mardi 10 novembre 2015

Ecran total

Ouah, qu'est-ce que ça a castagné cette semaine! Rien que des films avec des agents secrets-doubles-indahood! Pim! Paf! Ouch!

J'ai commencé avec Sicario, de ce cher Villeneuve que j'aime de plus en plus - mais là un peu moins quand même. Sicario parle de cartel et d'opération méga-top secrète autour de la frontière mexicaine, avec une jeune-agente-du-FBI-idéaliste-qui-doit-renoncer-et-faire-des-choix face à des coéquipiers-méga-burnés-mais-un-peu-chelous-quand-même-dis-donc. Une bonne vieille histoire de Juste VS Bon, la fin VS les moyens, l'Aile VS la Cuisse, enfin tout ça. Bon, le film est quand même ailleurs pour moi. Tout d'abord, cette petiote (Emily Blunt qui a un problème de soutif (??)) n'a à aucun moment le choix - elle se fait entuber dès le départ, et puis s'associer avec un Alejandro (Benicio, sérieux), franchement, même Lady Gaga l'avait prévenue. Enfin. D'ailleurs, il ne s'agit pas que d'une histoire de cartel, mais surtout d'une vengeance personnelle, idée que Villeneuve explore à plusieurs reprises ( Prisoners, Incendies, et d'une façon un peu bizarre Polytechnique) et qui donne à l'ensemble du film une lecture qui dépasse largement l'aspect dirty harry. Donc voilà: film sur le libre arbitre, le respect des règles, moui; mais pas que. Visuellement c'est très joli - dans la lignée des longs plans aériens sableux, du désert vide, des villes tentaculaires - avec un chouette son saturé sans trop de chichis, un rythme qui arrive à être lent mais nerveux. La scène de récupération du méchant au Mexique est très bien foutue (mis à part pour le côté placement de produit Chevrolet), tendue comme un zlip colombien (hint hint) et ultra dense. Après, il y a quelques trucs qui louchent parfois vers le blockbuster concon (Benicio seul contre tous, wouah!) mais pourquoi bouder son plaisir (finalement, hein).

Pour me remettre, j'ai maté Cobra, le bras droit de la loi qui fait mal. C'est un film plein de fougue et de Sly qui m'a rendue toute chose: quelle poésie sous ces muscles herculéens! Car Stallone ne se contente pas de faire des choses avec ses bras musclés, il fait aussi des trucs avec sa bouche (parler, on dit) et a probablement dû passer pas mal de temps avec un dictionnaire de rimes pour écrire les dialogues. C'est beau comme du Proust en moto. Comment résumer Cobra? Difficile. Il s'agit d'un jeune éphèbe épris de justice qui parcourt la vie dans une voiture (immatriculée "AWESOM 50") pourvue d'un accélérateur au nitrus et qui nique tout ce qui bouge et se gare sur les places handicapés indûment. Quel homme. Quand il s'agit de sauver Ingrid, mannequin qui cherche à se lancer dans le porbot (ou robno, du porno avec des robots, donc) mais qui pour le moment est poursuivie par une bande tueurs fous fans de Einstürzende Neubauten qui font de la zicmu avec des haches et des clés à molette, son sang (à Cobra) ne fait qu'un tour. Il saute sur sa moto, puis dans sa voiture, puis sur Ingrid en passant et va défourailler tous ces super-méchants (qui sont un peu cons, quand même). Cobra a une vision bien à lui de la justice (un peu comme Alejandro, tiens), qui ressemble à un gros tatouage sur le bras d'un fermier texan - dans un monde idéal, il précipiterait toute l'institution judiciaire dans la faillite la plus totale. C'est un foucaldien dans le fond, mais je l'ai toujours su. Bref. 

Histoire de faire pire, j'ai vu Stargrove et Danja, agents exécutifs (Stargrove et Danja.exe pour les intimes) dont le titre original est encore plus inexplicable que la traduction - Never too young to die (mais heu, en fait oui, non?). Un film proposé par cette méconnue institution sporadique bruxelloise les Films à deux balles, qui se réunit parfois, comme ça, sans prévenir, à la Porte Noire. Merci LFADB. Stargrove, un jeune homme sans histoires, découvre à la mort de son père que celui-ci ne travaillait pas pour une agence pétrolière en Libye (le métier le moins suspicieux du monde, c'est vrai) mais était en fait agent secret et partenaire d'une méga-bonnasse qu'il lui avait même pas présenté (pas cool). Face à lui, une bande de méchants, eux aussi fan de musique industrielle qui tache, habillés comme un groupe serbe de cover de Kiss/The Cure (oui, je sais, bizarre) et emmenés par un chef hermaphrodite, Velvet von Ragner (un mix de ragnagna et de Wagner, donc) qui fait (très fort) penser à Frank-N-Furter, joué par un Gene Simmons étonnamment agile en talons aiguilles. Von Ragner a dégommé le papa pour une affaire de disque qui devrait lui permettre de contaminer l'eau potable du monde entier - enfin un truc du style - mais le jeunot, après avoir découvert la planque de son vieux dans une ferme en Ohio, va s'associer avec Danja, la bonne donc, qui va, en passant, faire de lui un homme au cours d'une scène d'amour assez somptueuse, et va récupérer le disque - ou plutôt, régler le problème de la méga bombe en la jetant tout simplement par dessus bord; malin! C'est un nanard réel et sincère, et je l'ai trouvé beau dans la façon qu'il a d'aborder le monde en disant "Hello World! C'est moi! Je suis un film de merde et je m'en moque!". Rien de plus beau que l'acceptance. Le doublage est lui aussi riche de surprises dignes d'un Translator devenu fou - "Oh, je vais désactiver cette bombe, c'est super facile, tranche de cake" - à moins qu'il s'agisse de "tronche de cake"? Herméneutique, quand tu nous tiens... Il y a aussi des vrais moments de philosophie: on interroge son grrros Dasein ("Je suis sans doute un peu con, mais je comprends pas ce qu'on est venus faire dans cette galère"); on fait de la théorie du genre (" Tu es peut-être mi-homme, mi-femme, mais moi je suis un homme à part entière") et surtout, on offre à Cobra une réponse cinglante - en parlant des méchants: "Non, ce sont des victime de la société". Snif.

Sicario, Villeneuve, 2015
Cobra, Cosmatos, 1986
Never too young too die, Bettman, 1986

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