - la perte de repères dans une Europe en pleine débandade. C'est aussi le plus noir, avec un thème peu abordé - que deviennent les méchants après une guerre? J'ai pensé à certaines ambiances de Berlin Alexanderplatz par moments. N/B impeccable, avec des inserts en couleur parfois déroutants mais finalement pas dégueu.

The Element of Crime, 1984
Epidemic, 1987
Europa, 1991

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