jeudi 31 décembre 2015

Ecran total

Entre deux orgies de foie gras sadique et des transformation de schéma entité-associations étendus, j'ai peu d'inspiration et ai donc regardé ce qui me passait sous la main, ça veut dire un peu n'importe quoi et du cinéma belge sur le côté.

Tokyo Tribe est un film auquel il n'y a pas grand chose à comprendre, mais qui m'a laissée perplexe plus qu'à son tour: d'abord parce que c'est plein de gens qui dansent et chantent dans une sorte d'hystérie clipesque pleine de loupiotes et de choré à la Carey, mais aussi parce que les sous-titres étaient décalés - et que mon japonais est un peu rouillé. Ce que j'ai compris, c'est que le film pourrait être utilisé avec succès dans notre grande lutte antiterroriste (enfin, une fois que nous sortirons de la cave où nous sommes terrés depuis le 13 novembre, à en croire Béatrice Delvaux, qui a probablement été hobbit dans une autre vie), car c'est un film qui fatigue et qui remettrait le plus sémillant trotskiste dans le droit chemin. En gros, il s'agit d'une histoire de gangs qui gouvernent Tokyo (les Tribes donc) et qui s'embrouillent pour une raison plutôt banale - y'en a un qu'a piqué la meuf d'un autre ou un truc du genre. D'où vengeance, bagarre, rimes qui tuent et flow assassin - rassurez-vous, il y a aussi du sang, des grands couteaux et des boyaux en guirlandes, Noël oblige. L'affiche ne ment donc pas: c'est une battle de hip-hop de presque deux heures en japonais. Argh. C'est long, même pour une nostalgique de cette grande époque où on pensait qu'on pouvait régler nos soucis en slammant sa mère. Sion aime bien les problèmes d'ados, entre l'hystérique d'Himizu et la mort dans la bonne humeur de Suicide Club, mais le dernier truc que j'avais vu étant Land of Hope, je pensais qu'il était passé à sa phase Amour (vieillesse + tendresse+un peu de mort en accompagnement). En fait non. Franchement, c'est épuisant, mais il faut le voir. et puis c'est le genre d'expérience qui vous lie à vie avec les gens qui l'ont subie avec vous - un peu comme se terrer dans une cave avec Béa.

Toujours dans les tribus, Préjudice est un film qu'on devrait tous regarder autour de Noël, ce moment si propice à l'ouverture des cadeaux et des névroses familiales! C'est un film qui raconte un dîner de famille quasi infini (on remet la table au moins trois fois) mais au cours duquel on ne mange queud'chie. Ca sent l'étripage au niveau du dessert, chic alors! Contrairement à la famille psychotique à la Coupland où tout le monde est un peu taré, ici on a une configuration "mouton noir" avec un élément qui se chope les petites manies de tout le reste. Cédric est un type sans âge qui vit encore chez ses parents et dont on a décidé qu'il avait un problème. C'est pas vraiment une maladie, mais il est chelou, disons. Une sœur parfaite qui trouve qu'on s'occupe pas assez de son utérus (quand même, se faire engrosser c'est un putain d'accomplissement,non?)  un grand frère qui a visiblement pris la place du père depuis un moment (d'ailleurs absent pendant quasi tout le film) et un père (Arno, rôle de composition ici) complètement mou du genou - plus Non (peut-être) du Père que Nom Du Père. La mère (Baye, tendance Huppert mais pas trop) est évidemment le cœur de ce typhon ordinaire qui mêle dévouement, auto-flagellation culpabilisatrice maternelle tendance judéo-chrétienne, et haine larvée - enfin, larvée, c'est un grand mot. Du point de vue récit, ça se tient très bien, déroulant l'horreur ordinaire des gentilles familles de façon implacable dans un calme rythmé uniquement par des petits morceaux de percus/violon minimalistes. Il y a parfois un côté un peu "textbook", un peu gros dans la schématisation des relations, un peu gros kif de psychanalystes, mais ça va. Visuellement, c'est un peu perturbant, avec un gros travail à partir de profondeur de champs mi-floue mi-molette qui fatigue un peu et une tendance à être très proche du personnage qui tranche un peu avec le ton froid et clinique et les teintes de blanc.gris/métallisée. Y'a Haneke quelque part - en Autriche, tiens.

D'Ardennen est dans la veine "cinéma burné flamand qui parle dans une langue toute chelou" et défourraille bien sa race - franchement. Kenny sort de prison après avoir encaissé pour son frérot qui s'est entre temps tiré avec sa gonzesse (à Kenny), devenue clean et en cloque (décidément). On sent bien que ça va pas aller et ça finit évidemment en meurtre(s) que nos deux amis filent planquer dans les Ardennes, cette terre de mystère et de grands arbres inquiétants. On m'a fait remarquer qu'il existe peut-être quelque chose dans cette obsession d'un certain cinéma belge pour les Ardennes - de Calvaire à Welp, on arrive ici, dans une zone déserte hors du monde, peuplé de consanguins en chapka de chez Colruyt et de travelos badass qui vivent dans des caravanes en plastoc. Ici, c'est assez frappant - d'autant qu'il s'agit du titre - cet espace mythique d'une enfance perdue devenu un territoire quasi gothique aux créatures monstrueuses (des autruches en fait). Le parti pris est noir, avec une mise en scène d'un truc qui pue la misère et la graisse de frite dès le départ: banlieue d'Anvers, boulots minables, avenir avec un échangeur d'autoroute en guise de vue  et toujours le truc qui rôde, le passé, l'erreur, la chose dont on est un peu coupable et qui colle comme un kyste indécrottable - le fils qui revient, qu'on aimerait bien régler une fois pour toute. C'est bien foutu, nerveux, tendu dans les rapports sans tomber dans un truc trop intello. Y'a un peu un craquage de zlip au niveau de la musique - même si ça m'a replongée dans les grandes heures du Cherry Moon, à un moment, ça va. 

Tokyo Tribe, Sion, 2014
Préjudice, Cuypers, 2015
D'Ardennen, Pront, 2015

mardi 29 décembre 2015

Body bags (1993)

Que faire un jour de Noël, quand le temps est au beau et que tout le monde régurgite paisiblement sa dinde aux antidépresseurs? Hé bien pour éviter Sissi ou Beethoven, on peut regarder Body Bags, sympathique petite série de trois mini-films signés Hooper et Carpenter!

Les bodys bags, ce sont les corps d'une morgue passés en revue par ce cher Carpenter, coroner de son son (pas très bon) état et qui nous raconte les déboires des cadavres intéressants qu'il trouve dans ses placards - un peu en mode mamie dans sa cuisine. 

The gas station raconte une nuit à la pompe qui tourne mal. Une pauvre étudiante en psychologie, en pleine révision du chapitre "sociopathe", se retrouve aux prises avec un vrai - de sociopathe - employé du mois qui a mal tourné et décide de se venger - de quoi? mystère! Comme d'habitude, tout le monde est suspect, mais c'est toujours celui qu'on soupçonne le moins - sauf moi, mais j'ai l'esprit tordu. Notre héroïne est par contre un peu concon: une fois son ennemi abattu, elle persiste à ne jamais se retourner, permettant à celui-ci de se relever et de la poursuivre non pas une, mais deux fois - faut être un peu quiche. En même temps, faire des études de psycho n'a jamais été le signe d'une intelligence foudroyante, en plus d'être un signe de sexualité débridée comme l'indique le dicton bien connu, "psycho, nympho". Bref. Les appareils de garage donnent lieu à quelques jolis plans, dont une mort pas dégueu graphiquemen

Plop Art
Hair n'est pas une comédie musicale sur des hippie venus de l'espace - mais ça aurait pu être une bonne idée - et parle enfin de problèmes de cheveux avec franchise et réalisme. Richard, quadra début-de-bedonnant est obsédé par ses cheveux, qu'il perd à une vitesse grand V et commence à faire un peu chier avec ses techniques diverses pour feinter la Nature - dont un traitement qui consiste tout simplement à se peindre le crâne, malin! Jusqu'à ce qu'il découvre un type bizarre sur le téléshopping qui lui promet qu'il retrouvera ses tifs en appelant le numéro suivant. Chiche! Après une consultation étrange et (mal) conseillé par une infirmière salace (méfiance, donc), Bob se retrouve du jour au lendemain avec une tignasse de fou qui rendrait jalouse Jen Anniston. Il est donc totalement hystérique - scène assez géniale - et sa nana lui saute dessus - soi-disant qu'elle s'en foutait de sa calvitie, la salope. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais non! Les tifs à Bobby continuent à pousser comme des oufs et en plus, lui sortent de partout! En en arrachant un, il se rend compte qu'il s'agit en fait d'une forme de vie étrangère et pas sympa (ils mordent)
Cheveux te bouffer la mimine!
Franchement, c'est la première fois qu'un film me comprend aussi bien et je me sens moins seule. Ma chevelure est effectivement issue d'un univers qui m'est étranger, parfois frisant parfois lissant, sec au milieu, gras sur les bords et hésitante par temps de pluie et m'a longtemps interrogée sur mes origines véritables. Il s'agit en fait tout simplement d'une forme de vie extraterrestre! Tu m'étonnes John!

