jeudi 14 décembre 2017

Ecran total

Des histoires de meurtres et d’amour parce qu’à l’approche de Nowel on a surtout envie de se rappeler que c’est la seule chose qui vaille la peine finalement.

Les garçons sauvages est une adaptation du roman de Burrough qui aime les choses un peu confuses (dans tous les sens du terme d’ailleurs). On pourrait parler de roman d’initiation même si je ne l’ai pas lu mais bon. Des jeunes garçons un peu foufous se voient accusés du meurtre de leur professeure de français,  quadra un peu étrange qui leur enseigne la littérature dans un champs en été à grand renfort de rhum. Pas très Pacte d’excellence, tout ça. Enfin bref. Après un procès un peu expédiés, les voici en route vers une île bizarre à bord d’un bateau avec un capitaine super chelou et bien oedipien. L’île se révèlera une révélateur (ben tiens) pour leurs sens zengourdis et leur libido pas bien claire. Faut pas en raconter plus parce qu’il se passe un truc de fou (que tout le monde avait vu venir sauf moi mais bon). Visuellement c’est très joli,  assez trippé, avec des sous-entendus parfois un peu gras mais bon. J’ai un souvenir un peu vague de la fin mais c’était bien. En gros. La BO est très jolie par contre.

Dans La vérité on retrouve cette chère Brigitte (Bardot) avec sa moue et son jeu d’actrice tout en fesses et choucroute capillaire : mais qu’elle est jolie. Le film raconte une histoire d’amour qui tourne mal et pris à partir du procès de cette histoire dont on connaît donc la fin dès le début. A coup de flashback et de témoignages on reconstruit l’histoire d’une petite paysanne montée à Paris en mode live-fast-die-young-bad-girls-do-it-well et qui décide donc qu’elle a autre chose à foutre que de gagner sa vie, se chercher un taf et devenir une dadame convenable.  Tout ça finit évidemment dans des cafés avec des étudiants en littérature qui comme on le sait sont des agents provocateurs de la mort (lol) et voilà notre amie en mode couche-toi-là-que-je-te-pousse , tout ça avec beaucoup d’élégance. Jusqu’à la rencontre avec un type un peu bizarre – hé oui – qui finit par lui voler son petit cœur de beurre.  Ça donne un beau film de procès, pas chiant du tout même si on sort sans avoir trop de conclusion :  les portraits dressés évoluent au fil du récit et on aurait bien de mal à se décider. Très noir, très jazz déjà, prudent sur le traitement réservé aux femmes à cette époque pas si lointaine où l’égalité n’existait pas encore (re).

Darling est un film que je possède pour une raison inconnue (un oubli un soir de cuite ? une envie subite ? une confusion avec un autre titre ? tout est possible). Toujours est-il que je le regardai afin d’en savoir plus. Il s’agit donc d’une histoire de maison hantée et de concierge qui tourne au drame. Une petite jeunette se retrouve à garder une grande maison qu’on lui déclare hantée. Pas de bol. Mais bon. Avec des grands yeux flippés comme les siens faut bien faire un métier qui colle à l’attitude et finalement, concierge psychotique est un taf comme un autre. Alors on ne sait pas très bien pourquoi  ni comment  cette pauvre devient cinglée mais elle le devient, petite à petit et à coup d’image subliminales ( ?) à moitié épileptiques glissées entre deux plans fixes un peu chiant (très belle fixette sur un plan de ce qu’on appellera une bite d’escalier, donc le truc qui se met au-dessus de l’endroit où la rampe fait un angle). Beau plan donc. Tout fonctionne un peu par montée, attente de climax puis rien. Un peu décevant donc. Un traitement du son u peu Godard – les conversations sont tuées par une musique angoissante qui n’annonce rien de bon puis finalement qui n’annonce rien du tout en fait (littéralement rien). Quelques coups de couteau amateurs pas dégueus et une technique de scie à métaux pas encore rodée.

Les garçons sauvages, Mandico, 2016
La vérité, Clouzot, 1960
Darling Keaton, 2015

samedi 25 novembre 2017

Ecran total

Un peu en vrac entre clown –chaton et pirate de banlieue: que des films bien bizarres encore.

J’ai enfin vu It, le nouveau qui m’a semblé familier jusqu’à ce que je me rends compte que je l’avais vu (l’autre, pas celui-là) il n’ya pas si longtemps en fait, d’où une sensation de déjà vu. Ca est un film qui m’a bien traumatisée quand j’avais 17 ans et que je n’ai revu qu’avec beaucoup de précautions – mais finalement rien. La nouvelle version faisait des promesses – Fukunaga au scénario – mais finalement, bah pas grand-chose. Il y a bien une descente plus profonde dans l’univers de King, avec plus de détails sur les personnages et leurs histoires, dans la grande tradition du pauvre gamin qui en chie à la maison/ à l’école mais qui a des amis en or tout plein qui l’aiment de ouf. On se dit parfois un peu mais quelle bande de losers – entre fils d’alcoolo père incestueux, mère Munchausen et famille déglinguée, y’en a pas un pour rattraper l’autre. Au niveau visuel c’est pas mal, plutôt joli. Certaines scènes sont quasi des reprises plans à plans mais avec un côté u peu actualisé, dans la sursaturation des couleurs quelques chose d’un peu plus photographié et lent (le film est plutôt long d’ailleurs). Comme il ne s’agit que d’un chapitre 1, on reste dans les 80’s, en surfant bien sur la vague Stranger things du coup. A voir ce que la suite réserve.

Un autre méchant qui fait peur, c’est Candyman qui m’a bien fait flipper en fait. Helen, une doctorante à la cuisse ferme, enquête sur les légendes urbaines. Elle entend au détour d’une conversation parler d’un Candyman, fantôme d’un type à qui on a coupé le bras et qui sort du miroir quand on répète son nom 5 fois. Brrr. Ces récits tournants toujours autour du même espace urbain, à savoir des blocs de logement sociaux, elle décide de se risquer dans ses lieux périlleux, non sans avoir embarqué sa copine black (street cred’ oblige). Les découvertes se font à plusieurs niveaux – un espace, une population complètement à part, un truc d’ethnographe en vacances en banlieue. Du point de vue du Candyman, il y a évidemment un truc qui se passe mais qu’on ne racontera pas. C’est plutôt intéressant pour le sous-texte pas forcément clair, sur le rapport banlieue/ville, savoir universitaire/populaire, sur cette sorte de zone dangereuse que deviennent certains coins – même si je ne suis pas certaine que le film ait été fait dans ce sens là directement. Du point de vue gore, c’est fun, avec des gros crochet, du sang qui gicle et des meurtres dans les chiottes plutôt beurk. Très très jolie bande-son, très jolis plans aériens verticaux aussi, plutôt planants dans une perspective qui déstabilise un peu la vision de la ville.

Et j’ai enfin vu Primer, film de science-fiction (Wikipédia nous dit « hard sci-fi », pour ce que ça vaut). C’est effectivement hyper hard, en tout cas à comprendre et à suivre. En gros on voit des types qui construisent un truc dans un garage. Le truc a l’air bien cool et semble les étonner eux-mêmes (nous aussi si on pouvait comprendre de quoi il s’agit). Oh ! Ah ! Ça marche, mais c’est fou! Après avoir relu le synopsis en ligne, on se rend compte qu’ils construisent en fait une machine qui permet de remonter le temps (ah ! oh ! ). Bref. S’ensuite toute un tas de paradoxes temporels auxquels on ne comprend toujours rien. On dirait qu’il y a plusieurs exemplaires d’une personne mais qu’ils ont tous le même numéro de téléphone – c’est ballot. Je ne sais plus comment ça finit, j’ai rien pipé de toute façon. Reste que c’est très joli dans l’image, les acteurs sont choupinous (et en double !), on sent un effort arty pour aller dans de la science-fi un peu genre cool. Je suppose que c’est pour ça qu’on entrave que dalle – le vrai chic ne pose pas de question. Ach.

It, Muschietti, 2017
Candyman, Rose, 1992
Primer, Carruth, 2004

mardi 21 novembre 2017

Mauvais total

Vus il y a fort longtemps mais trop dommage de ne pas en parler: des films de série Z qui font zizir.

