Parce qu’on
a envie d’être un peu dark en ce début d’année au milieu des bisous et des
retours au bureau plein de gens extatiques qui ont l’air d’avoir pris 20 bites
dans le cul pendant les vacances tellement ils sont contents, on regarde des
films un peu noirs. Bon, pas tous, mais un peu quand même.
Nocturnal animals est un truc sur lequel je suis tombé
dans ma quête du Michael Shannon parfait : celui-ci s’en approche, à cause
du chapeau de cow-boy et de la moustache, mes deux accessoires préférés de
2017. L’intrigue est relativement simple : Susan reçoit le manuscrit du
roman de son ex, Edward (Gyllhenhaal), pas vu depuis 20 ans. Elle le lit et ça fait bizarre. Le roman du
manuscrit est lui aussi transposé à l’écran, d’où un typique
récit-dans-le-récit ou, comme on dit quand on aime se branler le
cortex, une mise en abyme. Le récit intérieur est plutôt chouette puisqu’il
raconte une vengeance dans le Texas profond, avec Shannon en cow-boy phtisique
trop classe. Un jour, au bord d’une autoroute, une mauvaise rencontre et c’est
la fin. Ne reste qu’un homme seul, privé d’une certaine justice et une
culpabilité qui finira dans le sang. Le récit-cadre est celui de la relation
entre Susan et Edward : comment ça commence, comment ça merde, comment ça
finit. L’intérêt étant d’avoir choisi les même acteurs pour interpréter les
héros des deux récits, histoire d’avoir un parallélisme visuel. C’est pas
inintéressant car le récit intérieur est plutôt classe mais le rapport avec le
cadre est parfois un peu mince, flou,
pas tellement pertinent. On voit bien qu’on a essayé d’intriquer les choses le
plus possible, histoire de créer une confusion entre les deux mais ça reste un
peu déconnecté – sauf vers la fin et les 15 dernières minutes sont juste
sublimes. A part ça, belle moustache, comme dit plus haut, beaux paysages et
Michael Shannon (what else?)
I used to be darker est un film de Porterfield, à qui on
doit aussi Putty Hill (que j’ai emmené voir un pote qui depuis refuse de
retourner au cinéma avec moi) et les films se ressemblent sur le fond et
sur le traitement : tranche de vie sans pathos d’une explosion lente dans
l’indifférence totale du temps qui passe et l’immobilité des corps. Voilà. Non,
en fait ça raconte l’histoire d’une jeune irlandaise perdue en Amérique,
enceinte et qui va squatter chez sa tante laquelle, pas de bol est justement en
train de se séparer de son mari. Leur fille n’est pas super fan, le mari pas
content non plus et tout ça n’est pas très drôle. Sans grand cri et sans
hystérie, dans une violence contenue, on récupère les affaires des uns et des
autres, on part en claquant la porte, on pleurniche un peu. On joue aussi
beaucoup de chansons tristes sur sa guitare puisque les deux sont chanteurs
folkeux vaguement inspirés. Du coup, il y a beaucoup de chansons, parfois un
peu longues, parfois un peu nimp et qui fatiguent. Ça reste joli à voir, et
puis ça nous change un peu de This is Us,
la série-sur-des-histoires-de-familles qui te fait chialer pendant 10h sans
discontinuer.
Le grand soir n’est pas vraiment un film noir mais
un peu quand même – et puis il y a le mot soir dans le titre et qui dit
soir dit noir (qui dit Le Soir par contre, dit trou noir). On nous raconte l’histoire de
deux frères, un punk (Poelvoorde) à
chien et un mec bien (Dupontel), lequel va finir par péter un câble et
abandonner canapé et matelas à mémoire et forme et devenir lui aussi clodo et
libre. C’est beau. Tout se passe sur un grand zoning, sorte de friche
industrielle plantée de grands magasins flippants, de Flunchs et de Castorama à
l’infini autour desquels se déroulent des routes parsemées de ronds-points
décorés d’œuvres artistique financées par la région Wallonne (enfin, on dirait).
L’espace choisi rend les choses intéressantes plus que le duo
Poelvoorde/Dupontel ou que l’opposition punk/square. On évolue constamment
entre les différentes parkings, les allées de magasins et les caméras de
surveillance. On se construit des abris sur les terre-pleins et on se déplace
en caddie. Comme pour les autres films de Delépine et Kervern, il y a une vraie
construction d’un principe qui gère tout le film et pas seulement un long sketch un peu rigolo avec l’accent
belge. Ici, c’est la banlieue à l’américaine et son anonymat désespérant, ce
vide postmo fait de pavillons et de berlines, dont parle de manière absolument
fulgurante et génialissime Fanny Taillandier dans Les Etats et empires du Lotissement Grand Siècle –probablement le
meilleur livre de 2016 et de 2017 et de 2018 d’ailleurs.
Nocturnals
animals, Ford, 2016
I used to be
darker, Porterfield, 2013
Le grand soir, Kervern et Delépine, 2012
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