mardi 24 novembre 2015

Southern Gothic

Ça fait un moment que je rassemble ce que je peux sur le Southern Gothic, un genre à l'allure bien bizarre comme il faut et dont j'ai encore du mal à définir les contours; ce qui est certain, c'est que les trucs épars rangés sous cette catégorie appartiennent à une culture mi-moite mi-dégueulasse qui me plaît bien. Je suis tombée par hasard sur ceci, qui me donne,Ô joie, la possibilité de m'adonner à ma monomanie secrète, le cycle de films thématique. Chic! Après les Fins de Monde(s) donc, les marais fangeux du Sud ( on appréciera la transition).

J'ai donc commencé dans le désordre, parce que j'suis trop rebelle, et maté The Beguiled, sympathique comédie des familles à la sauce sudiste. Au cours de la guerre civile, un pensionnat de jeunes filles ramasse un pauv' soldat nordiste blessé qui va petit à petit se faire une place dans leurs petits cœurs. Dans leurs culottes aussi, car ce bougre n'est non seulement pas reconnaissant pour un balle, mais va en plus foutre une merde improbable dans la tête de ces pauvres gamines qui découvrent à peine leurs ovaires. Le jeune beau, c'est Eastwood, déjà hyper BG malgré les favoris genre buisson nordique, mais bon. Le pensionnat, c'est une quinqua matronne, Martha, au passé amoureux, comment dire, douteux, accompagnée d'une assistante, Edwina, douce et innocente comme Miley Cirus circa 2007 (comprenez: on la sent déjà bien salace, dans le fond), qui gère une bande de micro-gourgandines en devenir (quand elles sont pas en train de dénoncer le Clint, elles essayent de se le choper, merci) avec l'aide de l’indispensable bonne noire (histoire de rappeler que c'est quand même un peu ça l'Histoire). Bon. Clint est d'abord tout sympa (normal, il est du Nord), civilisé et tout, et on croirait partir sur un enième film de l'ennemi-devenu-ami comme c'est mignon. Mais non! Le titre le dit bien: il va y en avoir un qui va se faire entuber par l'autre! Finalement, on a du mal à décider qui est le méchant: d'accord, Clint est un peu fourbe, mais les trois femmes qui en veulent à son corps ne sont pas forcément toutes blanches (sauf Edwina dont le seul défaut est d'être un peu con) puis elles y vont pas par quatre chemins: poussage dans l'escalier, coup de candélabre, amputation à la scie à métaux et j'en passe, jusqu'à une fin qui laisse au spectateur le soin de juger ces pauvres femmes. Visuellement, c'est un huis-clos dans une grande demeure type antebellum mythique, paumée dans un jardin un peu jungle, plein de lianes molles qui pendouillent et d'herbes qui envahissent tout avec un intérieur strictement organisé et rangé de jeunes filles comme il faut - allez, on va dire  que l'intérieur control freak VS l'extérieur sauvage est l'envers métaphorique du désir féminin froid dehors/chaud dedans. Allez, oui dis!

Pour continuer avec des gens qui découpent des autres au couteau, il y a Two Thousands Maniacs! qui ne fait pas officiellement partie de cette sélection, mais dont le titre avenant lui a fait trouver le chemin de mon cœur. C'est un peu un ancêtre de la réjouissante franchise Wrong Turn, puisque c'est via un mauvais tournant (indiqué par des chenapans de redneck tout en chapeau de paille et chemise de flanelle) que 6 amis (enfin, 4 et un groupe de 2) se retrouvent au milieu d'une teuf de village qui fait un peu penser à Calvaire, mais sous le soleil de Géorgie et de ses filles en jupons légers, arf. La ducasse en question célèbre un massacre dont on n'a pas bien suivi qui était qui, mais dont l'essentiel est qu'une partie a mis une branlée à l'autre pendant la guerre de Sécession, ce qui demande vengeance (ou célébration, va savoir). Cette célébration ne pouvant se faire sans un barbec digne de ce nom, nos pauvres Yankee sont, les uns après les autres, divertis, assaisonnés à l'alcool, puis débités de diverses manières (canif, hache, écartèlement par voie chevaline, pierre qui tombe et tonneau qui roule sans amasser ni mousse ni raison). D'un point de vue purement boucher, je doute de l'utilité de tels procédés - c'est sale, la viande est toute tendue - mais peut-être s'agit-il d'une technique propre à la cuisine du Sud, qui aime bien rouler sa viande dans tout un tas de trucs chelous avant de la grailler. Soyons honnête: c'est un film amusant, mais assez B (voire Z). Un peu fatigant aussi, puisque ça vocifère sans cesse, mais agrémenté d'un orchestre de banjo plein de sagesse dixie et d'hymnes à la gloire des Sudistes. Le bon vieux temps.

