dimanche 24 janvier 2016

Bye bye, Dixie

Voilà, le Sud c'est fini - c'était pourtant bien, on aurait pu vivre plus d'un million d'années etc. - mais qu'avons-nous appris de ces nombreuses heures passées impunément devant la télé?

- à part des garagistes et des prêcheurs, il n'y a pas beaucoup de métiers: on peut aussi devenir prof ou avocat, mais c'est à peu près tout. Sinon, pour une femme il y a, au choix: femme de curé, femme au foyer, folle à demeure ou femme de bootlegger. 

-  il existe une quatrième forme du verbe "to get" qui n'est ni le participe, ni la forme passée, mais un truc qu'on peut visiblement utiliser un peu à la place des trois. Le verbe se décline donc comme suit: to get, got, gotten, git.

- le Sud n'a pas comme nous, un gentil gouvernement qui les menace de devoir payer plus s'ils y vont pas se faire soigner les ratiches. Résultat, si le Sud est connu pour sa gentillesse légendaire, ce sera sans dents, s'il vous plait.

- pas beaucoup de distraction non plus, à part couper les gens en petits morceaux et noyer des révolutionnaires dans les marais. Heureusement qu'y'a la messe.

- du coup, le Sud et la religion, ça fait deux. On sait que les Amerlos sont pas comme nous, ils sont souvent protestants. Mais en plus, ils ont genre 15 sortes différentes de protestations. C'est malin. Du coup, entre les baptistes, les adventistes, les méthodistes et les pentecôtistes, on s'y perd un peu. Pas eux par contre, et comme partout où il y a des micro-factions d'une même religion, chacun soutient la sien avec la dévotion d'un supporter du Standard. Ils ont tous l'air d'être d'accord sur un truc: pour baptiser les gens, il faut les plonger dans le premier cours d'eau boueux à portée de main - comme en parle très bien ce papier.

- en même temps, on comprend que ça prêche à tout va: y'a quand même une ambiance, une atmosphère qui remonte dans les veines, qui vient taper contre les murs du cerveau comme une certaine envie de se pendre. La vie, c'est pas très mignon par là.

A la base, le terme de "gothic" caractérise surtout les histoires fantastiques, tout ce courant de littérature anglo-saxonne du 19e fait d'histoire d'horreur, de fantômes, de revenants et d'apparitions qui s'organise souvent autour de grandes maisons hantées avec plein de gargouilles dans tous les sens ( à ce sujet ici un texte  excellent). Dans le Sud, ça prend une dimension particulière: pas mal de fantômes font partie d'un passé visiblement pas encore tout à fait digéré, les grandes masures gothiques sont des grandes demeures d'avant-guerre pleines d'histoires gore esclavagistes ou de femmes ectoplasmiques baladant leur existence inutile en attendant leur prochain bookclub. Peuplé d'êtres un peu maladifs, pas bien vaillants, toujours un peu au bord du monde - tiens, on dirait des avertis maeterlinckiens héhé - c'est un territoire un peu hors du sens commun, dirigé par des logiques qui échappent au monde moderne, un truc mystico-barbare qui fascine - justement parce qu'un poil crado.

Bref, c'est fini, je suis toute dépitée et un peu chouinasse, alors je laisse une petite liste de ce qu'il resterait à voir (pour les acharnés):
- The Macon county line, 1974
- Thunder road, 1958
- Walking tall, 1973
- The chase, 1966
- Undertow, 2004
- Bernie, 2011
- Wild river, 1960
- The Phenix city story, 1955

Et une petite playlist: y'a pas de raison qu'on ne parle pas de musique.

vendredi 22 janvier 2016

Southern Gothic

C'était pas vraiment fait exprès, mais les films avec lesquels je clôture cette petite virée dans l'humidité glauque riant au soleil sont probablement ceux qui résument le mieux l'idée du Sud classique - avant que ça devienne un repère à consanguins qui débitent les braves gens en petites saucisses zwan.

