mardi 15 janvier 2013

Ecran total

Pour poursuivre sur le thème de l'hystérie féminine au cinéma, Europa 51 n'est pas mal du tout. La pauvre Ingrid Bergman, en pleine crise existentielle après la mort de son marmot, se met à traîner dans les bas-fonds prolo de Rome et, OMG, découvre que c'est pas bien jouasse. Bien évidemment, son entourage de bourgeois assimile cette social-traîtrise à une folie passagère et plus si affinités. Le thème de la pauv'fille manipulée par son entourage fait un peu penser à Family life, avec une iconographie religio-kitsch en plus - Sainte Ingrid priez pour nous. La représentation un peu Yabonbananiesque des ouvriers italiens peut faire sourire - sont meugnons, avec leurs haillons dépareillés, n'pas? - mais les images des cités dortoirs rattrapent le coup. 

Un film de tueur à gages - mais pas que - Killing Them Softly, pour ceux qui supportent Brad Pitt. Pas trop mal, sans casser des briques: sur fond de crise financière, deux truands de pacotille braquent une salle de poker clandestine. Le Brad est donc appelé pour mettre de l'ordre dans tout ça. Le prologue est pas mal du tout et les décors de ville américaine de fin du monde donnent un ton sympa. Y'a quelques scènes de passage à tabac qui font voler quelques dents. Mais parfois, la crise, ça fait un peu chier quand même. Brad, président?

Un autre film de tueur-mais-pas-que c'est Kill List, qui m'a foutu une énorme claque - je n'ai toujours pas compris le truc des masques en paille - et qui est un des meilleurs trucs que j'aie vus récemment. Un début classiquissime - deux ex d'Irak reconvertis dans le meurtre sur commande prennent une mission après une pause-carrière due au pétage de plomb d'un des deux à Kiev (putain, mais pourquoi là??)  - bon, y'a des intertitres, des bulldogs dans le paysages et de la banlieue grise - puis ça part en vrille en un coup. Plein de faux indices - qui ne sont JAMAIS expliqués - ont l'air de former une sorte de constellation de sens - mais en fait NAN - et c'est vachement frustrant. Bref, ça tabasse bien et ça tourne au vrai bon film d'horreur qui te fait peur dans ton lit après. Bouh.

Dans un style plus girly, y a Tiny Furniture, un vrai film assorti à ma chemise à carreaux et à mon bonnet mou: oui, j'ai même pas peur de le dire, non seulement je suis méga-fan de Girls, sa série sur HBO mais en plus j'ai bien aimé le premier long de Lena Dunham, la seule personne qui se montre en public avec des cheveux plus foireux que les miens. Respect. Concrètement, ça n'apporte pas grand chose de nouveau, si ce n'est une énième histoire de relation mère-fille(s) et de problèmes qui ne nous énervent PAS du TOUT ( "haaan chuis artiste-en-devenir, mais la vie c'est dur") mais je trouve ça bien écrit et y a quelques scènes d'hystérie allenesques grave bien.

The Connection parle aussi de hipsters new-yorkais, mais dans un autre style: film sur un film dans le film dans un appartement de junkies qui attendent leur dope - amenée par un fringant jeune homme appelé Cow-Boy, pun intended - et qui font, bah, pas grand-chose: du jazz, de la déblatération, du perçage d'abcès et des discussions philosophiques sur l'oeuvre d'art à l'ère de la reproductibilité technique. Dans la droite ligne de Shadows, et dans un cycle Ciao America que je n'ai pas encore achevé - parce que j'aime bien quand l'Internet me dit quoi regarder.

Pour finir, une petite douceur d'hystérisation qui m'a laissée perplexe - linguistiquement parlant -  pendant un bon moment: Stellet Licht. après avoir vu Post Tenebras Lux, je me suis posé des questions et ai entrepris d'essayer de comprendre le coup du bouquetin luminescent du début et de la fin du film - je suis donc en train de remonter la filmo de Reygadas - so far, so good. Stille licht part un peu du même concept: raconter le drame ordinaire d'une famille qui s'est isolée dans un univers à part - et dont on peut penser que c'est l'isolation qui crée la dynamique morbide qui mène au drame. Bon bref, ici, il s'agit d'un couple - avec moult enfants, car ils sont mennonites - qui tente de surmonter l'infidélité de l'homme, avouée et reconnue; infidélité à laquelle il semble ne pas pouvoir mettre de terme et qui est subie par sa régulière avec une dévotion et une psychosomatisaton toute hystérique - et voilà pourquoi ça finit mal. Comme PTL, beaucoup de longs plans atmosphériques de couchers de soleil, de changements de lumière, de larges paysages organiques qui travaillent bien avec la lenteur et l'absence totale de vision de l'adultère, la pudeur absolue de l'expression des sentiments. En fait, c'est vraiment très très beau, et reposant d'une certaine façon. 

Europa 51, Rossellini, 1952
Killing them softly, Dominik, 2012
Kill list, Wheatley, 2011
Tiny furniture, Dunham, 2010
The connection, Clarke, 1962
Stellet licht, Reygadas, 2007

Aucun commentaire: