vendredi 28 avril 2017

Ecran total

Dans les brumes glaciales du mois d'avril parfois se dresse l'espoir. Et parfois c'est la tronche du prochain banquier à la tête de la France et on a tous envie de se tirer une balle à bout portant entre les deux yeux. C'est la merde et vous voulez des vacances? Rien de plus simple, devenez un fantôme! Vous pourrez toujours avoir des amoureux virtuels, taper la discute avec votre sista et faire des calinous à vos enfants, yo.

Her, c'est un peu l'histoire d'une relation fantôme. Ou comment une technologie trop de la balle arrive à créer des AI (ici sous forme d'OS, on se demande si quelqu'un s'est pas planté dans le scénar') qui sont trop naturelles et qu'ont des voix qui sentent le sexe: trop ouf. Le pauvre Theo a une vie pas si mal: il écrit des lettres d'amour pour des gens qu'il ne connaît pas, a un appartement trop beau et une voisine hystéro trop mignonne. Ses fringues craignent un peu mais bon. Est-ce une raison pour avoir envie de sortir avec un fantôme in da cloud? Pourtant pas prévu, Théo s'achète un OS trop chou qui lui écrit des morceaux de musique et organise ses mails: tout ce qu'on attend d'une femme quoi. Il en tombe donc amoureux comme à 17 ans et décide de faire fi de la morale et de tout le reste: son OS, il l'aime et il va le faire savoir. Le film est super bien foutu du point de vue visuel avec une atmosphère un peu futuristo-pastel dans des tons rose, mauve, bleu clair ce qui change des ambiances métallisées habituelles, une bande-son un peu cotonneuse, des jeux d'acteurs très retenus, un peu lents, des voix toujours un peu douces, presque un chuchotement dans une lumière de fin de journée. Au niveau du scénario, c'est parfois un peu étrange – surtout quand on pense à l'état des AI pour le moment – mais c'est finalement plus une histoire de rencontre, de deuil, de vie quoi.

Les relations fraternelle par fantôme interposé, c'est Personal Shopper un truc assez foutraque à la base mais en fait super cohérent quand on y pense. Maureen est personal shopper pour une nana super riche qui n'a pas que ça à foutre que s'acheter ses culottes elle-même. Un métier passionnant s'il en est: aller chercher des fringues, ramener des fringues, choisir des fringues, prendre le train avec des fringues, et regarder des photos de fringues. Hum. C'est un job dont rêve un bon nombre de pisseuses/blogueuses de mode et pourtant, pour Maureen, c'est un truc purement alimentaire. Son truc dans la vie, c'est parler aux fantômes et surtout, celui de son frère jumeau, mort sans prévenir à 27 ans. Vu comme ça, on se dit: what? Un film sur l'identité, le deuil, le vide des existences modernes ET un film avec des maisons hantées et des ectoplasmes qui apparaissent en faisant Bouh!? Mais comment? Hé ben oui! C'est super bien fait et dans le fond très logique – à la recherche d'un fantôme ou d'un signe, Maureen est une sorte de fantôme qui remplace une femme dans ses fringues qu'elle ne la verra jamais porter, une femme d'ailleurs toujours absente – comme un fantôme quoi – qui n'apparaît que par petite lettre laissées ça et là. L'intrusion du fantastique est vraiment bien faite, avec une très jolie tension, pas de raté dans le visuel ectoplasmique (je sais pas comment dire ça autrement) et pas mal de finesse dans les émotions.

Dans Good Night Mommy, le fantôme c'est Maman.
Goodnight, momie!
Elias et Lucas ne reconnaissent plus leur môman après une opération esthétique (il faut dire qu'elle fait un peu peur à la base déjà). Alors passer tout l'été dans une bicoque style rêve mouillé de fan d'Ikea au milieu de la campagne autrichienne, heu bof. Le doute s'installe et avec lui, des mauvaises idées: faisons-lui cracher où elle a caché notre vraie maman. En voilà une idée qu'elle est bonne. Dans un premier temps c'est un film qui fait un peu Haneke – des relations qui ont l'air bien glauques entre une mère et ses deux fils, un peu d'hystérie obsessionnelle, pas beaucoup d'affection et une ambiance familiale plutôt pourrie dans le genre janséniste. Puis vient la bonne idée – faisons- lui cracher le morceau et là on tombe dans un film plutôt gore, complètement fascinant du genre qui te cloue dans ton pauvre fauteuil en répétant wtf mais wtf mais wtf.

Des images très jolies super flippantes, avec des jolies idées de trucs flous en fond sur les murs qui contribuent à créer ce truc fantomatique au niveau apparence/identité (à voir avec le twist final, super joli coup!). Esthétiquement, c'est fort dans la lignée de Seidl qui produit d'ailleurs le film – plans fixes, verticaux, images brutes, sans mouvement ou grossissement. Un truc hiératique et froid avec très peu de mots.

Her, Jonze, 2013
Personal Shopper, Assayas, 2016
Good night Mommy, Franz & Fiala, 2015

Aucun commentaire: