dimanche 15 décembre 2013

Ecran total

Angel face est un vrai film noir bien noir: une douce jeune fille qui ne paye pas de mine, entrevue un soir d'intervention à domicile par un brancardier au menton fosseteux ( Mitchum), entre dans la vie dudit brancardier et après y avoir foutu un bordel monstre, tue par mégarde (oups!)) son père dans un accident qui visait sa marâtre. La pauvrette tente alors de se confesser, mais, hélas, se retrouve par le truchement d'une manipulation complexe, mariée à Mitchum, au cours d'une cérémonie expresse, expédiée depuis sa chambre d’hôpital (un peu comme dans Les convoyeurs attendent). Il y a quelques trucs que j'avais repérés dans Laura : la première rencontre s'effectue aussi via une image, une sorte de tableau vivant ( Diane au piano, dans l'embrasure du salon) et de la même façon que le flic fouine dans les affaires de la morte, Diane passe un long moment dans la maison à présent vide, à soulever des objets, à passer en revue des pièces immobilisées dans le temps.

Je suis obsédée par les sourcils, et pour cette raison une grande fan de Cagney, qui en joue comme personne. Dans The roaring 20's, il pousse le réalisme jusqu'à faire grisonner les siens pour montrer qu'il vieillit. Le format newsreel qui retrace l'épopée des 20's à travers l'histoire, somme toute ordinaire, d'un ancien soldat devenu parrain de la Prohibition est intéressant: les quelques repères historiques donnés sont présentés à travers des sortes d'effets spéciaux assez bien faits, la séquence sur le crash de 29 est particulièrement réussie - des vision de plastique fondu surperposées sur des foules frénétiques. Comme dans The Public Enemy, Cagney trouve le chemin de la rédemption, après s'être pris des bonnes baffes, et repris son taxi. Ses sourcils poudrés lui donnent un air de psychopathe à la retraite, c'est assez dérangeant.



Sedam i po est un ensemble de petits films organisés autour d'un quartier et qui passent à chaque fois par la même taverne (à qui il manque inexplicablement un toit) plantée sur un parking entre des tours. Si le ton général va dans la caricature (y compris du point de vue formel, avec des images ultra saturées, tripotées, prises à partir d'un coin inférieur style clip de rap arty; dans l'ensemble pas trop trop jolies), il y a cependant quelques moments plus doux, et quelques trucs carrément étonnants. Chaque histoire présente un héros loser dans son genre: un couple ultra vulgos qui échoue dans un vernissage select, un musclor de banlieue dopé aux amphét, des voleurs à bout de souffle qui n'arriveront jamais au 20e étage (l'ascenseur est en panne) etc. Si chacun de ces personnages est légèrement déviants, ils le sont dans une mesure relativement acceptable, et le monde qui en fait des déviants est finalement aussi critiqué par leur biais (la séquence sur le vernissage est édifiante). Une des séquences présente deux pédophiles qui se rencontrent via un chat pour enfants (quiproquo classique), et j'ai trouvé ça réellement épatant, culotté: pas de pathos, pas de critique, pas de traitement spécifique de cette question, un parti pris de l'ordinarisme. Je n'ai aucune idée de la façon dont le film a été reçu par la critique et/ou le public, mais l'idée est plutôt couillue.

A la faveur d'une rétrospective (par rétrospective, entendre " on a programmé tous les films qu'on a trouvés dans des cartons, qui étaient en vague rapport avec un pays") de cinéma mexicain, j'ai vu Un dia de vida, un film tragique, plein d'officiers zapattistes chamarrés contemplant l'horizon et leur destin du même coup, à l'ombre des pyramides, en fumant des cigares cubains. Je n'ai toujours pas très bien compris pourquoi ce pauvre colonel Reyes était condamné à mort - la copie était piètre, et les raccords, hasardeux, mais l'intérêt avait l'air d'être plutôt du côté Antigonesque du personnage, vierge effarouché qui se refuse à toute femme, si ce n'est sa seule et unique maîtresse, non pas sa mère, mais la Revolucion. Il paraît que le film a été ultra populaire en Yougoslavie dans les 60's, ça me semble faire sens: belles moustaches, trompettes rutilantes et chansons plaintives.

Angel face, Preminger, 1952
The roaring 20's,Walsh, 1939
Sedam i po, Momcilovic, 2006
Un dia de vida, Fernandez, 1950

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