mercredi 21 juin 2017

Teenage angst


Doom generation
Après avoir abandonné en cours 13 reasons why (you should believe in the tape hype) qui ressemble un peu à rien, je me suis rappelée de mon adolescence avec ferveur et mélancolie et demandée que devenait ce cher Araki – qui réalise les quelques épisodes qui sortent un peu du lot. Ce jeune homme plein de fougue et d'idées super bizarres, de visuels en forme de Jésus à pois fluos et d'ado en descente d'ecsta permanente? Il existe bel et bien une teenage trilogy, chose qui m'avait échappé, à laquelle appartient The Doom Generation, relativement culte mais aussi Totally fucked up et Nowhere. Jésus!  Quand je trouve trois films qui font déjà un cycle en soi, je suis toute chose, alors je les vus (revus pour certains) fissa.

Totally fucked up est un film en 15 petits bouts sur une bande jeunes plutôt cool qui font un peu la teuf, baisent gentiment, se défoncent amicalement et parlent beaucoup de leur vie face caméra. Ces jeunes sont bien évidemment très gais (à cause de la drogue et de la vie qui est belle)  et très gay, chacun dans son style et c'est surtout autour de ça que tourne l'histoire. Entrecoupée de spots publicitaires, de sermon de prêtres cinglés, de diatribes homophobes ou de nouvelles du front du sida, on se dit que l'époque n'est pas bien joyeuse pour ces jeunots. Bon an mal an, ils se débrouillent, se faufilent dans les fissures et promènent leur arrogance molle très 90's un peu partout. Au-delà des petites tranches de vie, c'est aussi une histoire, et une qui finit mal. Il y a déjà plein de trucs qu'on aime visuellement: des messages religieux subliminaux, des lézards géants en vadrouille, et puis des références belches qu'elles font plaiiiisir:
Totally Front 242!
The Doom generation, je m'en rappelais vaguement: la gueule de Rose McGowan, le minois mou de James Duvall, le plan à trois dans un hangar – bref, l'essentiel quoi. On part d'une situation de base, à savoir un petit couple de jeunes gens glabres qui s'emmerdent dans une soirée electro-trash. Après avoir fait un peu la moue, ils décident de faire comme tout le monde et de rentrer se la coller à la maison tranquille après un pit-stop au paki du coin.  Sauf que. Au paki, bim paf pouf, ces petiots qui n'avaient rien demandé à personne se retrouvent avec un meurtre sur le bras et un nouveau pote qui a l'air un peu psychopathe.  Madame est hystérique, monsieur est un peu mou et tout ça se termine au motel, le temps de comprendre ce qui se passe. La suite est une sorte de road-trip en mode Thelma et Louise et Louis/ Badlands. On ne comprend pas très bien comment tout s'enchaîne mais ça tire, ça tue, ça baise (un peu dans tous les sens du triangle d'ailleurs) et ça finit mal, comme on pouvait s'y attendre. C'est toujours très chouette dans l'image, avec pleins de simagrées catho-pop, des mines un peu déconfites, des plans très près des visages impassibles. La nonchalance un peu meh des personnages est assez géniale – ce côté très slacker indifférent au monde de pur ado en mode rien à foutre. Beaucoup de belles lumières de néons qui clignotent dans une ambiance fin de soirée au Macumba avec une bande-son d'époque (Jesus and Mary chains, again).

Nowhere
J'avais déjà vu Nowhere aussi mais je n'en ai été certaine qu'à la scène finale (un cafard géant ça ne s'oublie pas comme ça). Encore un peu plus vide, un peu plus vain et avec un beau jeu de mot sur Now + Here qui = nowhere. C'est chou. L'intrigue ne se fatigue même plus, avec une ligne narrative digne de Gossip Girl (tout le monde se prépare pour une soirée, la soirée a lieu, la soirée est finie, chacun rentre chez soi) mais avec beaucoup de crack dedans.  Bon, évidemment, c'est plus profond que ça au niveau des histoires de fonds, des problèmes que ça touche et des questions qui restent en l'air. Nos héros, Paul, Pierre, Camille et Machin Truc couchent tous un peu ensemble à géométrie variable, prennent tous un peu des drogues à effets improbables, font des fêtes bizarres avec des lézards géants (beau recyclage des costumes du premier film) et  portent sur la vie un regard pop blasé du plus bel effet. C'est difficile à décrire autrement: un bout de vie un peu barrée avec des morceaux de Gregg Araki dedans. Y a de la couleur, des trucs d'ados très cons ("blood is soooooo cool!") et pas mal de choses bien trouvées (le gang de drag-queens carjackeuses, le cafard géant, la salopette assortie aux murs, les jumeaux gigolos, …). On y voit également plein de teenage stars de l'époque (la meuf de Beverly Hills), des starlettes déjà has been et des petits jeunes qu'on retrouvera plus tard (Ryan Phillip, qui n'avait encore rien fait l'été dernier).

