dimanche 24 mars 2019

Trou Détective

Sur recommandations de gens bien intentionnés et après un voyage mémorable dans mon Nord prénatal, j’ai enfin regardé et fini le p’tit Quinquin, que je ne sais pas trop comment prendre : de quoi ça parle ? On ne sait pas trop.

C’est une histoire de meurtres, c’est certain, une histoire de gamins qui jouent dans des bunkers, une histoire de flics chelous, une histoire de paysages immobiles du Nord et de villageois un peu bizarres.

Dans un village planté au bord de la mer du Nord, des cadavres se mettent à apparaître coupés en petits bouts, balancés dans des vaches mortes de-ci de-là. Une paire gendarmes est affrété pour enquêter, classique avec un vieux sage à gros sourcils et un jeune loup qui fait des wheeling en bagnole banalisée. On ne comprend pas leur méthode d’enquête, c’est probablement qu’ils n’en ont pas et que quand quelque chose se passe, on est toujours un peu empêchés – on ne pige rien à ce qu’ils disent, la lettre avec des infos super importantes reste hors-champs, les conclusions n’arrivent jamais.

A côté de ça, la vie se déroule dans un bout de village sans grande ambition : des amourettes, des auto-tampon, des majorettes qui répètent leur 14 juillet, des vaches qui vont et viennent, impassibles.

C’est très bizarre et très satisfaisant à la fois : entre les quinze séries policières qui sortent par mois,  avec leurs intrigue intriquées qui finissent de toute façon toutes par se ressembler, on est bizarrement pris par le rythme du rien, par la présence d’éléments policiers classique (« la découverte », « la fausse piste », « le mauvais coupable » etc) mais qui ne débouchent jamais sur rien. C’est très reposant en fait, et on apprend relativement vite à ne pas vouloir ni attendre autre chose que cette contemplation un peu végétative de grands espaces vides.

Finalement, ça ressemble parfois à ce qu’est devenu True Detective (saison 3) : des longs plans lents d’endroits ravagés, qui puent le pauvre et l’oubli, des personnages aux marges, (voire carrément freak pour le p’tit Quinquin), une enquête qui ne progresse pas et des enquêteurs qui font des têtes  chelous en jouant avec leurs gros sourcils. Le problème de True Détective est qu’il n’arrive pas au bout de son raisonnement : faire du détective sans en faire, et qu’il succombe à cette tentation dommage de fabriquer une histoire en 6-4-2 qui nous laisse peu satisfaits. On vote à 100% pour Trou Détective du coup.

P'tit Quinquin, Dumont, 2014

samedi 23 mars 2019

Total Netflix

A force de recherches et de hack pour s’y retrouver dans le système de catalogue le plus merdique du monde, on a fini par dénicher quelques trucs sympas sur Netflix: du culte, du cuculte et de vieux cul aussi.

Le culte, c’est Mean streets, un des premiers films de Scorsese et sa première collaboration avec Robert you fuck my wife  de Niro. C’est aussi le début des films de gangsters en tous genre, avec déjà quelques images qui reviendront ensuite, des procédés et des thématiques qu’on retrouve un peu partout. Charlie, petit mafieux classieux, essaie de percer avec son poteau Johnny boy. Ce dernier n’est pas trop finaud et augure déjà les moult rôles du meilleur-ami-du-héros-qui-fout-la-merde. Soyons franc, Johnny n’est pas bien malin. Pas beaucoup de tact ni de diplomatie, un genre d’ego qui n’a pas dû voir beaucoup de surmoi, un brin de mégalomanie avec toujours un peu de paranoïa derrière : on est mal barré. Pour le reste, on suit un genre de tranche de vie des deux compères qui trainent dans les bars, draguent des meufs, se battent à coup de poubelle et fomentent des coups foireux. Tout ressemble un peu à un documentaire : des plans pas toujours focus où on perd le sujet, des bruits dans tous les sens qui font brailler le sujet, des insert de fête de quartier à coup de fanfare votive chelou : ça sent la pizza quoi. C’est fatigant à voir (du coup) mais assez gratifiant, déjà pare que c’est drôle, ensuite parce que c’est une belle aventure humaine (je déconne) mais surtout parce que pas mal de choses s’y trouvent : des beaux longs travellings dans des restos, des personnages en quête de rédemption, des mégalo un peu Sophocléen qui aiment un peu trop le tragique pour être honnêtes : on aime !

