samedi 28 décembre 2013

Ecran total

J'avais regardé avec plaisir The pervert guide to cinema: l'idée de repitcher les quelques analyses de Žižek des films de Hitchcock sous forme filmique était largement justifiée: même si ça n'apportait rien de vraiment nouveau, on disposait au moins des extraits. The pervert guide to idelology me semble nettement plus fumeux: je ne vois pas très bien en quoi le film se justifie. Il s'agit surtout d'une sorte de cours de Žižek abrégé, sans vraiment de structure, qui fonctionne par affirmation/exemples (surtout tirés de films, il est vrai, mais pas uniquement) et qui non seulement n'apporte pas grand chose, mais transforme une série d'idées plutôt intéressantes à la base en sorte de plat à emporter sans expliquer quoi que ce soit. A part donner une série de références witty pour faire le malin en matant des films, je ne vois pas trop à quoi joue l'honorable.

La "fantaisie" de Renoir, Elena et les hommes porte bien son nom: rythme de comédie slaptick, recolorisée en couleurs bien saturées et dans une ambiance de carnaval constant, on assiste au parcours d'Elena, vague comtesse polonaise, qui se propose d'être la muse, l'inspiration amoureuse d'hommes du monde qu'elle balance une fois leur destin accompli. On retrouve pas mal de thèmes et de motifs déjà présents dans La règle du jeu : les intrigues amoureuses, les situations de Boulevard, les courses effrénées et moult mirco-spectacles dans le film. 

Viaggio in Italia montre une Ingrid Bergman nettement moins jouasse que chez Renoir. Pendant que son mari fait le foufou à Capri, elle tournoie dans les souvenirs d'une vie disparue à jamais, hélas, et d'un obscur poète emporté par l'histoire. C'est bien beau.  Le récit d'un couple qui se défait sur fond de civilisations disparues et de nature catastrophisante est bien foutu, sans lourdeurs et commence à ressembler à quelque chose de déjà très moderne. La fin reste assez énigmatique pour moi, même si je la comprends intuitivement. 

J'avais raté Ninotchka quand il est passé, et je l'ai enfin vu, mais quel film de feu! L'histoire d'une russe qui sous son faciès de staliniste exemplaire cache un petit coeur de beurre que quelques semaines à Paris suffiront à faire fondre et à jeter dans les bras d'un capitalisme outrancier et d'un bellâtre à la moustache clarsemée est tout simplement merveilleuse. Je ne sais pas ce qui me plaît le plus: l'anticommunisme primaire, le cliché parisien de l'entre-deux guerres, la misogynie assumée du Monde Libre ou la bêtise de la comtesse russe blanche ( et des femmes en général visiblement). Ça reste drôle, avec quelques bons mots ( la blague du type qui rentre dans un bar et demande un café sans lait, hoho).

The pervert guide to ideology, Fiennes, 2013
Elena et les hommes, Renoir, 1956
Viaggio in Italia, Rossellini, 1954
Ninotchka, Lubitsch, 1939

dimanche 15 décembre 2013

Ecran total

Angel face est un vrai film noir bien noir: une douce jeune fille qui ne paye pas de mine, entrevue un soir d'intervention à domicile par un brancardier au menton fosseteux ( Mitchum), entre dans la vie dudit brancardier et après y avoir foutu un bordel monstre, tue par mégarde (oups!)) son père dans un accident qui visait sa marâtre. La pauvrette tente alors de se confesser, mais, hélas, se retrouve par le truchement d'une manipulation complexe, mariée à Mitchum, au cours d'une cérémonie expresse, expédiée depuis sa chambre d’hôpital (un peu comme dans Les convoyeurs attendent). Il y a quelques trucs que j'avais repérés dans Laura : la première rencontre s'effectue aussi via une image, une sorte de tableau vivant ( Diane au piano, dans l'embrasure du salon) et de la même façon que le flic fouine dans les affaires de la morte, Diane passe un long moment dans la maison à présent vide, à soulever des objets, à passer en revue des pièces immobilisées dans le temps.

