jeudi 26 janvier 2017

Cowboy total

2017 est bien l'année du cow-boy, comme un certain nombre de gens super influents de la blogosphère l'ont noté et c'est donc avec des films de cow-boy en tout genres que je finis la semaine: cow-boy de l'espace, cow-boy en blouse blanche et cow-boy financier car on a tous en nous quelque chose de Tennessee.

Le cow-boy de l'espace, c'est Matthew Mc Conaughey, roi des vachers s'il en est et incarnation 3.0 du Lucky Luke Skywalker moderne. Interstellar est dans mes petits papiers (comprenez: noté sur un des petits bouts de papier qui forment une boulette exponentielle en vrac sur mon bureau) depuis un moment mais j'hésitais parce que presque trois heures, ça va quand c'est un film russe où on voit des plans d'une heure et demie avec un personnage qui va acheter du pain en barque mais pour un film sur l'espace, ça fait un peu long quand même. Et bien point du tout! Je ne vais pas résumer le film, je n'ai pas pigé grand chose, mais qu'est-ce que c'est biiiiiien. Y'a plein de suspensme, des actions de fous, des éclairs de génie sur l'espace-temps et la 5e dimension, des bagarres sur des glaciers et des robots rigolos. Bon, j'exagère: il y a pas mal de trucs un peu wtf et des ficelles (on peut parler de câbles à ce stade-ci) qui font un peu bof ("haaa mais la 6e dimension est une dimension par laquelle je peux parler à moi-même pour influer le futur du passé qui est déjà passé mais qui aura de toute façon lieu en faaaaait." Héhé, comment j'ai tout spoilé *sardonic grin*). Ceci dit, on ne s'emmerde pas et on se prend à rêver d'un monde où tous les ingénieurs seront enfin renvoyés à la place qu'ils méritent: aux champs. Et na.

Matthew est aussi le cowboy médical du Dallas Buyers Club dont je me suis méfiée pendant longtemps: le titre est un peu nul, on sait pas de quoi ça parle, bof. Moi j'aime bien quand on sait ce qu'y a dedans (genre Sharkenstein. Ou Sharktopus. Ou Mecha Shark VS Mega Shark). En plus il avait une aura de Grand Pudapest Hotel, une odeur de houmous bio aux graines de tournesol  et de discussion consensuelle, alors j'me suis tenue à l'écart. Dommage! Et si j'avais mieux écouté mon prof de multiculturalité personnelle, j'aurais compris que les préjugés, c'est nul. Tout ça pour dire. Le film, il est bien. Il parle d'un truc intéressant à savoir les débuts de l'épidémie du sida aux USA et ce dans un milieu pas méga jojo, celui des rednecks en trailer du fin fond du Texas. Là dedans s'ajoute une fight pas super égale avec les laboratoires pharmaceutiques et les agences officielles de médicaments à coups d'essais cliniques foireux et d'expériences un peu délirantes en dépit de pas mal de choses qu'on penserait pourtant faire partie du protocole expérimental de base. Ron Woodroof (Maaaaatthew avec son accent de texan qu'on y pige quenouille) est un cow-boy sans histoire quand il apprend qu'il est méchamment malade. Jeté d'un peu partout, il échoue au Mexique et se met à faire son petit business de médocs de contrebande, se battant finalement contre toute une institution qui a du mal à lui lâcher la grappe. On frisonne en se disant "Dieu, quelle époque horrible, heureusement que nous en sommes bien loin!" Pas de soucis: avec Donald, retour 50 ans en arrière garanti (j'espère que les fans de vintage apprécieront, bordel!).

