vendredi 22 janvier 2016

Southern Gothic

C'était pas vraiment fait exprès, mais les films avec lesquels je clôture cette petite virée dans l'humidité glauque riant au soleil sont probablement ceux qui résument le mieux l'idée du Sud classique - avant que ça devienne un repère à consanguins qui débitent les braves gens en petites saucisses zwan.

Hush, hush sweet Charlotte raconte l'histoire d'une fille de bonne famille, Charlotte prise dans les filets d'un honnête homme qui lui promet de larguer femme et enfants pour se tirer avec elle. Ceci n'est pas du goût du père qui avait promis la petite en question à au moins  trois de ses frères. Une petite discussion plus tard, et c'est le drame: Charlotte a sa robe toute barbouillée de sang et son ancien amant, une mimine et la tête en moins. On retrouve cette chère Charlotte 30 ans plus tard, toujours vieille fille dans une baraque qu'elle s'obstine à défendre contre un projet de pont (??) qui lui demande de gicler qu'on puisse poser des piliers donc. Pour faire résistance, elle appelle une cousine à la rescousse, qui va cependant devoir se rendre à l'évidence: Charlotte a un peu craqué sa culotte après toutes ces années passées à ruminer un meurtre qu'elle ne se rappelle visiblement pas avoir commis. Faut donc être bien gentil avec Charlotte et la guider gentiment vers la sortie, parce que c'est pas tout ça mais bon y a un paquet de pognon à prendre ici. C'est difficile d'en dire plus, mais c'est un film assez génial, tendance Gaslight , gothic et film noir (tout ça), mais avec des petits vieux: plein d'intrigues de fous hyper complexes mais fomentées par des mamy et papy, éperdus de passion et d'entourloupes - c'est trop mignon en fait. Il y a Bette Davis, Charlotte donc, excellente en vieille rombière qui refuse de lâcher la rampe, et une atmosphère de fin de siècle qui s'accroche aux lianes qui pourrissent un peu partout. On a l'impression de retrouver des héroïnes de certains textes de Fitzgerald, ces grandes jeunes filles languides, belles plantes du Sud toujours à la merci du destin et enfermées à tout jamais dans un territoire qui ne les laisse jamais vraiment partir. Aussi des grands escaliers et des belles scènes de "chute inopinée" dedans, un chouette travail sur l'architecture de la maison et ses recoins.

Radicalement différent, mais aussi très littéraire, The fugitive kind est une adaptation d'une pièce de Tennessee Williams par Lumet. Wiiiiii! Williams, c'est le tramway nommé désir et cette histoire de femme insatisfaite, de mariage guindé, de société étouffante et de folie qui gagne. The fugitive kind reprend pas mal d'éléments de cet univers: un jeune outsider débarque dans une ville (il a un passé un peu louche et vient de la grande ville) et se trouve un taf dans l'épicerie d'un couple pas bien charmant - une vieille Lady qu'a les yeux qui sentent la bite, comme le dirait un des mes acolytes et un vieux Torrence qui clamse tranquilou du cancer au premier. Mais Lady n'est pas si vieille: elle en veut encore et ce jeune loup (Brando, à la moue bien molle) va venir chambouler son univers et sa culotte. C'est donc toujours l'histoire du mariage qui vient exploser à l'arrivée d'un intrus, d'un electron libre qui rappelle à tout le monde à quel point c'est sympa, quand même, de pas s'être enterré dans une existence à rembourser sur 30 ans avec un sombre connard. En même temps, ce genre de rappel ne plaît à personne: ces gens-là, ça dépasse, ça fait remuer des trucs qui ressemblent à la vie et tout le monde préférerait donc qu'il dégage. C'est classique, mais c'est toujours aussi beau, et c'est magnifiquement mis en images par Lumet qui fait  un peu moins le chafouin que d'habitude: ce cher Sydney semble s'autoriser à nous montrer des sentiments, des gens qui pleurent et qui crient dans des grandes envolées dramatiques, des histoires d'enfances horribles racontées dans un souffle (et avec l'accent italien). 

Et puis un final un peu léger, comme, ça: The young one, un film de Buñuel qui raconte une histoire d'amour entre un homme mur et une gosse d'une douzaine d'années. Miam. Non, en fait, c'est plus compliqué que ça. Evvie, petite-fille du partenaire de Miller, gardien de chasse de son état, se retrouve bien dépourvue quand son papy vient à quimper: elle a plus de sous et pas grand chose à foutre là. Et voilà t'il pas que Miller se rend compte qu'elle est une femme maintenant, didonc. Ça commence mal. Là-dessus débarque un musicien, Traver, et noir en plus pour rien arranger, qui fuit une mort certaine car accusé de viol sur une femme blanche (en fait c'est un combo de tous les films précédents au niveau scénario). Il se planque un peu, mais on arrête pas de lui casser son bateau alors c'est pas jojo de se tirer comme ça -puisque tout ce beau monde vit sur un genre d'île au milieu des marais, un truc à moitié mythique avec des racines de palétuviers grandes comme ma cuisine et des trucs chelous qui vivent en dessous (sans doute, hiii). Miller veut se garder la petite, Traver veut se tirer au plus vite et la gamine veut juste qu'on lui achète des robes. Bravo. Heureusement, un curé arrive qui va décoincer la situation. Suspensme! C'est marrant de voir Buñuel faire ce genre de film, quand on voit ce qu'il a pu commettre dans sa jeunesse: je n'ai toujours pas très bien compris la morale du truc - il n'y en a peut-être pas - mais dans tous les cas, ce n'est pas révolutionnaire. Par contre, le côté jardin d'Eden et innocence perdue VS la société qu'elle est pourrie, oui. Mais est-ce que c'est une raison pour se taper des drôles qui ont pas encore vu leur premier poil? Mouais.

Hush, hush sweet Charlotte, Aldrich, 1964
The fugitive kind, Lumet, 1960
The Young one, Buñuel, 1960

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