Hush, hush sweet Charlotte raconte l'histoire d'une fille de bonne famille, Charlotte prise dans les filets d'un honnête homme qui lui promet de larguer femme et enfants pour se tirer avec elle. Ceci n'est pas du goût du père qui avait promis la petite en question à au moins  trois de ses frères. Une petite discussion plus tard, et c'est le drame: Charlotte a sa robe toute barbouillée de sang et son ancien amant, une mimine et la tête en moins. On retrouve cette chère Charlotte 30 ans plus tard, toujours vieille fille dans une baraque qu'elle s'obstine à défendre contre un projet de pont (??) qui lui demande de gicler qu'on puisse poser des piliers donc. Pour faire résistance, elle appelle une cousine à la rescousse, qui va cependant devoir se rendre à l'évidence: Charlotte a un peu craqué sa culotte après toutes ces années passées à ruminer un meurtre qu'elle ne se rappelle visiblement pas avoir commis. Faut donc être bien gentil avec Charlotte et la guider gentiment vers la sortie, parce que c'est pas tout ça mais bon y a un paquet de pognon à prendre ici. C'est difficile d'en dire plus, mais c'est un film assez génial, tendance Gaslight , gothic et film noir (tout ça), mais avec des petits vieux: plein d'intrigues de fous hyper complexes mais fomentées par des mamy et papy, éperdus de passion et d'entourloupes - c'est trop mignon en fait. Il y a Bette Davis, Charlotte donc, excellente en vieille rombière qui refuse de lâcher la rampe, et une atmosphère de fin de siècle qui s'accroche aux lianes qui pourrissent un peu partout. On a l'impression de retrouver des héroïnes de certains textes de Fitzgerald, ces grandes jeunes filles languides, belles plantes du Sud toujours à la merci du destin et enfermées à tout jamais dans un territoire qui ne les laisse jamais vraiment partir. Aussi des grands escaliers et des belles scènes de "chute inopinée" dedans, un chouette travail sur l'architecture de la maison et ses recoins.

Radicalement différent, mais aussi très littéraire, The fugitive kind est une adaptation d'une pièce de Tennessee Williams par Lumet. Wiiiiii! Williams, c'est le tramway nommé désir et cette histoire de femme insatisfaite, de mariage guindé, de société étouffante et de folie qui gagne. The fugitive kind reprend pas mal d'éléments de cet univers: un jeune outsider débarque dans une ville (il a un passé un peu louche et vient de la grande ville) et se trouve un taf dans l'épicerie d'un couple pas bien charmant - une vieille Lady qu'a les yeux qui sentent la bite, comme le dirait un des mes acolytes et un vieux Torrence qui clamse tranquilou du cancer au premier. Mais Lady n'est pas si vieille: elle en veut encore et ce jeune loup (Brando, à la moue bien molle) va venir chambouler son univers et sa culotte. C'est donc toujours l'histoire du mariage qui vient exploser à l'arrivée d'un intrus, d'un electron libre qui rappelle à tout le monde à quel point c'est sympa, quand même, de pas s'être enterré dans une existence à rembourser sur 30 ans avec un sombre connard. En même temps, ce genre de rappel ne plaît à personne: ces gens-là, ça dépasse, ça fait remuer des trucs qui ressemblent à la vie et tout le monde préférerait donc qu'il dégage. C'est classique, mais c'est toujours aussi beau, et c'est magnifiquement mis en images par Lumet qui fait  un peu moins le chafouin que d'habitude: ce cher Sydney semble s'autoriser à nous montrer des sentiments, des gens qui pleurent et qui crient dans des grandes envolées dramatiques, des histoires d'enfances horribles racontées dans un souffle (et avec l'accent italien). 

Et puis un final un peu léger, comme, ça: The young one, un film de Buñuel qui raconte une histoire d'amour entre un homme mur et une gosse d'une douzaine d'années. Miam. Non, en fait, c'est plus compliqué que ça. Evvie, petite-fille du partenaire de Miller, gardien de chasse de son état, se retrouve bien dépourvue quand son papy vient à quimper: elle a plus de sous et pas grand chose à foutre là. Et voilà t'il pas que Miller se rend compte qu'elle est une femme maintenant, didonc. Ça commence mal. Là-dessus débarque un musicien, Traver, et noir en plus pour rien arranger, qui fuit une mort certaine car accusé de viol sur une femme blanche (en fait c'est un combo de tous les films précédents au niveau scénario). Il se planque un peu, mais on arrête pas de lui casser son bateau alors c'est pas jojo de se tirer comme ça -puisque tout ce beau monde vit sur un genre d'île au milieu des marais, un truc à moitié mythique avec des racines de palétuviers grandes comme ma cuisine et des trucs chelous qui vivent en dessous (sans doute, hiii). Miller veut se garder la petite, Traver veut se tirer au plus vite et la gamine veut juste qu'on lui achète des robes. Bravo. Heureusement, un curé arrive qui va décoincer la situation. Suspensme! C'est marrant de voir Buñuel faire ce genre de film, quand on voit ce qu'il a pu commettre dans sa jeunesse: je n'ai toujours pas très bien compris la morale du truc - il n'y en a peut-être pas - mais dans tous les cas, ce n'est pas révolutionnaire. Par contre, le côté jardin d'Eden et innocence perdue VS la société qu'elle est pourrie, oui. Mais est-ce que c'est une raison pour se taper des drôles qui ont pas encore vu leur premier poil? Mouais.

Hush, hush sweet Charlotte, Aldrich, 1964
The fugitive kind, Lumet, 1960
The Young one, Buñuel, 1960

vendredi 15 janvier 2016

Neo-noir is the new black

Mine de rien, comme ça, en passant, je me suis mise au néo-noir, après avoir enquillé du noir pendant un moment. J'en avais conclu rapidement, qu'il s'agissait en fait de noir, mais en couleurs et plus noir que noir - disons carrément désespéré, là où le noir garde quand même une sorte d'échappatoire moral au niveau de la conclusion. Bon, quand c'est néo, c'est forcément contemporain et donc généralement plus nihiliste au niveau de la rédemption possible. Les trois films que j'ai vus cette semaine sont pile-poil dans cette veine, tournant tous autour de l'idée d'impuissance de la loi, d'injustice absolue et de comment les gentils se font toujours entuber au final.

New-Jack City raconte la montée d'un petit caïd devenu baron de la drogue en deux temps trois coups de batte, mettant sur le marché une nouvelle drogue, le crack. On est en pleines 80's à NYC et le petit Nino décide de commencer à avoir de l'ambition: il prend donc le contrôle d'une tour d'immeuble, mettant en place un business vachement bien organisé (avec des database de clients trop bien designées et tout). Mais le pouvoir est une salope qui monte à la tête et qui rend très con, voire suicidaire. Nino, emporté par l'hubris, va se mettre à niquer à tout va, à tuer quand ça lui chante et à se prendre pour un king. C'est sans compter sur Scotty, super-flic à dread undercover de sa race, qui, après avoir récupéré et nettoyé un ancien indic' tombé dans le caillou, va monter une opération de ouf à la manière des services secrets belges qui passent leur temps à déjouer des attentats visant les lapins domestiques de Vervier. L'opération merde un peu, mais on y est presque. C'est un peu en mode MTV des 90's, alors plutôt rigolo (plein de plans pris de traviole comme des les clips de McHammer), il y a d'ailleurs Ice-T qui est aussi mauvais acteur que comédien. C'est fun, mais pas forcément subtil du point de vue du fond - genre philosophie niveau Step Up 2 ( et 3 aussi): "tu es mon ami, je ne te laisserai pas" " non! Je souffre, j'ai laissé mon ami" "Mais, si tu me tues, tu seras comme moi" "Non, sois fort! Ne laisse pas le darkness te gagner" et adlibitum. Heidegger likes this.

