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jeudi 27 avril 2023

Vers l'infini et au-delà

 J'ai eu récemment l'insigne privilège de me rendre au BIFF, dans cette nouvelle contrée lointaine qu'est le plateau du Heyzel, sorte de décor post-apcolyptico-stalinien d'une autre époque qui est, à en croire la région Bruxellois, le futur de la ville. Hé bien c'est pas mal. C'est loin, me direz-vous, mais c'est tout près de chez moi donc je m'en fous pas mal. Entre autres films pas mauvais (Life for sale, n'importe quoi mais mignon comme tout) ou tout à fait mauvais (Saturn Bowling, une aventure de l'inspecteur Dumou avec un tueur en série charismatique comme un mollusque sans nom), j'ai eu la chance de voir Infinity Pool du fils Cronenberg.

Comme un graphiste post-moderne a fait le title shot du générique, on dirait que le film s'appelle Infinity Puul donc ça commence assez bien.


On y suit James, écrivain ultra gaulé à la belle chemise qui prend des vacances en Croatie  sur une île ultra chelou où les riches sont confinés dans leur hôtel pendant que rôdent des autochtones sans foi ni loi prêts à tout pour en découdre (ils font du quad sur la plage et écrasent même le chapeau d'une dame, ça fait froid dans le dos). On se croirait dans le métro de Charleroi. Bref. James est accompagné de sa femme, dont je n'ai pas retenu le nom car je l'ai nommée dès le début Mérou-sans-frontière, vu la taille de ses lèvres (qui semblent augmenter au cours du film, d'où l'adjonctif 'sans-frontière'). James a écrit un livre et doit en écrire un deuxième. Sa femme ne doit rien faire du tout et est donc surtout là pour signer les factures. Tout est donc extrêmement jovial et sympathique, jusqu'à ce qu'ils fassent la connaissance de Mia Goth dont je ne me rappelle pas du nom et de son mec, Ratiches Suisses. Quoi de mieux que de rencontrer un couple en vacances! C'est sûr, on va bien s'amuser et faire les fous. Bon bref, les deux décident donc de partir faire un tour sur l'île, ha la bonne idée et pan, c'est l'accident.

 

S'ensuit une histoire ultra bizarre mixant clonage, privilège de classe et ultra-violence en bande. Je ne sais même pas comment décrire ce truc mais c'est dans l'ensemble bien foutu: il se passe toujours quelque chose (comme à Walibi ou aux galeries Lafayette) et chacun pourra y trouver son compte. Les images sont plutôt bien foutues, la bande-son un peu indus dépouillée fonctionne bien, et Alexander Skarsgard est comme à son habitude tout nu et couvert de sang, donc je dirait que c'est un win-win-win. Reste qu'il faut se taper Mia Goth et son accent british, mais bon, l'espoir qu'elle meure à la fin fait vivre!

 

Côté Cronenberg, on retrouve la papatte du fiston qu'on voyait déjà l'œuvre dans Possessor, pas chroniqué ici: des petites séquence hallucinatoires stroboscopiques, du cul gentiment décadent et des longs plans vides. On retrouve un peu de l'ambiance de Papa avec quelques anatomies douteuses et des explosages de têtes aux détails bien soignés (même si peu réalistes). Il y a aussi quelque chose en lui de Tenessee  J.G. Ballard, qui est un peu l'âme sœur littéraire de Cronenberg pour moi (Crash est sans doute une des meilleure adaptation de livre au cinéma): on pense beaucoup à Super Cannes pour le côté futur balnéaire et un peu à High Rise pour le côté lutte des classe.

 

Infinity Puul, Cronenberg, 2023

Super-Cannes, J.G. Ballard, 2000

High Rise, J.G.Ballard, 1975

mercredi 13 mai 2020

Das Grösse Ordinateür

C’est un pur hasard de calendrier, mais la diffusion combinée de deux séries pré-apocalyptiques qui parlent toutes deux d’un futur proche dominés par des AI maléfiques ne pouvait pas mieux tomber : que dire de Westworld III et DEVS donc ?