Dans Eye on parle bien entendu d'un œil. Après un accident de voiture, Brent, joueur de base-ball se fait greffer un œil tout neuf - la couleur n'est pas trop raccord, mais c'est pas grave et reprend sa petite vie parfaite dans sa white-picket-fence house, avec sa gonzesse agent immobilier. Hélas, sa convalescence ne lui laisse pas de repos, le pauvre: il voit des mains qui sortent du sol, hallucine des cadavres en pleine partie de jambes en l'air ( cela dit sa meuf a pas l'air de beaucoup y mettre du sien, alors bon) et se cogne des migraines pas possibles. Tout semble venir de cet œil maléfique - mais à qui appartient-il? Le vieux thème de l'organe malfaisant transplanté est pas mal décliné ici, avec peu de variations une fin plutôt classique - beurk pour moi. 


lundi 28 décembre 2015

Ecran total

Toujours dans la lignée des écrivains au cinéma, j'ai vu Barton Fink dont je ne savais pas grand chose - sauf pour le coup de l'écrivain. Comme c'était un truc des Coen, je savais que ce serait plus dans le genre écrivain raté qu'inspiration divine et feuillets qui volent dans tous les sens. Barton est donc un dramaturge engagé qui fait des pièces qui parlent du peuple (c'est nouveau tiens) mais qui laisse à regret sa carrière à New-York pour faire du cinéma à L.A.. Premier gros dilemme: abandonner une situation proéminente dans un microcosme intello pour faire des trucs un peu moins glorieux mais qui rapportent? Barton ne tergiverse cependant pas trop et part faire la nouille en Californie, où il se retrouve largué dans un hôtel un peu genre AHS mais avec un bell-boy plus fadasse, Chet joué Buscemi qui comme d'habitude parle comme s'il se demandait à chaque mot quelle syllabe était la suivante et surtout pourquoi celle-ci plutôt qu'un autre (Steve est un phénoménologue qui s'ignore). L'hôtel donc, regorge comme il se doit de personnages truculents dont ce cher Goodman dans le rôle de Meadows, un représentant en trucs (enfin, un vendeur itinérant quelconque) qui boit des whisky en dissertant sur le cinéma. Dilemme suivant: Barton écrit des pièces sur le peuple et pour le peuple mais réalise qu'il est coincé dans une niche dont le peuple se fout autant que de sa première grève. Plus fort encore, Barton parle tellement quand il s'emballe que le seul exemplaire de "peuple" qu'il rencontre ( Meadows) n'en place pas une. Il y a une scène magnifique qui résume à elle seule le vieux malentendu entre théâtreux intellos et peuple: l'un jacassant sur la nécéssité de mettre l'autre sur scène, pendant que ce dernier essaye désespérément de commencer une phrase pour dire que quand même les films de wrestling, c'est cool quoi. Saloperie de peuple qui veut rester bête à tout prix! Mais je m'égare, ce n'est pas le sujet du film qui parle surtout du blocage de Barton qui ne parvient pas à écrire quoi que ce soit - peut-être parce qu'il n'a rien à dire dans le fond. Heureusement, comme dans tout bon hôtel, celui-ci possède un serial killer qui va nous décoincer tout ça. Notre ami réussira-t-il à comprendre, aimer et parler au peuple? Suspense! J'aime bien ce personnage, un peu mou, avec des cheveux tout chelous et une tête d'ahuri, et il y a l'hôtel, sa petite vie, ses couloirs tout ça.

Encore un néonoir et encore un film de Foley, At close range est un film avec le très jeune Sean Penn et le moustachu Walken qui fait un peu moins fraise dans celui-ci (mais c'est sans doute la faute à la moustache qui déséquilibre le visage). Le petit Brad (Penn) décide de reprendre contact avec son vieux Brad (Walken) petty criminel rural, sorte de Scarface fermier dont la spécialité est le vol de tracteur. Toute cette criminalité rurale et la vie de glamour qui l'entoure (bouffer des côtelettes dans des dinners, vivre dans des caravanes en stuck et se taper des stripteaseuses locales à la retraite), ça vend du rêve au petiot qui a de plus besoin de sousous pour entretenir sa nouvelle chérie, pas encore légale, mais déjà grande gueule. Brad-le-vieux, fourbe à souhait, laisse courir et embauche le fiston dans l'affaire familiale. Un tracteur, ça va, mais plein, bonjour les dégâts. Quand Junior se fait pincer lors d'un coup monté tout seul (c'est genre "le-dernier-coup-du-siècle-et-on-arrête", donc un super gros tracteur), Senior commence à devenir nerveux et va se mettre à buter à tout va. Je retrouve un peu ce qui m'avait énervé dans After dark et qui est visiblement propre à Foley - une sorte de mollesse dans la réalisation, mais pas complètement: c'est pas vraiment la nonchalance nihilisto-rurale d'un Badlands, mais un truc entre léthargie et pathos - y'a des sentiments, bon sang! Alors j'aime bien, mais ça manque de couilles - ni radicalement "meh" ni carrément "rhaa" - vous voyez quoi.

Il y a plein de Dracula et Christopher Lee y est un peu partout, alors difficile de s'y retrouver. Dans Dracula: Prince of Darkness, il ne parle d'ailleurs pas du tout, se contentant de faire "hsssss" de façon effrayante et de de rouler des yeux. L'intrigue est plutôt basique: des voyageurs britanniques, venus faire du tourisme en Roumanie - enfin, c'est trouble puisque c'est près de Karlsbad - se perdent et vont dormir au château de Dracu qui va pouvoir renaître de ses cendres grâce au sang frais procuré par ces chers Rosbifs. Miam! Une fois réveillé, le comte décide de se payer une tranche d'Helen (femme de feu Alan, ce qui crée un peu de confusion) puis de Diana - il les lui faut toutes, ce fourbe. Heureusement, passe un moine avenant et plus qu'à son tour fendard - il fait des blagues de fesses, mais tient son arc en bandoulière - qui va protéger et aider nos amis, chic! Lee ne dit donc pas grand chose, mais ses yeux parlent pour lui: il fait une tête trop mignonne quand Diana lui file entre les pattes, un truc avec la bouche qui fait "mouuuh" vers le bas - à moins que ce soit les dents qui font cet effet-là. Enfin, il fait pitié, on aurait presque envie de l'aider - d'autant qu'elle est pas rien quiche, la Diana. Enfin, tout est bien qui finit bien, car figurez-vous que les vampires peuvent être tués par l'eau courante - il suffit donc d'un robinet et le tour est joué! Magique!

Barton Fink, Coen, 1991
At close range, Foley, 1986
Dracula: prince of darkness, Fisher, 1966

mercredi 23 décembre 2015

Southern Gothic

Après un peu avoir chafouiné au bord de la piscine, je commence enfin à plonger avec délices dans le magma bien juteux du Sud: des freaks, des tarés mystiques, des vieilles bagnoles rouillées qui pourrissent dans le jardin et des gens qui ont oublié d'aller chez le dentiste en 2015 (et en 2014, en 2013, en 2012, etc.). Car comme le Serbe rural, le Sudiste a du mal à garder toutes ses dents.

To kill a mockingbird est encore gentillet: c'est une adaptation fidèle d'un bouquin écrit pour être étudié au lycée - pas trop compliqué, un parcours éthique relativement bien fléché (le Bien c'est à gauche, le Mal au troisième à droite) et des personnages tout miiiignons qui s'ébattent dans un Sud certes raciste à crever, mais plein de pitits oiseaux qui chantent et d'accents qui traînent. Le film est donc à cette image, ne révolutionne pas la lecture du livre - difficile à lire de façon vraiment novatrice cela dit - et nous montre une jolie histoire d'avocat blanc qui défend un pauvre noir accusé à tort - tiens, tiens.... Le tout est raconté du point de vue d'une petite fille dont la perspective est tour à tour naïve (les enfants sont trop mignons) mais aussi critique (les enfants sont trop intelligents) et super couillue (les enfants sont trop courageux). Visiblement, Freud n'était pas encore arrivé jusque là. Son avocat de père, Atticus Finch, joué par Peck qui porte bien la lunette et l'air sérieux, est un personnage un peu décalé, un peu à part d'une société dépeinte de façon pas forcément sympa - sont pas méchants, sont simplement des crétins consanguins. Atticus, lui, est trop cool. Ben tiens. En plus, il est méga bon avocat, dis donc. Il est tellement sympa, qu'il ne veut pas tuer les mockingbird - qui auraient pourtant bien besoin d'une bonne fessée à nous faire chier avec leur révolution dystopique en pâte à modeler - et va donc tirer le pauvre Robinson (le pauv'noir) d'affaire, sauf que... Suspense, donc! Si le livre était moyennement ambigu niveau moral, le film l'est encore moins: plein de petites anecdotes latérales qui donnaient une idée un peu plus fine de la société sont évacuées - et avec elles, pas mal de nuances sur le positionnement des personnages. Mais bon, on peut pas tout avoir et dans le contexte de l'époque, c'était probablement déjà ça. 

Et puis ça crée un truc qui est visiblement très fonctionnel dans la mythologie du Sud contemporaine: une manière pour le Nord riche éduqué de se crée un repoussoir, un ennemi intérieur fait de beaufs bouseux limite retardés qui sont en plus racistes et refusent d'aller chez le dentiste. Ça vous rappelle quelque chose? Bah oui, c'est comme ça que notre True Detective, c'est un p'tit Quinquin. Ach.

En termes de freak, Wise blood fait dans le cintré religieux. Un type avec une gueule bien chelou - l'important, c'est les grands yeux exorbités, tendance Mr Robot - qui revient d'on sait pas où mais probablement d'un genre de guerre quelque part dans le monde - on a du mal à suivre avec ces Yankis - et qui après une visite express à la ferme familiale en mode baraque pourrie, renonce à en faire le décor d'un super film d'horreur 

Bouh!
et se barre pour devenir quelqu'un. Son conseiller Actiris lui suggère de faire carrière dans le prêche - parce qu'avec des yeux exorbités habités comme les vôtres, bon, et puis il paraît que c'est en pénurie, alors - et le voilà parti pour fonder l'Eglise du Christ sans Christ - une sorte de religion sans sucres ajoutés. Trop fort! Comme il s'appelle Hazel, on se fout un peu de lui, alors il roule des yeux et ça va mieux. Il rencontre un vieux prêcheur qui fait le malin parce qu'il est aveugle - trop facile - et qu'il a une fille complètement branque (et qui est probablement aussi un peu sa femme quand ça lui prend). La fille en question va évidemment se jeter sur Hazel comme un écureuil édenté sur un café-noisette et à partir de là, rien n'est trop bizarre pour ce cher John Huston, qui réalise ici sous le nom de Jhon Huston et qui retrouve un truc qu'il a l'air de bien kiffer, à savoir les freaks et les ambiances bien glauques - The Misfits, Reflection in a golden eye - et puis encore à voir, il y a Freud: ze secret passion (!) et tant d'autres! C'est un difficile à résumer en fait: il y a aussi un pote à Hazel, fan de gorilles et de momies d'homme de Neandertal qui se cherche un peu, une logeuse avec un problème d'objet a et une pute à laaarge thyroïde avec un certain goût pour la déco indy/pop'art. 


Sling blade, dont on retrouve ici une mise en diagramme des personnages trop belle même si elle ne sert à rien, fait dans le taré homicidaire et est un peu un mélange des deux premiers films, à la réflexion. Karl, un gentil p'tit gars se retrouve meurtrier dans un moment d'inattention: voyant sa mère à terre, le jupon relevé, croyant qu'elle est en train de se faire trousser (les enfants sont trop innocents), tue le méchant monsieur avant de comprendre qu'il ne s'agit point d'un troussage, mais d'un trompage (les enfants sont trop intelligents) et tue donc la môman dans la foulée (les enfants sont trop courageux). Pas de bol, son père n'est pas avocat et il file à l'asile en moins de deux. Vingt ans plus tard, il sort et doit faire face à la société qu'elle est pas gentille. Il commence par aller acheter des frites et tombe sur Jarmusch qui s'avère être moyen en vendeur de fritkot mais finalement plutôt sympa - une bonne idée qui n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd puisque les Dardenne seront dès 2016 serveurs au fritkot Flagey pour finir de payer le désastre du Palace - mais chuut, c'est encore confidentiel.

Sauce andalouse à part ou sur les frites?
Bref, Karl sort, mange des frites et se jette dans le vaste monde. Alors, méchant, les gens? Meuh non! On est dans l'inverse total de Rectify par exemple, tout le monde est totalement détendu du zlip avec lui. Faut dire qu'il a l'air bien dégénéré - c'est Thornton qui joue Karl et qui s'est visiblement fait amputer la lèvre supérieure pour les besoins du rôle, c'est réussi - et que finalement, il a rendu service à tout le monde en trucidant les deux. Karl va donc se trouver un petit taf, un poteau de 8 ans et demi et une famille d'accueil plutôt bancale, mais bon. Ce bonheur fragile durera-t-il? Non, bien sûr! Un beau-père à moitié jeté va lancer ce petit monde merveilleux dans un mouvement rectiligne mais néanmoins entropique qui va se régler à coups de lame de tondeuse. Schlass! En dehors de Jim, on retrouve aussi Duvall, qui visiblement est dans TOUS les films de cette sélection - il était aussi dans To Kill.. - et qui joue le désaxé à tout âge, ici le désaxé en fin de vie qui chouine. 

To kill a mockingbird, Mulligan, 1962
Wise blood, Huston, 1979
Sling Blade, Thornton, 1996

dimanche 13 décembre 2015

Ecran total

Ayant travaillé récemment sur la dystopie, je me suis mise à la recherche de trucs un peu neufs - genre qui puissent parler à des chiards nés après 2000. A part les daubes immondes Hunger  Game  et co (idée de crossover: The Hunger Divergente qui parlera d'une société dans laquelle des jeux sont organisés entre ados anorexiques)  dont le scénario a visiblement été écrit par un hamster apprivoisé, rien. Je suis alors tombée sur The Lobster, du réjouissant Lanthimos dont je n'ai toujours pas vu Canine, mais qui donne envie. Une société dans laquelle les gens trop longtemps célibataires sont destinés à se transformer en animal, voilà qui nous change un peu! Comme dans pas mal de dystopies, l'intrigue s'organise autour d'un groupe de résistants, des gens trop célibataires qui écoutent de la musique au casque parce qu'ils sont super polis, qui ont des cool parkas et qui vivent dans les bois, tentant d'échapper aux célibataires en convalescence dont le but est de les éradiquer - sinon c'est pas drôle. Là dedans, David (Farell, mou du bide et méga chou) qui pense avoir trouvé sa moitié en la personne d'une nana complètement jetée, finit par en avoir marre - elle lui tue son chien/frère, la salope - et se tire dans les bois pour vivre avec les Solitaires. Qui s'avèrent être aussi tarés que les autres, fachos dans le même genre, avec des lignes de faille morales plutôt bancales - "t'as embrassé quelqu'un, on te coupe les lèvres, ça t'apprendra" - ce qui va évidemment poser problème, car David a son œil sur une petite pas mal gaulée, Rachel Weisz qui fait sa sauvage dans les fougères. Hardi! L'atmosphère est génialement construite, toute en lenteur, immobilité et uniformité d'un monde ultra-contrôlé et réglé comme une horloge suisse, le tout dans un cadre paumé, gavé de tons organiques en mode mineur ( brun, beige, gris, vert d'eau) et de grands espace vides - de la ville, on ne voit qu'un ensemble architectural de mall géant. Du point de vue écriture, c'est bien foutu, sans pathos ni climax, avec quand même plein de petits trucs drôles dans l'absurde poussé à bout - "si votre couple ne marche pas, on vous filera un enfant, en général ça aide" - et puis tout un tas de situations un peu Roy Andresson - tragédie comique de l'homme moderne écrasé par le monde. On m'a fait remarquer que ces univers - officiel comme rebelle - sont tous deux dirigés par des femmes: c'est exact, mais qu'en penser? Mystère.

J'ai tellement de fois vu le clip de J'pète les plombs - moi aussi ,j'ai un passé scabreux - que mater Falling Down ça été un truc de dingue: c'est comme si je comprenais la Vie, où ça va, d'où ça vient et pourquoi. L'histoire est relativement simple: c'est un type qui pète les plombs. Il a tout perdu, sa femme, son gosse et son job, il a plus rien à foutre alors suce son zob. C'est pas mal comme résumé finalement. Ce pauvre D-fens (Douglas) en a donc marre des embout' et décide de planter sa caisse là et de rentrer à pied - sage décision. On dirait que tout le monde s'est donné le mot pour le faire chier - pas de monnaie pour eul'téléphone, la canette est trop chère, on veut lui piquer sa mallette, et y'a plus de petits-dèj' au Wendy. Comme tout le monde, j'ai souvent eu le pressentiment qu'un jour je finirai par faire pareil et par en mettre une en travers de la gueule de tous ceux qui me cassent les couilles, le film est donc ultra jouissif - surtout la scène des travaux qui ressemble à peu près à l'état de la rue Malibran depuis environ un an où à ce stade on se demande s'ils ne cherchent pas un trésor de pirate tout simplement. Bref. L'idée d'avoir entrelacé cette trame avec une deuxième, l'histoire de Duvall en flic à la retraite bouffé par une nana à moitié dingue (non mais faut arrêter avec ça) qui veut qu'il rentre à la maison - elle a fait du poulet - est sage: ça repose. Douglas ouvre la voie à tous ces acteurs qui jouent les psychopathes grâce à leur petite voix bizarre un peu haut dans la tête et qui fait flipper, il est génialissime dans ses craquages de slip progressifs et dans son allure de white collar ordinaire un peu hiératique avec ses tartines dans son attaché-case. Y'a un peu de Taxi driver pour le côté Grand Taré ordinaire et une belle tension de chaleur qui monte de l'asphalte.

Youth est aussi un truc en huis-clos, mais nettement plus keumique que le Homard. Entre le film à sketch et la tranche de (fin de) vie, on y voit deux pépés parler de leur prostate, comparer leurs pipis quotidiens et reluquer les nanas à poil. Les deux vieux, c'est Ballinger (Caine), compositeur trop cool qui se refait une santé et Boyle (Keitel, d'amour pour toujours) réalisateur flanqué d'une bande de barbus à bonnets à pompons et pulls jacquard, qui essaye d'écrire un film.  Dans un putain d'hôtel de grand malade au milieu des montagnes suisses, entouré de gens pas nets - dont un caméo de Maradona, qui peut à présent faire des contrôles du ventre, pas mal - qui se posent des questions, donnent des réponses, prennent des poses et attendent le dessert. C'est plein de philosophie de la vie, un peu chiant parfois, tendant vers le mélo, mais suffisamment cynique pour ne pas noyer le tout. Les jeunes cherchent le sens de la vie, les vieux cherchent le sens de la mort; certains cherchent leurs pantoufles et tout ça est très bien. Visuellement très léché, avec plein de plans fixes style comique de situation, des corps vieux, pas très beaux, perdus dans des paysages ironiques et une ambiance de joie forcée neurasthénique de Club Med pour super riches. Enfin tout ça quoi.

The Lobster, Lanthimos, 2015
Falling Down, Schumacher, 1993
Youth, Sorrentino, 2015

samedi 12 décembre 2015

Southern Gothic

Les films de cette fournée m'ont confirmé qu'il y avait bien quelque chose de pourri dans le Sud - et pas seulement leur cuisine à base de friture plongée dans la graisse de baleine. 

Intruder in the dust est un genre de To kill a mockingbird, (lu mais pas vu)  mais ramassé en une nuit, ce qui en fait un film agréablement court - j'arrive à l'âge où c'est ma prostate qui décide de ce que je regarde. On y voit un petit groupe d'irréductibles protéger un pauv'noir accusé à tort et à travers, mais qui pour une raison inconnue, continue à dire qu'il est coupable. Sa seule explication à ce geste somme toute complètement crétin c'est "Même si j'avais dit que j'étais innocent, m'auriez-vous cru?" Merci l'hystérique. Bref. Une petite mamy trop rock'n'roll qui tient une foule sanguinaire à distance armée seulement de son tricot (trop fort), un jeunot blondin à mèche tendance bieberienne et un avocat pas super niveau moral vont donc sauver ce brave type, qui est clairement joué par un acteur pas noir passé à la suie - Griffith nous voici - très crédible donc. Le film n'est pas mauvais dans le fond, ne s'étend pas trop sur la morale mais joue plus sur l'aspect enquête in ze naïte of ze marais in da hood. Il y a quelques scènes de foule intéressantes, dans le genre pression silencieuse  plutôt qu'armée barbare, qui rendent bien et la nuit qui constitue l'élément principal - recherche de la vérité qui éclaire tout ça - donne l'occasion de quelques très jolies images. Moralement, c'est un peu quichon: les faibles (femmes, enfants) se dressent contre les forts pour sauver des encore plus faibles. Bon, bon, bon.