Prince of the City parle aussi de prise de pouvoir, mais du côté du manche cette fois-ci, puisqu'il s'agit d'une histoire de prosecution d'un fatras de flic pourris jusqu'au calecif. Ciello est un petit gars sans histoires, juste une grosse ardoise de pots-de-vin et autres bakchich pris à gauche à droite, mais heh, "everybady is-e doing-e it-e" (avec l'accent italien). Alors pourquoi est-ce qu'il décide du jour au lendemain de bosser pour mettre à jour plein de corruption (alors qu'on lui a quasi rien demandé) tout en se disant qu'il est tellement malin qu'on va jamais cramer que lui aussi est dedans jusqu'au cou? Mystère.  Parlez-moi d'hubris, j'ai envie de dire (non mais vraiment, c'est un mot qui me fait des trucs dans la culotte). Et bardaf, tout s'emballe, Ciello ne veut pas donner ses potes, mais de proche en proche et d'aventures en aventures (de train en train, de porte en porte (??)), le voilà emberlificoté dans une montagne de mensonges qui lui file mal au bide (il fait caca tout mou, le pauvre). C'est  un peu un Serpico inversé, avec des trucs pas très clairs au niveau des motivations, mais une chose certaine: les méchants qui veulent devenir gentils feraient mieux de s'abstenir, parce que bonjour les emmerdes. C'est un autre Lumet, et j'apprécie vraiment, toujours dans une certaine distance, parfois énigmatique sur l'intérieur, mais avec des belles scènes de grosses colères un poil obsessionnelle sur les bords. 

Et puis The Pledge, que je pense avoir déjà vu  à sa sortie, dans ma phase "passons la journée à l'UGC avec un seul ticket, meuf"). D'où je m'en rappelais mais moyen. C'est encore une histoire de flic, mais à la retraite et pas décidé à lâcher l'affaire (ni la teille de Jim aussi). Jerry promet à une mère un peu catho sur les bords, qu'il retrouvera l'assassin de sa fille. Manque de pot, Jerry part à la retraire dans 5, 4,3,2,1, 0 heure. Ca va être court donc. Qu'importe! Il n'a rien à foutre de ses journées et plutôt que de les passer à faire des courses aux heures de pointe pour faire chier les vivants ou à aller déposer toutes ses pièce rouges à la banque en pleine sortie des bureaux, Jerry mène l'enquête. Il récupère au passage une jolie môme qui a bien un tiers de son âge, mais qu'importe quand on aime et qu'on a pas peur du "excusez-moi, mais votre papa il bave un peu là". Comme Jerry est finaud, il met la main sur un serial killer de fou qui va justement s'y remettre, c'est pratique! Il est temps de monter un guet-apens, mais le tueur sera-t-il au rendez-vous. Suspensme! 

Ces trois films sont identiques en un point: la justice finale n'a pas lieu, les gentils peuvent aller crever et la Loi est impuissante à protéger ce qui reste de bon aux USA. The Pledge est à cet égard le plus poignant, car si une certaine sorte de morale est sauve (les méchants sont punis), on est quand même face à un échec complet, un homme finalement ruiné alors qu'il voulait juste donner un coup de main (merci Pépé!). C'est noir, très noir, et ça va en s'empirant avec l'âge on dirait. On pourrait coller The Wire à la suite des ces trois coups de sonde (tous à 10 ans d'intervalle! Et j'ai même pas fait exprès!)

New Jack City, van Peebles, 1991
Prince of the City, Lumet, 1981
The Pledge, Penn, 2001

lundi 11 janvier 2016

Isn't it cold out in space, Bowie?




... do you want to borrow my jumper, Bowie?

dimanche 10 janvier 2016

Ecran total

Dans la fièvre de la nouvelle années et des prises de décisions hâtives, je me suis laissée tenter par des trucs aussi hétéroclites que l'hiver éclate: des moutons, des womanizer tchèques et une visite chez Papy qui tourne mal. Fieu.

Rams est un film islandais qui raconte une histoire de fraternité compliqué sur fond de fièvre ovine. Ach. L'adjectif islandais nous indique qu'il s'agira sans doute d'un film lent, avec des longs plans de paysages lunaires et des blagues flegmatiques qui soulèvent un peu le coin des lèvres. Des scandinaves, les Islandais sont secrètement mes préférés car ils ont des beaux pulls et des grandes barbes - ce sont de hipsters qui s'ignorent. Sans surprise, le film est fait de longs plans lents qui s'attardent sur le silence et le vide du paysage, la rupture entre deux frères dont on ne sait pas grand chose, sauf qu'en a un qu'a un plus beau bélier que l'autre - il reçoit même un golden globe au milieu d'une assemblée de barbus en pull islandais. L'omniprésence du pull est bien logique - les béliers, tout ça - mais je me demande si c'est pas un peu pour déconner quand même? Bon. Pour le reste, c'est parfois un peu drôle, mais dans le genre sarcastique, une intrigue haletante et un bizarre sentiment d'empathie pour ces miiignons moutons et leurs maîtres un peu quignons. 