A première vue, ces séries ne racontent pas vraiment la même chose : DEVS est un thriller numérique autour d’un programme top ultra secret développé par un gourou new-age type Silicon Valley tandis que Westworld, déjà à sa troisième saison, prenait le chemin d’une révolte des robots échappés d’un parc à thème contre leurs créateurs.

On avait bien aimé Westworld, la saison 1 était super bien foutue, visuellement et scénaristiquement, les personnages impec, des super twist et un peu de réflexion çà et là. La base existait déjà (le film de 1973 avec l’inénarrable Yul Brynner). La deuxième saison nous avait laissés un peu confus : trop de fils narratifs, trop de niveaux temporels différents, des trucs qui se tenaient de moins en moins au niveau concept – ça commençait à ressemble à un cahier de charge à la GoT, à savoir une grosse bagarre par épisode + des répliques sentencieuses sur la vie, la mort, tout ça. Beaucoup de twist aussi, surtout sur le thème « En fait, c’était un robot tout du loooooong  mince alors ».

La saison 3 fait la même chose mais en mille fois pire : les robots sont toujours de robots mais presque des méta-robots parce qu’en plus la réalité dans laquelle ils évoluent est elle aussi une simulation d’un laboratoire dans lequel on fait des robots. Woua. Les super-robots sont donc sortis dans le monde réel (mais est-il vraiment réel ? Mystère !) pour on ne sait pas trop quoi faire – reprendre le contrôle du monde ? Vivre libre comme des bons robots ? Buter tous les humains ? – ce qui est certain c’est qu’ils sont vénères. A partir de là, le truc part en sucette narrative à une vitesse comparable à la propagation d’un virus à R = 10 pour finir par ressembler à un croisement entre Fast’n’Furious et Transformer avec pour thématique de fond Das Grösse Ordinatëur qui contrôle notre destin et quoi alors, sommes-nous encore libres, que diable ! Tout ça par l’intermédiaire d’un CEO ténébreux zet machiavélique qui apparaît via des hologrammes car il est avant tout français et qu’est tellement méchant qu’il a enfermé son frère, le gentil Jean-Mi (Jean-Mi, on t’aime !). Les deux héroïnes principales, sont féminines, pink washing oblige, mais ne sont au final qu’une seule et même personne. Ou pas. Je n’ai plus essayé de comprendre. Enfin bref, elles se battent au sabre non pas une mais deux fois (une bagarre par épisode), c’est joli, ça fait mauvais film de kung-fu et l’occasion pour des réalisateurs sans doute poussés par l’idéal féministe de mettre deux nanas en justaucorps tellement moulant qu’elles doivent avoir du mal à respirer à l’honneur. Clap clap. Je n’essaie même pas de relever les trous du scénario, à partir de l’épisode 4, il devient clair qu’on n’en a plus rien à foutre, et que tout est surtout prétexte à faire des courses en bagnoles volantes, en moto intelligente, et à sortir des gros flingues bien phalliques.