The Apostle est carrément d'une autre stature. Ça m'a fait penser à The Master (auquel je n'ai toujours pas tout compris). Bon, c'est plus linéaire: il s'agit d'un prédicateur showman taré, comme les States en produisent à la pelle, qui envoie une batte dans la tête du petit jeune qui lui a piqué sa femme et se retrouve un peu comment dire, en cavale. En cavale donc, notre ami qui n'a pas l'air de trouver contradictoire le fait d'être prêtre et assassin, échoue en Louisiane, autant dire au bout du monde, dans un patelin qui a visiblement besoin d'un gourou. Chic alors! Il va dès lors rebâtir son église et la munir d'un néon pas dégueu ( un peu phallique, à la réflexion)

Shiny!
Un des trucs qu'on apprend quand on fait du design ergonomique, c'est que si ça brille, les gens vont cliquer dessus y aller; Ils y vont donc, et toute cette petite communauté se construit à coups de prêches à moitié hystériques, de paraboles ultra malsaines et de métaphores qui l'auraient fait classer terroriste en moins de temps qu'il n'en faut pour dire "niveau 4". C'est Duvall qui réalise, écrit et joue le rôle-titre, tout est donc à sa mesure: gigantesque. Son personnage de prêcheur halluciné au-delà du bien et du reste, entre frénésies jouées et pures transes plutôt inquiétantes est physiquement éprouvant à regarder se désagréger; on a aussi du mal à se faire une idée claire du type. Il est dingue, c'est certain, mais jusqu'où responsable? Difficile à dire. La scène finale est de ce point vue un morceau de bravoure, tant à jouer probablement, qu'à regarder, ça dure, ça tire, on dirait que ça ne finira JAMAIS (vraiment, c'est un peu long en fait), on passe par tout un arc-en-ciel de délires apostoliques et religieux pas loin de la schizophrénie et on attend la délivrance. Comme lui. Ouf.

The beguiled, Siegel, 1971
2000 maniacs!, Lewis, 1964.
The apostle, Duvall, 1997


lundi 16 novembre 2015

Mazafaka (Jim, fais-moi mal)

Je me suis récemment replongée dans les bouquins de Jim Thompson, écrivain hard-boiled monstrueux qui a entre autres chié The killer inside me et The getaway, tous deux relativement bien adaptés, faut l'avouer (même si le premier repose surtout sur la petite moue d'Affleck, mais bon).  L'incroyable individu qui tient Polar and Co m'a intriguée récemment en me parlant d'une adaptation de Pop. 1280 par Tavernier appelée Coup de Torchon. Tavernier, du Thompson, m'écriai-je! Ça alors! Je me suis donc remise au travail et ai réuni quelques films adaptés de Thompson, histoire de voir si ça tient toujours aussi bien.

After dark my sweet est plutôt moyen: histoire d'un type à la masse séduit par une nana pas jouasse flanquée d'un oncle dégueulasse, et qui se retrouve embrigadé dans un kidnapping à deux vitesses qui tourne évidemment mal. Y'a une histoire de complot entre l'oncle et la meuf, un truc pas trop clair qu'on sait pas trop qui entube qui - surtout que le héros, qui joue au taré tout du long est en fait vachement malin. Héros typiquement thompsonien, le type ultra finaud qui joue au plus con (dans Pop. 1280,, The transgressors, et probablement dans plein d'autres bouquins) est ici joué par Jason Patric, pas mauvais mais un peu meh, comme on dirait. The Femme Fatale (Rachel Ward) , qui a un accent british à couper au couteau pour une raison obscure est elle aussi pas folichonne. L'oncle pervers est plus convaincant, avec ses grandes dents gluantes. Le film est pas mauvais, mais manque en fait d'une espèce de nervosité, de tension - tout est dans un truc un peu éthéré, aérien, ciel bleu et palmiers crevés. C'est mou quoi.