Je suis obsédée par les sourcils, et pour cette raison une grande fan de Cagney, qui en joue comme personne. Dans The roaring 20's, il pousse le réalisme jusqu'à faire grisonner les siens pour montrer qu'il vieillit. Le format newsreel qui retrace l'épopée des 20's à travers l'histoire, somme toute ordinaire, d'un ancien soldat devenu parrain de la Prohibition est intéressant: les quelques repères historiques donnés sont présentés à travers des sortes d'effets spéciaux assez bien faits, la séquence sur le crash de 29 est particulièrement réussie - des vision de plastique fondu surperposées sur des foules frénétiques. Comme dans The Public Enemy, Cagney trouve le chemin de la rédemption, après s'être pris des bonnes baffes, et repris son taxi. Ses sourcils poudrés lui donnent un air de psychopathe à la retraite, c'est assez dérangeant.



Sedam i po est un ensemble de petits films organisés autour d'un quartier et qui passent à chaque fois par la même taverne (à qui il manque inexplicablement un toit) plantée sur un parking entre des tours. Si le ton général va dans la caricature (y compris du point de vue formel, avec des images ultra saturées, tripotées, prises à partir d'un coin inférieur style clip de rap arty; dans l'ensemble pas trop trop jolies), il y a cependant quelques moments plus doux, et quelques trucs carrément étonnants. Chaque histoire présente un héros loser dans son genre: un couple ultra vulgos qui échoue dans un vernissage select, un musclor de banlieue dopé aux amphét, des voleurs à bout de souffle qui n'arriveront jamais au 20e étage (l'ascenseur est en panne) etc. Si chacun de ces personnages est légèrement déviants, ils le sont dans une mesure relativement acceptable, et le monde qui en fait des déviants est finalement aussi critiqué par leur biais (la séquence sur le vernissage est édifiante). Une des séquences présente deux pédophiles qui se rencontrent via un chat pour enfants (quiproquo classique), et j'ai trouvé ça réellement épatant, culotté: pas de pathos, pas de critique, pas de traitement spécifique de cette question, un parti pris de l'ordinarisme. Je n'ai aucune idée de la façon dont le film a été reçu par la critique et/ou le public, mais l'idée est plutôt couillue.

A la faveur d'une rétrospective (par rétrospective, entendre " on a programmé tous les films qu'on a trouvés dans des cartons, qui étaient en vague rapport avec un pays") de cinéma mexicain, j'ai vu Un dia de vida, un film tragique, plein d'officiers zapattistes chamarrés contemplant l'horizon et leur destin du même coup, à l'ombre des pyramides, en fumant des cigares cubains. Je n'ai toujours pas très bien compris pourquoi ce pauvre colonel Reyes était condamné à mort - la copie était piètre, et les raccords, hasardeux, mais l'intérêt avait l'air d'être plutôt du côté Antigonesque du personnage, vierge effarouché qui se refuse à toute femme, si ce n'est sa seule et unique maîtresse, non pas sa mère, mais la Revolucion. Il paraît que le film a été ultra populaire en Yougoslavie dans les 60's, ça me semble faire sens: belles moustaches, trompettes rutilantes et chansons plaintives.

Angel face, Preminger, 1952
The roaring 20's,Walsh, 1939
Sedam i po, Momcilovic, 2006
Un dia de vida, Fernandez, 1950

vendredi 13 décembre 2013

Разбацивана 3 : развалине

Кад сам почела да путујем сама, почела сам и да фотографишем ствари. На почетку су те слике биле само безлазне, без посебног размишљања или друге намере до сама сликања света, репродукције оног што сам видела, трага свог лутања. Моја сестра је тада продуктивно сликала и била је потпуно опчињана ненасељим фарикама и празним индустриским комплексима. Не знам да ли је разлог њен утицај или чињеница да смо расле у таквим неким породичним околностима, али када посматрам те слике данас, оне јасно истичу празна места и развалине.