Moralement, Mandingo est carrément plus trash, voire assez atroce. Étymologiquement, un mandingo est un esclave noir bien membré qui sert plus ou moins de giton à qui en veut - je vous laisse le plaisir de googliser vous-même ce terme pour découvrir sa postérité, c'est instructif. Adapté d'un livre, ce film raconte surtout une histoire de triangle (enfin, de rectangle dans ce cas-ci, voire de polygone irrégulier) amoureux dans la Louisiane circa 1840 - une chouette époque pour être noir, dis donc. Le vieux Maxwell veut que son rejeton, Hammond lui fasse une chiée de mômes qui puissent continuer à exploiter, vendre et torturer les générations d'esclaves à venir. Hammond traîne un peu la patte aussi bien littéralement que figurativement - typique, le personnage estropié un peu rabougri de la life - car il préfère en fait les petites (TRÈS petites) esclaves, à qui il dispense sa virilité à tout va, mettant donc la main à la pâte pour faire grandir l'exploitation familiale. C'est beau, la dévotion filiale. Mais c'est sans compter sur les convenances qui lui feront épouser sa cousine Blanche (finesse symbolique, quand tu nous tiens...), histoire que ça reste dans la famille, Blanche que son propre frère a eu la gentillesse de déniaiser se révèle être une bipolaire tendance fer à friser. D'autant plus que ce cher Hammond continue à folâtrer avec une petiote - il peut de son papa, alors ça va - ce qui va plonger notre jeune épouse dans un tourment qui la fait coucher avec quelqu'un d'autre (comme c'est pratique!). L'adultère sera révélée par une naissance quelque peu, comment dire, bigarrée - Blanche a oublié son stérilet dans les douches de la piscine. C'est ballot! Mais je m'emballe, et j'en dis trop, alors j'arrête. C'est un film ultra-chelou, visiblement du côté des esclaves, mais avec un goût pour le sadisme - faire bouillir des gens dans des marmites, franchement - qui nous fait un peu douter. C'est ce qui en fait son pur southern gothisme probablement: parler d'un truc uber bizarre de manière suffisamment biscornue pour paumer son chaland, chapeau!

Reflections in a golden eye tourne aussi autour d'une configuration amoureuse complexe, mais sans noir. Il y a une Leonora (Liv Taylor superpouffe) qui se fait chier pendant que son major de mari  (Brando, problème de diction?) dirige des trucs - quoi, bonne question - dans un fort quelque part dans le Sud. Vu le nombre de femmes dans ce genre d'endroit, Leonora peut faire sa grosse bonasse mais choisit de se taper un Morris plus vieux, plus moche et qu'a pas l'air bien finaud. Hum. En plus, Morris est flanqué d'une femme bipolaire (décidément) enfermée avec son valet philippin (personnage trop adorable que j'ai longtemps pensé japonais) à longueur de journée et qui finit par le menacer (Morris, pas le Philippin) de filer pour partir vivre sur un bateau huîtrier - ou un truc du genre. Là-dessus se greffe un soldat muet tendance serial killer qui renifle les culottes des gens la nuit, et qui va foutre un peu la merde - on retrouve plus sa culotte le lendemain, tout ça. Le tout est traité en jaune/orangé - le golden eye du titre, en fait celui d'un paon peint par l'homme de chambre philippin - qui fatigue un peu. Il semblerait que pour la sortie officielle, Huston ait abandonné cette idée, on comprend, ça a dû plaire moyen à l'époque. Personnellement, ça m'a pas perturbée plus que ça mais c'est pas forcément joli. La situation en huis-clos permet une série de plans d'espionnage à la fenêtre, de silhouettes qui fuient dans la nuit qui font un peu noir, et puis comme The Beguiled, pas vraiment de prise de position morale: y'a un côté fin de race perdu au bout du monde pas mal.

Intruder in the dust, Brown, 1949
Mandingo, Fleischer, 1975
Reflections in a golden eye, Huston, 1967

mardi 1 décembre 2015

Ecran total

A la suite d'une pas mauvaise journée d'étude consacrée aux écrivains au cinéma, je me suis plongée dans un micro-cycle plutôt sympa, et qui commence avec deux trouvailles:

The dark half, adaptation d'un roman ultra-kingien, parle de jumeaux maléfiques et d'alter ego d'écrivain qui dézingue tout le monde: ça sent le vécu. L'idée d'un autre intérieur qui triture les bristouilles de l'auteur est un peu partout chez Stephen King, souvent sous la forme d'une bête un peu gore, souvent alcoolo et rendue légèrement schizo par le temps frisquet de Nouvelle Angleterre - Shining, si vous suivez mon regard. Romero aime lui aussi les trucs qui font plop, d'où un splendide prologue qui nous fait découvrir un sympathique marmot dont les maux de tête sont en fait causés par un jumeau qui s'est développé dans son cerveau en tapinois : il a un œil, et même une dent (avec une carie, parce qu'il a oublié de se brosser le lobe à fond). 

Plop!
C'est chou. Après bien des années, notre jeunot est devenu prof de littérature, mais publie secrètement des livres que tout-le-monde-lit-mais-que-personne-etc. et finit par devoir lâcher l'affaire et assumer son alter ego pseudonymique. Le problème, c'est que ce dernier est pas méga jouasse d'avoir été mis au frais pendant si longtemps et va venir faire son grand vexé. On hésite pendant longtemps entre la schizophrénie et le fantastique, mais tout est bien qui finit dans un grand bordel d'oiseaux qui volent dans tous les sens et qui ont l'air vachement hommenivore. Miam!

In the mouth of madness est un peu plus ambitieux et offre une réponse cinglante à ceux qui pensent que la littérature ne sert à rien, puisqu'il s'agit d'un livre qui rend fou: après avoir les yeux qui saignent, les lecteurs entrent dans une phase d'hystérie meurtrière qui les voit prendre le premier objet coupant pour trancher le premier truc contondant qui passe. Evidemment, c'est un livre d'horreur, pas un Marc Levy (quoique le concept soit intéressant: des gens désespérés réduits à ne plus éprouver que des sentiments tout roses et des histoires d'amour de la complexité d'un journal intime de collégienne de 15 ans - ça fait froid dans le dos...). Bon. Un livre d'horreur donc, écrit par un pseudo-King (mais encore mieusse que lui, comme on l'apprend) qui a eu l'élégance de disparaître en pleine promo et qu'un pauvre privé, pas franchement armé niveau critique littéraire (probablement formé à la critique dite Mussoienne, parfois aussi appelée " simplisme astructural") va voir retrouver. Les gens qui ricanent quand on parle de théorie littéraire vont moins glousser: si ce crétin de détective avait relu son Genette, il ne se serait pas paumé dans tout cet entrelacs de récit hétéro/homo/métadiégétique. Voilà, suffisait d'y penser. Mais non! Parti dans une ville qui est en fait dans un livre, il se retrouve dans le livre puis ne retrouve plus le récit-cadre! Mince! Horreur narratologique, quand tu nous tiens! Tout ça va mal finir. On m'a fait remarquer plein d'intertextes avec Lovecraft, que je ne connais pas, mais ça donne envie. Pour ma part, j'ai surtout aimé les portes cronenberguiennes qui suintent et gluent un peu sur les bords, c'est presque du Festin Nu finalement. Beau.

Rien à voir avec les écrivains (mais en fait un peu si) : j'ai maté Before the devil knows you're dead - je me demande s'il ne manque pas une virgule, tiens.  Maintenant que j'ai capté ce qu'était le néonoir, faut plus me la faire. C'est mon premier Lumet, alors, j'suis encore toute émue. Et j'aime bien. Je suis plus certaine de bien comprendre le truc néonoir, du coup, mais c'est probablement pour ça que c'est bien. Point de privé en imper dans cette histoire, mais une paire de frères pas hyper finauds, qui décident de braquer le magasin de leurs propres parents - faites des enfants, qu'ils disaient. Plutôt que de leur demander gentiment. Franchement. Bon, on se doute de la suite: la môman qui n'était pas censée être là, est là (c'est beau comme du Lacan) et pif, paf, ça tire et ça crève, enfin, ça merde. Les film est raconté par fragments à partir de différents points de vue, pris à différents moments avant et après, mais pas forcément de façon minutieuse - ça va un peu dans tous les sens. Ce qui sort de l'histoire, en dehors de l'idée plutôt crétine de base, c'est l'absolue normalité du truc: des soucis de sous, des histoires de couples un peu minables, une relation père/fils pas jojo et puis des ex chiantes, avec des frères tarés, enfin, tout ça s'enchaîne avec pas mal de naturel et sans trop d'à-coups, c'est une suite logique d'événements racontée sans grandiloquence ou climax particulier. Bande-son géniale, rythme impeccable. 

The dark half, Romero, 1993
In the mouth of madness, Carpenter, 1994
Before the devil knows you're dead, Lumet, 2007


mardi 24 novembre 2015

Southern Gothic

Ça fait un moment que je rassemble ce que je peux sur le Southern Gothic, un genre à l'allure bien bizarre comme il faut et dont j'ai encore du mal à définir les contours; ce qui est certain, c'est que les trucs épars rangés sous cette catégorie appartiennent à une culture mi-moite mi-dégueulasse qui me plaît bien. Je suis tombée par hasard sur ceci, qui me donne,Ô joie, la possibilité de m'adonner à ma monomanie secrète, le cycle de films thématique. Chic! Après les Fins de Monde(s) donc, les marais fangeux du Sud ( on appréciera la transition).

