lundi 15 février 2016

Ecran total

J'essaye de varier les plaisirs, mais on ne se refait pas: un Humphrey, un Carpenter, une histoire d'écrivain au cinéma et un petit Dardenne goes to Sundance en prime. Fiou.

Humphrey, c'est dans Beat the Devil. J'avais pensé faire un cycle de films avec le mot Devil ou Satan dans le titre, mais il y en a trop - c'est l'oeuvre d'une vie. Du coup, je me retrouve avec pas mal de déchets plutôt sympathiques, dont celui-ci. C'est une histoire de types louches qui montent des embrouilles en attendant d'embarquer pour l'Afrique à l'assaut de mines d'uranium (et plus si affinités). Humphrey est Bill, grand brun ombrageux à la mine fatiguée, une femme dans chaque port et une arnaque dans chaque mallette. Ses associés ne valent pas mieux, mais ont en plus des putain de têtes patibulaires de mafieu français, de docteur nazi allemand ou de grand dadais à l'origine trouble. La-dessus débarque la Femme, sous la forme d'une petite blonde dont on a du mal à savoir si elle est con, sans aucune pitié ou tout simplement complètement folle. Comme elle joue l'innocente, elle est en plus super énervante et ne prend jamais la claque qu'elle mérite pourtant bien. Bref, cette hétaïre va, à force de mensonges crétins et de coups de foudre ridicules foutre un peu le bordel dans une affaire qui n'était déjà pas bien vaillante. C'est limite drôle, tellement c'est gros. Tout ça se termine par une traversée en bateau délirante, une incursion sur une plage algérienne absurde - et un happy-end digne d'une bonne screwball  (et tout ça dans la dernière demi-heure, n'en jetez plus!). C'est pas mauvais, mais un peu cryptique; d'où vient ce personnage de femme fatalo-ridicule? Et pourquoi?

The Fog fait donc suite au Mist qui m'avait fort bien plu. Ici, c'est inspiré d'une nouvelle de Poe, avec des belles citations en voix-off et un côté ambianceur-au-coin-du-feu. L'idée est toute simple: des lépreux assassinés par un curé sans vergogne reviennent se venger dans un grand brouillard étrangement fluo. D'abord interloqués, les locaux finissent par découvrir le pot aux roses et jeter en pâture celui à qui la faute revient - devinez qui! Comme c'est étalé sur deux nuits, il y a une progression qui permet de reprendre un peu son souffle - et de trouver des trucs bizarres sur la plage et dans des péniches échouées, mouhaha. L'élément brouillard est plutôt bien travaillé et sort d'une vision trop directe qui gâcherait un peu. Tout est fait d'ombres, d'ectoplasmes à chapeau et bras-crochets qui tanguent dans la brume. Que c'est beau! Il y a aussi des images hallucinantes de phare et de bout du monde, vraiment pas mal foutues.

Providence est un film qui répond enfin à cette question qui nous taraude: mais c'est comment qu'on écrit, donc? Hé bien c'est simple, en pitant du blanc dès le ptit dej'! On suit ici deux histoires en parallèles - l'écrivain écrivant (enfin, dans sa tête, il manie plus la bouteille que le bic) et l'histoire qu'il raconte. Comme il est un peu bourré sur la fin, les deux se mélangent - et nous aussi. L'histoire dans l'histoire est plutôt cool - c'est dommage que ce cher homme soit trop torché pour la finir - puisqu'il s'agit d'un genre de monde en phase de destruction style postapocalypse dans lequel les vieux attrapent des poils partout (enfin, se transforment en loups-garous disons). Un soldat ayant achevé l'un de ces vioques à poils, se retrouve jugé pour meurtre - alors qu'il essayait juste de rendre service, en fait. Là-dessus, il se tape la nana de l'avocat de la défense qui n'est pas bien content - alors qu'il essayait juste de rendre service, en fait. Le pauvre. S'ensuit un imbroglio amoureux pas bien drôle, ni très sexy qui se mixe progressivement à l'esprit gnôlé de l'écrivain pour finir dans un bordel réalité/fiction qui fait mal à la tête. Resnais aime bien parler d'Art, de fiction, de jeu, de comment ça commence et de où ça finit. Parfois c'est un peu lourd, mais là, ça va - il y a des loups-garous de temps en temps qui égayent un peu le tout.

Et enfin, une bonne histoire d'accidents de mine qui tourne mal: Little Accidents. Comme dans tout film d'auteur indépendant Sundancesque, il y a Chloe Sevigny, pareille à elle-même, il y a des questions sans réponse, des couples fatigués et du pardon dans l'air, mais pas que. A la suite d'un accident donc, qui emporte une dizaine de mineurs, on suit les histoires de quatre personnes - la mère de famille veuve, le rescapé, la femme du coron et le fils de mineur resté sans père. Bien sûr, comme dans tout drame social, rien n'est simple et chaque mouvement pour faire du bien à l'un tape sur un autre. C'est ballot, la vie quand même. Finalement, le film n'est pas mauvais - quelques grosses ficelles scénaristiques sans doute, quelques trucs un peu faciles au  niveau visuel et puis pas forcément vraisemblables parfois. Mais c'est fait avec une certaine candeur, une douceur dans les couleurs et les plans, une tentative d'éviter d'être trop moral, de se garder de juger. Et puis, ça se passe ailleurs qu'à Seraing, pour une fois et ça, ça nous fait des putain de vacances!

Beat the Devil, Huston, 1953
The Fog, Caprenter, 1980
Providence, Resnais, 1977
Little acciddents, Colangelo, 2014

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