lundi 11 août 2014

True Detective


Puisqu'on a certainement déjà tout dit à propos de cette série, je vais me joindre au concert des gens qui chouine leur mère sur cette série, sans vrai souci d'en dire quelque chose de mieux ou de plus malin. Trois choses seulement:

- le personnage de flic super freak, en général en tandem avec un type plutôt normal. Le frlic (frleak?) correspond à un type qu'on voit pas mal dans ces séries policières à ambiance grinçante un peu glauque: Linden dans The Killing, Cross dans The Bridge plus plein d'autres que je zappe. En général, le frlic est méga intelligent, possède une sorte d'intuition un poil zarbi, parle à ses mains et découvre des trucs que personne d'autre il peut les comprendre. Du coup, il est souvent tout seul, n'a pas vraiment de famille, s'habille comme un plouc et est pour ainsi dire légèrement autiste. Ici, on est en plein dedans, avec un petit truc en plus qui fait que. 

- le bayou et le Sud en général: déjà mentionné précédemment, le Sud fascine pour tout un tas de raisons: c'est un réservoirs à redneck et hillbillies en tout genre, c'est un peu le petit secret dégueu des USA, le truc qu'on range sous le tapis et qu'on préfère pas trop montrer aux visiteurs. Mais le bayou génère en plus une certaine fascination, qui joue à plein ici parce qu'il fonctionne à la marge à différents points de vue. Du point de vue géographique parce qu'il est aux confins d'une terre à moitié immergée, toujours à moitié en train de disparaître; du point de vue social, parce qu'il concentre une population plus ou moins livrée à elle-même (en tout cas dans l'image qu'on en donne) à la marge d'une société américaine au sourire bright; du point de vue anthropologique, parce qu'il semble concentrer et mêler des croyances de tous bords en un joyeux bordel vaudou pagano-chrétien de l'extrême. Ici, la marginalité est clairement le sujet: les longs plans aériens sur les swamps, les images immobiles de caravanes posées sur des cailloux au milieu de nulle part, les arbres à moitié crevés, des communautés en pure décomposition qui végètent sur le bord de routes abandonnées et une logique spirituelle à la limite même d'une spiritualité "moderne".



- Le personnage de Cohle enfin, écrit par un putain de Schopenauerien en pleine décompensation heidegérienne, qui fout un coup de mou à tous les personnages de flics cyniques jamais écrits. Beaucoup de gens sont étonnés par la prestation de McConaughey, mais ceux qui l'ont vu dans Joe connaissent déjà son bon vieil accent traînant qui pue le bourbon. Là où c'est radical ici, c'est qu'il ne plie jamais vraiment, sauf peut-être à la fin (moment moyennement validé par moi). Les personnages de grands cyniques ne sont en général supportés que pour deux raisons: ils font avancer les choses, parce que souvent les plus finauds et ils sont en fait humains (le fameux moment-où-on-comprend-qu'en-fait-il-a-trop-souffert-mais-dans-le-fond-il-aime-aussi-les-lolcats). Ici, ce moment arrive vraiment in extremis- est-ce que ce serait un petit manque de couilles au niveau de l'écriture? Je trouve que. Mais pour le reste, le personnage est écrit comme un pur cynique qui finalement dit un certain nombre de choses avec lequel on peut difficilement ne pas être d'accord. Ce qui est plutôt drôle, c'est que pour qu'un personnage pareil puisse exister à la télé aujourd'hui, il doive automatiquement être un type complètement barré, un peu comme si c'était inconcevable qu'une personne normale tienne ce genre de discours. Pour ma part, je suis assez d'accord avec ce qu'il dit, et je ne vois pas encore de trucs dans le ciel quand je réfléchis trop. Ça renvoie d'ailleurs à un truc qu'il dit lui-même sur le besoin d'intégrer une expérience à une narration rassurante (autour du deuxième ou troisième épisode). De là à dire qu'il y à auto-méta référence infratextuelle, bah on va laisser ça aux dérridéens bretons. Mais ça en dit quand même long sur l'aveuglement de l'époque actuelle à considérer les choses comme elles le sont et cette putain d'obligation du bonheur qui finira par rendre fou pas mal de gens.

Voilà trois bonnes raisons de regarder ça. Y'en a plein d'autres aussi et probablement une masses de commentaires plus intelligents à faire sur la métaphysique de Cohle, mais ça me semble suffisant.

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