J'ai donc commencé dans le désordre, parce que j'suis trop rebelle, et maté The Beguiled, sympathique comédie des familles à la sauce sudiste. Au cours de la guerre civile, un pensionnat de jeunes filles ramasse un pauv' soldat nordiste blessé qui va petit à petit se faire une place dans leurs petits cœurs. Dans leurs culottes aussi, car ce bougre n'est non seulement pas reconnaissant pour un balle, mais va en plus foutre une merde improbable dans la tête de ces pauvres gamines qui découvrent à peine leurs ovaires. Le jeune beau, c'est Eastwood, déjà hyper BG malgré les favoris genre buisson nordique, mais bon. Le pensionnat, c'est une quinqua matronne, Martha, au passé amoureux, comment dire, douteux, accompagnée d'une assistante, Edwina, douce et innocente comme Miley Cirus circa 2007 (comprenez: on la sent déjà bien salace, dans le fond), qui gère une bande de micro-gourgandines en devenir (quand elles sont pas en train de dénoncer le Clint, elles essayent de se le choper, merci) avec l'aide de l’indispensable bonne noire (histoire de rappeler que c'est quand même un peu ça l'Histoire). Bon. Clint est d'abord tout sympa (normal, il est du Nord), civilisé et tout, et on croirait partir sur un enième film de l'ennemi-devenu-ami comme c'est mignon. Mais non! Le titre le dit bien: il va y en avoir un qui va se faire entuber par l'autre! Finalement, on a du mal à décider qui est le méchant: d'accord, Clint est un peu fourbe, mais les trois femmes qui en veulent à son corps ne sont pas forcément toutes blanches (sauf Edwina dont le seul défaut est d'être un peu con) puis elles y vont pas par quatre chemins: poussage dans l'escalier, coup de candélabre, amputation à la scie à métaux et j'en passe, jusqu'à une fin qui laisse au spectateur le soin de juger ces pauvres femmes. Visuellement, c'est un huis-clos dans une grande demeure type antebellum mythique, paumée dans un jardin un peu jungle, plein de lianes molles qui pendouillent et d'herbes qui envahissent tout avec un intérieur strictement organisé et rangé de jeunes filles comme il faut - allez, on va dire  que l'intérieur control freak VS l'extérieur sauvage est l'envers métaphorique du désir féminin froid dehors/chaud dedans. Allez, oui dis!

Pour continuer avec des gens qui découpent des autres au couteau, il y a Two Thousands Maniacs! qui ne fait pas officiellement partie de cette sélection, mais dont le titre avenant lui a fait trouver le chemin de mon cœur. C'est un peu un ancêtre de la réjouissante franchise Wrong Turn, puisque c'est via un mauvais tournant (indiqué par des chenapans de redneck tout en chapeau de paille et chemise de flanelle) que 6 amis (enfin, 4 et un groupe de 2) se retrouvent au milieu d'une teuf de village qui fait un peu penser à Calvaire, mais sous le soleil de Géorgie et de ses filles en jupons légers, arf. La ducasse en question célèbre un massacre dont on n'a pas bien suivi qui était qui, mais dont l'essentiel est qu'une partie a mis une branlée à l'autre pendant la guerre de Sécession, ce qui demande vengeance (ou célébration, va savoir). Cette célébration ne pouvant se faire sans un barbec digne de ce nom, nos pauvres Yankee sont, les uns après les autres, divertis, assaisonnés à l'alcool, puis débités de diverses manières (canif, hache, écartèlement par voie chevaline, pierre qui tombe et tonneau qui roule sans amasser ni mousse ni raison). D'un point de vue purement boucher, je doute de l'utilité de tels procédés - c'est sale, la viande est toute tendue - mais peut-être s'agit-il d'une technique propre à la cuisine du Sud, qui aime bien rouler sa viande dans tout un tas de trucs chelous avant de la grailler. Soyons honnête: c'est un film amusant, mais assez B (voire Z). Un peu fatigant aussi, puisque ça vocifère sans cesse, mais agrémenté d'un orchestre de banjo plein de sagesse dixie et d'hymnes à la gloire des Sudistes. Le bon vieux temps.

The Apostle est carrément d'une autre stature. Ça m'a fait penser à The Master (auquel je n'ai toujours pas tout compris). Bon, c'est plus linéaire: il s'agit d'un prédicateur showman taré, comme les States en produisent à la pelle, qui envoie une batte dans la tête du petit jeune qui lui a piqué sa femme et se retrouve un peu comment dire, en cavale. En cavale donc, notre ami qui n'a pas l'air de trouver contradictoire le fait d'être prêtre et assassin, échoue en Louisiane, autant dire au bout du monde, dans un patelin qui a visiblement besoin d'un gourou. Chic alors! Il va dès lors rebâtir son église et la munir d'un néon pas dégueu ( un peu phallique, à la réflexion)

Shiny!
Un des trucs qu'on apprend quand on fait du design ergonomique, c'est que si ça brille, les gens vont cliquer dessus y aller; Ils y vont donc, et toute cette petite communauté se construit à coups de prêches à moitié hystériques, de paraboles ultra malsaines et de métaphores qui l'auraient fait classer terroriste en moins de temps qu'il n'en faut pour dire "niveau 4". C'est Duvall qui réalise, écrit et joue le rôle-titre, tout est donc à sa mesure: gigantesque. Son personnage de prêcheur halluciné au-delà du bien et du reste, entre frénésies jouées et pures transes plutôt inquiétantes est physiquement éprouvant à regarder se désagréger; on a aussi du mal à se faire une idée claire du type. Il est dingue, c'est certain, mais jusqu'où responsable? Difficile à dire. La scène finale est de ce point vue un morceau de bravoure, tant à jouer probablement, qu'à regarder, ça dure, ça tire, on dirait que ça ne finira JAMAIS (vraiment, c'est un peu long en fait), on passe par tout un arc-en-ciel de délires apostoliques et religieux pas loin de la schizophrénie et on attend la délivrance. Comme lui. Ouf.

The beguiled, Siegel, 1971
2000 maniacs!, Lewis, 1964.
The apostle, Duvall, 1997


lundi 16 novembre 2015

Mazafaka (Jim, fais-moi mal)

Je me suis récemment replongée dans les bouquins de Jim Thompson, écrivain hard-boiled monstrueux qui a entre autres chié The killer inside me et The getaway, tous deux relativement bien adaptés, faut l'avouer (même si le premier repose surtout sur la petite moue d'Affleck, mais bon).  L'incroyable individu qui tient Polar and Co m'a intriguée récemment en me parlant d'une adaptation de Pop. 1280 par Tavernier appelée Coup de Torchon. Tavernier, du Thompson, m'écriai-je! Ça alors! Je me suis donc remise au travail et ai réuni quelques films adaptés de Thompson, histoire de voir si ça tient toujours aussi bien.

After dark my sweet est plutôt moyen: histoire d'un type à la masse séduit par une nana pas jouasse flanquée d'un oncle dégueulasse, et qui se retrouve embrigadé dans un kidnapping à deux vitesses qui tourne évidemment mal. Y'a une histoire de complot entre l'oncle et la meuf, un truc pas trop clair qu'on sait pas trop qui entube qui - surtout que le héros, qui joue au taré tout du long est en fait vachement malin. Héros typiquement thompsonien, le type ultra finaud qui joue au plus con (dans Pop. 1280,, The transgressors, et probablement dans plein d'autres bouquins) est ici joué par Jason Patric, pas mauvais mais un peu meh, comme on dirait. The Femme Fatale (Rachel Ward) , qui a un accent british à couper au couteau pour une raison obscure est elle aussi pas folichonne. L'oncle pervers est plus convaincant, avec ses grandes dents gluantes. Le film est pas mauvais, mais manque en fait d'une espèce de nervosité, de tension - tout est dans un truc un peu éthéré, aérien, ciel bleu et palmiers crevés. C'est mou quoi.

Série Noire est une adaptation de A hell of a woman ( Des cliques et des cloaques en VF), que je n'ai pas lu, mais qui a l'air bien sympathique. On y retrouve Patricke Dewaere, en Poupart, vendeur itinérant de banlieue parisienne minable, un pavillon à moitié moisi, une bagnole qui crachouille, un imper mal ceinturé; enfin, le bout du scotch. Survient Mona, petiote maqureautée par sa tantine en échange d'une robe de chambre molletonnée (c'est du joli) et qui ne lâche pour ainsi dire aucun mot du film, se contentant d'être là immobile et de faire la moue en attendant qu'un crétin la sauve. Ce crétin, c'est Poupart (Poupée pour les intimes) qui va se faire un plan dostoievskien (dézinguer la vieille pour lui piquer son blé et emporter la fille), plan qui va évidemment merder - Poupou est un peu concon, pas toujours très logique et en fait largement schizo sur les bords. Le film est assez génial et à plein de niveaux. Dewaere est incroyable, complètement en roue libre, entre fureur et paranoia, tendresse et barbarie absurde, il y a aussi Blier en boss mi-mafieux mi-molette qu'est pas chié. Les dialogues sont signés de Perec, du coup, c'est difficile de rater son coup. J'ai surtout retenu les insultes -"Pauv' type du dimanche!" "Trou du cul sans fesses!"- mais il y avait plein de trucs chouettes. Visuellement, c'est aussi bien foutu, musicalement impeccable. C'est marrant de voir comment la transposition du milieu redneck américain fonctionne vachement bien dans un truc style banlieue de Lille-Roubaix. Finalement, leur Sud, c'est notre Nord à nous. Mignon!

Coup de Torchon est également une transposition qui aurait pu être casse-gueule, puisqu'on passe d'une petite ville du Sud aux colonies françaises ( Sénégal il me semble). Pop.1280 ( Pop. 1275 en VF, parce que les traducteurs sont aussi super nuls en math) est un bouquin bien dégueulasse, avec un héros qui joue au con tout en tuant, niquant, trompant à tout va - et qui s'en tire toujours. Ici joué par Philippe Noiret (Lucien), parfait en béni de la crèche qui fout sa merde un peu partout. On voit aussi Eddy Mitchell en frère/amant de la femme de Noiret et Huppert, la maîtresse hystéro. L'atmosphère oscille entre nonchalance et trouille, un genre de mollesse qui sent un peu la mort dans le fond, ce qui colle bien avec le caractère de Lucien, gros nounours sociopathe. La musique de Sarde est d'ailleurs impeccable, sorte de jazz orchestral un peu gluant sur les bords - voilà, en fait, ça suinte ce film, et de partout. On fait d'ailleurs le lien avec Voyage au bout de la nuit et c'est pas tout à fait idiot, en tout cas pour l'aspect malsain et un peu moite, déliquescent des colonies.