The big short est un film dont je n'avais jamais entendu parler ou bien que j'ai dû prendre pour une bouse vaguement comique à l'époque où il est sorti (Carey + Gosling = meuh). Encore une fois: les préjugés, c'est caca. C'est un film absolument démentiel et qui a eu le mérite de me faire enfin comprendre la crise de subprime de 2008 - et ça sert à rien de faire "quoi genre, hé l'aut' elle avait pas compris ou quoi, non mais allo", je suis certaine que vous savez même pas c'est quoi un CDO (et non, ce n'est pas un nouveau type de complément de verbe). Bref. Il s'agit donc d'un putain de film d'action, d'un polar économique qui tient super bien la route, drôle, tragique, terrible et triste finalement. Ou comment une bande de types hétéroclites, tous guidés par des raisons un peu chelou, se sont retrouvés à avoir prévu la crise de 2008 et à faire le braquage du siècle: piquer aux banques en les attrapant sur ce par quoi elles avaient péché, à savoir la connerie. Même si le principe est plus ou moins bateau (=celui d'une bulle économique qui gonfle exponentiellement jusqu'à exploser), c'est en montrant comment le truc a pris à tous les niveaux de la société que la perspective est intéressante. Et puis c'est super jouissif d'en rire au moins un peu: putain, mais qu'est-ce qu'on s'est fait enculer sur ce coup!

Intestellar, Nolan, 2014
Dallas Buyers Club, Vallée, 2013
The big short, McKay, 2015

mercredi 25 janvier 2017

Vlaams totaal

Parce qu’il faut bien faire quelque chose pour réviser son flamand et que j’ai trop la flemme de faire des exercices sur Brulingua, je me suis mise aux films du Nord de notre cher pays qu’ils sont mooielijk (ou juste mooie ?)

 J’ai commencé par rattraper un retard impardonnable, à savoir par La merditude des choses, que je dois voir depuis un certain nombre d’années. Sympathique film sur les familles de merde, c’est un truc à regarder le 25 après-midi, quand tout le monde est bien bouffi de dinde et bourré de dirty martini : ça égaie les discussions familiales ! On y voit un jeune écrivain faire retour sur son enfance dans ambiance barakis flamands alcoolos de province qui lui a laissé des souvenirs plutôt sympas : père qui se gerbe dessus, assistante sociale à la maison,  course à vélo à poil, concours de bière, bagarre au couteau dans la cuisine et tirage de pigeon à la carabine à double canon. C’est surtout le récit de rêves merdiques, pris dans des existences sans ligne d’horizon, de reproduction sociale et familiale, de comment on se reconstruit et de ce qui peut nous sauver (au moins un peu). Sans que ça soit souligné plus que ça, ce qui fait la beauté du propos, ici, c’est sans doute l’écriture ou la possibilité de transformer la merde en carburant pour relever la tête. C’est plutôt positif, même si c’est sans grande victoire.  Pour le reste, c’est plutôt drôle dans le genre, avec un peu de tendresse parfois et de maladresse aussi.

visitflanders.be
De zaak Alzheimer raconte aussi une histoire de souvenirs mais qui manquent un peu ici. Un tueur à gages qui perd la mémoire se retrouve sur un coup qu’il désapprouve un chouïa : il veut bien tout dézinguer, mais pas les ptites filles, ha ça non. Coup classique, les commanditaires ne sont pas super jouasses et se mettent en chasse contre cet employé récalcitrant qui refuse de jouer de la gachette qui va de son côté se mettre en guéguerre contre ces super-méchants pour venger la petite (qu’on a quand même fini par envoyer ad patres). Tout ça avec un flic un peu sec et son acolyte qui aime les blagues de pipi, ça donne une course-poursuite à trois étages, les uns toujours en retard sur les autres ave des ramifications politiques, des scandales sexuels d’élus flamands et de barons ministre d’Etat, zeg maar que c’est tof. Le côté Alzheimer n’est pas super développé : quelques flashs un peu flous de temps en temps, des petits trous de mémoires mais rien de pire qu’un bon black-out à la Westmalle, finalement. Pourtant, on pourrait imaginer d’emporter le concept loin : « Tiens mais qu’est-ce que je fous ici avec un flingue ? » « Bon, j’ai garé où ma voiture-bélier, moi ». « Ok, vous versez les 100 000 sur le compte BE 21 12547… heu non, attendez, c’est une BE45 je crois… putain merde, mais est-ce que j’ai un compte ? Au fait, c’est combien encore qu’on avait dit ? Et d’ailleurs vous êtes qui ? Le marie de ma fille ou le mien ? ». Bref, il faudrait un peu creuser quoi.

