mardi 24 novembre 2015

Southern Gothic

Ça fait un moment que je rassemble ce que je peux sur le Southern Gothic, un genre à l'allure bien bizarre comme il faut et dont j'ai encore du mal à définir les contours; ce qui est certain, c'est que les trucs épars rangés sous cette catégorie appartiennent à une culture mi-moite mi-dégueulasse qui me plaît bien. Je suis tombée par hasard sur ceci, qui me donne,Ô joie, la possibilité de m'adonner à ma monomanie secrète, le cycle de films thématique. Chic! Après les Fins de Monde(s) donc, les marais fangeux du Sud ( on appréciera la transition).

J'ai donc commencé dans le désordre, parce que j'suis trop rebelle, et maté The Beguiled, sympathique comédie des familles à la sauce sudiste. Au cours de la guerre civile, un pensionnat de jeunes filles ramasse un pauv' soldat nordiste blessé qui va petit à petit se faire une place dans leurs petits cœurs. Dans leurs culottes aussi, car ce bougre n'est non seulement pas reconnaissant pour un balle, mais va en plus foutre une merde improbable dans la tête de ces pauvres gamines qui découvrent à peine leurs ovaires. Le jeune beau, c'est Eastwood, déjà hyper BG malgré les favoris genre buisson nordique, mais bon. Le pensionnat, c'est une quinqua matronne, Martha, au passé amoureux, comment dire, douteux, accompagnée d'une assistante, Edwina, douce et innocente comme Miley Cirus circa 2007 (comprenez: on la sent déjà bien salace, dans le fond), qui gère une bande de micro-gourgandines en devenir (quand elles sont pas en train de dénoncer le Clint, elles essayent de se le choper, merci) avec l'aide de l’indispensable bonne noire (histoire de rappeler que c'est quand même un peu ça l'Histoire). Bon. Clint est d'abord tout sympa (normal, il est du Nord), civilisé et tout, et on croirait partir sur un enième film de l'ennemi-devenu-ami comme c'est mignon. Mais non! Le titre le dit bien: il va y en avoir un qui va se faire entuber par l'autre! Finalement, on a du mal à décider qui est le méchant: d'accord, Clint est un peu fourbe, mais les trois femmes qui en veulent à son corps ne sont pas forcément toutes blanches (sauf Edwina dont le seul défaut est d'être un peu con) puis elles y vont pas par quatre chemins: poussage dans l'escalier, coup de candélabre, amputation à la scie à métaux et j'en passe, jusqu'à une fin qui laisse au spectateur le soin de juger ces pauvres femmes. Visuellement, c'est un huis-clos dans une grande demeure type antebellum mythique, paumée dans un jardin un peu jungle, plein de lianes molles qui pendouillent et d'herbes qui envahissent tout avec un intérieur strictement organisé et rangé de jeunes filles comme il faut - allez, on va dire  que l'intérieur control freak VS l'extérieur sauvage est l'envers métaphorique du désir féminin froid dehors/chaud dedans. Allez, oui dis!

Pour continuer avec des gens qui découpent des autres au couteau, il y a Two Thousands Maniacs! qui ne fait pas officiellement partie de cette sélection, mais dont le titre avenant lui a fait trouver le chemin de mon cœur. C'est un peu un ancêtre de la réjouissante franchise Wrong Turn, puisque c'est via un mauvais tournant (indiqué par des chenapans de redneck tout en chapeau de paille et chemise de flanelle) que 6 amis (enfin, 4 et un groupe de 2) se retrouvent au milieu d'une teuf de village qui fait un peu penser à Calvaire, mais sous le soleil de Géorgie et de ses filles en jupons légers, arf. La ducasse en question célèbre un massacre dont on n'a pas bien suivi qui était qui, mais dont l'essentiel est qu'une partie a mis une branlée à l'autre pendant la guerre de Sécession, ce qui demande vengeance (ou célébration, va savoir). Cette célébration ne pouvant se faire sans un barbec digne de ce nom, nos pauvres Yankee sont, les uns après les autres, divertis, assaisonnés à l'alcool, puis débités de diverses manières (canif, hache, écartèlement par voie chevaline, pierre qui tombe et tonneau qui roule sans amasser ni mousse ni raison). D'un point de vue purement boucher, je doute de l'utilité de tels procédés - c'est sale, la viande est toute tendue - mais peut-être s'agit-il d'une technique propre à la cuisine du Sud, qui aime bien rouler sa viande dans tout un tas de trucs chelous avant de la grailler. Soyons honnête: c'est un film amusant, mais assez B (voire Z). Un peu fatigant aussi, puisque ça vocifère sans cesse, mais agrémenté d'un orchestre de banjo plein de sagesse dixie et d'hymnes à la gloire des Sudistes. Le bon vieux temps.

The Apostle est carrément d'une autre stature. Ça m'a fait penser à The Master (auquel je n'ai toujours pas tout compris). Bon, c'est plus linéaire: il s'agit d'un prédicateur showman taré, comme les States en produisent à la pelle, qui envoie une batte dans la tête du petit jeune qui lui a piqué sa femme et se retrouve un peu comment dire, en cavale. En cavale donc, notre ami qui n'a pas l'air de trouver contradictoire le fait d'être prêtre et assassin, échoue en Louisiane, autant dire au bout du monde, dans un patelin qui a visiblement besoin d'un gourou. Chic alors! Il va dès lors rebâtir son église et la munir d'un néon pas dégueu ( un peu phallique, à la réflexion)

Shiny!
Un des trucs qu'on apprend quand on fait du design ergonomique, c'est que si ça brille, les gens vont cliquer dessus y aller; Ils y vont donc, et toute cette petite communauté se construit à coups de prêches à moitié hystériques, de paraboles ultra malsaines et de métaphores qui l'auraient fait classer terroriste en moins de temps qu'il n'en faut pour dire "niveau 4". C'est Duvall qui réalise, écrit et joue le rôle-titre, tout est donc à sa mesure: gigantesque. Son personnage de prêcheur halluciné au-delà du bien et du reste, entre frénésies jouées et pures transes plutôt inquiétantes est physiquement éprouvant à regarder se désagréger; on a aussi du mal à se faire une idée claire du type. Il est dingue, c'est certain, mais jusqu'où responsable? Difficile à dire. La scène finale est de ce point vue un morceau de bravoure, tant à jouer probablement, qu'à regarder, ça dure, ça tire, on dirait que ça ne finira JAMAIS (vraiment, c'est un peu long en fait), on passe par tout un arc-en-ciel de délires apostoliques et religieux pas loin de la schizophrénie et on attend la délivrance. Comme lui. Ouf.

The beguiled, Siegel, 1971
2000 maniacs!, Lewis, 1964.
The apostle, Duvall, 1997


Aucun commentaire: