mardi 9 septembre 2014

Ecran total

Sans vraiment de tentative de trouver un principe unifiant aux quelques films intéressant vus récemment et dans le désordre :

Freaks, bleuette intéressante de Browning,  qui n’est pas loin d’une comédie de remariage telle que la qualifie Cavell, mais dont l’intérêt est évidemment ailleurs que dans la narration. Une longue exergue en amont du film tente de justifier le choix du réalisateur de montrer l’univers de freaks de cirque (« y sont comme nous mais tout le monde l’est méchant avec eux ») mais plus elle dure, plus elle finit par créer un effet inverse : on s’attend alors à voir un truc franchement dégueulasse, des types avec des bras à la place des pieds et le tout dans une lumière digne et documentaliste. Hum. C’est sans compter que c’est produit par la Metro et que ça reste donc un bon film des familles. Les freaks sont bien sur pas bien jolis (on s’est posé la question de la viabilité de certains amputés, tellement rabotés qu’on se demande bien comment ça marche) mais restent dans l’ensemble plutôt sympas, souvent joviaux, et relativement débrouillards. La mise en scène d’une tromperie amoureuse sur le thème de la bonne qui se chope un nain pour récupérer son fric (genre inédit) ne fait pas oublier les longues séquences fascinées dénuées de tout projet artistique autre que de montrer comment un type sans bras ni jambes arrive à s’allumer une clope. On est bien évidemment impressionnés, mais alors pourquoi ce besoin d’invoquer l’injustice humaine faite aux bêtes de cirques quand elles sont finalement l’objet a du film ?  On parle aussi de ce film comme pré-lynchéen. Enfin, à cette allure là, Bosch l’est aussi, alors bon, hein.

The East raconte une histoire inconnue – est-elle bien crédible ?- celle d’une agent secrète privée qui traque des terroristes écologistes pour le compte de grandes sociétés américaines qui foutent du pétrole dans nos pâtes intégrales. Après moults squattages dans des maisons en cartons, des bains collectifs dans la rivière et des longue soirées tricotage de pull en poils de barbe rousse, elle finit bien sur par (spoiler alert) aimer ses ravisseurs (surtout le grand et poilu Skarsgard, qui décidément sait tout faire, y compris sauter ses nouvelles recrues dans les bois (sans les mains ! ouh !)). Bon, c’est un sujet inédit, plutôt pas mal branlé : pas vraiment d’envergure dans le questionnement moral sous-jacent, des images pas mal dans le genre univers industriel postapocalyptique VS la nature et les petits oiseaux et un rythme pas mal mené.

Je confonds Crash de Cronenberg avec au moins un million d’autres films, du coup j’ai encore du mal à croire que le film que j’ai vu est bien celui qui est le bon. Il y a bien des trucs familiers – le rapport organique/machine, les cicatrices équivoques, les morceaux de ferraille dans tous les sens et des acteurs qu’on dirait qu’on les connaît mais sans jamais savoir si c’est eux (ou leur jumeau canadien maléfique). Pour le reste, c’est plutôt étonnant : les clés du film sont données assez vite (le sexe/la mort/les bagnoles, le tout pris dans une certaine forme d’esthétisation fascinante créée par la société du spectacle) mais les scènes de cul durent étonnamment longtemps – genre constituent probablement 75% du film. A posteriori, ça fait plutôt sens, puisque l’accumulation et l’insistance vont vers une montée graduelle de la violence, mais ça peut interloquer au départ. Ça reste plutôt sexy cela dit – contrairement au reste de la filmo qui fait parfois un peu dégueu.

Freaks, Browning, 1932
The East, Batmanglij, 2013

Crash, Cronenberg, 1996.

1 commentaire:

Florian a dit…

De Todd Browning, j'avais vu il y a longtemps The Unknown et beaucoup plus récemment The Blackbird., tous deux avec Lon Chaney (sans compter Dracula). Ils ont tous point commun un travail sur les faux semblant et l'altération du corps. C'est pourquoi je penserais plus à du pré-Cronenberg qu'à du pré-Lynch. Voire du pré-Herzog période Les nains aussi ont commencé petit (qui est un remake avoué, je crois).

D'ailleurs, les films de Browning montrent bien que le bonheur n'est pas toujours dans le pré.
Freaks, je l'avais vu quand j'étais petit. Il avait un pouvoir de suggestion tel que le final m'avait traumatisé.


Je n'ai pas vu East, et j'ai oublié Crash, vu au lycée.

Ca va bien sinon ?