samedi 12 décembre 2015

Southern Gothic

Les films de cette fournée m'ont confirmé qu'il y avait bien quelque chose de pourri dans le Sud - et pas seulement leur cuisine à base de friture plongée dans la graisse de baleine. 

Intruder in the dust est un genre de To kill a mockingbird, (lu mais pas vu)  mais ramassé en une nuit, ce qui en fait un film agréablement court - j'arrive à l'âge où c'est ma prostate qui décide de ce que je regarde. On y voit un petit groupe d'irréductibles protéger un pauv'noir accusé à tort et à travers, mais qui pour une raison inconnue, continue à dire qu'il est coupable. Sa seule explication à ce geste somme toute complètement crétin c'est "Même si j'avais dit que j'étais innocent, m'auriez-vous cru?" Merci l'hystérique. Bref. Une petite mamy trop rock'n'roll qui tient une foule sanguinaire à distance armée seulement de son tricot (trop fort), un jeunot blondin à mèche tendance bieberienne et un avocat pas super niveau moral vont donc sauver ce brave type, qui est clairement joué par un acteur pas noir passé à la suie - Griffith nous voici - très crédible donc. Le film n'est pas mauvais dans le fond, ne s'étend pas trop sur la morale mais joue plus sur l'aspect enquête in ze naïte of ze marais in da hood. Il y a quelques scènes de foule intéressantes, dans le genre pression silencieuse  plutôt qu'armée barbare, qui rendent bien et la nuit qui constitue l'élément principal - recherche de la vérité qui éclaire tout ça - donne l'occasion de quelques très jolies images. Moralement, c'est un peu quichon: les faibles (femmes, enfants) se dressent contre les forts pour sauver des encore plus faibles. Bon, bon, bon.

Moralement, Mandingo est carrément plus trash, voire assez atroce. Étymologiquement, un mandingo est un esclave noir bien membré qui sert plus ou moins de giton à qui en veut - je vous laisse le plaisir de googliser vous-même ce terme pour découvrir sa postérité, c'est instructif. Adapté d'un livre, ce film raconte surtout une histoire de triangle (enfin, de rectangle dans ce cas-ci, voire de polygone irrégulier) amoureux dans la Louisiane circa 1840 - une chouette époque pour être noir, dis donc. Le vieux Maxwell veut que son rejeton, Hammond lui fasse une chiée de mômes qui puissent continuer à exploiter, vendre et torturer les générations d'esclaves à venir. Hammond traîne un peu la patte aussi bien littéralement que figurativement - typique, le personnage estropié un peu rabougri de la life - car il préfère en fait les petites (TRÈS petites) esclaves, à qui il dispense sa virilité à tout va, mettant donc la main à la pâte pour faire grandir l'exploitation familiale. C'est beau, la dévotion filiale. Mais c'est sans compter sur les convenances qui lui feront épouser sa cousine Blanche (finesse symbolique, quand tu nous tiens...), histoire que ça reste dans la famille, Blanche que son propre frère a eu la gentillesse de déniaiser se révèle être une bipolaire tendance fer à friser. D'autant plus que ce cher Hammond continue à folâtrer avec une petiote - il peut de son papa, alors ça va - ce qui va plonger notre jeune épouse dans un tourment qui la fait coucher avec quelqu'un d'autre (comme c'est pratique!). L'adultère sera révélée par une naissance quelque peu, comment dire, bigarrée - Blanche a oublié son stérilet dans les douches de la piscine. C'est ballot! Mais je m'emballe, et j'en dis trop, alors j'arrête. C'est un film ultra-chelou, visiblement du côté des esclaves, mais avec un goût pour le sadisme - faire bouillir des gens dans des marmites, franchement - qui nous fait un peu douter. C'est ce qui en fait son pur southern gothisme probablement: parler d'un truc uber bizarre de manière suffisamment biscornue pour paumer son chaland, chapeau!

Reflections in a golden eye tourne aussi autour d'une configuration amoureuse complexe, mais sans noir. Il y a une Leonora (Liv Taylor superpouffe) qui se fait chier pendant que son major de mari  (Brando, problème de diction?) dirige des trucs - quoi, bonne question - dans un fort quelque part dans le Sud. Vu le nombre de femmes dans ce genre d'endroit, Leonora peut faire sa grosse bonasse mais choisit de se taper un Morris plus vieux, plus moche et qu'a pas l'air bien finaud. Hum. En plus, Morris est flanqué d'une femme bipolaire (décidément) enfermée avec son valet philippin (personnage trop adorable que j'ai longtemps pensé japonais) à longueur de journée et qui finit par le menacer (Morris, pas le Philippin) de filer pour partir vivre sur un bateau huîtrier - ou un truc du genre. Là-dessus se greffe un soldat muet tendance serial killer qui renifle les culottes des gens la nuit, et qui va foutre un peu la merde - on retrouve plus sa culotte le lendemain, tout ça. Le tout est traité en jaune/orangé - le golden eye du titre, en fait celui d'un paon peint par l'homme de chambre philippin - qui fatigue un peu. Il semblerait que pour la sortie officielle, Huston ait abandonné cette idée, on comprend, ça a dû plaire moyen à l'époque. Personnellement, ça m'a pas perturbée plus que ça mais c'est pas forcément joli. La situation en huis-clos permet une série de plans d'espionnage à la fenêtre, de silhouettes qui fuient dans la nuit qui font un peu noir, et puis comme The Beguiled, pas vraiment de prise de position morale: y'a un côté fin de race perdu au bout du monde pas mal.

Intruder in the dust, Brown, 1949
Mandingo, Fleischer, 1975
Reflections in a golden eye, Huston, 1967

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