SSSSSS est un film qui parle de serpents (tiens, comme c’est fin) et plus précisément, d’homme-serpent. Le Dr Stoner (huhu) est un scientifique renommé, fan de serpouze et qui propose au gentil Blake de devenir son assistant, le temps d’un été. Il avait bien un assistant l’été dernier, mais voilà celui-ci est parti, en voyage, quelque part (mystère !). Blake, qui a un peu de l’eau de Javel dans le cerveau visiblement, accepte et part donc joyeusement faire des mamours à ses amis reptiliens. Arrivé chez le professeur, il découvre un univers bizarre et inquiétant plein de serpents (bah oui) mais aussi de Kristina (non, le parallèle femme-serpent n’est PAS du tout grossier) fille bien avenante du professeur Dujoint (qui elle aussi s’inquiète vaguement de la disparition de l’assistant de l’été dernier mais bon).  Blake apprend alors à s’occuper des serpents tout meugnons, leur changer leurs croquettes, leur prendre leur venin tout ça. De temps en temps, il se fait injecter des trucs dans le bras par le doc et ne se pose visiblement aucune question – c’est pour son bien. L’idylle naît évidemment entre Kristina et ce cher Blake, tandis que celui-ci commence à sentir des trucs bizarres se passer dans son corps (sous l’effet du serpent-femme et des injections chelous). Qu’est-il en train d’arriver à Blake ? Il devient tout froid, sa peau est toute dégueu : il aurait bien besoin d’une bonne séance au hammam. Je n’en raconterai pas plus, c’est péché. Film pas mauvais mais un peu fatigant. On se pose aussi des questions sur les motivations du Pr Stoner : a-t-il bien réfléchi à son plan diabolique pour sauver le monde, mhhh ?

Bug est encore plus fort dans le genre insectes dégueus qui font peur. Un jour, dans une petite ville du Texas, des insectes genre cafards volants se mettent à s’abattre avec véhémence et force flammes sur des pauvres paroissiens en train de se prémunir de l’enfer (pas de bol !). On se rend compte que ces créatures maléfique sortent d’un genre de fosse ouverte dans le sol et semblent être en fait des trucs quasi immobiles car trop gros pour galoper comme le font si bien les cafards en général mais que leur pression intérieure extrême est ce qui leur permet de faire des flammes par le cul quand on le touche. On est donc bien devant un film d’horreur à base de cafards peto/pyromanes. Ach. Après moult morts et trucs sanglants, ces créatures finissent par rentrer dans le sol dont ils étaient sortis. Sauf que. Un type décide qu’en fait il veut comprendre d’où viennent ces trucs et va donc en conserver un ou deux dans un bocal pour les étudier. Et les cultiver. Pas très malin donc. C’est de nouveau un trip savant fou mais ici c’est quasi le sujet du film – l’histoire de l’invasion et de la disparition des cafards sataniques étant finalement circonscrite à une petite partie de l’histoire. Assez bizarre donc mais tellement sympa – surtout pour les fans de blattes.

Dans le genre mauvais mais alors très mauvais, on a le Nailgun massacre, film qu’on pourrait qualifier de Bricoxploitation (= des films d’horreur à base de tooling de supermarché). On attend encore Massacre à la ponceuse, Massacre à la décapeuse à chaleur, Massacre à la scie sauteuse. Celui-ci est très clairement assez atroce. On y voit d’abord un viol, somme toute banal et relativement vite troussé. Sans transition apparaît un être vengeur, pourvu d’un casque de moto et d’un voocoder qui fait Mouahahah ainsi que d’un superbe pistolet à clous qui part à la recherche d’une vengeance – enfin ça on le sait grâce au synopsis parce que c’est pas super clair. Une vendetta qui ne dit pas son nom, est-ce bien utile ? Mais bref. Ce Daftpunk DIY psychopathe a une force de persuasion assez extrême puisqu’il parvient à tuer un homme avec un simple clou dans l’épaule : il est très fort. On découvrira à la fin le vrai visage du tueur (surprise !) et en attendant, on peut compter les morts et tenir une statistique du pourcentage d'innocent bystander dans le tas (surtout la meuf en plein milieu).

SSSSSSSS, Kowalski,1973
Bug, Szwarc, 1975
Nailgun massacre, Lofton  Leslie, 1985

dimanche 29 octobre 2017

Clouzot total

Avant, quand j'entendais Clouzot, je pensais à Clouseau. Mais ça c'était avant. La récente découverte de la BO d'Ascenseur pour l'échafaud m'a fait réaliser qu'il y avait autre chose que les chansons d'amour flamandes et les pogs dans les paquets de chips Smith (remember?). Clouzot donc, est un réalisateur français de polars noirs super badass, avec plein de trucs intéressants dedans.

Le corbeau raconte l'histoire d'un petit village dans lequel se met du jour au lendemain à pleuvoir des lettres anonymes. D'abord un peu pour faire chier les cocus puis carrément plus violentes, ces missives rigolotes finissent par foutre un peu la merde - les villages étant ce qu'ils sont. Au milieu de cette tourmente, un jeune médecin ténébreux, pratiquant son art comme on fait son jogging, dégageant les prétendantes comme on refuse un scotch (poliment mais fermement) et répondant à l'infamie avec probité et déférence. Ouh là, je m'emballe dis donc. Donc ce médecin, au centre de tout ce merdier, mène l'enquête de son côté tandis que la police hé bien ne fait pas très bien son travail (comme c'est étonnant). Tout se résoudra pourtant avec évidemment révélation du coupable surprise à la fin. C'est plutôt beau, très anguleux (?) visuellement, avec beaucoup de gens cachés derrière les portes et de murs qui ont des oreilles. Beaucoup d'images de lettres, de papier, d'écriture, d'histoire de poste aussi. Peu de corbeau finalement, sauf dans cette pauvre nonne à voilure noire qui fuit son lynchage programmé.

Encore plus vicieux, Les diaboliques raconte l'histoire de deux femmes qui tuent leur mec (enfin, l'une tue son mari, l'autre son amant, mais c'est le même). Comme quoi, les ménages à trois finissent mal en général. Cristina, petite vénézuélienne à la santé fragile se retrouve embarquée dans un meurtre mal planifié (franchement) par une Nicole (Signoret, hallucinante) pas commode qui a heureusement une poigne de bûcheron. Tout est bien qui se passe bien mais pas tout à fait. Quand les cadavres se mettent à filer à l'anglaise, on entre dans  un deuxième film, complètement dans l'horreur et on retrouve ces portes dérobées, ces ombres qui écrivent des messages en secret la nuit, ces fantômes qui hantent les photos de classe. Brr. Au passage: bel anti-spoiler!



Il y a aussi  Le salaire de la peur, un road-buddy-movie qui tourne mal. Une longue première partie assoit le décor: petite ville mexicaine au bord de nulle part, quelques immigrés venus tenter leur chance aux States coincés sans date de retour, des petites combines et des grands chapeaux. Arrive dans ce petit monde, Jo, un gangster qui a l'air dur de dur. Mario, français en cinglet sale mais petit foulard élégant autour du coup, tombe en pleine bromance avec de compatriote avec qui il peut enfin partager son amour du ticket de métro parisien. C'est chou. Ça rend Luigi, l'ancien bro de Mario un peu navet, mais bon. Sur ce tombe l'opportunité d'une vie: convoyer de la nitroglycérine en barils entiers pour éteindre un feu de puits de pétrole (il paraît que c'est comme ça qu'on fait). Conduire un camion, fastoche, le faire traverser un désert rocailleux avec des routes toutes pourries sans faire sauter le produit, beaucoup moins. Convaincu par Jo de se lancer dans le truc, Mario se retrouve donc, petit foulard autour du coup et cigarette au bec, à galérer sur des routes de type wallonnes, en essayant de pas faire tout péter. Et découvre alors que son poteau tout fier à bras est en fait une grosse lopette qui passe son temps à se faire dessus au moindre cahot. Comme quand votre meilleur pote qui vous a tanné pour l'accompagner dans sa traversée du Mexique à poney se retrouve prostré dans sa chambre d'hôtel au bout de deux jours parce qu'il a peur des tacos. Mario n'est pas content, Jojo n'est pas jojo. Le reste du film est entre l'histoire de potes qui tourne mal et le road movie ultra tendu du slip: il y a des gros camions, des manœuvres dangereuses et des explosions hasardeuses. Le tout très beau, dans un noir et blanc entre le blanc du sable et du désert et le noir liquide du pétrole qui s'incruste un peu partout.

Le corbeau, 1943
Les diaboliques 1954
Le salaire de la peur, 1953

vendredi 27 octobre 2017

Ecran total

Un arrêt cérébral relativement long me vit me gaver de films plutôt navrants que mon sens éthique m'interdit de chroniquer ou même de citer ici. Mais quelques beaux objets dans le tas.

The autopsy of Jane Doe est un film qui raconte ce qu'il dit: l'autopsie d'une meuf inconnue. Vu d'ici, ça n'a pas l'air super folichon. Ça sent le huis-clos ontologique avec des cadavres qui font bouh! Mais non! L'examen progressif de notre petiote révèle, couche après couche une histoire qui finit par prendre suffisamment d'espace pour se saisir d'un grand couteau. C'est relativement sobre et plutôt malin dans la montée du fantastique. Je dois avouer que ça fait un bail que je l'ai vu, alors je ne me rappelle pas trop de la fin. Mais il me semble que c'était bien. Ouais.

