mardi 13 mai 2014

Brazil (1985)

A pas mal d'égards, Brazil est un peu LE film dystopique par excellence: il englobe une série de thèmes, évoque un ensemble de questions et donne une réalisation plastique très complète d'un univers complètement autre tout en étant terriblement nôtre.

En dehors des évidentes thématiques contre-utopiques (la bureaucratie toute puissante, l'administration tentaculaire, le côté aveugle et arbitraire de la mécanisation des relations humaines) et d'une ligne narrative plutôt classique (un type appartenant au système finit par s'y opposer à la suite d'une série de circonstances fâcheuses, d'un enchaînement à la hauteur de l'absurdité générale qui règne et surtout, surtout, d'un amour immémorial retrouvé), c'est surtout le côté plastique qui m'a le plus touchée cette fois-ci.

D'abord, il y a des tuyaux, littéralement partout: dans chaque pièce, raccordés à chaque machine, serpentant sur le sol attachés à des aspirateurs géants, envahissants progressivement l'appartement de Sam et même dans la scène de fuite, entassés le long d'un mur qui permettra à Sam de s'enfuir par une porte dérobée. 

Les tuyaux, certes, mais aussi des machines, bizarres, avec toute une mécanique à l'air, jamais de capot qui cache, toujours des petites constructions, à tendance organique, avec des petites têtes, des petites membres, pas loin des vision bizarres du Festin Nu. La respiration de l'air conditionné et ses bruits d'estomac va dans ce sens. Les machines sont aussi des petites parties d'un ensemble bien huilé, d'une mécanique universelle qui organise le temps - pas loin de Tati, par exemple dans la scène de réveil - et l'espace: tatiesque aussi, la scène du bureau qui se déplace (le ridiculously tiny office de Ted?).

Des mini-machines, des mégas-tuyaux et tout ça dans des décors vertigineux, des gratte-ciel constructivistes en plongé/contre-plongé, entre lesquels serpentent les voitures et s'envole le plombier anarchiste. Je n'avais jamais remarqué à quel point les décors semblent sortir d'une scénographie d'opéra: surtout dans les scènes oniriques, où on est pratiquement dans du théâtre de mime.

Il y a enfin la série de déformations: celle des machines, déjà mentionnée, celle des décors, démesurés et celle des visages: du visage de la mère, qui passe par tous les états, au masque de tortionnaire chinois, en passant par les monstres chuckyesque des rêves de Sam, tout tourne autour du difforme, mais pas au point d'être inhumain: c'est le petit écart à la réalité, le pas en dehors du normal qui est intéressant.

Après il y a en vrac: un ministère qui s'appelle le M.O.I., des policiers qui répètent des chants de Noël, des ouvriers métallos qui jouent au volley-ball, un plombier qui disparaît étouffé par trop de formulaires et un conseil: ne jamais se foutre du petit personnel. C'est finalement lui qui vous mettra dedans.


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