Grève aidant, j’ai enfin le temps de m’étendre sur quelques
films vus récemment un peu tous dans le genre cow-boy 2.0.
Bone tomahawk est
un vrai western : y’a des indiens, des cow-boys, du whisky et une femme en
détresse mais il y a un ton, une atmosphère qui en fait quelque chose d’autre –
on sait pas trop bien quoi. L’intrigue
est plutôt simple : des indiens tout vilains kidnappent des villageois
tout sympas sans donner de raison vraiment – en fait une histoire de vengeance
pas nette, mais bon. Le sheriff du coin, pas trop content, rameute une bande de
types prêts à en découdre pour pister, tuer, sauver, venger ; enfin tout
ça. Alors ça commence comme ça, mais ça devient vite un peu strange : les
types en mission font parfois un peu bras cassés (un futur amputé, un vieux sur
le déclin, un semi-psychopathe en pleine
décompensation œdipienne), et les indiens sont carrément des trucs flippants :
y zont pas de chevaux, pas vraiment de plumes, pas de tipi et ne disent pas
hugh. Non, ils ne disent rien et poussent des cris qui font peur (entre le
chant des baleines et l’accouchement du pachyderme). Bigre ! On assiste
d’ailleurs à quelques savoureuses scènes de découpage humain qu’il faudrait
montrer plus souvent à nos amis végétariens : peut-être cela les
convaincrait-ils de cesser de nous bourrer le mou avec ces histoire d’abattages
rituels. C’est un peu du néo-western, ou
même du post si on veut, de par ce côté un peu penaud, pas bien fier, un peu
trivial et terre à terre (« Embrasse –moi fougueusement mon amour que je
croyais perdu ! » « Heu oui chouke, mais t’as un cartilage entre
les dents, là, atta, voilà, a pu »), des cow-boys pas toujours héroïques,
qui font les malins sans trop y croire : finalement, c’est drôle, c’est
sanglant, c’est pleins de beaux paysages et de suspensme de folie – que demande
le peuple, enfin (à part la fin de la semaine de 50 heures) ?
The mechanic est
lui aussi un film de mecs super burnés
mais quand même avec de l’amûûr dans le fond.
Charles Bronson, le cow-boy moderne parangonique est le mechanic Bishop ,
un tueur à gage super classe qui dézingue des gens à la demande. Il vit dans
une maison qui a vraisemblablement été décorée par l’architecte d’intérieur
d’Elvis ( rien que la maison vaut de se taper le film en fait), avec un design
super bizarre, des genre de cascades intérieures et des jardinets suspendus
qu’on a du mal à trouver les chiottes. Extravagance d’autant plus bizarre que
ce Bishop est la sobriété et l’austérité même : il ne lâche absolument
aucun mot pendant les 20 premières minutes du film – même pas pour penser à
voix haute ou se morigéner lui-même (« mais quel con, t’as oublié le
détonateur dans le coffre, putain »). Quel sang-froid, quelle maîtrise,
quel savoir-faire, quel homme de glace. Mais qui percera sa solitude de cowboy
solitaire, huuum ? Hé bien ce n’est pas une jolie petite, mais un bien un
gentil petit gars qui sous prétexte qu’il a plus de père (dézingué par le
Bishop en question), va se mettre à coller aux basques du tueur en mode
« apprends-moi tout, fais de moi ton disciple et donne-moi le numéro
de ton décorateur, pliz ! ». Bishop exulte intérieurement, mais à
l’extérieur il se contente de lever un sourcil (il le fait SUPER bien) et de
dire « OK petit, mais tu la fermes et tu t’achètes un costume ».
C’est donc le début d’une merveilleuse amitié ( et plus si affinités selon
moi). Mais peut-on vraiment faire confiance à un tueur ? Suspensme !
Enfin, El abrazo del serpiente, aussi un film
avec des indiens mais plus amazoniens ceux-ci. Double récit de la quête d’une
plante magique dont j’ai oublié le nom, on y voit un botaniste flamand
halluciné à l’attaque du fleuve vivre plein d’aventures rigolotes avec en contrepoint le récit de la même
quête, mais 40 ans plus tard, par un jeune photographe teuton tendance chemise
à carreaux. Les deux cheminements
rencontreront cependant les mêmes écueils : secte de religieux rendus à
moitié fous par ce qu’on pourrait appeler le syndrome Kurtz, tribus étranges prises
dans des guerres auxquelles on ne
comprend rien, excès de bagage des pirogues et surcoûts entraînés par le
dépassement du poids autorisé en cabine. La prochaine fois, ils prendront Air France.
A partir d’une idée finalement assez
vieille – le récit initiatique du découvreur d’un monde oublié – l’approche par
récits parallèles rend le film particulier et vachement beau, en fait. Le choc culturel, les rencontres chelou, l’impassibilité
du fleuve – tout est donné dans une lenteur, avec une certaine pesanteur qui
échappe au new-age concon ou au film paternaliste. Impeccable N/B, économie de
paroles et justesse du jeu : bah qu’c’est joli, tiens.
Bone tomahawk, Zahler, 2015
The mechanic, Winner, 1972
El abrazo del serpiente, Guerra, 2015
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