DEVS de son côté est à l’exact opposé du spectre cinématographique : hyper lent, contemplatif à mourir, avec un visuel très chiadé, une action parfois inexistante – y a un épisode dont la seule action = une discussion autour d’une table de salle à manger – et des personnages dans un anticlimax constant. L’intrigue est relativement simple : Sergei, développeur trop cool est invité à bosser sur un projet hyper top secret pour un gourou de la tech – joué par Nick ‘Ron Swanson’ Offerman, il faut un petit moment pour s’y faire. Le soir de son premier jour, paf, plus de Sergei. Sa copine, qui bosse pour la même compagnie, décide d’en savoir plus. Et à la fin elle en sait plus. C’est tout. Le projet top secret en question est bien évidemment en rapport avec la construction d’une super AI de fou qui devrait permettre de reconstituer un univers parallèle avec les mêmes coordonnées que le nôtre (et donc dans lequel toutes les actions à venir sont déjà déterminées). De nouveau, on se questionne sur notre libre arbitre, qui sommes-nous si tout est décidé, pourquoi vivre et tout ça. L’angle est un peu plus intello que Westworld puisqu’on se bagarre sur les mérites respectifs de la théorie de l’infinité de mondes possibles et le déterminisme absolu. D’ailleurs, on peut se demander pourquoi un type qui veut reconstituer un monde parallèle pour réparer le monde réel (dans lequel il a perdu sa fille et sa femme) refuse absolument que ce monde simulé diffère du réel. Parce que du coup, bah, il va quand même avoir perdu sa femme et sa fille, non ? Enfin. Tout ça me passe au-dessus de la tête, car comme dans beaucoup de séries sur la tech, on essaie surtout de vous montrer que tout ça est trop compliqué pour vous de comprendre. Bref.

Ce qui est commun au final dans ces deux productions, c’est cette idée qu’il existe et ce dans un futur relativement proche, la possibilité qu’une méga AI soit tellement évoluée au niveau algorithmique, présente au niveau surveillance, et puissante au niveau processing de données, qu’elle soit capable de prédire l’avenir. Nos comportements, nos réactions, les événements fortuits, le cours de la bourse et la date de péremption du gouda. C’est assez génial que ces deux projets soient diffusés à un moment relativement apocalyptique causé par un truc aussi con qu’un virus et l’incapacité assez générale à y faire face – qui aurait, dans ce cas précis, consisté à faire preuve d’un minimum de prévoyance. On a tout vu venir mais rien prévu en gros. Mais par contre, tremblez peuples de demain, car des super AI vont contrôler votre destin. Quand on constate qu’une épidémie va être gérée par des états modernes grâce à des « systèmes » de « tracking » qui sont en gros des fichiers excel remplis par des agents via google doc, je crois qu’on peut dormir tranquille : le libre arbitre et la libre connerie ont encore de beaux jours devant eux ! 

Westworld, Nolan, 2019

DEVS, Garland, 2019

mardi 10 mai 2016

Class of 1999: "It ain't gym class if a fat kid ain't crying"

Je suis tombée sur Class of 1999 en préparant un cours sur la dystopie: c'est dire si j'étais binaise de trouver un truc qui parle à la fois de contre-utopie ET d'autorité scolaire! N'ayant pas eu le temps de le voir, je ne l'ai pas utilisé et ne l'ai regardé que récemment: j'ai envie de dire ouf, parce que c'est un bon vieux nanard qui m'aurait probablement encore plus grillée dans l'enseignement que ce que je ne le suis déjà. Bref. Il faut en parler, parce que parler, c'est déjà comprendre un peu et mourir aussi, parfois. Tout ça.

Le pitch est plutôt simple: face à une recrudescence de violence dans les écoles qui ont carrément transformé toute une partie de la ville en zone de non-droit contrôlée par des jeunes rebelles pernicieux, un ministre audacieux fait appel à une entreprise qui fait des robots pour l'armée. Bon, il pourrait tout simplement envoyer l'armée dans les écoles, mais en ce moment, l'armée sert un peu à tout et n'importe quoi, alors faut la booker à l'avance si on veut s'en servir. Des robots donc. Vachement bien évolués, frais et bien gaulés (surtout Pam Grier) et avec des bonnes têtes de profs (= des lunettes, car ils sont intelligents). Placés en phase test dans une école particulièrement chaude du boudin, ces robocop de l'éducation vont mater ces petits cons en deux temps, trois mouvements et te les éduquer que ça va pas traîner.

Mais voyons comment fonctionne le programme "prof". Face à une situation critique analysée grâce à un mining astucieux (= se prend un couteau dans le dos) il se compose d'un ensemble de choix: éduquer ou discipliner. 