Dagen zonder lief est du même Groeningen, un peu plus jeune et déjà déprimé sur la vie. On y voit une jeune blonde à l'aspect bien flamand, Kelly, rentrer chez elle après une longue absence à New-York pour cause qu'elle se faisait chier dans sa Flandres natale. Rentrer au pays, certes, mais est-ce bien raisonnable? Non. On y retrouve des vieux potes, on fait un peu la fête, on s'engueule sur des vieilles histoires, on se rend compte que tout le monde a finalement une vie un peu merdique. Les enfants, le couple bien gentil, les boulots tout pourris, les projets sous forme de pot de peinture et de plan de cuisine Ikea. Ach. C'est doux-amer puisque ça termine bien mais en fait pas vraiment: tout dépend de ce qu'on appelle "bien". Comme quoi le happy-end est vraiment une question de point de vue. 

De helaasheid der dingen, Groeningen, 2009
De zaak Alzheimer, van Looy, 2003
Dagen zonder lief, Groeningen, 2007

jeudi 5 janvier 2017

You want it darker

Parce qu’on a envie d’être un peu dark en ce début d’année au milieu des bisous et des retours au bureau plein de gens extatiques qui ont l’air d’avoir pris 20 bites dans le cul pendant les vacances tellement ils sont contents, on regarde des films un peu noirs. Bon, pas tous, mais un peu quand même.

Nocturnal animals est un truc sur lequel je suis tombé dans ma quête du Michael Shannon parfait : celui-ci s’en approche, à cause du chapeau de cow-boy et de la moustache, mes deux accessoires préférés de 2017. L’intrigue est relativement simple : Susan reçoit le manuscrit du roman de son ex, Edward (Gyllhenhaal), pas vu depuis 20 ans. Elle  le lit et ça fait bizarre. Le roman du manuscrit est lui aussi transposé à l’écran, d’où un typique récit-dans-le-récit ou, comme on dit quand on aime se branler le cortex, une mise en abyme. Le récit intérieur est plutôt chouette puisqu’il raconte une vengeance dans le Texas profond, avec Shannon en cow-boy phtisique trop classe. Un jour, au bord d’une autoroute, une mauvaise rencontre et c’est la fin. Ne reste qu’un homme seul, privé d’une certaine justice et une culpabilité qui finira dans le sang. Le récit-cadre est celui de la relation entre Susan et Edward : comment ça commence, comment ça merde, comment ça finit. L’intérêt étant d’avoir choisi les même acteurs pour interpréter les héros des deux récits, histoire d’avoir un parallélisme visuel. C’est pas inintéressant car le récit intérieur est plutôt classe mais le rapport avec le cadre est parfois  un peu mince, flou, pas tellement pertinent. On voit bien qu’on a essayé d’intriquer les choses le plus possible, histoire de créer une confusion entre les deux mais ça reste un peu déconnecté – sauf vers la fin et les 15 dernières minutes sont juste sublimes. A part ça, belle moustache, comme dit plus haut, beaux paysages et Michael Shannon (what else?)

I used to be darker est un film de Porterfield, à qui on doit aussi Putty Hill (que j’ai emmené voir un pote qui depuis refuse de retourner au cinéma avec moi) et les films se ressemblent sur le fond et sur le traitement : tranche de vie sans pathos d’une explosion lente dans l’indifférence totale du temps qui passe et l’immobilité des corps. Voilà. Non, en fait ça raconte l’histoire d’une jeune irlandaise perdue en Amérique, enceinte et qui va squatter chez sa tante laquelle, pas de bol est justement en train de se séparer de son mari. Leur fille n’est pas super fan, le mari pas content non plus et tout ça n’est pas très drôle. Sans grand cri et sans hystérie, dans une violence contenue, on récupère les affaires des uns et des autres, on part en claquant la porte, on pleurniche un peu. On joue aussi beaucoup de chansons tristes sur sa guitare puisque les deux sont chanteurs folkeux vaguement inspirés. Du coup, il y a beaucoup de chansons, parfois un peu longues, parfois un peu nimp et qui fatiguent. Ça reste joli à voir, et puis ça nous change un peu de This is Us, la série-sur-des-histoires-de-familles qui te fait chialer pendant 10h sans discontinuer.