Le cuculte est un film pas forcément mauvais mais un peu concon sur la fin. While we’re young est une comédie grinçante sur la mid-life crisis chez les artistes new-yorkais. Un truc qui touche tout le monde, quoi. Josh est documentariste et professeur de cinéma (= il a produit un film et écrit le suivant depuis 15 ans). Avec sa femme Cornelia, ils mènent une vie plutôt cool, en ceci qu’ils n’ont pas d’enfant et qu’ils peuvent donc faire un tas de trucs que leurs amis pondeurs ne peuvent/ne veulent plus faire. Ce faisant, ils rencontrent un couple de jeunots, Jamie et Machine (sa meuf) qui sont de twenty-something et complètement hipster. Jamie est évidemment documentariste en devenir et , tient, ça tombe bien, le père de Cornélia produit des documentaires ! On voit déjà comment ça va finir, masi pas Josh, visiblement qui est complètement enthousiasmé et emballé par la vie ultra-cool que mènent ces deux jeunes gens (ils lisent des livres en papier ! Ils font vélo, sans casque ! Ils ont une poule dans leur loft plein de vieux meubles pourris qui sentent le clodo !). Bref, Josh et sa chère tendre, se sentent mal dans leur petite vie de bourgeois, alors qu’ils pourraient eux aussi faire du hiphop dasn la rue en faisant des barbecue urbains, des piknik életroniques, des road-trip improvisés enfin tout un tas de trucs que tu es très content de pouvoir arrêter de faire semblant d’aimer quand tu approches les 35. La suite est facile à prévoir mais la fin est très décevante, hyper condescendante, puritaine et franchement conne à crever. Pour le reste, c’est plutôt bien vu : l’émerveillement hébété et débile des vieux, la pose hipster ridicule des jeunes, les gimmicks d’une génération dont franchement je n’attends pplus grand chose (et certainement pas qu’ils payent ma putain de pension) : bref, c’est drôle.

Le vieux cul, c’est Nebraska, film en N/B surun vieux qui fait un road-trip sentimental avec son fils, bref, un film Sundance qu’on peut placer dans des dîners. Woody, retraité alcoolique en rémission (quelle idée), décide d’aller toucher le million qu’il aurait reçu d’après la pub reçue dans son courrier. Vous l’aurez deviné : encore une victime âgée d’un scam publicitaire ! Son fils David a beau essayer de le convaincre que des sousous il n’y en a point, Woody veut son pognasse. S’ensuit un road-trip qui, miracle, passe par la ville d’enfance de ce cher monsieur. On y rencontre de la famille, des vieilles connaissances, sa femme qui vient y faire un tour aussi : tout cela créé du beau drame à n’en plus finir, mais toujours un peu drôle – les rednecks sont quand même pas futfut qu’on se dit. Au final : de l’émotion, du souvenir, des vieux foireux qu’on ne comprend pas que quelqu’un ne les a toujours pas jetés à la poubelle, parce que franchement hein, et toujours une fin qui réconcilie tout le monde, l’Amérique avec sa vision du 13e siècle de la famille et les jeunes-cool qui veulent bien déconner mais-quand-même-c’est-ton-père-quand-même-putain. Pas mal branlé, mais un peu timoré comme souvent dans ces films indy-mais-pas-trop.

Mean streets, Scorsese, 1976
While we’re young, Baumbach,2014
Nebraska, Payne, 2013

mardi 12 mars 2019

Ecran total

Alors que les jeunes de la planète entière ont visiblement lâché l’affaire pour le climat (ah non, ils étaient probablement en train de profiter de la nature préservée dans un festival techno de la plus haute teneur écologique), rappelons-nous quand même que ce ne sont que des ados merdeux qu’il faut remettre dans le droit chemin, bon sang.