Une fois cette option choisie, on accède à un ensemble d'autres choix sur le type de discipline à appliquer: pratique! On ne saura jamais quelles sont les sous-options de "éduquer" parce que personne ne le choisit jamais: déception.


On peut même aller dans le raffinement et choisir ses mooves


Intéressant. Franchement, l'agreg serait beaucoup plus simple si on nous avait appris avec de chart flow dans le genre. Hélas, hélas, trois fois hélas, cette idyllique pédagogie se révèle inefficace! Non seulement la discipline ne semble pas être la solution, mais surtout, les robots deviennent de plus en plus méchants et malins (bien vu, ils sont profs). Ils vont donc commencer à foutre des raclées à tout va, qui feront kiffer dans leur culotte n'importe quel prof en secondaire mais qui ne sont pas du goût des gangs rivaux qui se disputent l'école et qui vont s'unir pour combattre le mal, rhaa! Le tout sur fond d'histoire d'amour à la West Side High School, entre une petite bourge et un jeune madmaxeux qui découvrent leurs premiers poils: c'est émouvant. 

C'est marrant parce qu'il existe une autre dystopie appelée Class of 1984 (évoqué ici) qui y ressemble du point de vue genre (des élèves tout méchants qui prennent le contrôle des écoles) mais qui va complètement dans l'autre sens avec une fin à la Vigilante et un bon fond un peu facho. Alors quoi, on a lu son Foucault entre les deux?

Seul le docteur Bob Forrest peut nous répondre. Mais là, il fomente son prochain crime capillaire.


 Class of 1999, Lester, 1990

dimanche 20 mars 2016

Offscreen

Snif, c'est fini et une fois de plus, j'ai eu plus d'ambitions que de moyens, du coup, j'ai pas vu grand chose et me voilà toute chafouine. Ceci dit, les quelques trucs vus me laissent rêveuse pour un bon moment encore. 

Alors Crumbs, c'était un film qui avait une sacré gueule - genre post-apo science-fi ethiopien filmé dans des décors de fou furieux avec le mot magique ("Tarkovsky") dans la critique. Miam! Alors ça raconte l'errance d'un bossu qui part à la recherche d'une sorcière puis du Père Noël pendant que sa meuf dort dans un bowling abandonné en vénérant Magic Johnson. Dit comme ça, c'est bizarre, mais en fait c'est assez canon: il y a des plans de dingue dans des grandes plaines vides faites de concrétions minérales toutes bizarres, des villes abandonnées, un monde à moitié en train de couler avec des petits objets rigolos qui traînent - dont une très belle collec' de dinos  posés sur des rails. Il y a effectivement du Tarkovsky dans la lenteur des images qui se dilatent dans l'espace, et puis du Jodo aussi, dans les incongrus d'une existence en petits bouts qui collent aux dents. Il y a aussi un super son en grosses nappes épaisses par moments puis en petits  morceaux de nostalgie jazzy, enfin un truc un peu d'un autre monde. Le vaisseau spatial, par contre, heu, oui bon. Et puis le sous-titrage, bon confondre désert et dessert, c'est pas pour faire ma nazi à oreilles de mickey, mais quand même quoi.

Brain damage, je l'ai regardé avec le cerveau dans un état adéquat - c'est à dire en petite purée sans grumeaux. J'ai du coup pas trop suivi tout ce qui se disait, mais j'ai compris quand même - bon c'est pas non plus du Foucault. Il y est question d'Elmer, sympathique petit parasite qui se cache dans le cou des gens et qui leur file du jus bleu qui fait des trucs bizarres à leur cerveau. Elmer est une sorte de marionnette faite avec une chaussette, genre bricolage de fête des mères, et des pitits yeux en boutons cousus dessus. C'est arty. Il est par contre bien dégueu quand il se met à sucer les gens - il ressemble un peu à la limace en caca de Shivers. Par contre, y cause drôlement bien - et  un peu trop. Bon donc, Elmer se met à la colle avec un petit jeune qui va se mettre à avoir des méchants retours d'acide et courir tout nu dans la nature. Pendant ce temps, sa nana se tire avec un type parasite-free - on la comprend - et les anciens proprios d'Elmer se mettent en tête de le récupérer. Bagarre! Bon, je sais même plus très bien comment ça finit pour être honnête, mais une chose est certaine - ça remet les idées en place.

