lundi 3 décembre 2012

Ecran total

Le hasard fait parfois bien les choses. Ainsi m'offrit-il cette semaine une série de films complètement hétéroclites qui se révélèrent pourtant avoir une affinité particulière - les personnages féminins y sont tous à moitié dingues. Comme c'est aujourd'hui la journée internationale de l'hystérie féminine, en voici un succédané.

Experiment perilous est une variation maléfique du mythe de pygmalion: un vieux type se déniche une pov'orpheline qui court les champs de fleurs en jupons qu'il éduque jusqu'à ce qu'elle ressemble à quelque chose puis l'épouse. Hélas, elle est dérangée cette petite! Il la fait donc examine en schmett par un psychiatre qui finit par découvrir le pot aux roses jaunes - on la lui fait pas, il avait déjà vu Gaslight. Dramatiquement, on est entre escaliers dérobés, fuite de gaz et rencontres inopinées dans un train. 

Une autre femme qu'elle est bien soumise, c'est la pauvre Susan dans Sweet smell of success : entre un frère à moitié incestueux digne de Chuck Bass en terme de manipulation, son pote/clébard qui joue les petites mains et lui organise ses coups fourrés et un mec qui a le charisme d'un fil à linge, elle est bien mal barrée. Plus que l'ignominie morale de Burt Lancaster - en journaliste pourri - c'est la situation de cette pauvrette qui fait de la peine - toute gentille et tout qu'elle est. Le film est bien noir donc, filmé de nuit essentiellement, dans un New-York fait de clubs ds jazz, d'entrée d'immeubles et de bars hoppériens; heureusement, le jour se lève toujours à la fin et la petite file en douce sans laisser d'adresse. 

Dans Le genou de Claire, les femmes sont toutes à moitié hystériques, ce qui fait l'aubaine de Jérôme, trentenaire en déroute - un pléonasme? - qui décide de séduire une petite minette puis sa soeur pour retourner ensuite se marier  à une grande suédoise qui fait de l'humanitaire. En bon pervers pépère, ce cher Jérôme essaie de nous faire croire que ses tentatives ne sont qu'une façon de jouer le rôle que lui a accordé son ancienne - vraisemblablement fuck - friend Aurora, roumaine écrivaine de son état. On y croit moyennement et on s'indigne un peu quand Jérôme raconte d'un petit air satisfait comment il a brisé le coeur de Claire en lui balançant qu'il a vu son mec avec une autre. Tout ça pour se taper son genou. Mention spéciale à Luchini, qui devait avoir 14 ans à l'époque et qui est déjà.... lui-même.

Si le personnage de jeune femme fragile hystérique livrée sans merci à un prédateur tyrannique et pervers tout plein semble trouver un vrai consensus dans les films des années 40 et 50, le personnage de la mère n'est pas mieux loti. Si vous vous demandiez que devient la jeune beauté aux yeux clairs une fois libérée de son bourreau, c'est simple: elle se marie, fait des mômes et passe le reste de sa vie à les martyriser. Des personnages de mères manipulatrices, on en trouve à la pelle, mais le plus bel hommage à cette figure se trouve probablement dans Anguish, un film que j'ai vu doublé en espagnol pour une raison qui m'échappe. Ici, une mère plus castratrice que dans les pires cauchemars hitchcockiens hypnotise son fils et l'oblige à piquer les yeux des gens. Heureusement, cette intrigue est celle du film que les spectateurs qui sont, eux, dans le film, regardent.  Malheureusement, l'image possède ce pouvoir de rendre loco les gens qui a) passent trop de temps devant la télé et b) ont visiblement oublié de prendre leurs cachets. Tout ça finit très mal dans un maelstrom de références cinématographiques, d'allusions lacaniennes et de réflexions hamlétiennes - le mousetrap, la mise en abyme, l'hétérotopie et le pop-corn comme élément paradoxal - et la séance est interrompue dans un final digne d'une salle de cinéma serbe. Por favor.

Experiment perilous, Tourneur, 1944.
Sweet smell of success, Mc Kendrick, 1957
Le genou de Claire, Rohmer, 1970.
Anguish, Luna, 1987.

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