Grave, j'ai beaucoup attendu pour le voir, attendant le bon moment puis je n'y ai plus tenu et je me suis jetée dessus comme un texan sur un pounder au mexicain. Le pitch est plutôt simple aussi: comment une petite végétarienne innocente prend goût à la viande et à toute ces choses de la chair un peu crues. C'est très très très bien foutu et assez génial comme idée. Il y a un peu trop de trucs à dire parce qu'il faudrait le revoir, mais je retiens surtout l'atmosphère un peu 80's dans certains synthés et plans un peu beauté sauvage prostrée en technicolor, des touches plus post-indu dans les décors de campus/banlieue en béton moche, des très gros et beaux plans sur la chair et la mastication, un fil narratif hyper bien branlé qui ne va jamais ni trop loin ni trop près. On pourrait parler d'un sous-texte métaphorique facile ( la viande/la chair, la sortie de l'adolescence, l'enfermement des jeunes filles dans des existences asexuées qui explosent tout à coup au contact du monde) mais finalement, ça se déguste très bien au premier degré.

It comes at night était aussi dans mes petits papelards, puisque j'aime les films qui commencent par It. N'ayant donc aucune idée du concept du film, quel plaisir eus-je de découvrir un gentil film postapocalyptique d'infectés! On ne sait pas trop comment, l'humanité se retrouve réduite à une bande de lépreux tout dégueux avec les yeux tout noirs. Heurk. Le tout étant super contagieux, on entre par la porte dans un film de grand parano: tout le monde est suspect, tout le monde est contaminé et les gens sont globalement méchants. Une petite famille qui survit tant bien que mal entre en collision avec une autre petite famille qui survit tant bien que mal. Comme tous ceux-la sont gentils, ils finissent par s'entendre et voilà un  film qu'il est meuuugnon. Sauf que. Pour ne pas gâcher le plaisir des trois personnes sur terre qui n'ont peut être pas encore vu le film, on  ne dira rien de plus. C'est vachement réussi à pas mal de niveau: très dépouillé dans le gore, mais suffisant pour faire bouh, narrativement bien construit, avec un parti pris ultra réaliste et un côté horrorifique finalement très quotidien. Il y a des trucs qui me font penser au Survivalist, un peu dans la même veine visuellement et du point de vue angle d'approche de l'apocalypse.  

The autopsy of Jane Doe, Overal, 2017
Grave, Ducournau, 2017
It comes at night, Shults, 2017

samedi 16 septembre 2017

Also sprach Gudetama.

The answer is in the yoke. As usual.

Who are we ?



Where are we going ?



Are we alone in the universe ?



What is love ? (Baby don't hurt me)



What's  the point ?



How does it end?

samedi 15 juillet 2017

Ecran total

Comme j'aime l'originalité, je ne tombe malade qu'en été, quand il fait bien chaud et qu'il n'y a aucune raison objective pour choper une grippe. Le rhume en hiver, c'est tellement mainstream. Du fond de mon lit, j'ai quand même eu la force de regarder l'un ou l'autre film à propos, hé bien de grands malades tiens. Entre un spa de remise en forme bien louche, une journée de team-building qui finit mal et un grand berlinois à la tête à l'envers, les cinglés sont un peu partout.

Si vous aussi vous avez du mal à supporter vos co-workers et que des envies sourdes vous prennent parfois d'attraper votre scrum master pour lui arracher les yeux et les lui faire bouffer dans sa soupe au poulet *regard vers le lointain les yeux plissés*, vous devriez contacter Belko Inc, qui a une idée toute particulière du team-buiding. The Belko experiment, comme son nom l'indique n'est pas un vrai team-building, puisque c'est une expérience. C'est dommage, un titre plus finaud eût été plus alléchant mais bon. Dans ce charmant film, des employés américains d'une firme basée en Colombie qui fabrique on ne sait pas trop quoi, probablement une application destinée à la sécurité sociale genre Marronnier.net ou un truc du style, ces charmants employés donc, se retrouvent un jour enfermés comme ça pouf, sans raison, dans leur bureau, avec une voix qui leur dit de tuer les autres. Mhhh. Je m'identifie complètement, ça m'arrive à moi aussi, sauf que je suis la seule à entendre la voix. Ici, c'est plus fun, car ils ont des petits trucs implantés dans la tête qu'on peut les tuer à distance (sinon, la menace ne fonctionne pas, hein). S'ensuite un survival classique sur le thème Stanford experiment - comment que les gens sont méchants quand ils sont enfermés avec leurs collègues et des armes, mouiii. On fantasme vaguement devant un tel carnage, fait de meurtres à base d'extincteurs et de dérouleur à papier collant. C'est un peu couru d'avance (qui va gagner, pourquoi, comment) et on nous fait même la grâce de nous présenter le grand méchant derrière tout ça (qui a des raisons somme toute valables pour ce genre de folies). Au final: des employés détendus, des coûts de fonctionnement réduits de presque 95%, et une belle aventure humaine.

En sortant de ce genre de truc, vous risquez d'avoir besoin de vacances, comme cette chère Clare dans Berlin syndrom, qui décide de se barrer à Berlin en plein trip Ostalgique architectural ("mais que ces ruines soviétiques sont powétiques omg omg omg"). Elle fait un peu chelou, les yeux rivés au sol, l'air d'avoir peur du moindre feu rouge, on se demande comment elle compte survivre toute seule mais bon. Son air de biche égarée n'a évidemment pas échapper à Andi, grand flave arty qui vit dans un bâtiment décati mais cossu - trop chic - et qui est prof d'anglais - trop sexy. Clare tombe dans ses filets et les voilà qui font des bisous. Haa, les rencontres en vacances. Se réveiller chez un inconnu, fouiller dans la cuisine pour se faire un café, regarder ses livres avec émoi, essayer de sortit acheter des clopes et se rendre compte qu'on est enfermée à l'intérieur. Et qu'on a plus de carte SIM ni de passeport. L'aventure, quoi. Ca tourne donc très mal, en mode huis-clos un peu foutraque au niveau de la trame - il se passe presque des trucs, mais pas vraiment, tout est un peu évanescent. Pas mal foutu dans l'ensemble, avec un bel effort musical et de photographie (parfois un peu exagéré dans l'instagrammation de la life mais bon), des belles tensions et une fin attendue mais pas mauvaise.

Si vous survivez à vos vacances, allez en prendre d'autres dans un méga spa paumé sur une colline en Autriche et plein de vioques qui suintent le pognon d'entre leurs rides. A cure for Wellness raconte l'histoire d'un petit jeune envoyé sur les traces d'un CEO méga riche parti se reposer dans cet endroit paradisiaque. Qui n'en est évidemment pas un: tout est bizarre, les gens sont tout vieux, il y a des trucs qui grouillent dans les tuyaux et des relations pas nettes entre infirmiers. Sans en raconter trop, le film est vraiment pas mal: très belle ambiance super flippante de château hanté, d'Autriche profonde (belle séance d'opération vétérinaire à l'arrache), un petit coté asile de dingue avec des machines steampunk digne de dispositifs asilaires de contention du 19e. Du point de vue de la trame, pas mauvais non plus, avec une histoire qui se raconte par petits bouts sans qu'on la cherche vraiment. Un peu long par contre: les 20 dernières minutes sont un peu redondantes et il y a un super moment où couper juste avant. On sent le rajout pour biiiien expliquer au cas où t'as pas compris et aussi pour s'amuser un peu avec des visuels sectaire rigolos (houu des gens dans une grottes avec des capuchons zet des bougies qui participent à une cérémonie secrète). Enfin bon quoi.

The Belko experiment, McLean, 2016
Berlin syndrome, Shortland, 2017
A cure for wellness, Verbinski, 2016

mercredi 21 juin 2017

Teenage angst


Doom generation
Après avoir abandonné en cours 13 reasons why (you should believe in the tape hype) qui ressemble un peu à rien, je me suis rappelée de mon adolescence avec ferveur et mélancolie et demandée que devenait ce cher Araki – qui réalise les quelques épisodes qui sortent un peu du lot. Ce jeune homme plein de fougue et d'idées super bizarres, de visuels en forme de Jésus à pois fluos et d'ado en descente d'ecsta permanente? Il existe bel et bien une teenage trilogy, chose qui m'avait échappé, à laquelle appartient The Doom Generation, relativement culte mais aussi Totally fucked up et Nowhere. Jésus!  Quand je trouve trois films qui font déjà un cycle en soi, je suis toute chose, alors je les vus (revus pour certains) fissa.

Totally fucked up est un film en 15 petits bouts sur une bande jeunes plutôt cool qui font un peu la teuf, baisent gentiment, se défoncent amicalement et parlent beaucoup de leur vie face caméra. Ces jeunes sont bien évidemment très gais (à cause de la drogue et de la vie qui est belle)  et très gay, chacun dans son style et c'est surtout autour de ça que tourne l'histoire. Entrecoupée de spots publicitaires, de sermon de prêtres cinglés, de diatribes homophobes ou de nouvelles du front du sida, on se dit que l'époque n'est pas bien joyeuse pour ces jeunots. Bon an mal an, ils se débrouillent, se faufilent dans les fissures et promènent leur arrogance molle très 90's un peu partout. Au-delà des petites tranches de vie, c'est aussi une histoire, et une qui finit mal. Il y a déjà plein de trucs qu'on aime visuellement: des messages religieux subliminaux, des lézards géants en vadrouille, et puis des références belches qu'elles font plaiiiisir:
Totally Front 242!
The Doom generation, je m'en rappelais vaguement: la gueule de Rose McGowan, le minois mou de James Duvall, le plan à trois dans un hangar – bref, l'essentiel quoi. On part d'une situation de base, à savoir un petit couple de jeunes gens glabres qui s'emmerdent dans une soirée electro-trash. Après avoir fait un peu la moue, ils décident de faire comme tout le monde et de rentrer se la coller à la maison tranquille après un pit-stop au paki du coin.  Sauf que. Au paki, bim paf pouf, ces petiots qui n'avaient rien demandé à personne se retrouvent avec un meurtre sur le bras et un nouveau pote qui a l'air un peu psychopathe.  Madame est hystérique, monsieur est un peu mou et tout ça se termine au motel, le temps de comprendre ce qui se passe. La suite est une sorte de road-trip en mode Thelma et Louise et Louis/ Badlands. On ne comprend pas très bien comment tout s'enchaîne mais ça tire, ça tue, ça baise (un peu dans tous les sens du triangle d'ailleurs) et ça finit mal, comme on pouvait s'y attendre. C'est toujours très chouette dans l'image, avec pleins de simagrées catho-pop, des mines un peu déconfites, des plans très près des visages impassibles. La nonchalance un peu meh des personnages est assez géniale – ce côté très slacker indifférent au monde de pur ado en mode rien à foutre. Beaucoup de belles lumières de néons qui clignotent dans une ambiance fin de soirée au Macumba avec une bande-son d'époque (Jesus and Mary chains, again).

Nowhere
J'avais déjà vu Nowhere aussi mais je n'en ai été certaine qu'à la scène finale (un cafard géant ça ne s'oublie pas comme ça). Encore un peu plus vide, un peu plus vain et avec un beau jeu de mot sur Now + Here qui = nowhere. C'est chou. L'intrigue ne se fatigue même plus, avec une ligne narrative digne de Gossip Girl (tout le monde se prépare pour une soirée, la soirée a lieu, la soirée est finie, chacun rentre chez soi) mais avec beaucoup de crack dedans.  Bon, évidemment, c'est plus profond que ça au niveau des histoires de fonds, des problèmes que ça touche et des questions qui restent en l'air. Nos héros, Paul, Pierre, Camille et Machin Truc couchent tous un peu ensemble à géométrie variable, prennent tous un peu des drogues à effets improbables, font des fêtes bizarres avec des lézards géants (beau recyclage des costumes du premier film) et  portent sur la vie un regard pop blasé du plus bel effet. C'est difficile à décrire autrement: un bout de vie un peu barrée avec des morceaux de Gregg Araki dedans. Y a de la couleur, des trucs d'ados très cons ("blood is soooooo cool!") et pas mal de choses bien trouvées (le gang de drag-queens carjackeuses, le cafard géant, la salopette assortie aux murs, les jumeaux gigolos, …). On y voit également plein de teenage stars de l'époque (la meuf de Beverly Hills), des starlettes déjà has been et des petits jeunes qu'on retrouvera plus tard (Ryan Phillip, qui n'avait encore rien fait l'été dernier).

Totally fucked up, 1993
The doom generation, 1995
Nowhere, 1997

dimanche 4 juin 2017

The (double) life of Brian

Pourquoi Brian de Palma? Et pourquoi pas, après tout? En tombant sur un résumé de Raising Cain, je me suis rendue compte que je connaissais finalement très peu le bonhomme; dont acte, pris au hasard quelques films et en avant. 

J'ai commencé par Casualties of war, film de guerre plutôt classique, si ce n'est qu'il prend l'Histoire par le bout d'une petite histoire, un fait divers en fait, sur l'horreur de la guerre, les hommes, tous des salauds et la rédemption peut-être parfois. Eriksson commence son premier tour au Vietnam dans une petite équipe bien sympathique: soudés, rigolards, cyniques et pleins de vieille sagesse du combat: cool les poteaux! Mais c'est sans compter qu'à force d'être rendu dingues par la jungle, une guerre un peu sanglante (et sans gland, haha) tout ça finit par craquer. La troupe de sympas se transforme en grands bâtards et réquisitionne une pauvre villageoise comme ça, sans prévenir. On sait depuis un moment que le viol est une arme de guerre comme une autre, mais Eriksson visiblement pas, qui va se poser des questions et se fâcher un peu tout rouge. Ça reste un film de guerre mais pris dans un truc très concret, sans recherche politique, plutôt une histoire d'homme et de cas de conscience. Déjà une idée de rédemption, de mec sauveur, de pauvre femme en déroute + l'idée du mauvais rêve dont on finit par sortir. Très joli Sean Penn (tout jeuuuuuuune!).

Raising Cain qui avait attiré mon attention, est un film nettement plus barré. Histoire de père scientifique fou qui sacrifie sa progéniture, de femme infidèle qui se perd entre rêve et réalité, de double et de jumeau maléfique: miam! Carter est un médecin sans histoire: en pause carrière pour s'occuper de sa gamine pendant que madame gagne la croûte, il est même un peu en avance de trois siècle sur son temps, didon! Sauf que. Tout ça cache évidemment quelque chose (évidemment!). Parce que quand Carter se fait déposer chez lui par une amie, il finit par la chloroformer et la mettre dans le coffre après avoir essayé de la convaincre de lui prêter son gamin pour une expérience. Hum. Tout ça est louche. Là-dessus débute une autre histoire, celle de Jenny, sa femme, qui recroise une ancienne flamme dans un magasin et hop, ni une ni deux, part faire de câlins avec dans un buisson (non mais franchement). Elle se réveille successivement après plusieurs versions de la réalité dont on ne sait plus très bien où elle se situe - tout pourrait bien n'être qu'un rêve. De son côté, Carter commence à craquer au niveau des coutures psychiques et la machine s'emballe. C'est un peu bizarre à première vue: il y a une, deux trois histoires, des indécisions sur ce qui se passe vraiment ou pas donc très déroutant. Le twist est un peu gras (la scène en trois étages du motel est franchement ridicule, genre le camion heu wtf) mais ça tient plutôt bien dans l'ensemble. 

Dressed to kill reprend l'idée de double mais en allant un cran plus loin. Il y a aussi confusion sur quelle est l'histoire qu'on raconte. Ça commence par une journée ordinaire de Kate, mère de famille normale: mari de merde, vie sexuelle pourrie, ado geek à boutons, pfff. Pour se consoler, Kate file chez son psy puis au Met' (ben tiens) où elle joue à j'ai-perdu-mon-mouchoir avec un inconnu avenant. Tout se termine dans un taxi après moult détours dans des salles de musée et on peut dire que ça y va sec ( le chauffeur est visiblement plus open-minded qu'à Bruxelles). Kate se fait donc un petit 5 à 7 pépère puis file en douce, sans laisser d'adresse (mais en laissant un mot quand même, parce que c'est une fille polie). Il y a cette très belle scène, de pratiquement 25 minutes sans un seul dialogue ce qui est vachement couillu en début de film - d'autant plus qu'elle passe toute seule. Bon, comme toute femme infidèle, Kate doit être punie et le sera dans l'ascenseur, à coup de rasoir par une meuf toute chelou à la perruque de travers. Pour seul témoin, Liz, une pute qui sort du taf et qui a juste le temps d'être repérée par la tueuse (chauve?) avant de décamper. S'ensuit une enquête menée par une belle caricature de flic italien new-yorkais et reprise par le gamin geek du début secondé par Liz, jamais en reste quand il s'agit de virer la cinglée qui la poursuit. Faudrait pas en raconter plus, alors on dira juste que c'est très bien foutu, dans le travail du double surtout, avec une très belle scène de split screen dosée juste assez pour comprendre ce qu'on doit. Il y a aussi tout ce travail sur le désir, la femme tentatrice, le poison d'une rencontre mais aussi un côté assez fun finalement, qui échappe un peu au thriller. 

Ça commençait à me travailler et ça a pris forme en regardant Body Double: des femmes fatales en détresse, un mec à la masse qui se pose comme sauveur, des peeping tom en témoin impuissant de meurtre atroce, des doubles un peu partout, une réalité qui se déforme sans qu'on sache plus très bien où elle commence: ça sentirait pas un peu le James (Ellroy), tout ça? Bingo! Body Double est le Black Dahlia de De Palma en fait. En sachant que c'est aussi lui qui en a réalisé l'adaptation du bouquin (sur laquelle j'avais chouiné à l'époque), c'est un peu wow. Body Double est une histoire de double du début à la fin. Jake, acteur à la ramasse, rentre un jour chez lui pour trouver sa femme au pieu avec un autre. Bummer. Il va donc se faire héberger dans un appart en forme de soucoupe volante par un type qu'il connaît à peine (normal). Type qui lui montre en passant son gros télescope - littéral, pas symbolique (quoique...) - qui lui permet de mater la voisine d'en face qui fait un petit strip tous les soirs à la même heure en buvant son dirty martini (coucou Hitchcock!). Chic alors! Comme un bon mateur, Jake finit par retrouver et suivre cette gentille dame qui s'achète des culottes taille très haute, se rend dans des motels chelous et passe des coups de fils étranges. Il n'est d'ailleurs pas le seul, puisqu'un Indien à l'air inquiétant est sur le coup aussi. Jake se jette d'ailleurs aux trousses du malotru quand celui-ci s'empare du sac de la dame, ce qui lui vaudra un gros câlinou dans un tunnel (??), car la dame est reconnaissante (et un peu à la masse visiblement). Jusqu'à ce qu'un soir, un train? Non, un soir, un Indien, une tronçonneuse et un Jake au bout du téléscope, impuissant. La suite est encore plus tordue et part vraiment dans la direction d'Ellroy. Alors quoi? Visiblement, personne ne s'est jamais posé la question de cette rencontre, mais il y a quand même un paquet de ressemblance et l'association Black Dalhia/Body Double (ça commence par les mêmes lettres d'ailleurs, mouiiii) est franchement troublante. Il y a cette histoire de voyeur qui se retourne contre le voyeur, ces images volées un peu hachées, avec toujours autour du cadre, un autre voyeur comme une menace qui plane. Il y a ces femmes égarées, les yeux brouillés par le désir, agrippée à leur sauveur - souvent un semi-raté en mode rédemption in da hood. Il y a cette confusion des doubles entre morte et vivante, ces masques et ces perruques. Tout ça dans cette pompe à vice qu'est L.A. Il y a un truc à écrire là-dessus (et à se demander pourquoi l'adaptation du Black Dalhia est aussi ratée du point de vue style). Mon hypothèse personnelle est qu'Ellroy et De Palma sont en fait la même personne (ou un jumeau maléfique l'un de l'autre). Hum. Ce serait un bon sujet de film, pas besoin de savoir qui serait aux commandes.

Casualties of War, 1989
Raising Cain, 1992
Dressed to kill, 1980
Body Double, 1984


jeudi 1 juin 2017

mercredi 24 mai 2017

Ecran total

On a souvent dit que les psychopathes étaient ceux qui avaient les meilleures chances d'être super successful – il semble aujourd'hui qu'il suffise d'être simplement demeuré complet et de n'avoir aucun surmoi, comme le prouvent ces deux exemplaires de grosses merdes. Dès lors, que faire de votre existence si vous êtes un gros sociopathe? C'est simple comme une inscription chez Actiris: recyclez-vous! Devenez mathématicien brillant, prisonnier flippant ou encore charpentier gluant!

Coucou
J'avais déjà vu Pi mais je ne m'en rappelais guère – probablement parce que je n'avais rien pipé au film, si ce n'est que le monsieur a beaucoup mal à la tête et un gros complexe de Fibonacci. En le revoyant, on voit mieux d'où viennent certains tics de montage de Requiem et surtout les thématiques qu'on retrouve un peu partout chez Aronofsky – paranoïa, obsession, somatisation et le classique je-suis-trop-génial-pour-être-normal-et-j'en-souffre-sortez-moi-de-là. Pi raconte donc l'histoire de Max, mathématicien/trader qui fait joujou avec son ordinateur trop vintage (il est un peu hipster) pour essayer de trouver des pattern dans les chiffres. Pauvre Max, tout le monde le fait chier – entre des kabbalistes fous qui font de la topologie de la Torah, des responsables RH à grosses épaulettes qui font du recruting sauvage et sa gentille voisine qui le gave de samosa, pas moyen de réfléchir peinard. Vient un moment de crispation où tous ces signes finissent par faire trop pour la tête à Max qui commence à partir en vrille. Belle descente aux enfers qui se termine par un splash sur le miroir avec un putain de rythme, des répétitions en boucle d'images/séquences, des plans très près, très rapides, dans du N/B bien granuleux comme on aime. Parfois un peu hystéro dans le jeu peut-être.

les
Bronson est un truc trouvé par hasard (je crois que j'ai confondu avec Manson en fait) mais que j'ai surtout regardé pour le très succulent Hardy qui passe une bonne partie du film un peu voire beaucoup à poil (film carcéral oblige). Hardy est ici Bronson, prisonnier rosbif super célèbre (ha?) à grosse moustache et psychotique à l'avenant. Raconté comme un one-man show avec flash-back sur un parcours un peu, disons, chaotique, on suit l'histoire de ce type tout chelou – de petit braquage à prison en passant par l'asile, c'est bath. J'avais juré de ne plus rien regarder de Refn après la bouse de Neon Demon mais bon, je me suis dit "Hardy, petit" et voilà. Au final,, c'est pas trop mal, très Drive musicalement, très clippé visuellement – grand espaces vides, plans immobiles, personnages en mode automatique, travail sur la composition des plans comme des tableaux – et ça reste regardable voire joli parfois. Au niveau du jeu, pas mal foutu, assez convaincant niveau grand malade – le dispositif "théâtre" est par contre un peu lourd (on voit pas trop le rapport avec le fond, si ce n'est la manière très immobile de filmer. Mais alors, on aurait même pu aller vers une scène d'opéra (genre)). Bref. C'est pas mal, c'est une histoire et une info intéressante à avoir (il y a des gens tarés en prison et ils ont des belles rouflaquettes).

cinglés!
Le dernier taré est le taré mystère de Savage Weekend, super-slasher/triangle amoureux, à mi-chemin entre Antonioni (pour les couples qui se font et se défont) et Tobe Hooper (pour les tronçonneuses et outillages divers). Marie, fraîchement divorcée, se tire en weekend avec son mec, sa sœur et son pote gay. Des trucs un peu sexuels se passent avec des types locaux, qu'on comprend pas bien et y a du fricotage dans les buissons. Il y a aussi une autre histoire, celle d'Otis, réparateur de bateau à l'air bien cinglé qui semble vouloir se venger d'un truc  (mais quoi?) sur quelqu'un (mais qui?). Tout ça finira dans le sang mais pas forcément comme on croit. C'est pas mal car pas forcément que du gore (même s'il y en a quand même, hein). Ça cherche à créer des tensions à d'autres niveaux notamment entre habitants de la ville et pauvres ruraux, ainsi que des trucs qui enrayent un peu la mécanique des rapports à un niveau amoureux chelou. Jolie idée de scie circulaire et belle attaque à la tronçonneuse.

Pi, Aronoksfy, 1998
Bronson, Refn, 2008
Savage weekend, Paulsen, 1979

samedi 20 mai 2017

Ecran total

Histoires de famille, trucs cosmiques et gros comiques; n'importe quoi et dans le désordre.

Je poursuis ma découverte de Dolan et je suis déjà un peu déçue (bouh) par Juste la fin du monde qui me laisse un peu meh. Ça raconte le retour difficile de Louis, écrivain réussi dans une famille un peu plouc qu'il pensait avoir laissée derrière lui. Retour d'autant plus compliqué qu'il est le dernier puisque Louis va mourir (nous aussi, et on n'en fait pas une tartine pour autant, hein). 12 ans de silence, de frustrations, de questions sans réponse et de cartes postales comme des petits cailloux: c'est pas grand chose et difficile à dire en 2h. Tout est un peu hystérique, criard, tendu et parfois difficile à regarder. Il y a ce style de Mommy qu'on retrouve dans la surenchère qui laisse parfois un peu dérouté mais avec une écriture différente, théâtrale puisqu'il s'agit d'une adaptation d'une pièce de Lagarce, texte éponyme que je n'ai jamais lu mais où on reconnait le dramaturge à cent à l'heure, que ce soit dans la forme ou dans le fond. C'est beau à lire mais parfois dur à entendre, ici, ça tire un peu, ça pèse parfois. C'est aussi très beau à plein de moments - en fait c'est difficile à comprendre, une émotion compliquée à décrire qui plane comme ça. Photographie géniale par contre, avec parfois ce côté clipesque de sale gosse. Beau mais aussi.

