dimanche 29 octobre 2017

Clouzot total

Avant, quand j'entendais Clouzot, je pensais à Clouseau. Mais ça c'était avant. La récente découverte de la BO d'Ascenseur pour l'échafaud m'a fait réaliser qu'il y avait autre chose que les chansons d'amour flamandes et les pogs dans les paquets de chips Smith (remember?). Clouzot donc, est un réalisateur français de polars noirs super badass, avec plein de trucs intéressants dedans.

Le corbeau raconte l'histoire d'un petit village dans lequel se met du jour au lendemain à pleuvoir des lettres anonymes. D'abord un peu pour faire chier les cocus puis carrément plus violentes, ces missives rigolotes finissent par foutre un peu la merde - les villages étant ce qu'ils sont. Au milieu de cette tourmente, un jeune médecin ténébreux, pratiquant son art comme on fait son jogging, dégageant les prétendantes comme on refuse un scotch (poliment mais fermement) et répondant à l'infamie avec probité et déférence. Ouh là, je m'emballe dis donc. Donc ce médecin, au centre de tout ce merdier, mène l'enquête de son côté tandis que la police hé bien ne fait pas très bien son travail (comme c'est étonnant). Tout se résoudra pourtant avec évidemment révélation du coupable surprise à la fin. C'est plutôt beau, très anguleux (?) visuellement, avec beaucoup de gens cachés derrière les portes et de murs qui ont des oreilles. Beaucoup d'images de lettres, de papier, d'écriture, d'histoire de poste aussi. Peu de corbeau finalement, sauf dans cette pauvre nonne à voilure noire qui fuit son lynchage programmé.

Encore plus vicieux, Les diaboliques raconte l'histoire de deux femmes qui tuent leur mec (enfin, l'une tue son mari, l'autre son amant, mais c'est le même). Comme quoi, les ménages à trois finissent mal en général. Cristina, petite vénézuélienne à la santé fragile se retrouve embarquée dans un meurtre mal planifié (franchement) par une Nicole (Signoret, hallucinante) pas commode qui a heureusement une poigne de bûcheron. Tout est bien qui se passe bien mais pas tout à fait. Quand les cadavres se mettent à filer à l'anglaise, on entre dans  un deuxième film, complètement dans l'horreur et on retrouve ces portes dérobées, ces ombres qui écrivent des messages en secret la nuit, ces fantômes qui hantent les photos de classe. Brr. Au passage: bel anti-spoiler!



Il y a aussi  Le salaire de la peur, un road-buddy-movie qui tourne mal. Une longue première partie assoit le décor: petite ville mexicaine au bord de nulle part, quelques immigrés venus tenter leur chance aux States coincés sans date de retour, des petites combines et des grands chapeaux. Arrive dans ce petit monde, Jo, un gangster qui a l'air dur de dur. Mario, français en cinglet sale mais petit foulard élégant autour du coup, tombe en pleine bromance avec de compatriote avec qui il peut enfin partager son amour du ticket de métro parisien. C'est chou. Ça rend Luigi, l'ancien bro de Mario un peu navet, mais bon. Sur ce tombe l'opportunité d'une vie: convoyer de la nitroglycérine en barils entiers pour éteindre un feu de puits de pétrole (il paraît que c'est comme ça qu'on fait). Conduire un camion, fastoche, le faire traverser un désert rocailleux avec des routes toutes pourries sans faire sauter le produit, beaucoup moins. Convaincu par Jo de se lancer dans le truc, Mario se retrouve donc, petit foulard autour du coup et cigarette au bec, à galérer sur des routes de type wallonnes, en essayant de pas faire tout péter. Et découvre alors que son poteau tout fier à bras est en fait une grosse lopette qui passe son temps à se faire dessus au moindre cahot. Comme quand votre meilleur pote qui vous a tanné pour l'accompagner dans sa traversée du Mexique à poney se retrouve prostré dans sa chambre d'hôtel au bout de deux jours parce qu'il a peur des tacos. Mario n'est pas content, Jojo n'est pas jojo. Le reste du film est entre l'histoire de potes qui tourne mal et le road movie ultra tendu du slip: il y a des gros camions, des manœuvres dangereuses et des explosions hasardeuses. Le tout très beau, dans un noir et blanc entre le blanc du sable et du désert et le noir liquide du pétrole qui s'incruste un peu partout.