The miseducation of Cameron Post parle exactement de ça : Cameron se fait choper sur le siège arrière d’une bagnole avec la prom queen de son école. Pas bien. Pour le soigner de cette maladie, on l’envoie en cure de reconversion, genre de camp scout homophobe (pléonasme ?) pour lui redonner goût à la saucisse de Francfort. Alors ça marche moyen – déjà, on peut questionner l’idée géniale de rassembler tous ces petiots en chambrée non-mixtes. Car la nuit, Satan l’habite. Bref. Filmé de manière plutôt documentaire, sans vraiment de visibilité sur les intérieurs, on en apprend peu sur ce que peut ressentir une personne à qui on inflige ce genre de chose. On flippe par contre pas mal en voyant les animateurs et les activités qu’ils proposent – des genres de thérapies de groupe punitives pour exorciser le SSA (same sex attraction pour ceux qui n’ont pas compris). C’est une fiction, mais la réalité ne doit pas être bien loin (on imagine même pire).  C’est assez beau, très matter-of-fact, sans pathos. D’autant plus glaçant que ça ne prend pas vraiment parti (en sous-main oui, mais pas dans la construction des personnages ou dans leur représentation) et qu’on se retrouve face à des personnages d’ados finalement assez cohérents et paumés mais face à des adultes qui n’ont pas l’air de piger grand-chose, si ce n’est qu’il faut éradiquer le péché. Si ces êtres ne faisaient pas autant de mal, on en aurait presque pitié finalement.

Même type de pensionnat, différente ambiance : Down a dark hall. Kit est une jeune fille (de 25 ans au moins) à problèmes. C’est vrai qu’à 25 piges en être encore à foutre le feu aux poubelles de l’athénée, c’est un peu embêtant. On l’envoie donc dans un pensionnat pour jeunes filles (de son âge, hein faut pas déconner) qui ont toute le même problème mais qui ont la chance d’être ultra bonnes comme la moyenne des ados le sont (haha).  Uma Thurman est la maîtresse de cette école atypique, qui se propose de prendre des jeunes à problème et de les transformer en artistes pour qu’ils puissent s’inscrire à l’ERG et faire une belle carrière à la smart faire profiter le monde de leur talent. Chacun trouve donc miraculeusement son truc, qui la peinture, qui le piano, qui les mathématique qui l’écriture (on pourrait faire une remarque pop-féministe que une matheuse pour trois artistes de salon, c’est peu mais bon). Tout ce génie, toute cette transe qui accompagne l’acte salvateur de création : c’est que du bonheur. Mais en fait non ! Un mystère profond et bizarre se cache derrière cette soudaine révélation du don ! Des visions étranges, des ombres qui filent derrière les portes, des balck-out inexpliqués : serait-ce un souvenir d’une mauvaise fin de soirée au Barlok ? Pas du tout ! C’est le diable, car comme dit plus haut, on constate souvent qu’un jeune génie, Satan l’habite. C’est un film plutôt honnête, qui essaie de faire ce qu’il peut avec ce qu’il a: une vision de l’art élaborée par Brenda, un cahier de charge à base de petites jupes d’écolière et beaucoup d’explosifs à placer. Bon, on ne s’ennuie pas trop, on rigole un peu et on en apprend sur l’éducation en tout cas !


Dernier pensionnat, pour les très grandes filles cette fois c, avec Unsane, une histoire d’asile qui tourne mal comme on les aime. Sawyer vient de déménager dans une nouvelle ville, pour commencer une nouvelle vie. Comme souvent, c’est à ce moment-là que les choses vont se gâter, mouahaha. Après une petite attaque de panique, elle se retrouve internée contre son gré, tout simplement. Dans un asile qui fait flipper à mort, la voilà aux prises avec ce qu’elle croit être son ancien stalker. Alors, dingo ou pas dingo ? Faut pas en dire plus, ce serait péché ! Le film est vraiment démentiel, filmé impeccablement, en raccord complet avec le sujet et les personnages, en mode paranoïa totale. Ça devient bien trash à la fin et on s’accroche un peu à son canapé, mais putain, qu’est-ce que c’est bien. Steve, you did it again !

The miseducation of Cameron Post, Akhavan, 2018,
Down a dark hall, Cortès, 2018
Unsane, Soderberg, 2018