Famille pourrie, c'est par ici: Maps to  the stars qui me réconcilie un peu avec Cronenberg que j'avais lâché après l'adaptation bousesque de Cosmopolis - pas tenu plus d'une demi-heure - et qui refait un truc un peu bien: y a des déformations corporelles, des trucs organiques qui pointent sous les névroses même si ça reste un peu fade par rapport à ce qu'il a pu faire. L'intrigue est difficile à résumer sans trop en raconter: Agatha débarque à Hollywood pour y faire on se sait pas trop quoi et son monde rentre en collision avec celui de quelques exemplaires d'humains névrotiques qui y vivotent - actrice vieillissante, gamin grandi trop vite, mère maquerelle et psy tendance pipeau/new age. Tout ça n'est pas par hasard car il plane une histoire de famille, de feu et de secret honteux qui se vit dans la chair cramée. C'est parfois un peu lourd, parfois énervant, mais globalement ça tient la route et c'est un bel ensemble de cinglés, plutôt joli à regarder. 

Encore un peu plus près du ciel et de la perfection: Paradise/Hope, troisième volet de la trilogie de Seidl, observateur génial de la difformité, des anormaux, des trucs chelous un peu gluants qui traînent dans les coins de la conscience collective. Ici, on suit Mélanie, petite boulotte de 13 ans envoyée en camp d'amaigrissement au milieu de la verte Autriche pendant que sa mère se tape la cloche au Kenya. Le reste est une tranche  de vie d'une adolescente banale en somme - amour un peu incestueux, première cuite, discussion sur la pipe (pour ou contre et quoi faire après) et coup de fil en détresse à Môman (qui visiblement s'en cogne complètement). C'est toujours sublime dans l'image, un travail sur des plans immobiles, découpés à la hache avec des lignes partout, souvent verticales, un travail d'architecture de chaque plan qui se fait sans donner l'impression de poser. Pas de commentaires, peu d'explications comme souvent, pas de bande-son pour savoir où on en est dans l'émotion, c’est de l'enregistrement qui se fait dans du frontal parfois à la limite du malaise tellement c'est complètement freak ET normal en même temps, en jouant sur ce petit point de réel qui perce l'image et qui vient titiller l’œil. Voilà quoi.Mention spéciale au mulet du prof de gym: Monsieur, votre courage vous honore.
Das groß mulet
Juste la fin du monde, Dolan, 2016
Maps to the stars, Cronenberg, 2014
Paradies: Hoffnung, Seidl, 2013

vendredi 19 mai 2017

Chienne de vie

C'est bientôt  la période magique du festival du chien de Yulin au cours duquel des chinois sanguinaires bouffent des cabots trop mignons et où Facebook tout entier frétille d'une indignation aussi stupide qu'inutile. Vous aussi vous en avez marre? Après tout, les chiens c'est con comme la lune, ça se laisse crever sans chouiner et c'est même pas capable de se laver le cul soi-même. Si en plus, c'est délicieux, pourquoi s'en priver, hum? D'autant plus que les chiens, c'est un peu des vaisseaux de Satan, comme les films suivants le prouvent avec éclat. 

Pet ne parle pas vraiment de chien mais donne des infos intéressantes sur les gens qui les aiment. Ce mec trop chou qui travaille dans un chenil, vous vous dites: ami des animaux ET soignant? Par ici la bonne soupe! Pas si vite malheureuse! Derrière tout timide au grand cœur se cache un psychopathe potentiel (le degré de psychopathie étant souvent inversement proportionnel au degré de timidité comme on le sait par ailleurs) et qui dit psychopathe potentiel+cage+kétamine dit gare à ton cul ma fille. Notre héros tout mimi est donc Seth, jeune homme timide qui recroise par hasard une meuf  de son lycée qui l'a visiblement totalement zappé. Grâce à un stalking 2.0 en règle, il finit par essayer de lui sauter dessus dans un bar pourri avant de se faire corriger par son ex, barman raté avec deux neurones qui se battent au niveau des narines. Evidemment, Seth n'est pas content: comment apprivoiser cette petite sauvageonne qui veut simplement qu'on lui laisse faire sa vie sans l'emmerder ? Ping, fait la tête de Seth quand il la cogne par terre! Une porte dérobée, une cage en acier et le tour est joué! S'ensuite un film de captivité classique qui va cependant se corser lorsque des révélations seront faites…. Miam! C'est franchement pas mal, et il y a le drogué de Lost (j'ai la flemme de chercher son nom) qui est bien. Le twist est un peu gros pour moi mais bon, on peut pas tout demander. C'est déjà pas mal visuellement, même si ça manque de chien (haha)

En termes de chien méchant, il y a Cujo, sorte de Beethoven de Satan qui bave partout. Au départ, pourtant tout allait bien: Cujo était un bon pépère qui coursait le lapinou dans la brousse. Puis pouf, il se fait mordre par une chauve-souris, fille de Belzébuth par excellence et le voilou tout méchanou. Pauv' Cujo! Mais l'histoire principale, comme souvent chez Stephen King (oui, encore lui!) est ailleurs, puisque c'est celle de la famille Trenton: peur des monstres, infidélité, travail prenant – famille classique. Pendant ce temps-là, Cujo boulotte un, puis deux rednecks sans que ça n'inquiète personne.  La dernière partie du film est un joli tête à tête entre un Cujo de plus en plus jaunâtre et gluant du nez et une pauvre mère de famille coincée dans sa bagnole avec son petit Tad (qui a peur des monstres donc). C'est très chouette, assez angoissant et joli comme huis-clos en extérieur. Il y a des beaux travelling intérieurs, des tentatives de sauvetage ratées et des méchants coups de batte sur la tête à Cujo. Prends ça, clébard de mes deux!


Finalement, White God, un truc de fou malade complètement trop bien, avec une des séquences d'ouverture les plus belles du monde de la terre. Sans doute référence à White dog dont on a déjà parlé ici puisque ça parle de chien qu'on essaye de rendre méchants et qui finissent par se venger comme les bâtards qu'ils sont, na. Lili doit se tirer chez son père pendant trois mois et prend son clébard avec. Sauf que. Le padre en question n'est pas trop chaud et envoie chier Hagen, bâtard sensible. Ce pauvre Hagen va donc vivre sa vie de chien errant, qui est plutôt cool puisqu'il vit à Budapest, ville qui a du chien (re-lol). De rencontre en rencontre, on suit le cabot d'un côté et la petite de l'autre, qui fait sa vie comme elle peut –petits coups de cœur, mauvaise vodka, première nuit au poste, c'est émouvant. La dernière demi-heure est absolument géniale, tellement qu'on la raconte pas. Il y a de la meute en furie, de la galopade dans une ville qui a quand même un putain de style, des images là-dedans trop belles, une idée de fin du monde au-dessus de pas mal de trucs dans le genre. Wouf, mazakafa!

Pet, Torrens, 2016
Cujo, Teague, 1983
White god, Mundruczo, 2014

vendredi 12 mai 2017

Mommy, you're not watching me

C'est bientôt la fête des Mères: pensez  à Môman autrement qu'avec un nouvel aspirateur ou un bon de réduction pour se faire liposucer. Emmenez –la voir un film plutôt, histoire de lui rappeler à quel point vous êtes un bon gamin!

J'ai enfin vu un film de Dolan, depuis le temps qu'on me les brise avec ce type – et c'est pas mal. Mommy raconte une histoire de relation mère-fils un peu zonards de la life. Steve, ado un peu perturbé tendance schizo en déroute retourne vivre chez sa mère après s'être fait jeter d'un énième centre pour cinglés. Pas super happy, Diane se retrouve avec ce paquet encombrant; toujours à deux doigts de l'implosion et fan de Céline Dion en plus (décidément, les ados, c'est vraiment de la merde). Diane est aussi un peu à la ramasse, pas vraiment de taf, de projet, de vie en gros. Là-dessus se greffe une voisine taiseuse prof en burn-out qui a perdu l'usage de la parole. Hum. Départ pour une jolie tranche de vie à essayer de recoller des morceaux d'un semblant d'existence pour des personnages tous un peu largués, se démerdant comme ils peuvent avec leurs névroses et leurs casseroles, ressoudant ce qui peut l'être avec des vieux chalumeaux de récup. C'est très beau, parfois très bizarre, gênant, prenant, difficile à comprendre, exagéré, surjoué, pas crédible; c'est toujours quelque chose en tout cas, jamais chiant, jamais pédant et souvent pas loin de toucher à du sublime. Il y a ce cadre en forme de carré parfait qui fait bizarre et puis qui grandit parfois sans prévenir et  cette idée, si cliché et facile qu'elle puisse être, elle est aussi sublime visuellement et absolument géniale.  Enfin voilà, c'est chou. Et c'est  triste, parce que c'est ça qui est beau.