Erotikon pourrait fonctionner avec Abby vu récemment, car c'est également un film sur les dangers du sexe et plus si affinités: Andrea, jeune fille de chef de gare esseulée voit un soir, un train, arriver un bel étranger à la moustache fringante et au beau cigare cubain. Elle succombe dans ses bras mous, mais, hélas, l'étranger disparaît et la laisse esseulée - et enceinte, ben tiens. Heureusement, la nature fait bien les choses, et cet enfant de l'amour avorté naît mort-né (c'est beau quand je fais des phrases). Pauvre Andrea, quand même, mais coup de bol aussi, il faut le dire. Pendant ce temps, le bel étranger fait sa vie - il se tape une mégère mariée et déambule, immoral, dans la ville. Et quelques temps plus tard, pif: Andrea, maintenant marié à un gentil comme tout retombe sur le bel étranger. Que faire! Que dire!Où courir! Où ne pas courir! Tout ça. Je ne spoile pas la suite, c'est péché, mais sachez que la vertu gagne et que ceux qui niquent dans tous les sens finissent misérables et morts. Bien fait!

Et pour conclure ce temps merveilleux que sont les vacances, une petite The Visit, que j'avais déjà essayé de voir une fois, sans parvenir à le finir: c'est chose faite. Sous forme de found footage, il raconte la visite de deux petiots à des grands parents estranged qu'ils n'ont pas vus depuis 15 ans. Quelle idée bizarre et quelle belle manière pour une maman de se rappeler qu'elle possède père et mère qui peuvent donc habilement servir de garde-chairds pendant qu'elle se tire en croisière avec Pedro, son nouveau mec. Bravo. Il s'avère que Papy-Mamy sont un peu tarés sur les bords - ils grattent au plancher, se roulent par terre et courent à poil une fois la nuit tombée. Comme d'habitude, le petit garçon est suspicieux mais la grand fille, rationnelle: ils sont tout chelous, certes, mais c'est juste parce qu'ils sont vieux! Voilà! Et bien non. Ils sont chelous tout court et il faut avoir peur des vieux - comme pour les enfants, l'énorme crédit dont ils jouissent ("meuh sont meuugnons") n'empêche pas leurs petites dents pointues de pousser. L'idée n'est pas mauvaise et le film marche plutôt bien au niveau intrigue, Par contre, gros souci de crédibilité pour les "enfants" du film, qui comme d'habitude ont des niveaux de réflexion et de maturité de gens qui ont fini un master en philosophie éthique ainsi que des capacités artistiques et critiques dignes d'étudiants des Beaux-Arts. Non, parce qu'une gamine de 15 ans qui parle de montage alterné et de reconstruction du roman familial, c'est gentil mais ça a lieu dans un autre hémisphère que le mien.

Rams, Hakonarson, 2015
Erotikon, Machaty, 1929
The visit, Night Shyamalan, 2015

mercredi 6 janvier 2016

Southern Gothic

J'ai un peu peu dévié de ma liste initiale, résultat, ça commence un peu à ressembler à n'importe quoi - je vois moyen comment les films vus cette semaine entrent dans le genre, mais j'ai bien ri au moins.