Il y a d'autres adaptations, mais j'ai préféré voir Thompson en vrai, sa trogne ratatinée un peu chelou, qu'on aperçoit dans Farewell, my lovely, néo-noir adapté d'un type comme lui, Raymond Chandler, qui a créé le privé Philip Marlowe (qu'on retrouve dans The Big Sleep, film auquel je n'ai toujours rien pipé) et pas mal adapté dans les 40's puis dans les 70's. Dans celui-ci, Marlowe (le vieux Mitchum) doit retrouver une Velma qui fait un peu sa pute. Il croise toutes sortes de gens bizarres, dont un vieux juge (Thompson, donc) dont il tripote un peu en passant la jeune épouse (Rampling, pas mal du tout). Marlow a l'air d'être too old for that crap, et s'en prend plein la gueule - dont une mémorable branlée mise par une grosse infirmière néo-nazie flippante. Il en a marre, et d'ailleurs, rien ne se résout au final (comme ça, c'est dit). J'ai enfin pigé ce qu'était le néo-noir: c'est du noir, mais en couleurs et en plus déprimé. Un des tropes du genre étant l'idée d'un détective toujours un peu à la masse, alcoolo/dépressif, ici, c'est montré et affirmé - le privé n'est dans le fond qu'un type un peu bouffon, qui n'a plus rien à part "un chapeau, un imper et un flingue". Et même le pétard ne lui sert plus à rien, comme il le constate: "But, I'm the one with a gun! When you have a gun, people are supposed to do what you tell them". En vain: on est  en bout de course, en bout de monde pour un type paumé dans son imper minable. 

After dark, my sweet, Foley, 1990
Série Noire, Corneau, 1979
Coup de Torchon, Tavernier, 1981
Farewell, my lovely, 1975

mardi 10 novembre 2015

Ecran total

Ouah, qu'est-ce que ça a castagné cette semaine! Rien que des films avec des agents secrets-doubles-indahood! Pim! Paf! Ouch!

J'ai commencé avec Sicario, de ce cher Villeneuve que j'aime de plus en plus - mais là un peu moins quand même. Sicario parle de cartel et d'opération méga-top secrète autour de la frontière mexicaine, avec une jeune-agente-du-FBI-idéaliste-qui-doit-renoncer-et-faire-des-choix face à des coéquipiers-méga-burnés-mais-un-peu-chelous-quand-même-dis-donc. Une bonne vieille histoire de Juste VS Bon, la fin VS les moyens, l'Aile VS la Cuisse, enfin tout ça. Bon, le film est quand même ailleurs pour moi. Tout d'abord, cette petiote (Emily Blunt qui a un problème de soutif (??)) n'a à aucun moment le choix - elle se fait entuber dès le départ, et puis s'associer avec un Alejandro (Benicio, sérieux), franchement, même Lady Gaga l'avait prévenue. Enfin. D'ailleurs, il ne s'agit pas que d'une histoire de cartel, mais surtout d'une vengeance personnelle, idée que Villeneuve explore à plusieurs reprises ( Prisoners, Incendies, et d'une façon un peu bizarre Polytechnique) et qui donne à l'ensemble du film une lecture qui dépasse largement l'aspect dirty harry. Donc voilà: film sur le libre arbitre, le respect des règles, moui; mais pas que. Visuellement c'est très joli - dans la lignée des longs plans aériens sableux, du désert vide, des villes tentaculaires - avec un chouette son saturé sans trop de chichis, un rythme qui arrive à être lent mais nerveux. La scène de récupération du méchant au Mexique est très bien foutue (mis à part pour le côté placement de produit Chevrolet), tendue comme un zlip colombien (hint hint) et ultra dense. Après, il y a quelques trucs qui louchent parfois vers le blockbuster concon (Benicio seul contre tous, wouah!) mais pourquoi bouder son plaisir (finalement, hein).

Pour me remettre, j'ai maté Cobra, le bras droit de la loi qui fait mal. C'est un film plein de fougue et de Sly qui m'a rendue toute chose: quelle poésie sous ces muscles herculéens! Car Stallone ne se contente pas de faire des choses avec ses bras musclés, il fait aussi des trucs avec sa bouche (parler, on dit) et a probablement dû passer pas mal de temps avec un dictionnaire de rimes pour écrire les dialogues. C'est beau comme du Proust en moto. Comment résumer Cobra? Difficile. Il s'agit d'un jeune éphèbe épris de justice qui parcourt la vie dans une voiture (immatriculée "AWESOM 50") pourvue d'un accélérateur au nitrus et qui nique tout ce qui bouge et se gare sur les places handicapés indûment. Quel homme. Quand il s'agit de sauver Ingrid, mannequin qui cherche à se lancer dans le porbot (ou robno, du porno avec des robots, donc) mais qui pour le moment est poursuivie par une bande tueurs fous fans de Einstürzende Neubauten qui font de la zicmu avec des haches et des clés à molette, son sang (à Cobra) ne fait qu'un tour. Il saute sur sa moto, puis dans sa voiture, puis sur Ingrid en passant et va défourailler tous ces super-méchants (qui sont un peu cons, quand même). Cobra a une vision bien à lui de la justice (un peu comme Alejandro, tiens), qui ressemble à un gros tatouage sur le bras d'un fermier texan - dans un monde idéal, il précipiterait toute l'institution judiciaire dans la faillite la plus totale. C'est un foucaldien dans le fond, mais je l'ai toujours su. Bref. 

Histoire de faire pire, j'ai vu Stargrove et Danja, agents exécutifs (Stargrove et Danja.exe pour les intimes) dont le titre original est encore plus inexplicable que la traduction - Never too young to die (mais heu, en fait oui, non?). Un film proposé par cette méconnue institution sporadique bruxelloise les Films à deux balles, qui se réunit parfois, comme ça, sans prévenir, à la Porte Noire. Merci LFADB. Stargrove, un jeune homme sans histoires, découvre à la mort de son père que celui-ci ne travaillait pas pour une agence pétrolière en Libye (le métier le moins suspicieux du monde, c'est vrai) mais était en fait agent secret et partenaire d'une méga-bonnasse qu'il lui avait même pas présenté (pas cool). Face à lui, une bande de méchants, eux aussi fan de musique industrielle qui tache, habillés comme un groupe serbe de cover de Kiss/The Cure (oui, je sais, bizarre) et emmenés par un chef hermaphrodite, Velvet von Ragner (un mix de ragnagna et de Wagner, donc) qui fait (très fort) penser à Frank-N-Furter, joué par un Gene Simmons étonnamment agile en talons aiguilles. Von Ragner a dégommé le papa pour une affaire de disque qui devrait lui permettre de contaminer l'eau potable du monde entier - enfin un truc du style - mais le jeunot, après avoir découvert la planque de son vieux dans une ferme en Ohio, va s'associer avec Danja, la bonne donc, qui va, en passant, faire de lui un homme au cours d'une scène d'amour assez somptueuse, et va récupérer le disque - ou plutôt, régler le problème de la méga bombe en la jetant tout simplement par dessus bord; malin! C'est un nanard réel et sincère, et je l'ai trouvé beau dans la façon qu'il a d'aborder le monde en disant "Hello World! C'est moi! Je suis un film de merde et je m'en moque!". Rien de plus beau que l'acceptance. Le doublage est lui aussi riche de surprises dignes d'un Translator devenu fou - "Oh, je vais désactiver cette bombe, c'est super facile, tranche de cake" - à moins qu'il s'agisse de "tronche de cake"? Herméneutique, quand tu nous tiens... Il y a aussi des vrais moments de philosophie: on interroge son grrros Dasein ("Je suis sans doute un peu con, mais je comprends pas ce qu'on est venus faire dans cette galère"); on fait de la théorie du genre (" Tu es peut-être mi-homme, mi-femme, mais moi je suis un homme à part entière") et surtout, on offre à Cobra une réponse cinglante - en parlant des méchants: "Non, ce sont des victime de la société". Snif.

Sicario, Villeneuve, 2015
Cobra, Cosmatos, 1986
Never too young too die, Bettman, 1986

lundi 9 novembre 2015

This is 30(0)!




Protomartyr - I forgive you


samedi 7 novembre 2015

Fin(s) de mondes

Toujours l'apocalypse, avec une mauvaise pioche mais deux jolies surprises.

La mauvaise pioche, c'est Um filme falado, officiellement le truc le plus chiant que j'aie vu. Il s'agit, littéralement, d'"un film parlé": du coup, ça jacte, ça jacasse, ça bavasse, ça pérore pendant un peu plus d'une heure et demie sans que RIEN ne se passe. Le tout avec des voix blanches,  un peu désincarnées, se contentant de commenter le monde à la manière de personnages rohmérien sous Xanax (c'est dire!). L'idée était pourtant super sexy, on raconte le voyage d'une mère et sa fille qui vont du Portugal à Bombay en bateau (un de mes rêves humides). Il aurait pu se passer plein de trucs, des histoires familiales, des révélations de secrets, des rencontres inopinées, des vérités au sel marin, mais putain il ne se passe RIEN (au risque de me répéter). La nana se contente de balader sa gamine dans des lieux historiques pour lui apprendre genre l'histoire des civilisations, qu'elle lui débite sur un ton de prof neurasthénique (" Ici ce sont les pyramides", "Voilà Pompéi" "Tiens, allons parler à ce prêtre orthodoxe" rhaaaaaa). La mioche est visiblement elle aussi gavée de calmants pour poneys hyperactifs et pose des questions sans jamais avoir l'air de se faire chier ("C'est quoi une civilisation?" "C'est quoi un pharaon?" "C'est quoi un prêtre orthodoxe?" gnéééééééé), encore une représentation super réaliste d'un chiard de 8 ans, tiens. A un moment, cette visite guidée (une de mes phobies pas secrètes) s'achève enfin, ouf, mais pour se changer en conversation ultra chiante entre trois bonnes femmes et un John Malkovitch dont on se demande quoi, comment et wtf. Ils parlent tous dans des langues, mais se comprennent, comme c'est touchant et trop soutenu par la commission européenne, mais on aurait préféré ne rien comprendre tellement c'est soporifique. Heureusement, tout se termine par une bonne vieille bombe (oups, spoiler pas alerte) qui fait tout péter et donne à cet ennui la fin qu'il mérite. 