Série Noire est une adaptation de A hell of a woman ( Des cliques et des cloaques en VF), que je n'ai pas lu, mais qui a l'air bien sympathique. On y retrouve Patricke Dewaere, en Poupart, vendeur itinérant de banlieue parisienne minable, un pavillon à moitié moisi, une bagnole qui crachouille, un imper mal ceinturé; enfin, le bout du scotch. Survient Mona, petiote maqureautée par sa tantine en échange d'une robe de chambre molletonnée (c'est du joli) et qui ne lâche pour ainsi dire aucun mot du film, se contentant d'être là immobile et de faire la moue en attendant qu'un crétin la sauve. Ce crétin, c'est Poupart (Poupée pour les intimes) qui va se faire un plan dostoievskien (dézinguer la vieille pour lui piquer son blé et emporter la fille), plan qui va évidemment merder - Poupou est un peu concon, pas toujours très logique et en fait largement schizo sur les bords. Le film est assez génial et à plein de niveaux. Dewaere est incroyable, complètement en roue libre, entre fureur et paranoia, tendresse et barbarie absurde, il y a aussi Blier en boss mi-mafieux mi-molette qu'est pas chié. Les dialogues sont signés de Perec, du coup, c'est difficile de rater son coup. J'ai surtout retenu les insultes -"Pauv' type du dimanche!" "Trou du cul sans fesses!"- mais il y avait plein de trucs chouettes. Visuellement, c'est aussi bien foutu, musicalement impeccable. C'est marrant de voir comment la transposition du milieu redneck américain fonctionne vachement bien dans un truc style banlieue de Lille-Roubaix. Finalement, leur Sud, c'est notre Nord à nous. Mignon!

Coup de Torchon est également une transposition qui aurait pu être casse-gueule, puisqu'on passe d'une petite ville du Sud aux colonies françaises ( Sénégal il me semble). Pop.1280 ( Pop. 1275 en VF, parce que les traducteurs sont aussi super nuls en math) est un bouquin bien dégueulasse, avec un héros qui joue au con tout en tuant, niquant, trompant à tout va - et qui s'en tire toujours. Ici joué par Philippe Noiret (Lucien), parfait en béni de la crèche qui fout sa merde un peu partout. On voit aussi Eddy Mitchell en frère/amant de la femme de Noiret et Huppert, la maîtresse hystéro. L'atmosphère oscille entre nonchalance et trouille, un genre de mollesse qui sent un peu la mort dans le fond, ce qui colle bien avec le caractère de Lucien, gros nounours sociopathe. La musique de Sarde est d'ailleurs impeccable, sorte de jazz orchestral un peu gluant sur les bords - voilà, en fait, ça suinte ce film, et de partout. On fait d'ailleurs le lien avec Voyage au bout de la nuit et c'est pas tout à fait idiot, en tout cas pour l'aspect malsain et un peu moite, déliquescent des colonies.

Il y a d'autres adaptations, mais j'ai préféré voir Thompson en vrai, sa trogne ratatinée un peu chelou, qu'on aperçoit dans Farewell, my lovely, néo-noir adapté d'un type comme lui, Raymond Chandler, qui a créé le privé Philip Marlowe (qu'on retrouve dans The Big Sleep, film auquel je n'ai toujours rien pipé) et pas mal adapté dans les 40's puis dans les 70's. Dans celui-ci, Marlowe (le vieux Mitchum) doit retrouver une Velma qui fait un peu sa pute. Il croise toutes sortes de gens bizarres, dont un vieux juge (Thompson, donc) dont il tripote un peu en passant la jeune épouse (Rampling, pas mal du tout). Marlow a l'air d'être too old for that crap, et s'en prend plein la gueule - dont une mémorable branlée mise par une grosse infirmière néo-nazie flippante. Il en a marre, et d'ailleurs, rien ne se résout au final (comme ça, c'est dit). J'ai enfin pigé ce qu'était le néo-noir: c'est du noir, mais en couleurs et en plus déprimé. Un des tropes du genre étant l'idée d'un détective toujours un peu à la masse, alcoolo/dépressif, ici, c'est montré et affirmé - le privé n'est dans le fond qu'un type un peu bouffon, qui n'a plus rien à part "un chapeau, un imper et un flingue". Et même le pétard ne lui sert plus à rien, comme il le constate: "But, I'm the one with a gun! When you have a gun, people are supposed to do what you tell them". En vain: on est  en bout de course, en bout de monde pour un type paumé dans son imper minable. 