The eyes of my mother raconte aussi une histoire de fusion mère-fille qui se prolonge par-delà la tombe, brrr. La jeune Franscesca voit par hasard sa mère assassinée par un psychopathe qui passait par-là – comme souvent dans les coins paumés des States. Eduquée depuis la plus jeune enfance à disséquer des têtes de vaches mortes, Fransesca a même pas peur: elle aide gentiment son père à enterrer le corps  maternel et à enchaîner le cinglé dans la grange. Mais toute cette violence, ça a quand même fait bobo dans le cerveau à Frannie, même si elle ne montre rien. Le film se décline comme un roman d'apprentissage en trois parties, dans lequel on assiste à l'évolution et la maturation d'une petite fille dérangée en mode boîte noire. Aucune explication, pas de voix off ou intérieure, quelques plaintes parfois qui expliquent et le reste est silence, entrecoupée de fado portugais qui donne envie de chialer. C'est très beau, très léché dans l'image, impeccable pour l'actrice principale en madone ultra-gore rendue dingue par l'amour filial. Très joli noir et blanc,  pour une petite fable cruelle qui fait bien mal.

Enfin, The falling qui n'est pas tout à fait dans le thème mais où on trouve aussi une histoire de relation mère-fille pas loin du focus du récit.  Le film raconte une histoire d'hystérie collective dans un collège angliche om des petites jeunes filles se mettent à tomber dans les pommes à la chaîne comme ça, sans prévenir. Je viens de finir The devils of Loudun, relation étrange d'un exorcisme/hystérie de masse par le cher Huxley et suis donc friande de toutes ces névroses collectives: c'est bin chouette! Ici, on est plus dans une config' Picnic at Hanging Rock, autre film dans lequel des petites anglaises tombent  en pamoison sous la coupe du pouvoir phallique d'un gros rocher. Une ambiance un peu étrange, des visions fugaces au moment de l'évanouissement, des réactions en chaîne qui se font dans la lenteur d'un corps qui tremble et tombe, le tout dans un cadre automnal qui donne envie de mettre ses hunter et d'aller respirer l'odeur des sous-bois humides. Hum. Il y a quelque part dans le cadre cette mère un peu dépassée par les événements, un peu bouffée par une gamine en crise, mais qui sera finalement le point de résolution de l'histoire. Pas mal dans l'ensemble mais on aurait aimé un truc un peu  trash au niveau ambiance. C'est plus promenade folkeuse en tweed – genre Keane – quand ça avait le potentiel d'être dans l'esprit Crystal Castles. Mais bon.

Mommy, Dolan, 2014
The Eyes of my mother, Pesce, 2016
The falling, Morley, 2014

dimanche 7 mai 2017

Ecran total

Un peu dans le désordre pour un début de mois en vrac et dans l'incertitude générale: la démocratie sera-t-elle sauvée? Ce suspensme! J'ai vu un truc de vengeance qui me fait de l’œil depuis un moment, une dystopie agricole trouvée en passant et un truc plutôt fabuleux que j'ai failli laisser filer.

Je vois depuis un bon moment cette affiche dans le métro et comme elle est très bien faite, il n'y a aucune info pertinente dessus - réalisateur, acteur, nombre de cadavres. Comme je suis une fille débrouillarde et que je jouis de nombreuses heures de loisir au bureau, j'ai pris mon petit clavier et ai cherché: ce film est l'oeuvre de Arevalo, qui n'est autre que le flic badass de La isla minima. J'en vois des (un surtout) qui chouinent derrière son écran - haaa, ce film lent comme la mort, fait de plans sublimes quasi immobiles du delta du Guadalquivir, pas de dialogues, peu d'action, beaucoup de sous-entendus et de moues de cow-boy! Heureusement, Tarde para la ira n'a absolument mais alors absolument rien à voir - ni dans la forme, ni dans le fond. Sauf pour le côté cowboy badass, mais ça c'est trending en ce moment, suffit de voir la collection spring/summer de Zara qui a visiblement été dessinée par un cowboy daltonien schizophrène en pleine décompensation. Tout ça pour dire. L'histoire est simple: Jose traîne dans un bar et se fait poto avec une petite équipe - le barman, sa sœur Ana, sa femme Pili et tout le tintouin. Jose n'est pas qu'un type sympa: il essaye surtout de mettre Ana dans son lit, sans savoir que son mec sort de taule dans une semaine après  8 ans à l'ombre pour un braquage où ses potes l'ont laissé en plan. Pas cool. Alors après 8 ans, où en est la vengeance - et surtout, de qui viendra-t-elle? J'en dis pas plus, c'est pas bien. Construit par petits chapitres qui claquent, avec une image qui bouge beaucoup, très près des corps, nerveuse et sans beaucoup d'état d'âme, c'est carrément dans le western postmo plutôt que dans la contemplation. Une fin qui fait bien mal et qui fait pan. Ouille.

The White King raconte une histoire pas follement intéressante plantée dans une dystopie argicole pas des plus fofolles. Un petiot voit son père partir entre deux militaires un soir d'été sans en savoir plus. S'ensuit l'attente, les questions, l'ostracisation et la mise à l'écart. Il ne se passe pas grand chose, si ce n'est les trucs habituels d'une dictature: les flics sont partout, y sont méchants tout plein, les chefs ont des supers bagnoles et de pralines Léonidas, et la moindre petite blague mal placée t'envoie en zonzon. Rien de bien surprenant donc, sauf à un moment, une rencontre au pied d'une décharge qu'on croit qu'elle va mener le scénario ailleurs mais non. Au final une fin un peu meh dont on voit pas trop l'intérêt. Jolies images ceci dit, pas nul dans le visuel dystopique, musique un peu arty. Mouais.

J'ai failli pas regarder Get Out parce que je croyais que c'était une rom'com - ça commence un peu comme ça: un jeune garçon va passer le weekend chez ses beaux-parents et découvre qu'ils sont bien différents de ce qu'ils prétendent - avouez que ça pue la comédie choupinou avec Robert de Niro en père italien en chemise hawaienne. En fait, trop pas. Chris, jeune black de son état, passe le weekend chez les Armitage, des gens extrêmement blancs et un peu chelou à la longue. Ils organisent justement une soirée, tiens, avec pleins d'amis, dis donc! C'est dommage d'en dire plus, le film est hyper bien foutu avec une composante horreur certes mais une longue prépa qui prend la plus grosse partie du film et qui est elle beaucoup plus flippante, grinçante parce pas trop loin de ce qui se passe en sous-main dans les rapports blanc/noir aux States aujourd'hui. Une forme bizarre de mal-être, des relations de surface très normales mais qui craquent un peu au niveau des coutures. Après, ça part en délire pur et plutôt chouette sur un thème que j'adore mais que je ne dévoilerai pas, pour se finir dans un bon bain de sang comme on les aime.


Tarde para la ira, Arevalo, 2016
The white king, Helfrecht & Tittel, 2016
Get out, Peele, 2016

vendredi 5 mai 2017

Franz is da shit

Grand-Verly, 2014

29 mars
Le plaisir que me procure la salle de bains. - Connaissance progressive. Les après-midi passés en compagnie de mes cheveux. 

Kafka, Journal 

lundi 1 mai 2017

Total freak

C'est parti d'une proposition indécente - le film Pieles - pour devenir un freak fest cette semaine - et pour une fois, pas tout à fait de ma faute, faut arrêter de me suggérer des trucs tordus, merde.

Dans le genre gluant, j'ai vu Hellraiser dont je pensais que c'était un jeu vidéo (??) mais en fait non. Steve et Julia ont bien de la chance: ils viennent de récupérer une super baraque en héritage, la chance! Comme souvent, la maison n'est pas en top état et la déco, pas trop ça. Entre les rats qui gazouillent et les asticots qui grouillent, c'est ambiance. D'autant plus que Frank, frère de Steve (et amant de Julia, c'est du joli) a laissé de ci-delà des trucs à lui dans la baraque avant de disparaître mystérieusement. Il a aussi laissé une partie de son ADN dans le sol, tiens, et va être ramené à la vie grâce au sang de Steve qui ne se doute mais alors là, de rien. A partir de là, le Frank est un truc plutôt gluant qui se met à retenter le coup avec Julia tout en lui expliquant un truc abracadabrant sur des Cenobites, un univers parallèle et des pratiques SM assez gore/ Mouais. En gros, il a accès à un autre univers dans lequel plaisir et douleur ne forment plus qu'un, mais qui est gardé par des types patibulaires avec des têtes chelous, dont mon préféré est sans aucun doute l'adipeux-cool:
Beau Goooosse!
Parce qu'on sait que toutes femmes sont des suckeuses pour n'importe quel type un peu ténébreux qui a mal à sa vie (et à son vit), Julia se laisse tenter par le diable et c'est le début de la fin. C'est pas mal fait, surtout les monstres, vraiment bien dégueu; par contre le truc de la boîte qui fait entrer dans un univers alternatif c'est un peu bof, on capte pas trop le truc SM - enfin c'est un peu torché n'importe comment.

Un poil au-dessus dans le bizarre, il y a The Greasy Strangler qui comme son nom l'indique, parle d'un étrangleur mystérieux recouvert de graisse bien gluante. Miam. Ronnie et son fils Brayden, un peu looser sur les bords, organisent des circuits touristiques consacrés à l'histoire de la disco, pipotant de ci delà des touristes en déroute. A part ça, ils mangent des saucisses grasses, du bacon graisseux et ajoutent un peu d'huile dans leur café le matin. La nuit, parfois, Ronnie se relève, se roule dans le gras, assassine un quidam puis passe au carwash se refaire une beauté. La routine quoi. Comme très souvent, arrive une femme dans cette dynamique bien huilée - et c'est le bordel. Janet, rencontrée au détour d'un tour, avenante et sympathique, commence par jeter son dévolu sur le fils pour se demander si le père n'est pas mieux membré (véridique Rivers). Pour l'intrigue, c'est à peu près tout: il ne se passe pas grand chose mais il s'en passe des belles. C'est difficile à décrire comme film, mais ça fait très très fort penser à du John Waters période Divine: des dialogues ultra plats déclamés dans un style de mauvais sitcom, des situations tendance scato, des personnages ultra-freak, pas mal de trucs sexuels un peu chelous et une petite musique qui fait ouin-ouin ( comme parfois dans Pecker). Au final, ça donne un truc plutôt drôle si on aime le wtf et les yeux qui font plop!

plop
Point de départ de ces tribulations, Pieles, truc de freak complet avec des fétiches sexuels bizarres, des détails anatomiques difformes, des sentiments gluants et quand même, au final, de l'amour - parce que c'est la vie! On suit en fait les tranches de vie de quelques personnages tordus, du dedans ou du dehors, qui se croisent, se touchent, se parlent parfois. Entre la fille qui a un anus à la place la bouche (et vice versa), la pute sans yeux, la fille au visage qui dégouline et le type qui rêve d'être une sirène, y sont mal barrés. Heureusement, le monde est bien fait et de freak à freak, on finit pas trouver un équilibre dans la névrose entre corps imparfaits et esprit vicieux. C'est un truc assez radical à plein de niveaux: ça va relativement loin dans le côté weird tout en se déclinant dans un univers complètement pastel, mauve et rose, avec des pulls assortis aux rideaux. Comme dans les deux films précédents, on se rend compte que les films de freak sont très souvent organisés autour du rapport au sexe et au désir (du  paragonique Freak à la saison 5 AHS qui s'amusait pas mal avec ça): pourquoi et comment on aime, on baise, on désire quand on est dans cette zone à la limite de la normalité tout en étant (quand même) humain? Que la sexualité soit un référent pour mesurer le degré de normalité et le centre autour duquel se cristallisent les questions de difformités, c'est pas nouveau et Foucault en parle sur des pages assez magnifiques ici - parce qu'on y revient toujours, à Michel.

Hellraiser, Barker, 1987
The greasy strangler, Hosking, 2016
Pieles, Casanova, 2017

vendredi 28 avril 2017

Ecran total

Dans les brumes glaciales du mois d'avril parfois se dresse l'espoir. Et parfois c'est la tronche du prochain banquier à la tête de la France et on a tous envie de se tirer une balle à bout portant entre les deux yeux. C'est la merde et vous voulez des vacances? Rien de plus simple, devenez un fantôme! Vous pourrez toujours avoir des amoureux virtuels, taper la discute avec votre sista et faire des calinous à vos enfants, yo.

Her, c'est un peu l'histoire d'une relation fantôme. Ou comment une technologie trop de la balle arrive à créer des AI (ici sous forme d'OS, on se demande si quelqu'un s'est pas planté dans le scénar') qui sont trop naturelles et qu'ont des voix qui sentent le sexe: trop ouf. Le pauvre Theo a une vie pas si mal: il écrit des lettres d'amour pour des gens qu'il ne connaît pas, a un appartement trop beau et une voisine hystéro trop mignonne. Ses fringues craignent un peu mais bon. Est-ce une raison pour avoir envie de sortir avec un fantôme in da cloud? Pourtant pas prévu, Théo s'achète un OS trop chou qui lui écrit des morceaux de musique et organise ses mails: tout ce qu'on attend d'une femme quoi. Il en tombe donc amoureux comme à 17 ans et décide de faire fi de la morale et de tout le reste: son OS, il l'aime et il va le faire savoir. Le film est super bien foutu du point de vue visuel avec une atmosphère un peu futuristo-pastel dans des tons rose, mauve, bleu clair ce qui change des ambiances métallisées habituelles, une bande-son un peu cotonneuse, des jeux d'acteurs très retenus, un peu lents, des voix toujours un peu douces, presque un chuchotement dans une lumière de fin de journée. Au niveau du scénario, c'est parfois un peu étrange – surtout quand on pense à l'état des AI pour le moment – mais c'est finalement plus une histoire de rencontre, de deuil, de vie quoi.

Les relations fraternelle par fantôme interposé, c'est Personal Shopper un truc assez foutraque à la base mais en fait super cohérent quand on y pense. Maureen est personal shopper pour une nana super riche qui n'a pas que ça à foutre que s'acheter ses culottes elle-même. Un métier passionnant s'il en est: aller chercher des fringues, ramener des fringues, choisir des fringues, prendre le train avec des fringues, et regarder des photos de fringues. Hum. C'est un job dont rêve un bon nombre de pisseuses/blogueuses de mode et pourtant, pour Maureen, c'est un truc purement alimentaire. Son truc dans la vie, c'est parler aux fantômes et surtout, celui de son frère jumeau, mort sans prévenir à 27 ans. Vu comme ça, on se dit: what? Un film sur l'identité, le deuil, le vide des existences modernes ET un film avec des maisons hantées et des ectoplasmes qui apparaissent en faisant Bouh!? Mais comment? Hé ben oui! C'est super bien fait et dans le fond très logique – à la recherche d'un fantôme ou d'un signe, Maureen est une sorte de fantôme qui remplace une femme dans ses fringues qu'elle ne la verra jamais porter, une femme d'ailleurs toujours absente – comme un fantôme quoi – qui n'apparaît que par petite lettre laissées ça et là. L'intrusion du fantastique est vraiment bien faite, avec une très jolie tension, pas de raté dans le visuel ectoplasmique (je sais pas comment dire ça autrement) et pas mal de finesse dans les émotions.

Dans Good Night Mommy, le fantôme c'est Maman.
Goodnight, momie!
Elias et Lucas ne reconnaissent plus leur môman après une opération esthétique (il faut dire qu'elle fait un peu peur à la base déjà). Alors passer tout l'été dans une bicoque style rêve mouillé de fan d'Ikea au milieu de la campagne autrichienne, heu bof. Le doute s'installe et avec lui, des mauvaises idées: faisons-lui cracher où elle a caché notre vraie maman. En voilà une idée qu'elle est bonne. Dans un premier temps c'est un film qui fait un peu Haneke – des relations qui ont l'air bien glauques entre une mère et ses deux fils, un peu d'hystérie obsessionnelle, pas beaucoup d'affection et une ambiance familiale plutôt pourrie dans le genre janséniste. Puis vient la bonne idée – faisons- lui cracher le morceau et là on tombe dans un film plutôt gore, complètement fascinant du genre qui te cloue dans ton pauvre fauteuil en répétant wtf mais wtf mais wtf.

Des images très jolies super flippantes, avec des jolies idées de trucs flous en fond sur les murs qui contribuent à créer ce truc fantomatique au niveau apparence/identité (à voir avec le twist final, super joli coup!). Esthétiquement, c'est fort dans la lignée de Seidl qui produit d'ailleurs le film – plans fixes, verticaux, images brutes, sans mouvement ou grossissement. Un truc hiératique et froid avec très peu de mots.

Her, Jonze, 2013
Personal Shopper, Assayas, 2016
Good night Mommy, Franz & Fiala, 2015