Да ли сам несвесно тражила по свету места где нема никога, осим пустиња или рушевина или да ли сам само те месте поменула и споменула, мени ни је јасно. 


Не изазивају те слике никаквог осећања апокалиспа или смака света, него неке нежност, потпуно мира који потиче од тишине тих места.  Оне ми нису чак руине неки споменик неког другог раздобља, за неку сивилизацију која је заувек ушчеснута; нема носталигије или меланхолије, него само смиривање и утишавање времена.


Skopje, 2013



mercredi 4 décembre 2013

mardi 3 décembre 2013

Ecran total

J'ai découvert Borgman, un film plutôt rigolo qui semblait être dans la veine de Sitcom - un élément étranger s'incruste dans une famille style parfaite et fout le bordel, mais c'est bien plus fun que ça, parce que beaucoup plus littéral. S'il y a une lecture métaphorique possible, on peut très bien tout regarder à un premier degré et bien rigoler, en voyant cette pauvre famille se faire envahir par des types débonnaires qui vivent dans l'abri de jardin et démolissent complètement l'ordonnancement parfait du jardin à coups de pelleteuse. Une preuve de plus que les enfants ont vraiment pas de race.

Heli est coproduit par Reygadas que j'ai découvert récemment et qui m'enthousiasme pas mal. Il y a quelque part une parenté, mais pas tout à fait: dans le traitement assez antimélodramatique, très lent et très fixe, dans les plans très atmosphériques de ciels et de changements de lumières, on retrouve quelque chose, mais la narration est à un niveau plus terre à terre, moins dans une sorte de mysticisme magique que Reygadas met à l'oeuvre. Une histoire de drogue plutôt banale au Mexique, un malentendu et une vengeance qui tourne mal pour se finir tant bien que mal sur une sorte de fin en suspens, avec une certaine résolution mais pas vraiment - enfin, on hésite. 

J'ai adoré Le passé, même si je n'ai pas tout de suite capté en quoi est-ce que c'était un "thriller" - d'après synopsis. Ça m'a plutôt semblé être un film sur l'amour, la séparation, tout ça, bref, sur le passé et la difficulté de s'en défaire. La question épineuse des familles recomposées/décomposées est posée - un peu à l'extrême - et je suis probablement la seule à avoir haï autant le personnage de Béjo, qui est quand même bien égoïste. Tahir Raham est tout chafouin et fait beaucoup la moue mais on lui pardonne et Ali Mossafa, que je découvre, est vraiment dément. 

Comme je suis en train de lire une série de textes de Daniil Harms, dramaturge absurdo-soviétique du début du siècle, je me suis jetée sur Slucaj Harms ( le cas Harms) avec délectation. Le film en soit n'a rien de très fou dans le style arty/80's bricolo du N/B, mais la mise en scène des textes de Harms à travers une quête traversée de part en part par un souffle Dada - dès le générique est vraiment réussie. 

A serious man est probablement un de mes films de Coen préférés pour le moment: la thématique du loser pas magnifique est autrement plus radicale que dans Lebowski - que je trouve plutôt positif comme antihéros. Là, le pauvre Larry n'a même pas droit à une vraie bonne tragédie puisque tout s'empile et s'accumule autour de lui avec une simplicité anticlimatique déroutante. L'embrouillaminis d'explications, toute aussi sibyllines les unes au les autres n'explique en fait rien et entortille le héros de plus en plus serré dans un réseau infini de mots qui ne renvoient parfois plus qu'à eux-même - une vraie cabale dans la forme comme dans le fond. Enfin, tout ça quoi.

Borgman, van Warmedan, 2013
Heli, Escalante, 2013
Le passé, Farhadi, 2013
Slucaj Harms, Pesic, 1987
A serious man, Coen, 2009