After dark, my sweet, Foley, 1990
Série Noire, Corneau, 1979
Coup de Torchon, Tavernier, 1981
Farewell, my lovely, 1975

mardi 10 novembre 2015

Ecran total

Ouah, qu'est-ce que ça a castagné cette semaine! Rien que des films avec des agents secrets-doubles-indahood! Pim! Paf! Ouch!

J'ai commencé avec Sicario, de ce cher Villeneuve que j'aime de plus en plus - mais là un peu moins quand même. Sicario parle de cartel et d'opération méga-top secrète autour de la frontière mexicaine, avec une jeune-agente-du-FBI-idéaliste-qui-doit-renoncer-et-faire-des-choix face à des coéquipiers-méga-burnés-mais-un-peu-chelous-quand-même-dis-donc. Une bonne vieille histoire de Juste VS Bon, la fin VS les moyens, l'Aile VS la Cuisse, enfin tout ça. Bon, le film est quand même ailleurs pour moi. Tout d'abord, cette petiote (Emily Blunt qui a un problème de soutif (??)) n'a à aucun moment le choix - elle se fait entuber dès le départ, et puis s'associer avec un Alejandro (Benicio, sérieux), franchement, même Lady Gaga l'avait prévenue. Enfin. D'ailleurs, il ne s'agit pas que d'une histoire de cartel, mais surtout d'une vengeance personnelle, idée que Villeneuve explore à plusieurs reprises ( Prisoners, Incendies, et d'une façon un peu bizarre Polytechnique) et qui donne à l'ensemble du film une lecture qui dépasse largement l'aspect dirty harry. Donc voilà: film sur le libre arbitre, le respect des règles, moui; mais pas que. Visuellement c'est très joli - dans la lignée des longs plans aériens sableux, du désert vide, des villes tentaculaires - avec un chouette son saturé sans trop de chichis, un rythme qui arrive à être lent mais nerveux. La scène de récupération du méchant au Mexique est très bien foutue (mis à part pour le côté placement de produit Chevrolet), tendue comme un zlip colombien (hint hint) et ultra dense. Après, il y a quelques trucs qui louchent parfois vers le blockbuster concon (Benicio seul contre tous, wouah!) mais pourquoi bouder son plaisir (finalement, hein).

Pour me remettre, j'ai maté Cobra, le bras droit de la loi qui fait mal. C'est un film plein de fougue et de Sly qui m'a rendue toute chose: quelle poésie sous ces muscles herculéens! Car Stallone ne se contente pas de faire des choses avec ses bras musclés, il fait aussi des trucs avec sa bouche (parler, on dit) et a probablement dû passer pas mal de temps avec un dictionnaire de rimes pour écrire les dialogues. C'est beau comme du Proust en moto. Comment résumer Cobra? Difficile. Il s'agit d'un jeune éphèbe épris de justice qui parcourt la vie dans une voiture (immatriculée "AWESOM 50") pourvue d'un accélérateur au nitrus et qui nique tout ce qui bouge et se gare sur les places handicapés indûment. Quel homme. Quand il s'agit de sauver Ingrid, mannequin qui cherche à se lancer dans le porbot (ou robno, du porno avec des robots, donc) mais qui pour le moment est poursuivie par une bande tueurs fous fans de Einstürzende Neubauten qui font de la zicmu avec des haches et des clés à molette, son sang (à Cobra) ne fait qu'un tour. Il saute sur sa moto, puis dans sa voiture, puis sur Ingrid en passant et va défourailler tous ces super-méchants (qui sont un peu cons, quand même). Cobra a une vision bien à lui de la justice (un peu comme Alejandro, tiens), qui ressemble à un gros tatouage sur le bras d'un fermier texan - dans un monde idéal, il précipiterait toute l'institution judiciaire dans la faillite la plus totale. C'est un foucaldien dans le fond, mais je l'ai toujours su. Bref. 

