mercredi 28 décembre 2016

Life is a beach

Pour passer le cap de l'hiver et des légendaires fêtes de fin d'année psychotiques, j'ai ma recette: je me barre aux Maldives pendant deux semaines et je jette mon téléphone par la fenêtre de mon jet. Bon, comme cette année je suis un peu short niveau portefeuille, j'ai fait the next best thing: j'ai regardé des films de plages pleins de soleils couchants, de filles découchées et de surfeurs éventrés.

Humanoid from the deep est aussi connu sous le titre, remarquable d’imagination de:


C'est donc un film dans lequel il y a... des monstres, bien vu. Une petite ville tranquille de la côté Atlantique (Pacifique?? enfin). En fond sonore: une corporation de gros méchants qui veut installer une usine de mise en boîte et instaurer la pêche industrielle, des scientifiques qui promettent de multiplier les saumons comme jésus les petits toast au foie gras et un conflit territorial ethnique entre des descendants d'Indiens et des blancs pas commodes. Tout ce bel équilibre bien cliché se voit pourtant troublé par d'étranges événements: des chiens meurent comme ça, sans prévenir et c'est pas beau à voir.... des adolescents en chaleur partis s'ébouriffer la virginité dans une grotte maritime disparaissent..... tout ça. On commence à douter d'un truc bizarre (et on voit de plus en plus de plans sous-marins avec des grosses mains-nageoires qui se frayent un chemin parmi les algues en plastique d'un aquarium subtropical, ce qui nous fait savoir à nous spectateur, que ça va chier (enfin, le temps que la créature sorte la tête de son cul et qu'elle évolue rapidos pour prendre l'avion jusqu'en Atlantique)). Comme souvent dans les patelins de province insignifiants, il se prépare un festival lié à une spécialité à la con - ici, le saumon évidemment. Un festival où les gens se déguisent en poissons et essayent de remonter le cours des rivières? Un festival sous forme de giga flashmob sur la salmon dance? Pas vraiment, c'est surtout une sorte de plaisir d'hiver fumés (pour le côté saumon). Toujours est-il que, pendant que tout le monde prépare sa plus jolie robe pour aller danser et raccommode ses préservatifs (au cas où...), l'équipe envoyée en reconnaissance a tout compris: des monstres! Mutants! Je n'en dirai pas plus pour ne pas gâcher le plaisir, mais c'est plutôt rigolo. Pour le soleil, on repassera, mais si comme moi vous aimez la Bretagne et ses marins amers, les plages grises de sable volcanique et les naissances contre-nature, vous êtes chez vous.

Santa's little helper
Psycho Beach Party est d'un autre genre, puisque c'est un film de surf: pas de saumon, plus de filles en zlip et de surf rock. Florence est une jeune un peu nerd qui n'a pas d'amie, sauf une clenche à lunettes  (qui ne deviendra hélas pas bonne à la fin). Parfois, Florence pète un peu un plomb et pense qu'elle est quelqu'un d'autre. Mais sinon, tout va bien. Elle décide un jour que le surf, c'est pas qu'un truc de mec, alors non, et qu'elle veut elle aussi faire la maligne et se prendre des grandes vagues dans la gueule avec une planche de trois mètres accrochée au pied (parce que c'est vraiment trop fun). Elle réussit à convaincre le roi du freeride de la plage, oui, celui qui vit dans une cabane au bord de l'eau et a un tatoo maori sur le cul. Tout cela pourrait n'être qu'une parodie d'un film de surf type 60's mais c'est aussi un slasher avec serial killer mystérieux et étudiant suédois en échange. C'est franchement drôle et plutôt réussi dans la parodie - surtout les montages de surfeurs sur la vague - et ça fait du bien de rigoler un peu avec le surf, ce sport de Satan. La chanson de générique aurait d'ailleurs bien convenu comme hymne de campagne à un certain DT.



