mardi 25 février 2014

Ecran total

Dans ma quête du sens du Loup de Wall street, j'ai vu Casino. On retrouve évidemment plein de trucs communs avec Goodfellas, narration, image, plans, rapports de force; mais j'ai trouvé Casino plus intense, plus exagéré dans le forçage des passions - comme si elles étaient exacerbées par le confinement géographique. Il existe un intéressant texte de Tow Wolfe sur Vegas, qui résume bien le côté absurde et complètement dément du lieu qui commence par ces mots 
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Bref, vous saisissez le truc. Des personnages parfois pas loin de la caricature nitzschéenne, de l'hubris, tout ça; avec un De Niro de marbre, qui voudrait bien qu'on arrête de niquer sa pelouse. Le personnage de Sharon Stone est vraiment fascinant, sorte de parangon de l'hystérie quand on pensait encore que c'était un truc causé par les ovaires, et le clin d'oeil à la Camille de Godard  est plutôt drôle parce que c'est d'une certaine façon tout à fait ça mais en même temps pas du tout, un peu comme un parc à thème Godard au milieu du Strip, donc.

Toujours dans le registre gangster, j'ai revu Wild at heart, dont j'avais lu le bouquin il y a un certain temps. J'avais oublié une grosse partie du film, puisque je me souvenais surtout de Willem Dafoe et de ses dents toutes pourrites. Ça m'a par contre confirmé un truc que je commence à ressentir en regardant des films de Lynch, c'est qu'ils sont plus dans une perspective de perception que de description, de compréhension. Une série de gros plans trop longs, insistants sur des personnages déformés, des expressions exagérées jusqu'à la grimace, la récurrence de Grace Zabriskie: et si ce n'était que des pures sensations reproduites plutôt qu'une tentative de faire comique, de critiquer, de créer un univers de double sens, triple signification et de déploiement de synecdoquique, huuum? Les fausses cartes au trésor que laissent les films, avec des indices - "Mais c'était un rêve fait par sa soeur dans lequel elle devient la mère du fils de son voisin nain, tu vois?" - grosses de théories à construire sont marrantes parce qu'elles dérangent l'exigence d'une certaine organisation, explication ou à défaut, d’une herméneutique auctoriale qui donnerait l'impression qu'au moins une personne "sait ce qu'il a voulu dire". Peut-être pas en fait. Dans un film positif et réellement bienveillant pour ses protagonistes comme Wild at Heart, c'est finalement l'adhésion à un certain lâcher prise qui permet peut-être de voir le film comme ce qu'il chercher à faire: pas forcément à dire, mais à donner à sentir.

The Elephant Man est également un film absolument civil et charitable vis à vis de ses spectateurs: bon, Merrick en prend un peu plein la gueule, mais rien de dérangeant n'affleure à la surface, et tout est bien qui finit bien - la mort donnant une réponse qui arrange bien tout le monde moralement parlant, puisqu'on voit quand même que poussée jusqu'à un certain point, la situation reste un peu gênante aux entournures. Le sous-texte industriel est visiblement là pour quelque chose mais quoi? Comme je me suis débarrassée de toute exigence de faire sens, je m'en moque pas mal, si ce n'est le contraste entre deux univers, entre le bruit, l'absence d'humanité, les machines broyant et dont le manque d'un plan global, le confinement à des plans partiels empêche à chaque fois de saisir la véritable fonction, les laissant à des bouts de mécanismes qui tournent à vide, sans visée -de sens, bien vu.

To have and have not est un film dont je ne retiendrai jamais le nom sans me gourer, mais fichtre. Je n'avais jamais vu Bacall dans un film, je suis donc bien aise de la découvrir avec Humphrey qui ne faillit pas à son côté gossbo à la coule  - y porte même sa casquette de marin de travers, trop chic. Le duo est ce qui fonctionne dans le film - bon ça et le texte de Hemingway, allez - et pas mal de leurs échanges de regards, de gestes, surtout la première rencontre sont vraiment hallucinants de tension, d'une sorte d'incandescence tranquille (qui est tout à fait la façon dont j'imaginais Bacall). J'ai bien aimé la référence, qui n'est probablement destinée qu'à moi, secrètement, c'est le nom du bar dans lequel se chantent des trucs pas bien catholiques:


Le bar du Zombie. Héhé.

Casino, Scorcese, 1995
Wild at heart, Lynch, 1990
The Elephant man, Lynch, 1980
To have and have not, Hawks, 1944

The Kandy-Kolored-Flake Streamline, Baby, Wolfe, 1965

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