samedi 24 octobre 2015

Fin(s) de mondes

Toujours occupée à scruter la fin du monde, j'ai vu trois trucs complètement surprenants. 

Ce vieux rêve qui bouge est un film en forme de faux documentaire sur une usine qu'on démonte. Il s'agit des aciéries du Tarn - pastis, donc - dans lesquelles débarque un petit jeunot, mécanicien nomade venu démonter une machine. Seul dans un hangar vide, il s'active pour récupérer les derniers bouts encore utilisables d'une affaire classée. Au passage, il discute, rencontre, parlote, boit des coups avec les types du coin, une petite troupe décimée de travailleurs plutôt désabusés, pas révoltés, qu'on sent fatigués d'une agonie qui n'en finit pas. Tout ça n'est pas bien joyeux. J'adore les histoires de crépuscules industriels, de démontage de morceaux de tôle rouillée - LA séquence du chantier de démontage de bateaux au  Pakistan de Manufactured Lanscapes - et c'est ici impeccablement travaillé dans des tons rouges/orange, une lumière de fin de journée qui n'en finit pas de finir, un ensemble vaguement rouillé, ocre, terreux. Et puis les conversations entre deux boulons, toujours d'un jeu un peu blanc, déclamatoire, des commentaires parfois un peu désincarnés, las. Il y a aussi une histoire de désir étrange qui s'immisce entre les failles - parfois l'air de sortir de nulle part, en même temps non.

D'ailleurs, le désir est la question de Les derniers jours du monde, un film dont je n'avais jamais entendu parler - alors qu'y joue mon décavé préféré du monde, Mathieu Amalric (<3). Comme dirait Chloé (Karin Viard, pas mal) "c'est fou ce qu'on baise quand ça va mal". Hé oui! Ce film raconte donc les derniers jours du monde, sans grande surprise, dans une France ultra-contemporaine où une sorte de vague catastrophe écologico-politique est en cours - des cendres qui tombent du ciel, des sirènes qui hurlent, de l'eau verdâtre et des types en combinaisons sur la plage - tandis que Robinson (Amalric) cherche à comprendre et à raconter l'enchaînement des événements qui le font se retrouver là, seul, au bord du monde avec un bras en moins. Parce que l'histoire de cette fin, sa fin à lui, c'est une histoire de cul, bon allez, de passion disons, vieille comme le monde - " je veux un truc parce que je sais que je peux pas l'avoir gnagnagna"(paye ton originalité) - pour une fille qui ne fait que passer, qui est toujours ailleurs et qui finit toujours par se tirer. Le récit du passé accompagne une fuite dans le présent au cours de laquelle Robinson récupère une quinqua à la ramasse avec qui se noue un truc bien œdipien, puis finit par retrouver son ex-officielle enfin,  tout ça. Ces deux fuites en avant (celle de la relation amoureuse qui foire à la base et celle de la fin du monde) se nouent dans un récit finalement bien maîtrisé, qu'on n'a pas cherché à trop compliquer, avec toujours cette urgence du désir qui ressemble quand même foutrement à un désir de crever - l'instinct de mort, tout ça. L'aspect apocalyptique est ultra bien fait, sans grandes bravades techniques mais ultra efficace. Et puis Mathieu, aaaaahh Mathieu...  

Dans Rêve de singe aussi on baise beaucoup - mais c'est parce que c'est un film post-Factory qui louche vers du Fellini postmoderne (enfin genre baroco-shoegaze quoi). Dans un NYC de fin du monde - il y a des gens en combi blanches dans la rue quoi -, un type au métier par très clair (Depardieu! Mince alors!) vivote entre une troupe de danseuses-performeuses féministes, un groupe de petits vieux tendance freak/artistes à la retraite et un musée de cire dédiée à la mémoire de l'empire romaine  tenu par un certain Mr Flaxman, sorte de mix improbable entre Jacques Villeret et Néron (??). Il ne se passe pas grand chose: les performeuses l’émasculent un peu symboliquement et se posent des questions, le musée de cire se voit obligé de changer les visages de ses empereurs pour des trucs plus contemporain (Jules César devient ainsi habilement JFK, un compromis historique, donc) et les vieux ont des problèmes de mort, de baise, d'articulations, enfin de vieux quoi. Pourtant, un jour, qu'il promène Luigi, coco italien/peintre (Mastroianni, hihi), notre Gégé trouve sur une plage un singe géant échoué (géant, genre King-Kong size). Mastroianni qui en a marre de passer ses films à trouver des trucs morts échoués sur des plages, se met à chouiner (il chouine d'ailleurs pendant tout le film, littéralement) mais trouve ensuite, dans la pogne du grand, un miiiiiiiignon bébé singe, lui bien vivant et qu'il aimerait bien garder mais il est allergique aux poils, du coup, il rechouine un peu et le refourgue à Gégé. S'ensuit une belle histoire de parentalité chelou, qui finit par une parentalité réelle - mais encore plus chelou et dans un grand embrasement - Rome, tout ça. C'est plutôt bizarre comme truc, mais pas dégueu. Le gros singe donne plutôt bien - ça fait un peu happening à la Banskys.

Not again!
Ce vieux rêve qui bouge, Giraudie, 2001
Les derniers jours du monde, Larrieu,, 2009
Ciao Maschio, Ferreri, 1978

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