Humanoid from the deep, Peeters, 1980
Psycho Beach Party, King, 2000

mardi 27 décembre 2016

Suburbia

Belgrade, 2012

Xiu Xiu - Falling 

Nous, rejetons des survivants, sommes restés nomades: nous ne savons pas cultiver la terre. Personne n'est de nulle part. Personne ne s'arrête. [...] Parfois, la ruine d'un satellite échoué sur une place nous sert d'abri, grotte transitoire où nous ne peignons rien. Notre temps est celui de la marche. Nous fuyons et avançons vers l'ouest, cherchant l'endroit où le soleil se noie.
Les états et empires du lotissement Grand Siècle, Fanny Taillandier,  2016


vendredi 23 décembre 2016

Ecran total

Y’a plein de trucs intéressants qui me passent entre les mains pour le moment mais très peu de temps pour en parler. Je me suis par exemple souvenue que je n’avais quasi rien vu d’Assayas, que j’aime pourtant beaucoup. Alors quoi ? Alors j’ai regardé. Quel bonheur !

D’abord, Sils Maria : histoire d’une actrice vieillissante qui se confronte à la jeunesse, à la mort et à ses rides dans la rencontre avec son rôle, la montagne, les nuages , tout ça. Bon dit comme ça c’est un peu bordélique mais voilà : Juliette Binoche est une actrice bien mure qui se voit proposer de reprendre le rôle de la vieille dans une pièce qu’elle a jouée il y a 20 ans ( et où elle tenait le rôle de la jeune (oui, c’est une histoire d’amour et de coucher pour réussir)). Perdue dans un cabance dans la montagne, hantée par le fantôme de l’écrivain, mort juste en début de film, elle répète ses lignes avec sa jeune assistante, la Kirsten Stewart qui depuis qu’elle a mis des grosses lunettes peut faire du cinéma d’auteur en rentrant les épaules – c’est chic. Les paysages idyliques, les crises de nerfs hystérique, la conscience du temps cyclique : tout ça est très hic. D’ailleurs, elles éclusent pas mal, les petiotes. C’est assez brillant dans l’incertitude entre rôle et vie réelle, dialogue joués et naturels - d’autant plus que tout est joué, même le joué-joué. Assayas nous montre donc sa grrrrosse mise en abyme et c’est même pas mal. Peut-être un peu de caricature dans le rôle de la jeune actrice aux dents longues un peu fuck the system : comme si un truc pareil pouvait encore exister aujourd’hui.

L’autre Assayas, c’est Demonlover, pitch intéressant – une entreprise rachète un studio de manga porno pour devenir le premier distributeur de porno en Europe (ou un truc du style) mais quelque chose de louche se trame, héhé. Au final, pourtant, c’est un peu flou : on se comprend pas bien qui trahit qui, et surtout pourquoi. En tout cas, la vengeance a l’air de faire méga mal.  Il y a tout un truc sur le sexe, le pouvoir, les gens super froids (qui ont toujours besoin d’une écharpe en open-space, pff) et le feu sous la glace de ces frigos ambulants (dans le fond, ils sont chauds comme des baraques à escargots). C’est aussi rigolo du point de vue thriller technologique : ça date un peu quand même, avec des sites web du darkweb qu’on peut y arriver avec un mdp style 123456, des ordis sous Windows 98’et des anims 3D toutes pourries. Bref.

Toujours dans la déviance sexuelle et la vengeance divine, c’est El Club, sympathique drame chilien sur des petits curés perdus au bord de la mer qui font pénitence pour leurs désirs bizarres. Une bande de tarés que l’abstinence a rendus fous paumés au milieu de nulle part, genre dans un endroit bien rural plein de gens super tolérants, en voilà une bonne idée. En fait, il ne sa passe pas grand-chose : ils se promènent sur la plage, entraînent  un lévrier et font leur prière. Arrive un nouveau curé, entraînant dans son sillage un jeune bourré qui a des œufs à peler avec l’église (enfin, qui s’est déjà fait peler les œufs en fait, mais on va rester polis) et qui se met à brailler, comme tout bon bourré, sous les fenêtres des curés à qui ça ne plaît pas trop. Pim, paf pouf, et voilà un cureton la cervelle éclaté sur le carrelage. Pas prop’. A partir de l’introduction de cet élément étranger et disruptif, les choses vont se mettre à partir un peu en couille (haha). Confessions à tous les étages, repentances et pénitence en folaïe, on en prend pour son grade religieux. Visuellement, c’est très beau, dominé par des couleurs clairs nimbées d’une lumière blanche de fin du monde puis évoluant petit à petit vers le noir, la nuit, les contrastes de l’ombre. Très contemplatif, silencieux. Ce qui fatigue un peu, ça et la musique avec violons dans tous les sens, cloches d’église en mode glas-de-la-mort et cette impression de climax qui n’en finit pas – genre 30 minute de climax, c’est trop.

Sils Maria, Assayas, 2014
Demolover, Assayas, 2002
El Club, Larrain, 2015

mercredi 21 décembre 2016

Perfidia

Ça fait un moment que je découvre James Ellroy et je n'en viens pas à bout: quand je crois avoir épuisé tout ce qu'il a fait d'intéressant, bim, j'en trouve un de derrière les fagots. J'ai lu récemment les premiers textes - la trilogie Lloyd Hopkins et A killer on the road: les Hopkins sont très bon, en tout cas au niveau du script, même si un peu répétitifs dans les thématiques (en même temps, c'est le même personnage, dans la même ville). Killer on the road m'a laissée un peu froide: c'est pas mal, mais encore un peu brouillon. Plus dans l'horreur mais pas encore avec la puissance de style qu'on trouve à partir du Black Dahlia et qui  prend sa vitesse de croisière dans Underworld America. 

C'est par là que j'ai commencé il y a une dizaine d'années et ça reste pour moi un truc assez magique: cette capacité à écrire comme une montée d'extas permanente, à faire suinter sur le papier des personnages complètement azimutés, aux sens partis en couilles aux quatre coins du cerveau, à les faire sentir physiquement à la lecture. Et puis à travailler aussi des images de plans en plans, des scènes de films dont on voit chaque négatif, découpées à la machette mais décrites en trois détails ultra rapides, précis comme un poing/t dans une photo ( la chambre claire, tout ça).

Alors Perfidia?
C'est le début d'un nouveau quartet et c'est une très bonne nouvelle, parce que le livre est carrément au niveau. Un peu moins jouissif textuellement que Underworld (mais qui est lui-même à un niveau de baise textuelle qu'il faut peut-être pas essayer de comparer) mais toujours aussi obsessif: les complots, les flics, les pourris, les nazis/KKK, les émeutes à gauche et à droite, la guerre quelque part, les Red en vadrouille, les unions jamais très loin. Une histoire qui part un peu partout, entre meurtres rituels, guerres de gangs et ambiance de guerre 40-45'; ça sent le coup fourré à plein nez à toutes les étapes et on a nous aussi des petites antennes qui tic tic tic se lèvent et captent des messages subliminaux, des trucs qui cliquent dans la tête pour se rendre compte que tout est lié, quelque part tout est décidé. A ne pas lire en plein crise maniaque, donc. 

Le truc un peu bonus, c'est de s'apercevoir qu'Ellroy a réutilisé des personnages d'autres romans qui se passent à L.A. (la plupart de ses bouquins en fait). Genre, des mecs sortis du premier quartet, de la trilogie Underworld et de la trilogie Hopkins, tout ça en un seul roman. Je n'ai pas vérifié livre à livre, mais il ne s'est pas (ou presque pas) planté: tous les personnages qu'il reprend sont cohérents au niveau temporel et au niveau des récits de fond. Là on a un peu envie de dire chapeau pépé, parce que putain, soit il a décidé comme ça, sur une zinne de refaire un roman, 10 ans avant tous les autres en recyclant des personnages, soit il avait tout manigancé depuis le début (mon hypothèse, vu comme le type est un maître du complot fourbe). 

Bref, ça met un peu de gaieté dans la vie tout ça, sachant qu'il y aura encore 3 monstres du genre dans les prochaines années à venir. De quoi nous consoler de 2016 ( l'année pas binaise).


Perfidia, James Ellroy, 2014