Histoire de faire pire, j'ai vu Stargrove et Danja, agents exécutifs (Stargrove et Danja.exe pour les intimes) dont le titre original est encore plus inexplicable que la traduction - Never too young to die (mais heu, en fait oui, non?). Un film proposé par cette méconnue institution sporadique bruxelloise les Films à deux balles, qui se réunit parfois, comme ça, sans prévenir, à la Porte Noire. Merci LFADB. Stargrove, un jeune homme sans histoires, découvre à la mort de son père que celui-ci ne travaillait pas pour une agence pétrolière en Libye (le métier le moins suspicieux du monde, c'est vrai) mais était en fait agent secret et partenaire d'une méga-bonnasse qu'il lui avait même pas présenté (pas cool). Face à lui, une bande de méchants, eux aussi fan de musique industrielle qui tache, habillés comme un groupe serbe de cover de Kiss/The Cure (oui, je sais, bizarre) et emmenés par un chef hermaphrodite, Velvet von Ragner (un mix de ragnagna et de Wagner, donc) qui fait (très fort) penser à Frank-N-Furter, joué par un Gene Simmons étonnamment agile en talons aiguilles. Von Ragner a dégommé le papa pour une affaire de disque qui devrait lui permettre de contaminer l'eau potable du monde entier - enfin un truc du style - mais le jeunot, après avoir découvert la planque de son vieux dans une ferme en Ohio, va s'associer avec Danja, la bonne donc, qui va, en passant, faire de lui un homme au cours d'une scène d'amour assez somptueuse, et va récupérer le disque - ou plutôt, régler le problème de la méga bombe en la jetant tout simplement par dessus bord; malin! C'est un nanard réel et sincère, et je l'ai trouvé beau dans la façon qu'il a d'aborder le monde en disant "Hello World! C'est moi! Je suis un film de merde et je m'en moque!". Rien de plus beau que l'acceptance. Le doublage est lui aussi riche de surprises dignes d'un Translator devenu fou - "Oh, je vais désactiver cette bombe, c'est super facile, tranche de cake" - à moins qu'il s'agisse de "tronche de cake"? Herméneutique, quand tu nous tiens... Il y a aussi des vrais moments de philosophie: on interroge son grrros Dasein ("Je suis sans doute un peu con, mais je comprends pas ce qu'on est venus faire dans cette galère"); on fait de la théorie du genre (" Tu es peut-être mi-homme, mi-femme, mais moi je suis un homme à part entière") et surtout, on offre à Cobra une réponse cinglante - en parlant des méchants: "Non, ce sont des victime de la société". Snif.

Sicario, Villeneuve, 2015
Cobra, Cosmatos, 1986
Never too young too die, Bettman, 1986

lundi 9 novembre 2015

This is 30(0)!




Protomartyr - I forgive you


samedi 7 novembre 2015

Fin(s) de mondes

Toujours l'apocalypse, avec une mauvaise pioche mais deux jolies surprises.

La mauvaise pioche, c'est Um filme falado, officiellement le truc le plus chiant que j'aie vu. Il s'agit, littéralement, d'"un film parlé": du coup, ça jacte, ça jacasse, ça bavasse, ça pérore pendant un peu plus d'une heure et demie sans que RIEN ne se passe. Le tout avec des voix blanches,  un peu désincarnées, se contentant de commenter le monde à la manière de personnages rohmérien sous Xanax (c'est dire!). L'idée était pourtant super sexy, on raconte le voyage d'une mère et sa fille qui vont du Portugal à Bombay en bateau (un de mes rêves humides). Il aurait pu se passer plein de trucs, des histoires familiales, des révélations de secrets, des rencontres inopinées, des vérités au sel marin, mais putain il ne se passe RIEN (au risque de me répéter). La nana se contente de balader sa gamine dans des lieux historiques pour lui apprendre genre l'histoire des civilisations, qu'elle lui débite sur un ton de prof neurasthénique (" Ici ce sont les pyramides", "Voilà Pompéi" "Tiens, allons parler à ce prêtre orthodoxe" rhaaaaaa). La mioche est visiblement elle aussi gavée de calmants pour poneys hyperactifs et pose des questions sans jamais avoir l'air de se faire chier ("C'est quoi une civilisation?" "C'est quoi un pharaon?" "C'est quoi un prêtre orthodoxe?" gnéééééééé), encore une représentation super réaliste d'un chiard de 8 ans, tiens. A un moment, cette visite guidée (une de mes phobies pas secrètes) s'achève enfin, ouf, mais pour se changer en conversation ultra chiante entre trois bonnes femmes et un John Malkovitch dont on se demande quoi, comment et wtf. Ils parlent tous dans des langues, mais se comprennent, comme c'est touchant et trop soutenu par la commission européenne, mais on aurait préféré ne rien comprendre tellement c'est soporifique. Heureusement, tout se termine par une bonne vieille bombe (oups, spoiler pas alerte) qui fait tout péter et donne à cet ennui la fin qu'il mérite. 

