samedi 7 novembre 2015

Fin(s) de mondes

Toujours l'apocalypse, avec une mauvaise pioche mais deux jolies surprises.

La mauvaise pioche, c'est Um filme falado, officiellement le truc le plus chiant que j'aie vu. Il s'agit, littéralement, d'"un film parlé": du coup, ça jacte, ça jacasse, ça bavasse, ça pérore pendant un peu plus d'une heure et demie sans que RIEN ne se passe. Le tout avec des voix blanches,  un peu désincarnées, se contentant de commenter le monde à la manière de personnages rohmérien sous Xanax (c'est dire!). L'idée était pourtant super sexy, on raconte le voyage d'une mère et sa fille qui vont du Portugal à Bombay en bateau (un de mes rêves humides). Il aurait pu se passer plein de trucs, des histoires familiales, des révélations de secrets, des rencontres inopinées, des vérités au sel marin, mais putain il ne se passe RIEN (au risque de me répéter). La nana se contente de balader sa gamine dans des lieux historiques pour lui apprendre genre l'histoire des civilisations, qu'elle lui débite sur un ton de prof neurasthénique (" Ici ce sont les pyramides", "Voilà Pompéi" "Tiens, allons parler à ce prêtre orthodoxe" rhaaaaaa). La mioche est visiblement elle aussi gavée de calmants pour poneys hyperactifs et pose des questions sans jamais avoir l'air de se faire chier ("C'est quoi une civilisation?" "C'est quoi un pharaon?" "C'est quoi un prêtre orthodoxe?" gnéééééééé), encore une représentation super réaliste d'un chiard de 8 ans, tiens. A un moment, cette visite guidée (une de mes phobies pas secrètes) s'achève enfin, ouf, mais pour se changer en conversation ultra chiante entre trois bonnes femmes et un John Malkovitch dont on se demande quoi, comment et wtf. Ils parlent tous dans des langues, mais se comprennent, comme c'est touchant et trop soutenu par la commission européenne, mais on aurait préféré ne rien comprendre tellement c'est soporifique. Heureusement, tout se termine par une bonne vieille bombe (oups, spoiler pas alerte) qui fait tout péter et donne à cet ennui la fin qu'il mérite. 

La belle endormie est un film où il se passe des trucs, lui. Et plein de trucs. Autour d'une affaire de fin de vie ultra-médiatisée dans l'Italie contemporaine, des vies s'entremêlent, se castagnent gentiment et se perdent pour finir. La belle endormie, c'est une fille dans le coma depuis 17 ans qu'on veut débrancher, présence médiatico-fantomatique qu'on ne voit jamais. Autour de ça s'excitent tout un tas de gens - des cathos, des schizos, des sénateurs patauds, chacun avec son drame, ses excuses et sa trouille de la mort. Il y a une vraie endormie, droguée/suicidaire de son état, qui pose elle aussi la question de l'injonction postmoderne à vivre et à en plus aimer ça. Il y a une autre endormie  qui paralyse une famille entière malgré elle et qui transforme la vie de ceux qui l'entoure en une sorte de mort diffuse. Il y a enfin une morte endormie, par choix, mais dont l'ombre, enroulée dans les non-dits familiaux, porte toujours sur la vie de ceux qui restent. C'est à la fois politique, philosophique, religieux mais c'est surtout ultra humain, tout près, au creux de la peau des protagonistes dont la chair vive est la seule réalité tangible. Bref, c'est beau. Et y a un petit barbu qui fait bien envie (aussi).

Toujours en Italie, Il ritorno di Cagliostro est un faux documentaire hilarant sur une maison de production sicilienne illustre et pourtant oubliée par l'histoire. Ça commence plutôt sérieusement, et pendant 5 bonnes minutes, on y croit: une bobine inédite d'un film trop célèbre a été retrouvée dans une brocante, tiens, faisons un documentaire sur cette histoire-du-cinéma-d'une-époque-oubliée-aujourd'hui - dans la veine du très bon  Cinema Komunisto - mais bon, au lieu d'archives d'époque, on a un film N/B avec une bande de bras cassés qui montent leur affaire avec un évêque du cru qui reçoit ses visiteurs flanqué de sa mamma qui lui tricote des chaussettes à longueurs de journées. Un autre indice qu'est c'est pour déconner, c'est qu'il y a des prêtres en soutanes qui swinguent dans l'antichambre. 

Hum. Le reste est totalement loufoque, entre interventions de personnages "réels" contemporains, comptes-rendus des déboires de ces pauvres frères La Marca et extraits de films super-Z. Le centre et l'apogée de cette histoire, c'est leur dernier film, Le retour de Cagliostro, sorte de Faust wellesien raté jamais fini, avec des acteurs locaux complètement freak, une star américaine alcoolo qui finit dans un asile et un conseiller de production spécialiste de magie noire qui vomit du blanc dans des moments d'inspiration trop intenses.Il y a plein de trouvailles géniales: du foutage de gueule du paradigme Leone (chacun tourne dans sa langue, tout ça) avec des acteurs qui ne pipent rien à l'anglais et qui jactent en sicilien, un mignon clin d’œil au rêve italien du cinéma d'exploitation, pas mal de vannes sur les bons vieux rednecks siciliens bouffés de religion; enfin, c'est très drôle.

Um filme falado, de Oliveira, 2003
Bella addormentata, Bellochio, 2012
Il ritono di Cagliostro, Cipri & Maresco, 2003

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