Le grand soir n’est pas vraiment un film noir mais un peu quand même – et puis il y a le mot soir dans le titre et qui dit soir dit noir (qui dit Le Soir par contre, dit trou noir). On nous raconte l’histoire de deux frères, un punk (Poelvoorde)  à chien et un mec bien (Dupontel), lequel va finir par péter un câble et abandonner canapé et matelas à mémoire et forme et devenir lui aussi clodo et libre. C’est beau. Tout se passe sur un grand zoning, sorte de friche industrielle plantée de grands magasins flippants, de Flunchs et de Castorama à l’infini autour desquels se déroulent des routes parsemées de ronds-points décorés d’œuvres artistique financées par la région Wallonne (enfin, on dirait). L’espace choisi rend les choses intéressantes plus que le duo Poelvoorde/Dupontel ou que l’opposition punk/square. On évolue constamment entre les différentes parkings, les allées de magasins et les caméras de surveillance. On se construit des abris sur les terre-pleins et on se déplace en caddie. Comme pour les autres films de Delépine et Kervern, il y a une vraie construction d’un principe qui gère tout le film et pas seulement  un long sketch un peu rigolo avec l’accent belge. Ici, c’est la banlieue à l’américaine et son anonymat désespérant, ce vide postmo fait de pavillons et de berlines, dont parle de manière absolument fulgurante et génialissime Fanny Taillandier dans Les Etats et empires du Lotissement Grand Siècle –probablement le meilleur livre de 2016 et de 2017 et de 2018 d’ailleurs.

Nocturnals animals, Ford, 2016
I used to be darker, Porterfield, 2013

Le grand soir, Kervern et Delépine, 2012

mercredi 4 janvier 2017

Total teenage (hiiiii!!!!)

L’amour, la jeunesse, les ados, et des meurtres bien sanglants : c’est un total teenage pour commencer l’année !

Dans la suite logique de mon escapade aux Maldives, j’ai regardé The horror of party beach, que j’aurais plutôt dû regardé avant l’autre parce que c’était plus mieux mais bon. Celui-ci est un film de surf/slasher, vrai de vrai des 60’, avec des gens en maillot qui dansent sur la plage avec des chorés ultras élaborées et franchement weird sur du surf-rock gentillet/fun comme The Zombie Stomp :



Comme souvent, tout commence par un couple qui s’engueule : Hank aime Tina, mais à 21 ans, il a compris que la vie n’est pas qu’une fête et il a rangé sa quéquette au fond de son attaché-case. Tina, elle, a les ovaires en feu et va le faire savoir – entre autre à la horde de bikers à l’air dangereux qui matent son déhanché sur la plage. Comme elle est une grande fille toute libre, elle part même nager toute seule. Et là, c’est le drame : un truc tout chelou, mi-homme mi-poisson, mi-pince de crabe du Aldi s’en saisit et la boulotte. Les meurtres se succèdent ensuite dans cette petite bourgade pourtant si tranquille. La jeune Elaine qui a profité de la mort atroce de Tina pour mettre ni vu ni connu le pauvre Hank dans son lit, est aussi fille de scientifique fou qui finit par découvrir le point faible des monstres marins : le sodium ! C’est vachement bizarre, car c’est ce qu’il y a dans le sel, donc dans la mer, mais passons. Le film est plutôt rigolo, dans le genre, mais pose un peu question : les seules à se faire bouffer sont des femmes qui ont décidé qu’elles pouvaient bien se passer de mecs après tout : une bande de copines qui font une soirée-pyjama ( et qui chantent d’ailleurs une étrange chanson sur la Womanhood), une groupe de jeunes cool en mode Thelma et Louise, et j’en passe. Qu’essaie-t-on de nous dire ? Qu’il faudrait mieux rester au chaud et se contenter d’amener de la limonade fraîche à notre cher époux scientifique qui essaie de sauver le monde, lui. Merci qui ? Merci Donald !