La belle endormie est un film où il se passe des trucs, lui. Et plein de trucs. Autour d'une affaire de fin de vie ultra-médiatisée dans l'Italie contemporaine, des vies s'entremêlent, se castagnent gentiment et se perdent pour finir. La belle endormie, c'est une fille dans le coma depuis 17 ans qu'on veut débrancher, présence médiatico-fantomatique qu'on ne voit jamais. Autour de ça s'excitent tout un tas de gens - des cathos, des schizos, des sénateurs patauds, chacun avec son drame, ses excuses et sa trouille de la mort. Il y a une vraie endormie, droguée/suicidaire de son état, qui pose elle aussi la question de l'injonction postmoderne à vivre et à en plus aimer ça. Il y a une autre endormie  qui paralyse une famille entière malgré elle et qui transforme la vie de ceux qui l'entoure en une sorte de mort diffuse. Il y a enfin une morte endormie, par choix, mais dont l'ombre, enroulée dans les non-dits familiaux, porte toujours sur la vie de ceux qui restent. C'est à la fois politique, philosophique, religieux mais c'est surtout ultra humain, tout près, au creux de la peau des protagonistes dont la chair vive est la seule réalité tangible. Bref, c'est beau. Et y a un petit barbu qui fait bien envie (aussi).

Toujours en Italie, Il ritorno di Cagliostro est un faux documentaire hilarant sur une maison de production sicilienne illustre et pourtant oubliée par l'histoire. Ça commence plutôt sérieusement, et pendant 5 bonnes minutes, on y croit: une bobine inédite d'un film trop célèbre a été retrouvée dans une brocante, tiens, faisons un documentaire sur cette histoire-du-cinéma-d'une-époque-oubliée-aujourd'hui - dans la veine du très bon  Cinema Komunisto - mais bon, au lieu d'archives d'époque, on a un film N/B avec une bande de bras cassés qui montent leur affaire avec un évêque du cru qui reçoit ses visiteurs flanqué de sa mamma qui lui tricote des chaussettes à longueurs de journées. Un autre indice qu'est c'est pour déconner, c'est qu'il y a des prêtres en soutanes qui swinguent dans l'antichambre. 

Hum. Le reste est totalement loufoque, entre interventions de personnages "réels" contemporains, comptes-rendus des déboires de ces pauvres frères La Marca et extraits de films super-Z. Le centre et l'apogée de cette histoire, c'est leur dernier film, Le retour de Cagliostro, sorte de Faust wellesien raté jamais fini, avec des acteurs locaux complètement freak, une star américaine alcoolo qui finit dans un asile et un conseiller de production spécialiste de magie noire qui vomit du blanc dans des moments d'inspiration trop intenses.Il y a plein de trouvailles géniales: du foutage de gueule du paradigme Leone (chacun tourne dans sa langue, tout ça) avec des acteurs qui ne pipent rien à l'anglais et qui jactent en sicilien, un mignon clin d’œil au rêve italien du cinéma d'exploitation, pas mal de vannes sur les bons vieux rednecks siciliens bouffés de religion; enfin, c'est très drôle.