Le corbeau, 1943
Les diaboliques 1954
Le salaire de la peur, 1953

vendredi 27 octobre 2017

Ecran total

Un arrêt cérébral relativement long me vit me gaver de films plutôt navrants que mon sens éthique m'interdit de chroniquer ou même de citer ici. Mais quelques beaux objets dans le tas.

The autopsy of Jane Doe est un film qui raconte ce qu'il dit: l'autopsie d'une meuf inconnue. Vu d'ici, ça n'a pas l'air super folichon. Ça sent le huis-clos ontologique avec des cadavres qui font bouh! Mais non! L'examen progressif de notre petiote révèle, couche après couche une histoire qui finit par prendre suffisamment d'espace pour se saisir d'un grand couteau. C'est relativement sobre et plutôt malin dans la montée du fantastique. Je dois avouer que ça fait un bail que je l'ai vu, alors je ne me rappelle pas trop de la fin. Mais il me semble que c'était bien. Ouais.

Grave, j'ai beaucoup attendu pour le voir, attendant le bon moment puis je n'y ai plus tenu et je me suis jetée dessus comme un texan sur un pounder au mexicain. Le pitch est plutôt simple aussi: comment une petite végétarienne innocente prend goût à la viande et à toute ces choses de la chair un peu crues. C'est très très très bien foutu et assez génial comme idée. Il y a un peu trop de trucs à dire parce qu'il faudrait le revoir, mais je retiens surtout l'atmosphère un peu 80's dans certains synthés et plans un peu beauté sauvage prostrée en technicolor, des touches plus post-indu dans les décors de campus/banlieue en béton moche, des très gros et beaux plans sur la chair et la mastication, un fil narratif hyper bien branlé qui ne va jamais ni trop loin ni trop près. On pourrait parler d'un sous-texte métaphorique facile ( la viande/la chair, la sortie de l'adolescence, l'enfermement des jeunes filles dans des existences asexuées qui explosent tout à coup au contact du monde) mais finalement, ça se déguste très bien au premier degré.

It comes at night était aussi dans mes petits papelards, puisque j'aime les films qui commencent par It. N'ayant donc aucune idée du concept du film, quel plaisir eus-je de découvrir un gentil film postapocalyptique d'infectés! On ne sait pas trop comment, l'humanité se retrouve réduite à une bande de lépreux tout dégueux avec les yeux tout noirs. Heurk. Le tout étant super contagieux, on entre par la porte dans un film de grand parano: tout le monde est suspect, tout le monde est contaminé et les gens sont globalement méchants. Une petite famille qui survit tant bien que mal entre en collision avec une autre petite famille qui survit tant bien que mal. Comme tous ceux-la sont gentils, ils finissent par s'entendre et voilà un  film qu'il est meuuugnon. Sauf que. Pour ne pas gâcher le plaisir des trois personnes sur terre qui n'ont peut être pas encore vu le film, on  ne dira rien de plus. C'est vachement réussi à pas mal de niveau: très dépouillé dans le gore, mais suffisant pour faire bouh, narrativement bien construit, avec un parti pris ultra réaliste et un côté horrorifique finalement très quotidien. Il y a des trucs qui me font penser au Survivalist, un peu dans la même veine visuellement et du point de vue angle d'approche de l'apocalypse.  

The autopsy of Jane Doe, Overal, 2017
Grave, Ducournau, 2017
It comes at night, Shults, 2017