lundi 12 octobre 2015

Fin(s) de monde(s)

Toujours au bord de l'apocalypse, voilà trois films qui devraient nous rassurer sur l'avenir du monde - et surtout, sur la possibilité d'en prendre congé quand ça devient trop sale.

La Ballade de Narayama est une sorte de Soylent Green dans le Japon du 19e - original! Une petite communauté paumée dans la montagne a en effet un système de gestion du vieux plutôt maligne: à 70 ans, ceux-ci partent sur la montagne pour aller y finir leurs jours - on appréciera le côté "green" du processus, puisqu'ils sont ensuite nettoyés et recyclés via des hordes de corbeaux 100% bio. Enfin une alternative à la retraite à 67 ans? Après, le suicide du haut du signal de Botrange, c'est pas encore pour demain mais bon. Bizarrement, le film ne parle pas tellement de la ballade en tant que telle - qui n'occupe que les dernières 45' du  film - mais de tout ce qui se passe avant, et il se passe beaucoup de trucs plutôt cochons dans ce patelin là. Entre le rejeton de fin de race tellement puant qu'il se tape le chien des voisins (et à qui on finit par trouver une vraie petite vieille dépourvue d'odorat mais qui peut encore servir, miam) et la nana qui doit se taper tout le village sur ordre de son feu mari au nom d'un genre de démon, ça baise sec ( et mouillé, aussi). Le tout dans une ambiance assez violente de crêpage de chignon entre voisins plutôt hardcore (genre "y zont piqué nos patates, enterrons-les vivants").  A ce stade-là, on comprend que les vioques préfèrent se tirer sur une colline et s'immoler par la neige, d'ailleurs la seule séquence qui calme un peu le jeu, dans un silence presque total, une montée à même la pierre, avouons-le un peu chiante parfois, mais qui permet de prendre une hauteur sur toute cette agitation finalement bien insignifiante, un peu pitoyable dans le fond.

En matière de fin de race, Le Guépard n'est pas mal non plus - et aussi un peu chiatique, faut le dire. Le beau Burt (Lancaster), cow-boy déchu dans la vraie vie, y joue un prince en fin de parcours, confronté à la fin d'une époque, celle de l'aristocratie sicilienne à la veille de l'unification italienne de 1860 (merci Wikipédia). Son fils se met à épouser des roturières, sa femme garde sa culotte au lit, et quand il voit sa descendance, il  se dit que les mariages entre cousins, ça n'améliore pas la race - bah ça. On lui propose pourtant un taf de sénateur qu'il refuse élégamment au prétexte que ce n'est pas qu'un titre et qu'il va falloir faire des trucs, genre aller à des réunions tout ça (heuuuu...). La fin d'un monde, la fin d'un homme, tout ça est très épique et pique, sans faire trop mal, puisque notre prince partira par la ruelle escamotée d'une petite place en ruine, saluée par un glas (glas). Snif, c'est beau.

On le voit pas, mais il est là!
J'ai regardé  Meghe Dhaka Tara un peu par erreur - il existe deux films avec le même nom et j'ai évidemment regardé celui qui ne faisait pas partie de la liste, mais j'm'en moque, parce que celui-ci est une putain de bombe visuelle qui m'a intégralement scotchée - je me suis depuis mise au chant révolutionnaire bengali, c'est dire. C'est d'ailleurs tout à fait une histoire de fin du monde, de la fin d'un homme - et même, de la fin d'un artiste, c'est pas chié donc. Nikantha est un réalisateur/écrivain/metteur en scène qu'on retrouve au moment où il se fait interner pour alcoolisme, dont on découvre qu'il est causé par une dépression (bah tiens) mais qu'on soigne à coups d'électrochocs - dis donc! Après, l'état de l'asile devait pas être bien mignon à l'époque (on est en 1969 en Inde donc), c'est un cuckoo's nest inversé  puisqu'on retrace le parcours de ce pauvre homme qui, en plus d'être théâtreux, est communiste (et après, on s'étonne). En fond, il y a des mouvements communistes qui ont agité l'Inde à plusieurs reprises (re, Wikipédia), une question lancinante sur l'oeuvre d'art, son pouvoir, son utilité, sa portée politique.Tout ça dans une narration éparpillée faite de morceaux de souvenirs, de rêves, de visions, de pièces de théâtre, de chants hypnotiques dans un N/B sublime, Une déchéance, une destruction de l'homme dans ce qu'il a à dire, un désespoir dans le rapport à la machine bureaucratique psychiatrique mais d'une beauté visuelle à tuer sa mère; c'est une apocalypse inéluctable, un navire qui sombre dans des pures images, enfin, voilà truc de psychopathe.

Merci Prozac!
Narayama bushiko, Imamura, 1983
Il Gattopardo, Visconti, 1963
Meghe Dhaka Tara, Mukherjee, 2013

Aucun commentaire: