vendredi 28 avril 2023

L'être et le néon

 Je suis tombée par hasard sur la dernière livraison de Nicolas Winding Refn (NWR, comme il a décidé de se brander lui-même pour des raisons évidentes de nom foireux) qui, ce petit coquin, est parti jouer sur Netflix après avoir truandé Amazon d'une coquette somme pour son particulier Too young to die old, polar mou au protagoniste poisson rouge. J'ai donc regardé Copenhague Cowboy avec circonspection, me rappelant des longues heures passées à contempler le vide de TYTDO qui était comment dire… un peu trop NWR pour moi (= une succession de plans vides que traverse un personnage hébété à l'expression vide entouré de néons fluos entrecoupés de scène de violence gore et muettes). Mais cette fois-ci, je trouve ça bien réussi!

 On reste dans la pègre et les ripou, chez les ultras riches et les vieux dégueus libidineux qu'on trouvait un peu partout dans TYTDO, mais cette fois-ci donc un joli triptyque épique plein de rebondissements porcins.

 Mia est une jeune pauvrette, à la mine menue et au cheveux triste, vendue comme porte-bonheur à une Madame serbe qui a besoin de chance. Pas de chance, à force de faire chier Mia, la Madame en question finit par ne plus en avoir de chance. Mia est donc expédiée au sous-sol avec les autres filles, harem glauque d'un pimp chanteur de turbo folk un peu flippant. La deuxième partie de de tryptique, c'est Madame Moor, une petite chinoise menue elle aussi qui tient un restaurant toujours vide où aime à dîner un boss de la mafia chinoise qui gère un business difficile à définir (en tout cas, pas l'horeca) mais qui a l'air de faire pas mal de victimes. Là aussi, une histoire de fille enlevée et de vassalité donne à Mia moult excuses pour s'interposer e faire quelques beaux mouvements de kung-fu.  Le dernier volet, qui entrecoupe le reste de l'histoire, se passe dans un château plutôt chic, peuplé d'un couple de vieux beaux au fils unique… particulier. Celui-ci, toujours tapi dans l'ombre, s'entrelace aux deux autres histoires sans jamais servir à grand-chose, si ce n'est donner prétexte à de belle scène de cochonnades (au sens propre comme figuré). Mia navigue entre ces différents cinglés, droite dans son training et peu impressionnée par tout ce bordel.

 C'est assez bien foutu et la déclinaison en trois arcs rend l'ensemble un peu moins lourd – il se passe de trucs quoi – par rapport à TYTDO qui semblait n'en jamais finir d'aller nulle part. La concentration de mecs bizarre au m2 reste assez effrayante et devrait nous avertir quant à l'opportunité d'aller vivre au Danemark, mais je m'égare.

Du point de vue visuel, on est quand même un peu toujours dans le même délire: des espace vides, des gros néons, des visages impassible, des explosage de têtes. Il y a des jolis combats, chorégraphiés comme il faut – je ne sais pas si l'élément chinois sert de prétexte au kungfu ou l'inverse, mais osef en fait – et on s'amuse donc beaucoup. Bande-son canon mais ça c'est toujours le cas et toujours les mêmes obsessions: la beauté, la jeunesse, l'exploitation des corps, la pègre; les poupées désincarnées dans des vitrines de couleurs qui brillent dans la ville morte, la nuit.

 Copenhague cowboy, NWR, 2023

jeudi 27 avril 2023

Vers l'infini et au-delà

 J'ai eu récemment l'insigne privilège de me rendre au BIFF, dans cette nouvelle contrée lointaine qu'est le plateau du Heyzel, sorte de décor post-apcolyptico-stalinien d'une autre époque qui est, à en croire la région Bruxellois, le futur de la ville. Hé bien c'est pas mal. C'est loin, me direz-vous, mais c'est tout près de chez moi donc je m'en fous pas mal. Entre autres films pas mauvais (Life for sale, n'importe quoi mais mignon comme tout) ou tout à fait mauvais (Saturn Bowling, une aventure de l'inspecteur Dumou avec un tueur en série charismatique comme un mollusque sans nom), j'ai eu la chance de voir Infinity Pool du fils Cronenberg.

Comme un graphiste post-moderne a fait le title shot du générique, on dirait que le film s'appelle Infinity Puul donc ça commence assez bien.


On y suit James, écrivain ultra gaulé à la belle chemise qui prend des vacances en Croatie  sur une île ultra chelou où les riches sont confinés dans leur hôtel pendant que rôdent des autochtones sans foi ni loi prêts à tout pour en découdre (ils font du quad sur la plage et écrasent même le chapeau d'une dame, ça fait froid dans le dos). On se croirait dans le métro de Charleroi. Bref. James est accompagné de sa femme, dont je n'ai pas retenu le nom car je l'ai nommée dès le début Mérou-sans-frontière, vu la taille de ses lèvres (qui semblent augmenter au cours du film, d'où l'adjonctif 'sans-frontière'). James a écrit un livre et doit en écrire un deuxième. Sa femme ne doit rien faire du tout et est donc surtout là pour signer les factures. Tout est donc extrêmement jovial et sympathique, jusqu'à ce qu'ils fassent la connaissance de Mia Goth dont je ne me rappelle pas du nom et de son mec, Ratiches Suisses. Quoi de mieux que de rencontrer un couple en vacances! C'est sûr, on va bien s'amuser et faire les fous. Bon bref, les deux décident donc de partir faire un tour sur l'île, ha la bonne idée et pan, c'est l'accident.

 

S'ensuit une histoire ultra bizarre mixant clonage, privilège de classe et ultra-violence en bande. Je ne sais même pas comment décrire ce truc mais c'est dans l'ensemble bien foutu: il se passe toujours quelque chose (comme à Walibi ou aux galeries Lafayette) et chacun pourra y trouver son compte. Les images sont plutôt bien foutues, la bande-son un peu indus dépouillée fonctionne bien, et Alexander Skarsgard est comme à son habitude tout nu et couvert de sang, donc je dirait que c'est un win-win-win. Reste qu'il faut se taper Mia Goth et son accent british, mais bon, l'espoir qu'elle meure à la fin fait vivre!

 

Côté Cronenberg, on retrouve la papatte du fiston qu'on voyait déjà l'œuvre dans Possessor, pas chroniqué ici: des petites séquence hallucinatoires stroboscopiques, du cul gentiment décadent et des longs plans vides. On retrouve un peu de l'ambiance de Papa avec quelques anatomies douteuses et des explosages de têtes aux détails bien soignés (même si peu réalistes). Il y a aussi quelque chose en lui de Tenessee  J.G. Ballard, qui est un peu l'âme sœur littéraire de Cronenberg pour moi (Crash est sans doute une des meilleure adaptation de livre au cinéma): on pense beaucoup à Super Cannes pour le côté futur balnéaire et un peu à High Rise pour le côté lutte des classe.

 

Infinity Puul, Cronenberg, 2023

Super-Cannes, J.G. Ballard, 2000

High Rise, J.G.Ballard, 1975