dimanche 13 décembre 2015

Ecran total

Ayant travaillé récemment sur la dystopie, je me suis mise à la recherche de trucs un peu neufs - genre qui puissent parler à des chiards nés après 2000. A part les daubes immondes Hunger  Game  et co (idée de crossover: The Hunger Divergente qui parlera d'une société dans laquelle des jeux sont organisés entre ados anorexiques)  dont le scénario a visiblement été écrit par un hamster apprivoisé, rien. Je suis alors tombée sur The Lobster, du réjouissant Lanthimos dont je n'ai toujours pas vu Canine, mais qui donne envie. Une société dans laquelle les gens trop longtemps célibataires sont destinés à se transformer en animal, voilà qui nous change un peu! Comme dans pas mal de dystopies, l'intrigue s'organise autour d'un groupe de résistants, des gens trop célibataires qui écoutent de la musique au casque parce qu'ils sont super polis, qui ont des cool parkas et qui vivent dans les bois, tentant d'échapper aux célibataires en convalescence dont le but est de les éradiquer - sinon c'est pas drôle. Là dedans, David (Farell, mou du bide et méga chou) qui pense avoir trouvé sa moitié en la personne d'une nana complètement jetée, finit par en avoir marre - elle lui tue son chien/frère, la salope - et se tire dans les bois pour vivre avec les Solitaires. Qui s'avèrent être aussi tarés que les autres, fachos dans le même genre, avec des lignes de faille morales plutôt bancales - "t'as embrassé quelqu'un, on te coupe les lèvres, ça t'apprendra" - ce qui va évidemment poser problème, car David a son œil sur une petite pas mal gaulée, Rachel Weisz qui fait sa sauvage dans les fougères. Hardi! L'atmosphère est génialement construite, toute en lenteur, immobilité et uniformité d'un monde ultra-contrôlé et réglé comme une horloge suisse, le tout dans un cadre paumé, gavé de tons organiques en mode mineur ( brun, beige, gris, vert d'eau) et de grands espace vides - de la ville, on ne voit qu'un ensemble architectural de mall géant. Du point de vue écriture, c'est bien foutu, sans pathos ni climax, avec quand même plein de petits trucs drôles dans l'absurde poussé à bout - "si votre couple ne marche pas, on vous filera un enfant, en général ça aide" - et puis tout un tas de situations un peu Roy Andresson - tragédie comique de l'homme moderne écrasé par le monde. On m'a fait remarquer que ces univers - officiel comme rebelle - sont tous deux dirigés par des femmes: c'est exact, mais qu'en penser? Mystère.

J'ai tellement de fois vu le clip de J'pète les plombs - moi aussi ,j'ai un passé scabreux - que mater Falling Down ça été un truc de dingue: c'est comme si je comprenais la Vie, où ça va, d'où ça vient et pourquoi. L'histoire est relativement simple: c'est un type qui pète les plombs. Il a tout perdu, sa femme, son gosse et son job, il a plus rien à foutre alors suce son zob. C'est pas mal comme résumé finalement. Ce pauvre D-fens (Douglas) en a donc marre des embout' et décide de planter sa caisse là et de rentrer à pied - sage décision. On dirait que tout le monde s'est donné le mot pour le faire chier - pas de monnaie pour eul'téléphone, la canette est trop chère, on veut lui piquer sa mallette, et y'a plus de petits-dèj' au Wendy. Comme tout le monde, j'ai souvent eu le pressentiment qu'un jour je finirai par faire pareil et par en mettre une en travers de la gueule de tous ceux qui me cassent les couilles, le film est donc ultra jouissif - surtout la scène des travaux qui ressemble à peu près à l'état de la rue Malibran depuis environ un an où à ce stade on se demande s'ils ne cherchent pas un trésor de pirate tout simplement. Bref. L'idée d'avoir entrelacé cette trame avec une deuxième, l'histoire de Duvall en flic à la retraite bouffé par une nana à moitié dingue (non mais faut arrêter avec ça) qui veut qu'il rentre à la maison - elle a fait du poulet - est sage: ça repose. Douglas ouvre la voie à tous ces acteurs qui jouent les psychopathes grâce à leur petite voix bizarre un peu haut dans la tête et qui fait flipper, il est génialissime dans ses craquages de slip progressifs et dans son allure de white collar ordinaire un peu hiératique avec ses tartines dans son attaché-case. Y'a un peu de Taxi driver pour le côté Grand Taré ordinaire et une belle tension de chaleur qui monte de l'asphalte.

Youth est aussi un truc en huis-clos, mais nettement plus keumique que le Homard. Entre le film à sketch et la tranche de (fin de) vie, on y voit deux pépés parler de leur prostate, comparer leurs pipis quotidiens et reluquer les nanas à poil. Les deux vieux, c'est Ballinger (Caine), compositeur trop cool qui se refait une santé et Boyle (Keitel, d'amour pour toujours) réalisateur flanqué d'une bande de barbus à bonnets à pompons et pulls jacquard, qui essaye d'écrire un film.  Dans un putain d'hôtel de grand malade au milieu des montagnes suisses, entouré de gens pas nets - dont un caméo de Maradona, qui peut à présent faire des contrôles du ventre, pas mal - qui se posent des questions, donnent des réponses, prennent des poses et attendent le dessert. C'est plein de philosophie de la vie, un peu chiant parfois, tendant vers le mélo, mais suffisamment cynique pour ne pas noyer le tout. Les jeunes cherchent le sens de la vie, les vieux cherchent le sens de la mort; certains cherchent leurs pantoufles et tout ça est très bien. Visuellement très léché, avec plein de plans fixes style comique de situation, des corps vieux, pas très beaux, perdus dans des paysages ironiques et une ambiance de joie forcée neurasthénique de Club Med pour super riches. Enfin tout ça quoi.

The Lobster, Lanthimos, 2015
Falling Down, Schumacher, 1993
Youth, Sorrentino, 2015

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