Un peu plus loin et déjà plus funkoule, The diary of a teenage girl raconte l’éveil sexuel d’une petite jeune dans les 70’s à San Fransisco. On se doute que ça va pas être des tenages de mains chastes devant un film d’horreur de surf/slasher, mais là, c’est costaud, puisqu’elle jette son dévolu sur le mec de sa mère ( en pleine décompensation de fin de vie de trentaine). La mère, c’est Kristen Wiig, alors je l’adore même si elle n’est pas super drôle ici – sauf quand elle fait le ménage sous coke, encore une bonne idée à soumettre à Donald pour remettre les femmes à la maison. Le film est intéressant, mélangeant images et comics, plutôt joli au niveau des plans et sympa pour la musique. Du point de vue intrigue, c’est assez banal et peut-être pas toujours crédible : certes, une femme d’une trentaine d’années se reconnaîtra dans la découverte du sexe, la crise, l’acceptation et la maturité qui découle de tout ça, mais il est difficile de croire que tout ça a vraiment eu lieu entre mars et avril dans le cerveau d’une gamine de 15 ans. En vrai, ça prend quand même un peu plus de temps et je crois pas qu’on parle d’une jeunesse genre « typique » - d’où l’aspect un peu faussé du titre générique.

Le dernier film est aussi une sorte de coming-of-age sauf que c’est un âge vachement différent et un lieu du globe carrément moins marrant que Cisco en 1970 : on suit en effet l’initiation et le parcours de Agu, jeune africain d’un pays indéterminé, dans une armée rebelle qui mène une guerre pas très claire. Pourquoi avoir vu Beasts of no nation ? Parce qu’il est réalisé par Fukunaga, qui avait fait de très belles images sur True Detective. Pas un bonne idée, car le film est relativement sans intérêt. Alors oui, l’histoire d’un enfant-soldat est toujours poignante, oui, la guerre c’est mal et oui, tous ces pauvres enfants sont un peu bousillés dans leur tête après une jeunesse dans la jungle. Mais c’est franchement ultra soft à plein d’égards et par rapport à la littérature du genre, c’est un conte Pixar. Cela dit, les images sont jolies, il y a Idriss «  Stringer Belle » Elba et des belles nappes de son.

The horror of party beach, Tenney, 1964
The diary of a teenage girl, Heller, 2015
Beasts of no nation, Fukunaga, 2015


mardi 3 janvier 2017

Ecran total

Toujours dans la joie et la bonne humeur pour ce début d’année, on a regardé des films qui vont nous aider à commencer l’année de façon positive en répondant à des questions cruciales : comment survivre à un crash d’avion ? Votre fille est-elle possédée par un esprit coincé dans une voiture en flammes ? Comment réussir son bac en Roumanie et à qui s’adresser pour avoir un foie ? Ça ressemble un peu à une Une du Soir, mais bon.

Fearless répond à notre première question : on y entre en découvrant un homme plutôt banal, dans la force de l’âge mais évoluant dans un champ de maïs un peu cramé, un peu avec des débris de trucs partout et un silence assourdissant de gens qui hurlent. On est en plein crash d’avion et Max ( Jeff Bridge, assez lumineux) est encore debout. Il rend négligemment un bébé braillant à une mère en pleine hystérie, saute dans un taxi et se pose à l’hôtel. Pas un mot, pas un geste : Max est vivant et part en road-trip en mode chien content (il passe sa tête par la fenêtre en tirant la langue) et en oublie même de prévenir sa femme restée à la maison. Merci Max. Tout ça pour aller faire une petite visite à une ancienne flamme ( ou pas ?) à qui il montre que son crash l’a rendu plus fort : il peut même manger des fraises didon ! S’ensuit un récit assez bien foutu du rétablissement de Max : comment revivre, comment dormir, comment parler aux autres, comment retrouver un équilibre, se pardonner les erreurs, et mettre ses chaussettes à l’endroit. A travers une amitié bizarre avec une autre survivante, une crise familiale et des flashbacks de crash (à regarder si vous avez les chocottes de l’avion), Max finit par retrouver sa voie (et redevient allergique aux fraises, c’est malin). C’est très étrange, avec une certaine lenteur et un côté très énigmatique : on est rarement dans la tête de Max tout en y étant toujours un peu, sans vraiment comprendre la pourquoi du comment mais en assistant à son parcours de l’extérieur. On comprend sans comprendre quelque part et c’est très joli.