Abby est un Exorciste blaxploitation plutôt rigolo dans lequel on apprend que le sexe, dans le fond, c'est mal. Abby est une gentille femme de curé, conseillère conjugale de son état (on apprécie l'ironie) et se sent un jour devenir toute chose. C'est parce qu'en fait, son anthropologue de beau-père vient de libérer l'esprit d'un démon africain pendant une mission d'observation dans une grotte au Nigéria. Comme il avait des miles à échanger, l'esprit s'est donc bougé le cul jusqu'au fin fond du Kentucky pour posséder cette pauvre Abby qui va commencer à faire des trucs chelous avec sa bouche et son utérus. Car le démon en question n'est autre qu'un démon du sexe, *rire diabolique et salace à la fois*. Chauffer le monsieur d'un couple en pleine session, traîner au comptoir des bars avec un regard vicieux, faire des trucs pas catholiques à son mari - Abby est intenable, elle veut du cul et c'est bien évidemment MAL. Heureusement, il y a Findus et on lui trouve vite fait un exorciste pour qu'elle puisse retrouver elle aussi une vie bien rangée à base de missionnaire-sous-les-draps-et-au-lit - magnifique dernier plan. Bon, c'est un film d'exploitation alors faut pas non plus s'attendre à trop. Possession pas inintéressante, pas mal jouée même si la tête du méchant en surimpression, c'est bof, et situations plutôt cocasses. Par contre, ça aurait pu être plus intelligent du point de vue du fond - ça fait un peu bloc dans le puritanisme un peu concon, mais bon.

Dans un genre différent et un peu plus malin par rapport au positionnement, White Lightning est une histoire de bootlegger (visiblement un genre à lui tout seul ) bien du Sud qui ne cherche pas à faire joli mais se révèle nonbstant pas bête. Bobby "Gator" sort de prison avec pour mission de coincer un shérif pourri, trempé jusqu'à l'os dans du traffic de whisky; shérif qui a également noyé son frérot (à Bobby) en passant. Revanche, donc, vieille histoire de règlement de compte à la redneck? Pas que. C'est que, si Gator descend d'une vieille famille de bootlegger, son frangin était lui un gentil, étudiant pas mouillé pour un sou dans le bizness familial. Seulement; 70's oblige, le petit protestait un peu trop au goût du super flic du coin - "si on les laisse faire, y vont se mettre à défendre les pédés, pis les noirs aussi didon" - et plof, vla l'emmerdeur au fond d'un marécage. Gator va donc devoir s'infiltrer dans le milieu du bootleg, qu'il avait pourtant complètement laissé tomber - bah il était en prison, logique - et essayer de coincer le méchant shérif, mais qui est super trop malin - en fait non, il est particulièrement débile - mais comme on est dans le Sud, tout fonctionne un peu à l'albanaise, avec une justice personnelle qui n'a pas grand chose à voir avec le monde moderne. Ça travaille bien sur l'image d'un Sud sauvage qui ne vit que d'après ses propres lois, territoire quasi tribal de consanguins édentés refusant à tout crin la modernité. La position de Gator est par contre intéressante, puisqu'il s'agit d'un crétin qui a vu la lumière et qui décide de combattre le mal. Enfin, combattre le mal: il décide surtout de se venger selon les mêmes lois archaïques qui ont fait de son frère une victime, mais bon. On va pas faire chier non plus, hein. Pleins de courses-poursuites qui vraoum et une chouette partition de Bernstein là-dessus, mi-banjo mi-orchestral.

Je voulais voir Cape Fear, mais j'ai évidemment chopé le remake sans faire exprès (Scorsese, 1991) et pas l'original (Thompson, 1962). Qu'importe, puisque les deux héros du 1 sont dans le 2  (trop malicieux ce Marty). J'ai reconnu Peck, qui a une belle moustache noire - mais des cheveux gris ou l'inverse, en tout cas, un problème de coloration, mais j'ai raté Mitchum - ou peut-être pas reconnu. Pour l'histoire: sorti de taule après 16 ans, un violeur décide de se venger de son avocat - pas sympa, celui-ci a planqué un document aggravant qui aurait pu alléger la peine. Le document en question était un rapport établissant que la victime était "promiscuous". Hé oui, il fut un temps où une femme qui se faisait violer pouvait être qualifiée de "légère" comme élément à décharge du violeur.  Je suppose que ceci n'existe plus au niveau légal même si ça a l'air de rester un argument valable au niveau du café du commerce, mais toujours est-il que, placé dans le contexte des 90's, c'est un peu bizarre. Il semblerait en fait que c'est une vraie question, et qui ne met pas forcément tout le monde d'accord. Scorcese ne s'appesantit pas trop sur le motif de la vengeance pour se concentrer sur la mise en place, le harcèlement, l'impuissance de l'avocat à se défendre - et sur la bêtise de sa gamine de 16 ans, Juliette Lewis quiche à souhait. Du coup, on a un De Niro (l'ex-convict) bien taré, plein de tattoo religieux vengeurs et un Nick Holte (l'avocat), tout chafouin, chopé en plus en train de presque tromper sa femme et pas trop à l'aise avec le sang. Par rapport à d'autres films, c'est plus nerveux, plein de plans courts montés tac-tac-tac - genre rapidement quoi - avec des zoom hop d'un coup et des réactions bing soudaines - ça surprend! Pas aussi moelleux que certains Scorsese, où de temps en temps des longs travelling un peu mégalo/grandioses viennent faire respirer le tout, donnent un peu de fluidité. Ici, c'est du nerf au millimètre, tout en muscles ramassés et accent pointu (pas traînant, tiens). 

Abby, Girdler, 1974
White Lightning, Sargent, 1973
Cape Fear, Scorsese, 1991


samedi 2 janvier 2016

Je suis Chewie

Que faire un jour de Nouvel An la gueule tout explosée et le bide en capilotade, à part se taper un Quick genre menace niveau 5 et aller se caler devant Star Wars muni d'un demi kilo de M&M's? 
C'est donc fait.

Vu le taux de sucre dans mon sang et le degré d'éveil de mon occiput frontal, je pense pouvoir donner un aperçu plutôt fidèle de l'expérience d'un enfant d'environ 7 ans. Piouu, piouu (la bagarre) et puis ahhh, hiii (la bagarre, 2) et puis hoo miiiiignon (le robot) et enfin meeeeuuuuh Han Soooolooooo. 

C'est bien quoi.

Plus sérieusement. Star Wars, c'est un peu comme la Recherche du Temps perdu pour moi: j'ai découvert sur le tard, j'ai tout vu/lu dans le mauvais ordre (pas difficile pour SW du fait de la confusion  qu'on connaît, plus difficile pour la Recherche où j'ai tout simplement confondu les chiffres romains et ai lu le VI avant le V en pensant que c'était le IV) et je garde des deux un souvenir flou - c'est toujours les mêmes, ils sont toujours en train de faire la même chose (piouuu piouuu pour SW, blabla pour la Recherche), il y a des histoires d'amours mais pas super claires et toujours un peu embrouillées/névrotiques et toujours une vague intrigue vaguement politique que je ne retiens pas - je suis noyée sous les lasers et les subjonctifs imparfaits. A y regarder de plus près, le parallèle n'est pas idiot, mais il ne me reste pas assez de neurones pour développer ceci aujourd'hui.

Je suis assez bluffée par la gestion de la franchise et surtout par le matraquage marketing de fou furieux qui a réussi à inclure toute une nouvelle génération (voire deux, je me perds dans le calcul) dans un truc mythique pourtant pas mal vieillot, et à créer une attente aussi gigantesque d'une suite qui il y a une dizaine d'années n’intéressait plus que trois ou quatre boutonneux en short. Du côté du film , ça se sent d'ailleurs - aucune prise de risque.

Pour les vieux, c'est un trip nostalgique, pour les jeunes, c'est un film de SF classique qui reprend grosso-modo les trucs qui ont fonctionné pour les épisodes précédents - les rebelles, le gros truc en forme d’œuf à dézinguer, le pilote intrépide, l'underdog qui nique tout et les trucs de famille compliqué - parricide, trahison et épée laser. Je ne suis ni nostalgique, ni toute nouvelle mais j'étais à moitié ravagée, donc j'ai bien aimé. Cela dit, à ce prix là, on pourrait faire un micro effort au niveau originalité. Par exemple, arrêter de modéliser l'armée de méchants sur le décorum nazi - entre les drapeaux rouges, les pantalons bouffants dans les bottes et les cols serrés, le colonel a même un petit début d'accent teuton quand il s'énerve, "nous saffons les moyens de fous faire parler". Voilà, ça c'est pas nécessaire disons.

Star Wars VII, Abrams, 2015
A la recherche du temps perdu, Proust, 1913-1927