La belle endormie est un film où il se passe des trucs, lui. Et plein de trucs. Autour d'une affaire de fin de vie ultra-médiatisée dans l'Italie contemporaine, des vies s'entremêlent, se castagnent gentiment et se perdent pour finir. La belle endormie, c'est une fille dans le coma depuis 17 ans qu'on veut débrancher, présence médiatico-fantomatique qu'on ne voit jamais. Autour de ça s'excitent tout un tas de gens - des cathos, des schizos, des sénateurs patauds, chacun avec son drame, ses excuses et sa trouille de la mort. Il y a une vraie endormie, droguée/suicidaire de son état, qui pose elle aussi la question de l'injonction postmoderne à vivre et à en plus aimer ça. Il y a une autre endormie  qui paralyse une famille entière malgré elle et qui transforme la vie de ceux qui l'entoure en une sorte de mort diffuse. Il y a enfin une morte endormie, par choix, mais dont l'ombre, enroulée dans les non-dits familiaux, porte toujours sur la vie de ceux qui restent. C'est à la fois politique, philosophique, religieux mais c'est surtout ultra humain, tout près, au creux de la peau des protagonistes dont la chair vive est la seule réalité tangible. Bref, c'est beau. Et y a un petit barbu qui fait bien envie (aussi).

Toujours en Italie, Il ritorno di Cagliostro est un faux documentaire hilarant sur une maison de production sicilienne illustre et pourtant oubliée par l'histoire. Ça commence plutôt sérieusement, et pendant 5 bonnes minutes, on y croit: une bobine inédite d'un film trop célèbre a été retrouvée dans une brocante, tiens, faisons un documentaire sur cette histoire-du-cinéma-d'une-époque-oubliée-aujourd'hui - dans la veine du très bon  Cinema Komunisto - mais bon, au lieu d'archives d'époque, on a un film N/B avec une bande de bras cassés qui montent leur affaire avec un évêque du cru qui reçoit ses visiteurs flanqué de sa mamma qui lui tricote des chaussettes à longueurs de journées. Un autre indice qu'est c'est pour déconner, c'est qu'il y a des prêtres en soutanes qui swinguent dans l'antichambre. 

Hum. Le reste est totalement loufoque, entre interventions de personnages "réels" contemporains, comptes-rendus des déboires de ces pauvres frères La Marca et extraits de films super-Z. Le centre et l'apogée de cette histoire, c'est leur dernier film, Le retour de Cagliostro, sorte de Faust wellesien raté jamais fini, avec des acteurs locaux complètement freak, une star américaine alcoolo qui finit dans un asile et un conseiller de production spécialiste de magie noire qui vomit du blanc dans des moments d'inspiration trop intenses.Il y a plein de trouvailles géniales: du foutage de gueule du paradigme Leone (chacun tourne dans sa langue, tout ça) avec des acteurs qui ne pipent rien à l'anglais et qui jactent en sicilien, un mignon clin d’œil au rêve italien du cinéma d'exploitation, pas mal de vannes sur les bons vieux rednecks siciliens bouffés de religion; enfin, c'est très drôle.

Um filme falado, de Oliveira, 2003
Bella addormentata, Bellochio, 2012
Il ritono di Cagliostro, Cipri & Maresco, 2003

mardi 3 novembre 2015

Ecran total

Méga fan de Kristen Wiig, j'étais toute frétillante de savoir qu'elle avait commis un nouveau film, dont le pitch laissait entrevoir un truc possiblement bien taré: 
"When Alice Klieg wins the Mega-Millions lottery, she immediately quits her psychiatric meds and buys her own talk show."
Chic! Alors on ne sait pas trop de quoi souffre cette chère Alice, mais c'est sans importance. Prise dans un truc plutôt monomaniaque, c'est finalement une grande fille toute simple qui connaît par cœur toutes les émissions d'Oprah - qu'elle mate encore sur VHS, ce qui donne une meilleure idée du niveau. Bref, quand elle gagne des sousous, elle se paie son propre talk-show, dont on se doute qu'il va être un peu flippé - surtout avec un titre pareil. Welcome to me est donc un show qui parle d'Alice sous toutes ses coutures: ses recettes de cuisine, ses rêves, ses souvenirs d'enfance tout chelous, présentés via des dramatisations qui font bien peur et qu'elle peut commenter ( "le jour où ma pote m'a piqué mon maquillage"). Le film tient surtout au personnage d'Alice, (et Wiig impeccable) qui est hallucinante dans le genre total freak sans surmoi mais un truc se passe aussi avec le reste des personnages: ce n'est pas une vision si dichotomique style un taré/le reste du monde, puisque l'entourage n'est pas non plus bien net. Du producteur aux parents en passant par la meilleure pote et le psy même, y sont tous un peu barges à un certain niveau. Le résultat est un film qu'on regarde avec l'impression de voir un truc en train de sombrer sans vraiment de panache, un spectacle qui met un peu mal à l'aise sans qu'on sache pourquoi mais pas mal addictif dans le fond. Un film du samedi soir, quoi.

Eat est un des restes (haha) du dernier BIFF que j''ai retrouvé par hasard. On pourrait l'utiliser pour faire peur à ceux qui veulent devenir artistes: on finit par s'en bouffer les doigts (littéralement). Nous voyons ici une jeune actrice (Molly? Sally? Brenda?) partie-à-Hollywood-mais-qui-en-chie et qui se retrouve à se bouffer d'abord les ongles, puis finalement les bras, un peu les pieds enfin, bon, vous voyez le dessin. Les ongles arrachés étant une des rares choses que je ne supporte pas à l'écran, j'ai passé la nuit suivante à faire des rêves au dissolvant sans acétone (cela dit, c'est bien dissuasif pour ceux qui se rongent encore les mimines), d'autant plus qu'il y avait également une scène de bouffage de nichons, la deuxième chose que je peux pas voir alors bon, hein. Le reste du film est à la hauteur de ce qu'on peut espérer: c'est assez nul, mais divertissant. On a probablement fait exprès de prendre des actrices dont l'éventail de rôles correspond à celui d'une tortue japonaise naine - genre petite blague second degré - mais quelque chose me dit que c'est juste un mauvais film, avec des acteurs rescapés d'une poubelle porno abandonnée quelque part au bord d'un échangeur californien. Mention spéciale pour la meilleure amie à grosses burnasses et la proprio à petit chien ridicule.

On retrouve Jemaine Clement, moitié des génialissimes Fight of the Conchords (qui ont par ailleurs totalement disparu, peut-être bien mangés par eux-mêmes à force de désespoir) dans What we do in the shadows, un sympathique faux-docu sur la vie des vampires à Wellington, NZ, ville qui a l'air aussi active que Mons-sans-2015. C'est un peu un Friends version vampires: problèmes de coeur, de ménage, de loyer, de comment rentrer en boîte et de où trouver les meilleurs humains à bouffer - bref, des jeunes gens modernes. Comme on peut s'y attendre, il y a un allemand dans le tas et un type vaguement roumain ce qui donne l'occasion à une petite musique globalement balkanique (on aura reconnu la bosnian touch) en alternance avec des brandebourgeois mi-teuton mi-molette - mais rien d'original, dommage. Clement joue d'ailleurs si bien le moldave sexuel que je ne l'avais pas reconnu. Le tout est fait dans un genre très ironico-kaurismakien (plans fixes sous forme de tableaux keumiques, dialogues anti-climatiques, personnages flegmatiques) plutôt rigolo.

Welcome to me, Piven, 2014
Eat, Weber, 2014
What we do in the shadows, Clement & Waititi, 2014

samedi 24 octobre 2015

Fin(s) de mondes

Toujours occupée à scruter la fin du monde, j'ai vu trois trucs complètement surprenants. 

Ce vieux rêve qui bouge est un film en forme de faux documentaire sur une usine qu'on démonte. Il s'agit des aciéries du Tarn - pastis, donc - dans lesquelles débarque un petit jeunot, mécanicien nomade venu démonter une machine. Seul dans un hangar vide, il s'active pour récupérer les derniers bouts encore utilisables d'une affaire classée. Au passage, il discute, rencontre, parlote, boit des coups avec les types du coin, une petite troupe décimée de travailleurs plutôt désabusés, pas révoltés, qu'on sent fatigués d'une agonie qui n'en finit pas. Tout ça n'est pas bien joyeux. J'adore les histoires de crépuscules industriels, de démontage de morceaux de tôle rouillée - LA séquence du chantier de démontage de bateaux au  Pakistan de Manufactured Lanscapes - et c'est ici impeccablement travaillé dans des tons rouges/orange, une lumière de fin de journée qui n'en finit pas de finir, un ensemble vaguement rouillé, ocre, terreux. Et puis les conversations entre deux boulons, toujours d'un jeu un peu blanc, déclamatoire, des commentaires parfois un peu désincarnés, las. Il y a aussi une histoire de désir étrange qui s'immisce entre les failles - parfois l'air de sortir de nulle part, en même temps non.

D'ailleurs, le désir est la question de Les derniers jours du monde, un film dont je n'avais jamais entendu parler - alors qu'y joue mon décavé préféré du monde, Mathieu Amalric (<3). Comme dirait Chloé (Karin Viard, pas mal) "c'est fou ce qu'on baise quand ça va mal". Hé oui! Ce film raconte donc les derniers jours du monde, sans grande surprise, dans une France ultra-contemporaine où une sorte de vague catastrophe écologico-politique est en cours - des cendres qui tombent du ciel, des sirènes qui hurlent, de l'eau verdâtre et des types en combinaisons sur la plage - tandis que Robinson (Amalric) cherche à comprendre et à raconter l'enchaînement des événements qui le font se retrouver là, seul, au bord du monde avec un bras en moins. Parce que l'histoire de cette fin, sa fin à lui, c'est une histoire de cul, bon allez, de passion disons, vieille comme le monde - " je veux un truc parce que je sais que je peux pas l'avoir gnagnagna"(paye ton originalité) - pour une fille qui ne fait que passer, qui est toujours ailleurs et qui finit toujours par se tirer. Le récit du passé accompagne une fuite dans le présent au cours de laquelle Robinson récupère une quinqua à la ramasse avec qui se noue un truc bien œdipien, puis finit par retrouver son ex-officielle enfin,  tout ça. Ces deux fuites en avant (celle de la relation amoureuse qui foire à la base et celle de la fin du monde) se nouent dans un récit finalement bien maîtrisé, qu'on n'a pas cherché à trop compliquer, avec toujours cette urgence du désir qui ressemble quand même foutrement à un désir de crever - l'instinct de mort, tout ça. L'aspect apocalyptique est ultra bien fait, sans grandes bravades techniques mais ultra efficace. Et puis Mathieu, aaaaahh Mathieu...  