Et puis j'ai fini en apothéose avec le dernier Wheatley que j'attendais avec circonspection mais quand même trop hystérique dans ma tête. J'avais été déçue par A field in England, un film qui ne commençait jamais et  finissait donc à l'avenant. Et puis j'ai revu Kill list cette semaine et je me suis dit que c'était quand même trop l'homme de ma vie. Du coup je l'ai vu en vrai, alors je suis encore toute chose. Mais bon, le film. Alors c'est un beau bordel de film de fou malade, il faut bien le dire. En gros, ça parle d'un immeuble géant plein de gens tarés qui finissent par faire de l'ultraviolence et des teufs de barbares en se mettant de la farine plein le pif. J'ai pas capté tout de suite la référence mais en voyant l'affiche, on peut quand même se dire que c'est largement un hommage en règle à Orange Mécanique: la musique, la décadence, les décors 70's, les pantalons en velours côtelés bruns à patte d'ef et la lutte des classes qui est jamais loin. Il faudrait d'ailleurs vérifier la citation de la fin, mais ça m'étonnerait pas qu'elle soit de cette chère Thatcher. Il y a une superbe construction d'ambiance ultra bizarre mais en même temps très normale, des visions un peu au ralenti d'hôtesses de l'air qui font des chorés, du cul disséminé un peu partout avec une certain désinvolture, des petites anglaises décadentes qui veulent une fessée et des animaux qui en prennent plein la gueule, d'ailleurs, miam. On comprend pas trop comment tout part en couille - coupure d'électricité et prise d'assaut de la piscine - mais en fait on s'en fout: l'idée, c'est ces grands ensembles totalitaires froids qui font des microcosmes toujours à deux doigts de l'implosion sociale avec pas beaucoup de considération pour l'espèce humaine, la dignité et la bonté générale. Les images, c'est toujours aussi beau, calme, élégant; et la bande-originale est juste mortelle. Bref, Ben, je t'aime de nouveau et pour toujours - et même que je vais reregarder A field in England, si ça tombe, j'avais pas bien vu la première fois.

Crumbs, Llanso, 2015
Brain Damage, Henenlotter, 1988
High Rise, Wheatley, 2015

mardi 13 mai 2014

Brazil (1985)

A pas mal d'égards, Brazil est un peu LE film dystopique par excellence: il englobe une série de thèmes, évoque un ensemble de questions et donne une réalisation plastique très complète d'un univers complètement autre tout en étant terriblement nôtre.

En dehors des évidentes thématiques contre-utopiques (la bureaucratie toute puissante, l'administration tentaculaire, le côté aveugle et arbitraire de la mécanisation des relations humaines) et d'une ligne narrative plutôt classique (un type appartenant au système finit par s'y opposer à la suite d'une série de circonstances fâcheuses, d'un enchaînement à la hauteur de l'absurdité générale qui règne et surtout, surtout, d'un amour immémorial retrouvé), c'est surtout le côté plastique qui m'a le plus touchée cette fois-ci.

D'abord, il y a des tuyaux, littéralement partout: dans chaque pièce, raccordés à chaque machine, serpentant sur le sol attachés à des aspirateurs géants, envahissants progressivement l'appartement de Sam et même dans la scène de fuite, entassés le long d'un mur qui permettra à Sam de s'enfuir par une porte dérobée. 

