samedi 2 août 2014

Southern Comfort

Je suis récemment tombée sur une série d’œuvres en rapport avec le Dirty South qui m'ont pas mal fait réfléchir quant aux raisons de cette fascination pour cet espace fait de vieux types chelous, de pick-up poussiéreux et de trailerparks. 

Il existe un terme qui se rapporte à ce genre: le Southern Gothic. Si ça caractérise un genre litéraire plutôt typé et daté, on pourrait étendre le terme et y attacher pas mal d'autres œuvres. Dison en gros qu'il s'agit d'un univers situé dans le Sud des USA, dans des milieux souvent plutôt ruraux ou peu urbanisé, peuplés des gens à la ramasse: difficile ici de déterminer ce qui relève du white-trash, du redneck et du hillbilly - je crois commencer à comprendre, mais ça fera l'objet d'un autre article. Ce qui est sur, c'est qu'ils sont tous pas bien malins, survivent aux franges d'une société à moitié livrée à elle-même - ce qui reflète plus ou moins bien la situation économico-sociale du Sud - ultraviolente et fonctionnant avec des codes pas loin du primitivisme. S'y mélangent un fatras de thématiques difficiles à démêler les unes des autres: racisme supposément atavique du Sud, influence de cultures paiennes/vaudoues, bonne vieille obsession américaine pour la religion en général, le tout pris dans une polarisation Nord/Sud qui fait de l'un le con de l'autre.

Le film parangonique est probablement Deliverance. Redneck contre gens normaux, dans un univers naturel que ces derniers maîtrisent peu, consanguinisme et violence sexuelle, tout y est. De façon intéressante, on retrouve quelque chose de similaire à Southern Comfort, qui part du même principe (des soldats en exercices se frottent à des cajuns pas mignons qui les chassent dans un marécage tentaculaire): à chaque fois, le groupe de gentils incriminés n'est en fait pas tellement sympa. Ils l'ont u peu cherché quoi. On pourrait s'attendre à ce que les forces mises en présence soient diamétralement opposées (style un hipster de Portland se perd dans l'Alabama profonde), mais en fait non. Puisque je doute que ces deux films aient une quelconque ambition politico-éducative (style: "regardez-les avec leurs enfants à trois doigts nourris au moonshine, sont pö si méchants"), c'est intéressant à relever. 

Après il y a les films avec des gentils sauvages, comme Beast of the Southern Wild. On pourrait arguer que c'est un peu facile de transformer une région-cloaque abandonnée par la société en une sorte de phalanstère en cabanes de bois, mais c'est un des rares films que j'ai vu sur le Sud qui en donne une vision positive.

Il y a aussi des films à dimension sociale (on va dire), des tranches de vie qui tournent autour de personnages en général foutus depuis le début, qui tentent péniblement de s'en sortir. Faciles à reconnaître, ces films cumulent en général un certains nombres d'éléments: chemise de flanelle, chien méga violent, caravane/vieille ferme à moitié abandonnée, père absent/mère alcoolique, maisons de passe clandestine, gros DMC plein de vieilles flasques de bourbon et  fusil à canon scié sur le siège passager. Entre le cirque de freak et la chronique sociale, on a parfois un peu du mal à faire la part des choses. Winter's bone est un bon exemple de cette tendance, ou plus récemment vu, Joe, (un peu comme Killer Joe, mais dans une plus jolie caravane) avec un Nicolas Cage tout en barbe de cinéma d'auteur qui finit par balancer un vieux père alcoolique par-dessus eul'pont. Cela dit, on peut se poser ici la question de ce que recouvre ce genre: si Joe correspond bien à ce type de film sur l'Amérique profonde, violente et à moitié demeurée qu'on retrouve souvent dans le Southern Gothic, ça pourrait être n'importe quel redneck, de n'importe quelle godforsaken town du fin fond du Midwest. A cet égard, l'excellent recueil de nouvelles de Frank Bill, Crimes in Southern Indiana laisse rêveur face à son avalanche de bouseux qui cuisinent de la méthamphétamine dans leur jardin entre deux partie de chasse au raton. Pourtant, on est pas vraiment dans le Sud.

Parce que dans le Sud, il y a ces visions marécageuses, ces images d'une terre à moitié désolée, aux arbres pétrifiés dont les racine plongées dans la fange et les silhouettes fantomatiques donnent un air presque tarkosvkien au paysage. Le Sud, c'est pas du soleil sur ta peau et du vent dans tes cheveux: il y a une inertie dans l'air, une pesanteur de l'atmosphère, un ciel bas, humide, des tonalités  gris/brun et des étendues d'eau boueuse qui croupissent dans une attente immobile. True Detective quoi.

1 commentaire:

Florian a dit…

Je viens de voir Cat People (1982) qui se passe aussi du côté de la Nouvelle Orléans. Y a-t-il un rapport ?