Dans Rêve de singe aussi on baise beaucoup - mais c'est parce que c'est un film post-Factory qui louche vers du Fellini postmoderne (enfin genre baroco-shoegaze quoi). Dans un NYC de fin du monde - il y a des gens en combi blanches dans la rue quoi -, un type au métier par très clair (Depardieu! Mince alors!) vivote entre une troupe de danseuses-performeuses féministes, un groupe de petits vieux tendance freak/artistes à la retraite et un musée de cire dédiée à la mémoire de l'empire romaine  tenu par un certain Mr Flaxman, sorte de mix improbable entre Jacques Villeret et Néron (??). Il ne se passe pas grand chose: les performeuses l’émasculent un peu symboliquement et se posent des questions, le musée de cire se voit obligé de changer les visages de ses empereurs pour des trucs plus contemporain (Jules César devient ainsi habilement JFK, un compromis historique, donc) et les vieux ont des problèmes de mort, de baise, d'articulations, enfin de vieux quoi. Pourtant, un jour, qu'il promène Luigi, coco italien/peintre (Mastroianni, hihi), notre Gégé trouve sur une plage un singe géant échoué (géant, genre King-Kong size). Mastroianni qui en a marre de passer ses films à trouver des trucs morts échoués sur des plages, se met à chouiner (il chouine d'ailleurs pendant tout le film, littéralement) mais trouve ensuite, dans la pogne du grand, un miiiiiiiignon bébé singe, lui bien vivant et qu'il aimerait bien garder mais il est allergique aux poils, du coup, il rechouine un peu et le refourgue à Gégé. S'ensuit une belle histoire de parentalité chelou, qui finit par une parentalité réelle - mais encore plus chelou et dans un grand embrasement - Rome, tout ça. C'est plutôt bizarre comme truc, mais pas dégueu. Le gros singe donne plutôt bien - ça fait un peu happening à la Banskys.

Not again!
Ce vieux rêve qui bouge, Giraudie, 2001
Les derniers jours du monde, Larrieu,, 2009
Ciao Maschio, Ferreri, 1978

vendredi 23 octobre 2015

All the young children on crack.

... Yay!

Dan Friel s'est enfin décidé à se remettre à ses machines chelous et petits bruits choupis! J'avais pas mal frissonné dans ma culotte en écoutant Total Folklore, un disque d'électro plein de bruits avec des vrais morceaux de jeux vidéos dedans.

Life, comme son titre le laisse entendre, va plutôt dans la tendance Walt Disney sous acide: c'est plein de petites mélodies trop choupinoues qu'on dirait des génériques de films meugnons ou des morceaux qui rappellent au héros que la vie elle est trop belle et que les autres, ils sont aussi gentils même si ils ont l'air méchant, enfin, toute cette philosophie de l'existence massivement débile dont on gave les chiards jusqu'à ce qu'ils découvrent par eux-même l'arnaque internationale qu'est le bonheur. Bref.

Ça commence par une petite berceuse toute douce, dans des tonalités lancinantes mais pas trop, avec déjà des harmonies en mineur qui laissent présager le pire (le mineur, c'est toujours celui qui te foutra dedans, pour citer Balasevic). Mais en fait pas! Suit Cirrus, un truc plein d'espoir pour les lendemains, une petite mélodie qui fait jaillir des petits coeurs des baffles mais qui se tord ensuite dans une contorsion machinique carrément plus <3 du tout -s'enfonce dans des saturations et perd même de vue l'idée de morceaux - genre un début, une fin, tout ça. Et puis qui, hop, repart, pleine d'espoir vers la suite. Ouf.



Lungs commence sur un braillement à différents niveaux, avec des petits bips comme on aime mais va ensuite dans des trucs tout discordants, à la structure trop deleuzienne de ta mère qu'on sait plus trop d'où ça vient et où ça va. C'est beau. Mais pas que, parce qu'à un moment, y'a un type quelque part qui se réveille et qui décide que ça fait chier et qui balance une grosse basse pleine de contretemps avec des micro-rifs sursaturés et puis comme il a bien compris comment incrémenter un tempo via une boucle for bien branlée, ça finit par être même, putain mais UN RYTHME quoi. Genre.



Y'a aussi un excellent Jamie (luvver) qui fait plus penser à Total Folklore - mélodie bien calée sur des boîtes à distorsion secouées dans tous les sens - je sais, on dit des pédales, mais je suis certaine que Dan, lui, il a des boîtes.



Pour finir sur cette touche High School Musical On Crack, un petit Theme qui veut tromper son monde, une petite compo d'amour de geek - on entend littéralement un bruit de touches de clavier si on écoute bien.



Et puis Life (Part 2), qui conclut sur un conseil bien avisé qu'aurait pu donner Dan Treacy - we should give them something back. Rendons à ces pauvres mouflets défoncés à la soupe sirupeuse qu'on leur sert en termes de réalité un peu de ce que c'est: un truc qui grince, qui t'arrache un peu le bide, qui te défouraille gentiment dans les coins et qui se fout pas mal de la bienséance et des standards du W3C.




vendredi 16 octobre 2015

Fear (and) the working dead.

J'ai parfois du mal à croire qu'il fut un temps où je pensais au travail en termes d'envie - qu'est-ce que je veux faire dans la vie? Un an plus tard, je me rends compte que mon discours a changé de "j'aimerais faire ça" à " ce que j'aimerais vraiment, si c'était possible, ce serait" à " bon, le rêve ce serait de " pour finir par ne même plus en parler, comme un petit secret sale - ce que j'aimerais vraiment faire dans la vie.

Ça sonne presque comme un gros mot, comme une exigence de sale gosse pourrie gâtée, de vouloir faire ce qu'on veut (dans mon cas, de la tautologie appliquée) surtout dans le climat actuel qui cherche à construire un rapport au travail assez abominable,  auquel je me demande si on a vraiment réfléchi du point de vue des conséquences profondes. 

Reprenons. A la base, on exerce une profession parce qu'on l'a choisie, en tout cas plus ou moins. Dans cet état de fait, un certain nombre de gens se sont retrouvés au chômage, et au lieu d'en conclure de façon logique, que le problème était dans le travail plutôt que dans le chômeur, le marché (who dat?) a conclu que c'était parce que le chômage était trop confortable (et pas du tout parce que le travail était trop débilitant). On a donc rendu le chômage le plus inconfortable possible, histoire que ceux qui ne travaillent pas par envie le fassent au moins par nécessité. Faut bien bosser.

Je suis convaincue qu'il faut que tout le monde travaille, mais il faudrait s'entendre sur ce que travailler veut dire. A mon sens, ça signifie exercer une activité qui permet à l'homme de s'épanouir, de contribuer à la société et de construire quelque chose. Servir des bières est un travail, tripoter des ordinateurs est un travail, écrire des films de zombies est un travail, se poser la question de savoir si Lacan et Foucault aurait fait un beau couple est un travail (on aurait dit Lacault, ou Foucan, trop <3). Résumer le travail au fric qu'il génère est un truc plutôt crétin et c'est d'ailleurs probablement pour ça qu'une partie des gens a fini par ne plus avoir envie de travailler. En termes de salaire, être instituteur est un travail de merde comparé à être DRH chez Air France. En termes d'utilité sociale, on a du mal à justifier qu'un type qui vire des gens avec le sourire est plus utile que quelqu'un qui fait en sorte qu'une chiée de gamins ne soient pas juste analphabêtes (sic) toute leur vie.

Mais bon, de toute façon, travailler par nécessité n'est plus vraiment sur la table. On est en train de créer un monde dans lequel on travaille parce qu'on a peur de ne pas avoir de travail. Normal. Après avoir fait du chômage un truc suffisamment insupportable pour ne pas pouvoir y survivre sur le long terme, on est en train de le transformer en expérience existentielle qui, quelque part, finit par briser quelqu'un et en faire une chose réduite en miettes, prête à tout  (ou presque) et surtout, qui une fois réinsérée joyeusement dans la société, aura une telle trouille d'avoir à le revivre, qu'elle se tiendra à carreau.

Je ne sais pas quel connard pense encore que des travailleurs qui bossent la peur au ventre sont une chose profitable pour une entreprise. Ça fait quand même un moment qu'on sait qu'un bon travailleur est un travailleur heureux, alors un travailleur peureux? En même temps, les sociétés basées sur la peur fonctionnent plutôt bien, si on en croit le résultat des dernières élections biélorusses.

Et l'utilité sociale dans tout ça? La voilà: on se retrouve avec une bonne petite société de gens pétrifiés par la peur - de tout, de la crise au réchauffement climatique, en passant par la grippe hivernale et la peau sur le lait chaud -, une société dans laquelle un politicien pas loin du fascisme est invité comme orateur à la séance inaugurale de l'institut de sciences politiques d'une des rares universités du pays à avoir encore un peu de crédibilité et peut se permettre de tenir un discours inqualifiable sans que personne,ou presque, ne moufte. Quand on voit ça, on a presque envie d'aimer l'ULB (qui avait de son côté pensé à Laurent Louis pour son ouverture académique, mais il avait perdu son ticket de bus).

De mon côté, il semblerait qu'à l'instar des Cold War Kids, il y ait quelque chose "que je fais mal" (dixit la gentille madame d'Actiris), raison pour laquelle "je suis encore là" (chez Actiris donc.) Le pire, c'est que j'ai fini par y croire. Alors je vais aller voir un gentil conseiller qui va soigner mon CV (j'espère qu'il réglera aussi mon Œdipe du même coup, il y a peut-être moyen de prendre un forfait) pour que je puisse moi aussi me lever tous les matins, aller bosser, avoir peur, me coucher et recommencer. Trop hâte <3 <3 <3