Les tuyaux, certes, mais aussi des machines, bizarres, avec toute une mécanique à l'air, jamais de capot qui cache, toujours des petites constructions, à tendance organique, avec des petites têtes, des petites membres, pas loin des vision bizarres du Festin Nu. La respiration de l'air conditionné et ses bruits d'estomac va dans ce sens. Les machines sont aussi des petites parties d'un ensemble bien huilé, d'une mécanique universelle qui organise le temps - pas loin de Tati, par exemple dans la scène de réveil - et l'espace: tatiesque aussi, la scène du bureau qui se déplace (le ridiculously tiny office de Ted?).

Des mini-machines, des mégas-tuyaux et tout ça dans des décors vertigineux, des gratte-ciel constructivistes en plongé/contre-plongé, entre lesquels serpentent les voitures et s'envole le plombier anarchiste. Je n'avais jamais remarqué à quel point les décors semblent sortir d'une scénographie d'opéra: surtout dans les scènes oniriques, où on est pratiquement dans du théâtre de mime.

Il y a enfin la série de déformations: celle des machines, déjà mentionnée, celle des décors, démesurés et celle des visages: du visage de la mère, qui passe par tous les états, au masque de tortionnaire chinois, en passant par les monstres chuckyesque des rêves de Sam, tout tourne autour du difforme, mais pas au point d'être inhumain: c'est le petit écart à la réalité, le pas en dehors du normal qui est intéressant.

Après il y a en vrac: un ministère qui s'appelle le M.O.I., des policiers qui répètent des chants de Noël, des ouvriers métallos qui jouent au volley-ball, un plombier qui disparaît étouffé par trop de formulaires et un conseil: ne jamais se foutre du petit personnel. C'est finalement lui qui vous mettra dedans.


mercredi 30 avril 2014

Total Recall (1990)

Totall Recall est un des nombreux films dystopiques que je découvre sur le tard et dont pas mal d'images me sont déjà familières, comme par exemple ce plan de Schwarzenegger en phase d'explosion:

Je ne l'avais jamais vraiment reconnu avant, et j'ai toujours trouvé cette photo plutôt mignonne. 

Du point de vue de l'univers dystopique, on retrouve pas mal de choses chères à Philip K. Dick, dont je me rends compte que je ne connais l'oeuvre que via ses adaptations filmiques, puisque je n'ai jamais vraiment rien lu de lui: l'idée d'une réalité qui échappe et d'une difficulté à définir les contours de ce qui est certain ou pas. A cet égard, la dernière réplique de Quaid/Hauser est juste géniale: "I just had a terrible thought... what if this is a dream?", le tout avec une diction de vendeur de saucisses de Morteaux en plein Actor's Studio. Bref, j'aime bien les poupées russes ontologique que l'interrogation sur le rêve provoque: un rêve d'un rêve est-il la vérité? Ou la vérité d'un r^ve est-elle la vie, telle qu'on la rêve? Calderon, nous voici.

Je me moque, mais j'ai vraiment bien aimé le film. Le concept du dôme géant en dehors duquel on ne peut pas survivre et surtout l'explosion assez hallucinante visuellement parlant qui remplit l'atmosphère d'air (assez fortiche si on y réfléchit) me fait un peu penser aux Tripodes, même si c'est exactement l'inverse (des dômes remplis d'un air respirable par les robots qui les protège de l'atmosphère terrestre), il y a le même sentiment d'un air qui se matérialise et prend une consistance pratiquement liquide. C'est beau. Michael Ironside est pareil à lui-même: méchant et plein de ressources derrière ses sourcils implacables. La critique d'un système qui organise ses propres pénuries me fait penser à beaucoup de choses actuelles, et surtout à la désorganisation générale des transports en commun qui est en train de se produire. Je sais pas pourquoi ça en particulier d'ailleurs. Moi, j'aime bien les trains.

lundi 24 mars 2014

The Zero Theorem (2013)

J'ai un peu laissé de côté mon exploration des mondes distopiens, un peu par manque de temps, un peu par manque de direction dans ce que je regarde. The Zero Theorem n'était pas vraiment prévu au programme de ce cycle, mais il y rentre particulièrement bien: il me rappelle d'autres films de Giliam et on retrouve beaucoup de ses univers distopiens précédents.

Je n'ai toujours pas compris de quoi il s'agissait vraiment dans le film: il existe une sorte d'équation qui doit être ramenée à zéro par le biais d'employés qui pédalent toute la journée et traitent des données - littéralement "crunching numbers". Dans tout ça, un homme attend un coup de téléphone. Il finit par se retrouver enfermé chez lui, une église à moitié en ruines, avec un ado mi-génial, mi-yolo, une pute en mission pour le détourner de son but et une paire de jumeaux à moitié nains. Avec tout ça, ça n'avance pas beaucoup. 

Je suis sortie mitigée du film: j'ai aimé certaine choses, mais surtout pour le côté un peu autocitation: il y a quelques éléments de Brazil ( surtout visuellement) dans les décors, les néons clignotants, les costumes ultrakitsch et les quelques images de la ville. On retrouve aussi les excursions dans un autre espace-temps et une relation amoureuse qui prend pied dans une réalité virtuelle, comme dans Les 12 singes. J'ai aussi beaucoup aimé la quête du film - une sorte de réponse à The meaning of life: Qohen (Christopher Waltz, étonnant!) attend qu'une voix le rappelle pour lui donner le sens de la vie. C'est littéralement un film à propos du sens de l'existence humaine et la réponse qui est apportée à cette question me satisfait entièrement- il n'y en a pas. Comme dirait l'autre:
 Well, that's the End of the Film, now here's the Meaning of Life. ... Well, it's nothing special. Try and be nice to people, avoid eating fat, read a good book every now and then, get some walking in and try and live together in peace and harmony with people of all creeds and nations.

samedi 25 janvier 2014

Punishment park (1971)

Punishment park... rien que le titre fait rêver. J'étais déjà tombée sur des mentions de ce film, mais ça m'avait alors évoqué un mix de Van Sant et de Jesse Franco, sur fond de goulag sibérien. Que ne fut pas me surprise quand je le retrouvai dans une des moult listes de films dystopiques que j'ai consultées. 

Punishment park est en fait un film super politique qui parle d'un camp punitif pour communistes américains sous forme de marche ou crève dans le désert texan. Conçu comme un faux documentaire tourné par une équipe de télé anglaise et d'Allemagne de l'Ouest (petit côté Kraftwerk dans la voix off), il suit un groupe de prisonniers politiques, et à ce moment là, ça ratisse large, entre défenseurs des droits civiques, féministes, opposants au Vietnam, ou simplement types à barbes hirsutes (je dois dire qu'un camp de rééducation pour hipsters barbus n'est pas une idée à disqualifier pour toujours), bref, dans les 70's ça tire un peu sur tout le monde. On suit en parallèle ce groupe, qui a été condamné à trois jours dans désert et qui a pour objectif d'atteindre un drapeau américain dans un certain délai sinon, couic, et un autre groupe, dont on voit le procès.

Le volet " course dans le désert" est plutôt bien foutu, filmé caméra à l'épaule, entrecoupé d'interview des condamnés et des policiers qui les suivent. Pas vraiment de surprises dans le déroulement de l'action ( y'en a qui meurent, y'en a qui vivent, tout ça) mais la montée dans la polarisation entre ces deux groupes ( intellos VS rednecks à la chasse au rouge) rend les choses intéressantes, et la présence de la fausse équipe de tournage est évidemment utilisée dans le sens de cet antagonisme.