Totally fucked up, 1993
The doom generation, 1995
Nowhere, 1997

dimanche 4 juin 2017

The (double) life of Brian

Pourquoi Brian de Palma? Et pourquoi pas, après tout? En tombant sur un résumé de Raising Cain, je me suis rendue compte que je connaissais finalement très peu le bonhomme; dont acte, pris au hasard quelques films et en avant. 

J'ai commencé par Casualties of war, film de guerre plutôt classique, si ce n'est qu'il prend l'Histoire par le bout d'une petite histoire, un fait divers en fait, sur l'horreur de la guerre, les hommes, tous des salauds et la rédemption peut-être parfois. Eriksson commence son premier tour au Vietnam dans une petite équipe bien sympathique: soudés, rigolards, cyniques et pleins de vieille sagesse du combat: cool les poteaux! Mais c'est sans compter qu'à force d'être rendu dingues par la jungle, une guerre un peu sanglante (et sans gland, haha) tout ça finit par craquer. La troupe de sympas se transforme en grands bâtards et réquisitionne une pauvre villageoise comme ça, sans prévenir. On sait depuis un moment que le viol est une arme de guerre comme une autre, mais Eriksson visiblement pas, qui va se poser des questions et se fâcher un peu tout rouge. Ça reste un film de guerre mais pris dans un truc très concret, sans recherche politique, plutôt une histoire d'homme et de cas de conscience. Déjà une idée de rédemption, de mec sauveur, de pauvre femme en déroute + l'idée du mauvais rêve dont on finit par sortir. Très joli Sean Penn (tout jeuuuuuuune!).

Raising Cain qui avait attiré mon attention, est un film nettement plus barré. Histoire de père scientifique fou qui sacrifie sa progéniture, de femme infidèle qui se perd entre rêve et réalité, de double et de jumeau maléfique: miam! Carter est un médecin sans histoire: en pause carrière pour s'occuper de sa gamine pendant que madame gagne la croûte, il est même un peu en avance de trois siècle sur son temps, didon! Sauf que. Tout ça cache évidemment quelque chose (évidemment!). Parce que quand Carter se fait déposer chez lui par une amie, il finit par la chloroformer et la mettre dans le coffre après avoir essayé de la convaincre de lui prêter son gamin pour une expérience. Hum. Tout ça est louche. Là-dessus débute une autre histoire, celle de Jenny, sa femme, qui recroise une ancienne flamme dans un magasin et hop, ni une ni deux, part faire de câlins avec dans un buisson (non mais franchement). Elle se réveille successivement après plusieurs versions de la réalité dont on ne sait plus très bien où elle se situe - tout pourrait bien n'être qu'un rêve. De son côté, Carter commence à craquer au niveau des coutures psychiques et la machine s'emballe. C'est un peu bizarre à première vue: il y a une, deux trois histoires, des indécisions sur ce qui se passe vraiment ou pas donc très déroutant. Le twist est un peu gras (la scène en trois étages du motel est franchement ridicule, genre le camion heu wtf) mais ça tient plutôt bien dans l'ensemble. 

Dressed to kill reprend l'idée de double mais en allant un cran plus loin. Il y a aussi confusion sur quelle est l'histoire qu'on raconte. Ça commence par une journée ordinaire de Kate, mère de famille normale: mari de merde, vie sexuelle pourrie, ado geek à boutons, pfff. Pour se consoler, Kate file chez son psy puis au Met' (ben tiens) où elle joue à j'ai-perdu-mon-mouchoir avec un inconnu avenant. Tout se termine dans un taxi après moult détours dans des salles de musée et on peut dire que ça y va sec ( le chauffeur est visiblement plus open-minded qu'à Bruxelles). Kate se fait donc un petit 5 à 7 pépère puis file en douce, sans laisser d'adresse (mais en laissant un mot quand même, parce que c'est une fille polie). Il y a cette très belle scène, de pratiquement 25 minutes sans un seul dialogue ce qui est vachement couillu en début de film - d'autant plus qu'elle passe toute seule. Bon, comme toute femme infidèle, Kate doit être punie et le sera dans l'ascenseur, à coup de rasoir par une meuf toute chelou à la perruque de travers. Pour seul témoin, Liz, une pute qui sort du taf et qui a juste le temps d'être repérée par la tueuse (chauve?) avant de décamper. S'ensuit une enquête menée par une belle caricature de flic italien new-yorkais et reprise par le gamin geek du début secondé par Liz, jamais en reste quand il s'agit de virer la cinglée qui la poursuit. Faudrait pas en raconter plus, alors on dira juste que c'est très bien foutu, dans le travail du double surtout, avec une très belle scène de split screen dosée juste assez pour comprendre ce qu'on doit. Il y a aussi tout ce travail sur le désir, la femme tentatrice, le poison d'une rencontre mais aussi un côté assez fun finalement, qui échappe un peu au thriller. 

Ça commençait à me travailler et ça a pris forme en regardant Body Double: des femmes fatales en détresse, un mec à la masse qui se pose comme sauveur, des peeping tom en témoin impuissant de meurtre atroce, des doubles un peu partout, une réalité qui se déforme sans qu'on sache plus très bien où elle commence: ça sentirait pas un peu le James (Ellroy), tout ça? Bingo! Body Double est le Black Dahlia de De Palma en fait. En sachant que c'est aussi lui qui en a réalisé l'adaptation du bouquin (sur laquelle j'avais chouiné à l'époque), c'est un peu wow. Body Double est une histoire de double du début à la fin. Jake, acteur à la ramasse, rentre un jour chez lui pour trouver sa femme au pieu avec un autre. Bummer. Il va donc se faire héberger dans un appart en forme de soucoupe volante par un type qu'il connaît à peine (normal). Type qui lui montre en passant son gros télescope - littéral, pas symbolique (quoique...) - qui lui permet de mater la voisine d'en face qui fait un petit strip tous les soirs à la même heure en buvant son dirty martini (coucou Hitchcock!). Chic alors! Comme un bon mateur, Jake finit par retrouver et suivre cette gentille dame qui s'achète des culottes taille très haute, se rend dans des motels chelous et passe des coups de fils étranges. Il n'est d'ailleurs pas le seul, puisqu'un Indien à l'air inquiétant est sur le coup aussi. Jake se jette d'ailleurs aux trousses du malotru quand celui-ci s'empare du sac de la dame, ce qui lui vaudra un gros câlinou dans un tunnel (??), car la dame est reconnaissante (et un peu à la masse visiblement). Jusqu'à ce qu'un soir, un train? Non, un soir, un Indien, une tronçonneuse et un Jake au bout du téléscope, impuissant. La suite est encore plus tordue et part vraiment dans la direction d'Ellroy. Alors quoi? Visiblement, personne ne s'est jamais posé la question de cette rencontre, mais il y a quand même un paquet de ressemblance et l'association Black Dalhia/Body Double (ça commence par les mêmes lettres d'ailleurs, mouiiii) est franchement troublante. Il y a cette histoire de voyeur qui se retourne contre le voyeur, ces images volées un peu hachées, avec toujours autour du cadre, un autre voyeur comme une menace qui plane. Il y a ces femmes égarées, les yeux brouillés par le désir, agrippée à leur sauveur - souvent un semi-raté en mode rédemption in da hood. Il y a cette confusion des doubles entre morte et vivante, ces masques et ces perruques. Tout ça dans cette pompe à vice qu'est L.A. Il y a un truc à écrire là-dessus (et à se demander pourquoi l'adaptation du Black Dalhia est aussi ratée du point de vue style). Mon hypothèse personnelle est qu'Ellroy et De Palma sont en fait la même personne (ou un jumeau maléfique l'un de l'autre). Hum. Ce serait un bon sujet de film, pas besoin de savoir qui serait aux commandes.

Casualties of War, 1989
Raising Cain, 1992
Dressed to kill, 1980
Body Double, 1984


jeudi 1 juin 2017