Um filme falado, de Oliveira, 2003
Bella addormentata, Bellochio, 2012
Il ritono di Cagliostro, Cipri & Maresco, 2003

mardi 3 novembre 2015

Ecran total

Méga fan de Kristen Wiig, j'étais toute frétillante de savoir qu'elle avait commis un nouveau film, dont le pitch laissait entrevoir un truc possiblement bien taré: 
"When Alice Klieg wins the Mega-Millions lottery, she immediately quits her psychiatric meds and buys her own talk show."
Chic! Alors on ne sait pas trop de quoi souffre cette chère Alice, mais c'est sans importance. Prise dans un truc plutôt monomaniaque, c'est finalement une grande fille toute simple qui connaît par cœur toutes les émissions d'Oprah - qu'elle mate encore sur VHS, ce qui donne une meilleure idée du niveau. Bref, quand elle gagne des sousous, elle se paie son propre talk-show, dont on se doute qu'il va être un peu flippé - surtout avec un titre pareil. Welcome to me est donc un show qui parle d'Alice sous toutes ses coutures: ses recettes de cuisine, ses rêves, ses souvenirs d'enfance tout chelous, présentés via des dramatisations qui font bien peur et qu'elle peut commenter ( "le jour où ma pote m'a piqué mon maquillage"). Le film tient surtout au personnage d'Alice, (et Wiig impeccable) qui est hallucinante dans le genre total freak sans surmoi mais un truc se passe aussi avec le reste des personnages: ce n'est pas une vision si dichotomique style un taré/le reste du monde, puisque l'entourage n'est pas non plus bien net. Du producteur aux parents en passant par la meilleure pote et le psy même, y sont tous un peu barges à un certain niveau. Le résultat est un film qu'on regarde avec l'impression de voir un truc en train de sombrer sans vraiment de panache, un spectacle qui met un peu mal à l'aise sans qu'on sache pourquoi mais pas mal addictif dans le fond. Un film du samedi soir, quoi.

Eat est un des restes (haha) du dernier BIFF que j''ai retrouvé par hasard. On pourrait l'utiliser pour faire peur à ceux qui veulent devenir artistes: on finit par s'en bouffer les doigts (littéralement). Nous voyons ici une jeune actrice (Molly? Sally? Brenda?) partie-à-Hollywood-mais-qui-en-chie et qui se retrouve à se bouffer d'abord les ongles, puis finalement les bras, un peu les pieds enfin, bon, vous voyez le dessin. Les ongles arrachés étant une des rares choses que je ne supporte pas à l'écran, j'ai passé la nuit suivante à faire des rêves au dissolvant sans acétone (cela dit, c'est bien dissuasif pour ceux qui se rongent encore les mimines), d'autant plus qu'il y avait également une scène de bouffage de nichons, la deuxième chose que je peux pas voir alors bon, hein. Le reste du film est à la hauteur de ce qu'on peut espérer: c'est assez nul, mais divertissant. On a probablement fait exprès de prendre des actrices dont l'éventail de rôles correspond à celui d'une tortue japonaise naine - genre petite blague second degré - mais quelque chose me dit que c'est juste un mauvais film, avec des acteurs rescapés d'une poubelle porno abandonnée quelque part au bord d'un échangeur californien. Mention spéciale pour la meilleure amie à grosses burnasses et la proprio à petit chien ridicule.

On retrouve Jemaine Clement, moitié des génialissimes Fight of the Conchords (qui ont par ailleurs totalement disparu, peut-être bien mangés par eux-mêmes à force de désespoir) dans What we do in the shadows, un sympathique faux-docu sur la vie des vampires à Wellington, NZ, ville qui a l'air aussi active que Mons-sans-2015. C'est un peu un Friends version vampires: problèmes de coeur, de ménage, de loyer, de comment rentrer en boîte et de où trouver les meilleurs humains à bouffer - bref, des jeunes gens modernes. Comme on peut s'y attendre, il y a un allemand dans le tas et un type vaguement roumain ce qui donne l'occasion à une petite musique globalement balkanique (on aura reconnu la bosnian touch) en alternance avec des brandebourgeois mi-teuton mi-molette - mais rien d'original, dommage. Clement joue d'ailleurs si bien le moldave sexuel que je ne l'avais pas reconnu. Le tout est fait dans un genre très ironico-kaurismakien (plans fixes sous forme de tableaux keumiques, dialogues anti-climatiques, personnages flegmatiques) plutôt rigolo.

Welcome to me, Piven, 2014
Eat, Weber, 2014
What we do in the shadows, Clement & Waititi, 2014