L'autre partie, intercalée entre les étapes de la progression des fugitifs, renforce encore cette idée d'une division profonde au sein d'un même pays, entre puritanisme, conservatisme et immobilisme et les mouvements progressistes des années 70. Parfois un peu caricaturale dans sa représentation des conservateurs ( comprenez: les méchants, c'est eux, bouh), l'éventails de condamnés jugés est assez représentatifs de la variété des luttes et des profils. 


Il nous reste à expliquer le pourquoi du classement de ce film dans les dystopies. D'une certaine façon, c'en est: ça représente une société imaginaire, obsédée par le contrôle, dans laquelle les droits de certaines personnes sont purement et simplement liquidés pour des raisons d'état. Ça vous rappelle quelque chose? Oui, c'est un peu le paradoxe des contre-utopies: le risque qu'elles se réalisent en partie, du coup, bah faut les supprimer de la liste. C'est ballot.

Punishment park, Watkins, 1971

jeudi 16 janvier 2014

They Live (1988)

Le premier film que j'ai maté dans la série dystopie est They live, qui montre un Los-Angeles du futur contrôlé par des méchants extraterrestres. Un pauvre type, drifter typique, débarque à L.A. pour trouver un boulot et au lieu de ça, tombe sur une boîte de lunettes de soleil bizarres qui lui font voir des choses pas nettes. Il se rend compte que plein de trucs chelous ont lieu dans le campement de fortune où il crèche et finit par découvrir un réseau de résistants qui essayent de renverser lesdits extraterrestres qui contrôlent les humains à l'aide d'onde radio-télé.

bouh!
                               
La critique pas vraiment finaude de la télévision et de son rôle abrutissant ne doit pas rebuter: le film est vraiment pas mal et plein de rebondissements et de scène de fight de fou - dont la bagarre entre Nada et son poteau qui refuse de mettre les lunettes (relevée par ce cher Zizek comme une illustration du confort que nous trouvons à vivre au sein d'une idéologie et de la résistance dont nous faisons preuve à l'égard de quiconque veut nous en débarrasser). L'idée que la population ne veut pas vraiment savoir ce qui se trame est développée dans moult mini-détails - ils ont mal à la tête quand les programmes habituels s'interrompent pour laisser place à un message résistant émis en schmet etc.

L'idée d'une population étrangère qui est partout mais qui se cache et qui contrôle le monde pourrait bien être envisagée comme une illustration de la culture de la paranoïa qui existe aux USA et de ce point de vue là, le film fait un peu plus peur quand à son sous-bassement idéologique. 

Très ironiquement, une des première images que Nada voit une fois qu'il a mis ses lunettes de tueur, c'est le panneau suivant:


Je me demande ce que Carpenter pense d'une époque dans laquelle une marque qui porte le même slogan est considérée comme hype par toute une génération 

Reste quand même le personnage de Nada, clodo trop cool qui a bossé ses répliques devant le miroir avant d'aller à la chasse aux mutants. Ma pref' est celle qu'il lâche en entrant dans la banque pour niquer des aliens:
I have come here to chew bubble-gum and kick ass. And I'm all out of bubble-gum. 

mercredi 15 janvier 2014

Dystopia

Le ratage filmique de Zizek aura au moins eu l'avantage de me donner l'idée de voir/revoir une série de films que j'ai toujours appelés apocalyptiques mais qui visiblement sont communément rangés dans la catégorie "dystopie" (par opposition à utopie). Je ne suis pas très sure d'aimer ce mot, que je trouve personnellement très laid, et qui me fait penser à du destop, mais ça m'a permis de me faire une petite liste et d'élucider un peu ce dont il s'agit.

Contrairement à l'utopie, qui est une vision théorique d'une société idéale, une dystopie serait une vision théorique ( ou filmique) d'une société affreuse. J'aurais plutôt dit contre-utopie, mais ça a l'air d'être un peu le bordel terminologiquement parlant, alors on va garder dystopie, parce que ça récure en plus.

Rome, 2013