Audrey Rose nous fournit une série de conseils sur un autre sujet épineux : votre enfant est-il possédé par l’esprit d’un autre enfant mort grillé dans une voiture ? Si oui, appelez Anthony Hopkins, l’homme qui murmure/hurle de façon démoniaque à l’oreille des enfants possédés. Tout commence comme ceci : un jeune couple méga successful avec appart vue sur Central Park et peintures au plafond, se fait suivre par un type un peu chelou au regard vide et à la fausse barbe. Ce n’est autre que Eliott Hoover (Hopkins), père esseulé d’une petite Audrey Rose, morte dans un crash 10 ans plus tôt. Laquelle Audrey Rose est d’après lui, réincarnée en Ivy, fille de ce couple, ce qui explique pourquoi elle fait des cauchemars et se brûle les mimines sur les vitres. D’abord incrédules, ses parents finissent par se poser des questions, puisque seul Hoover est capable de calmer la petiote quand elle fait ses crises et qu’elle se met à tout bazarder dans l’appart. Ça pourrait n’être qu’un film de possession mais la dernière partie lui donne une tournure plutôt originale puisqu’on en arrive à un procès : un père peut-il avoir un droit de visite sur une fille dont il pense qu’elle est une réincarnation de sa propre gamine ? Mais ouiiii.  Sans grande prétention, il faut avouer que le tout est plutôt bien foutu, avec une petite fille assez flippante et convaincante et un très chouette travail sur l’architecture : fenêtre, plafond baroque, gargouilles gothiques : on joue beaucoup avec l’espace et ses confinements.


Notre dernier film, Bacalaureat est pour le coup un véritable guide de survie en Roumanie : comment passer son bac ? Comment trouver un foie ? Où trouver un bon orthophoniste ? Comment écraser un chien proprement ? Tout cela et moult choses encore y sont expliquées sous la forme d’une histoire banale qui voit se tisser un réseau complexe d’échange de faveurs bien balkanique (ta mère). Eliza, fille de Romeo, passe son bac. C’est important, parce qu’elle part en septembre dans une université à Londres. L’enjeu est assez massif : ses parents ne veulent pas qu’elle croupisse dans la campagne roumaine et l’exil est une chose décidée. Malheureusement, pour passer son bac à l’aise, il faudrait éviter de se faire quasi violer devant l’école, ce qui arrive à la pauvrette (en même temps, elle pourrait faire attention, hein). Du coup, c’est un peu difficile de se concentrer et Roméo, médecin incorruptible jusque-là, se retrouve petit à petit pris dans un imbroglio de services rendus contre services prêtés qui lui échappe un peu. Tout en devant expliquer à sa fille que contrairement à ce qu’il lui a toujours appris, parfois, il faut un peu tricher. C’est très bien fait, pas chiant du tout et très fin sur toute une culture assez ancrée (ici aussi d’ailleurs) de petites magouilles sans grande importance mais qui s’entremêlent pour parfois changer complètement le cours d’une existence. Ça parle aussi avec beaucoup de délicatesse de parentalité et de projection, d’un certain désespoir issu du déclassement social, de l’abandon de valeurs chéries quand il s’agit de défendre les siens. Et puis il y a des chiens, un peu partout, qui trottinent. 

Fearless, Weir, 1993
Audrey Rose, Wise, 1977
Bacalaureat, Mungiu, 2016